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TROISIÈME
CONFÉRENCE
ANTHROPOSOPHIE ET
ORIENTATION MONDIALE
Vienne, le 3
juin 1922 |
DRITTER VORTRAG
ANTHROPOSOPHIE
UND UND
WELTORIENTIERUNG
Wien, 3. Juni
1922 |
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Les
références Rudolf Steiner Œuvres
complètes ga 083 079-107 (1981)
03/06/1922
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Aujourd'hui ce serait peut-être : de
l'immédiateté de l'éternité.
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Mes très chers présents ! Goethe, qui a
exprimé en expressions simples tant de
grandes choses qui font bouger les humains,
a aussi écrit cette phrase : " Que chacun se
demande quad même avec quel organe il peut
en tout cas agir sur son temps et agira" !
Si on laisse agir sur soi une telle
déclaration, avec tout ce dont on peut
savoir que ça a pu traverser l'âme de
Goethe, en faisant une telle déclaration, on
est alors transporté dans tout le rapport de
l'humain à la vie historique. Certes
aujourd'hui encore, chez la plupart des
humains cela se déroule, plus ou moins
inconsciemment, qu'ils cherchent à gagner
leur point de vue particulier, par lequel
ils trouvent la possibilité d'employer leurs
forces de la Faso correcte dans le cours de
l'évolution de l'humanité, que cette mise en
œuvre se fasse à partir de l'esprit de
l'époque dans laquelle ils vivent. Mais on a
bien la permission de dire qu'une
observation même superficielle de la vie
humaine dans son évolution montre que les
humains sont finalement obligés d'organiser
leur vie de manière de plus en plus
consciente. La vie instinctive était la
caractéristique des anciennes époques de
culture. Le passage à une conscience
toujours plus grande est aussi un facteur
historique. Et à l'heure actuelle, on peut
déjà sentir comment la vie, devenue de plus
en plus compliquée, exige de l'humain qu'il
se place avec un certain degré de
conscience, même s'il occupe une place
peut-être encore peu remarquable, dans
l'évolution de l'humanité. Seuls tout de
suite lors de l'aspiration à un tel point de
vue, nous avons aujourd'hui encore peu de
points de repère dans l'observation de
l'évolution historique de l'humanité.
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01
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Meine sehr verehrten
Anwesenden! Goethe, der so vieles großes
Menschenbewegende in einfache Ausdrücke
geprägt hat, schrieb auch den Satz nieder:
«Frage sich doch jeder, mit welchem Organ er
allenfalls in seine Zeit einwirken kann und
wird!» Läßt man einen solchen Ausspruch
mit all dem, wovon man wissen kann, daß es
durch Goethes Seele gezogen sein könnte,
indem er einen solchen Ausspruch tat auf
sich wirken, so wird man hineinversetzt in
das ganze Verhältnis des Menschen zum
geschichtlichen Leben. Gewiß verläuft das
heute noch bei den meisten Menschen mehr
oder weniger unbewußt, daß sie suchen, ihren
besonderen Standpunkt zu gewinnen, durch den
sie die Möglichkeit finden, in der rechten
Art ihre Kräfte so einzusetzen im
Entwickelungsgang der Menschheit, daß dieses
Einsetzen aus dem Geist der Epoche heraus
geschieht, in der sie leben. Aber man darf
wohl sagen: eine schon oberflächliche
Betrachtung des menschlichen Lebens in
seiner Entwickelung zeigt, daß die Menschen
schließlich darauf angewiesen sind, immer
bewußter und bewußter ihr Leben zu
gestalten. Das instinktive Leben war das
Kennzeichen alter Kulturepochen. Der
Übergang zu einer immer größeren Bewußtheit
ist auch ein geschichtlicher Faktor. Und in
der Gegenwart kann man schon fühlen, wie das
immer komplizierter und komplizierter
gewordene Leben von dem Menschen fordert,
daß er mit einem gewissen Grad von
Bewußtsein sich hineinstelle, wenn er auch
auf einem vielleicht noch so wenig
bemerkenswerten Platz steht, in die
Entwickelung der Menschheit. Allein gerade
bei dem Streben nach einem solchen
Standpunkt haben wir im Grunde heute noch
wenig Anhaltspunkte an der Betrachtung der
geschichtlichen Entwickelung der Menschheit.
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Cette observation de l'évolution
historique de l'humanité, dans le sens le
plus récent d'une science, n'est en fait pas
encore très ancienne. Et on aimerait dire
que l'on ressent la jeunesse de
l'observation historique dans ce qui vient
justement de se manifester dans
l'historiographie.
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02
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Diese Betrachtung der
geschichtlichen Entwickelung der Menschheit
im neueren Sinn einer Wissenschaft ist
eigentlich noch nicht besonders alt. Und man
möchte sagen, man verspürt die Jugend der
geschichtlichen Betrachtung in dem, was eben
in der Geschichtsschreibung zutage getreten
ist.
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Cette historiographie a produit de grandes
choses. En se développant à partir de
l'écriture non scientifique des chroniques
qui régnait encore au XIXe siècle, elle a
essayé, parce qu'elle est tombée dans l'ère
de science de la nature, de prendre de plus
en plus aussi des formes de science de la
nature. Et c'est ainsi que nous voyons que
l'approche historique s'est de plus en plus
rapprochée de l'idée que ce qui suit devrait
toujours être compris de manière causale à
partir de ce qui précède. Mais celui qui est
suffisamment impartial peut voir que, bien
qu'une telle considération causale de la vie
historique de l'humanité mène loin, il reste
encore d'innombrables faits de cette vie
historique qui ne peuvent pas être rangés
sans contradiction dans une simple
considération des causes. Et alors vous
apparaît volontiers une image qui peut
pourvoir de sens la vie historique : l'image
d'un courant s'écoulant chez lequel nous ne
pourrions cependant pas toujours déduire ce
qui se trouve à un certain point du cours de
ce qui se trouve un peu plus en amont, mais
nous devrions tenir compte du fait que dans
ses profondeurs agissent toutes sortes de
forces qui peuvent en tout lieu se presser à
la surface, soulever des vagues qui ne sont
pas conditionnées par celles qui les
précèdent.
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03
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Diese Geschichtsschreibung
hat Großartiges hervorgebracht. Allein indem
sie sich aus der ja sogar im 18. Jahrhundert
noch herrschenden unwissenschaftlichen
Chronikenschreibung herausentwickelte,
versuchte sie, weil sie in das
naturwissenschaftliche Zeitalter hineinfiel,
immer mehr und mehr auch
naturwissenschaftliche Formen anzunehmen.
Und so sehen wir, daß sich die
geschichtliche Betrachtungsweise mehr und
mehr der Anschauung genähert hat, daß immer
das Folgende aus dem Vorhergehenden
ursächlich begriffen werden müsse. Aber wer
unbefangen genug ist, kann sehen, daß zwar
eine solche ursächliche Betrachtung des
geschichtlichen Lebens der Menschheit weit
führt, daß aber immer noch zahllose
Tatsachen dieses geschichtlichen Lebens
bleiben, die sich nicht widerspruchslos
einreihen lassen in eine einfache
Ursachenbetrachtung. Und dann erscheint
einem wohl ein Bild, das versinnlichen kann
das geschichtliche Leben: das Bild eines
fortfließenden Stromes, bei dem wir aber
dasjenige, was an einem bestimmten Punkte
seines Laufes ist, nicht immer bloß
herleiten könnten aus dem, was ein wenig
weiter stromaufwärts ist, sondern bei dem
wir Rücksicht darauf nehmen müßten, daß in
seinen Tiefen allerlei von Kräften waltet,
die sich an jeder Stelle an die Oberfläche
drängen können, Wellen aufwerfen können, die
nicht durch die vorhergehenden bedingt sind.
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C'est ainsi que la vie historique de
l'humanité nous semble indiquer des
profondeurs indicibles, nous apparaît comme
une surface sur laquelle s'élèvent des
forces incommensurables. Et la contemplation
humaine ne peut guère avoir la prétention de
voir en détail tout ce qui est
particulièrement particulier à une époque
donnée. C'est pourquoi l'observation
historique devra de plus en plus se
rapprocher de ce que j'aimerais appeler une
observation symptomatologique. Nous devons
donc aussi constater l'état de santé et de
maladie de l'organisme humain, qui est une
totalité si richement différenciée, en
observant les symptômes par lesquels cet
organisme se manifeste. De même, nous devons
sans doute nous habituer peu à peu à
pratiquer une symptomatologie historique :
de comprendre ce qui s'annonce à la surface
de telle sorte que cela nous indique des
choses isolées et que, grâce à des symptômes
de plus en plus nombreux que nous saisissons
dans notre vision, nous en venions à laisser
agir sur nous le vivant intérieur du devenir
historique de telle sorte que, grâce à la
saisie psychique/d'âme intérieure des forces
historiques de l'humanité, qui agissent
aussi dans notre âme par toutes sortes de
détours, nous soyons en mesure de trouver
notre place dans l'évolution de l'humanité.
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04
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So scheint wohl auch das
geschichtliche Leben der Menschheit
hineinzuweisen in unsägliche Tiefen,
erscheint uns wie eine Oberfläche, an die
heraufstoßen unermeßlich viele Kräfte. Und
die menschliche Betrachtung kann sich wohl
kaum vermessen, in all das etwa restlos
hineinzuschauen, was irgendeiner Epoche
besonders eigentümlich ist. Daher wird sich
wohl die geschichtliche Betrachtung immer
mehr und mehr dem nähern müssen, was ich
nennen möchte eine symptomatologische
Betrachtung. Wir müssen ja auch am
menschlichen Organismus, der eine so
reichlich in sich differenzierte Totalität
ist, vieles von seinem gesunden und kranken
Zustand dadurch konstatieren, daß wir auf
die Symptome sehen, in denen sich dieser
Organismus äußert. Ebenso müssen wir uns
wohl nach und nach gewöhnen, eine
geschichtliche Symptomatologie zu treiben:
was sich an der Oberfläche ankündigt, so
aufzufassen, daß es uns auf einzelnes
hindeutet und wir durch immer mehr und mehr
Symptome, die wir in unsere Anschauung
hereinbegreifen, dazu kommen, das innerlich
Lebendige des geschichtlichen Werdens so auf
uns wirken zu lassen, daß wir durch das
innerlich seelische Ergreifen der
geschichtlichen Kräfte der Menschheit, die
ja auf allerlei Umwegen auch in unsere Seele
wirken, befähigt werden, unseren Platz in
der Menschheitsentwickelung zu finden.
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C'est tout de suite une telle observation
du monde et de la vie, tel que j'ai eu la
permission de la développer devant vous, qui
peut vous faire ressentir à quel point les
symptômes historiques s'expriment aussi dans
ce qu'on vit au plus intime de son être.
C'est tout de suite ce que je vous ai
décrit, l'éveil et le réveil de facultés de
connaissance qui ne sont pas disponibles
dans la conscience ordinaire, mais qui, dans
la vie ordinaire, sommeillent au plus
profond de l'âme, c'est précisément cet
éveil et ce réveil de facultés de
connaissance, tels qu'ils conviennent à
l'humain moderne, qui nous amène à
comprendre que nous devons non seulement
développer ces facultés de connaissance dans
le présent d'une manière différente de ce
qu'elles ont été dans le monde antérieur.
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05
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Gerade eine solche
Betrachtung der Welt und des Lebens, wie ich
sie vor Ihnen entwickeln durfte, kann einem
so recht die Empfindung davon beibringen,
wie sich auch in dem, was man in seinem
intimsten Innern erlebt, geschichtlich
Symptomatisches ausspricht. Gerade das was
ich Ihnen geschildert habe, das Erwachen und
Erwecken von Erkenntnisfähigkeiten, die im
gewöhnlichen Bewußtsein nicht vorhanden
sind, sondern die im gewöhnlichen Leben tief
unten in der Seele schlummern, gerade dieses
Erwachen und Erwecken von Erkenntniskräften,
wie es dem modernen Menschen angemessen ist,
führt uns dazu, einzusehen, daß wir diese
Erkenntniskräfte in der Gegenwart nicht nur
anders entwickeln müssen, als sie in der
Vorwelt entwickelt worden sind.
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Mais si nous développons de telles forces,
si nous menons cette vie intérieure intime
jusqu'à une vision spirituelle, alors le
caractère fondamental de cette vision
spirituelle se présente à l'humain
d'aujourd'hui d'une tout autre manière qu'il
ne se présentait aux humains de l'antiquité
orientale, par exemple, à laquelle nous
avons touché lorsque nous avons décrit
avant-hier l'exercice du yoga.
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06
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Sondern wenn wir dann solche
Kräfte entwickeln, wenn wir dieses intime
innere Leben bis zu einem geistigen Schauen
führen, dann stellt sich für den heutigen
Menschen der Grundcharakter dieses geistigen
Schauens doch in einer ganz anderen Weise
dar, als er sich dargestellt hat für
Menschen zum Beispiel des orientalischen
Uraltertums, an das wir gerührt haben, als
vorgestern die Jogaübung geschildert worden
ist.
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Si nous jetons un coup d'œil vers ces
anciennes façons de voir orientales, telles
qu'elles ont été développées par ceux qui
voulaient expulser de leur intérieur des
forces de connaissance qui accèdent au
suprasensible, nous devons dire que tout ce
que nous savons à ce sujet nous indique que
de telles connaissances, en s'installant
dans l'âme, ont pris un caractère absolument
permanent, durable dans l'âme. Ce que
l'humain pense dans la vie ordinaire, ce
qu'il absorbe comme l'effet sur son âme des
expériences de l'existence terrestre, ce qui
se fixe ensuite dans les souvenirs, c'est ce
qui a une durée dans l'âme ; et nous ne
sommes tout simplement pas sains d'esprit si
nous avons des lacunes considérables dans la
capacité de nous souvenir de ce que nous
avons vécu dans le monde à partir d'un
certain moment de notre évolution dans
l'enfance. Tout ce qui a été acquis dans
l'ancienne culture orientale de l'âme en
matière de compréhension du monde spirituel
s'est intégré/articulé/membré dans cette
durée de la pensée. Cela formait pour ainsi
dire des représentations de souvenir, comme
les expériences ordinaires de la journée
forment des représentations de souvenir.
C'était précisément la particularité du
voyant oriental plus âgé que de se retrouver
de plus en plus dans une vie communautaire
permanente avec le monde spirituel, en
accomplissant son chemin dans ce monde. Il
se savait pour ainsi dire en sécurité une
fois qu'il était dans le monde
divin-spirituel. Il savait que celui-ci
représentait quelque chose de durable pour
son âme aussi.
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07
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Wenn wir hinblicken nach
diesen alten orientalischen Anschauungen,
wie sie entwickelt worden sind von
denjenigen, die aus ihrem Inneren
Erkenntniskräfte, die in das Übersinnliche
hineingreifen, heraustreiben wollten, so
müssen wir sagen: Alles was wir darüber
wissen, weist uns darauf hin, daß solche
Erkenntnisse, indem sie in die Seele sich
einlebten, durchaus einen bleibenden, einen
dauernden Charakter in der Seele annahmen.
Was der Mensch im gewöhnlichen Leben denkt,
was er in sich aufnimmt als die Wirkung auf
seine Seele aus den Erlebnissen des
irdischen Daseins, was sich dann in
Erinnerungen festsetzt, ist das, was in der
Seele eine Dauer hat; und wir sind einfach
geistig nicht gesund, wenn wir Lücken
erheblicher Art haben in bezug auf die
Erinnerungsfähigkeit an das, was wir von
einem bestimmten Zeitpunkt unserer
Kindheitsentwickelung an in der Welt erlebt
haben. In diese gedankliche Dauer gliederte
sich alles das ein, was in alter
orientalischer Seelenkultur an Einsichten in
die geistige Welt errungen wurde. Es bildete
sozusagen so Erinnerungsvorstellungen, wie
die gewöhnlichen Erlebnisse des Tages
Erinnerungsvorstellungen bilden. Das war
gerade das Eigentümliche des älteren
orientalischen Sehers, daß er sich immer
mehr und mehr in ein dauerndes
Gemeinschaftsleben mit der geistigen Welt
hineinfand, indem er seinen Weg in diese
Welt hinein absolvierte. Er wußte sich
sozusagen geborgen, wenn er einmal drinnen
war in der göttlich-geistigen Welt. Er
wußte, daß diese etwas Dauerndes auch für
seine Seele darstellt.
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Or, dans un certain sens, on peut dire que
c'est le contraire qui se produit pour celui
qui s'élève aujourd'hui à une certaine
vision spirituelle à partir des forces de la
nature humaine vers lesquelles l'humanité
s'est développée depuis ces jours anciens
jusqu'à nos jours : Il développe ses façon
de voir sur le spirituel de telle sorte
qu'il en fait l'expérience ; mais il lui est
impossible d'en faire des
représentations-souvenir de la même manière
que les pensées que nous vivons au quotidien
au monde extérieur deviennent des
représentations-souvenir.
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08
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Nun darf man aber in einem
gewissen Sinne schon sagen, das Gegenteil
ist für den der Fall, der sich heute aus den
Kräften der Menschennatur heraus, zu denen
sich die Menschheit eben seit jenen alten
Tagen bis in die Gegenwart herauf entwickelt
hat, zu einem gewissen geistigen Schauen
erhebt: Er entwickelt seine Anschauungen
über das Geistige so, daß er sie erlebt;
aber er kann sie unmöglich in derselben
Weise zu Erinnerungsvorstellungen machen,
wie die Gedanken, die wir im Alltag an der
Außenwelt erleben, Erinnerungsvorstellungen
werden.
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Pour beaucoup de ceux qui, selon les
méthodes actuelles, parviennent à une
certaine vision spirituelle, c'est une
grande déception de constater qu'ils
obtiennent certes des aperçus de ce monde
spirituel, mais que ces aperçus sont
passagers, comme la vision d'une réalité
devant laquelle nous nous trouvons dans le
monde extérieur et qui n'existe plus dans
notre perception lorsque nous nous en
éloignons. Ce qui se passe dans la vie de
l'âme n'est pas une incorporation à la
mémoire au sens habituel du terme, mais un
lien instantané avec le monde spirituel. Si
l'on veut retrouver ce lien plus tard, on ne
peut pas simplement faire remonter
l'expérience de la mémoire, mais on ne peut
faire que ce qui suit : On peut bien sûr se
souvenir de ce qui appartient aux
expériences habituelles du monde physique,
comment on s'est amené, par exemple, à
travers des développements de forces, à
avoir une telle expérience du monde
spirituel. On peut alors refaire le chemin,
et on peut l'avoir à nouveau, tout comme
lorsqu'on revient à une perception
sensorielle. C'est précisément l'un des
moments les plus importants qui garantissent
la réalité de la vision moderne : que ce
dans quoi nous regardons ne s'unisse pas à
notre corporéité ; car cela signifie
toujours être uni à la corporéité, être fixé
par l'organisme, lorsque les pensées
acquièrent une certaine durée en tant que
représentations-souvenirs.
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09
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Das ist gerade für viele, die
nach den heutigen Methoden sich zu einem
gewissen geistigen Schauen hinringen, eine
große Enttäuschung, daß sie zwar Einblicke
gewinnen in diese geistige Welt, daß aber
diese Einblicke vorübergehend sind wie das
Anschauen einer Realität, vor der wir in der
Außenwelt stehen, die auch nicht mehr in
unserer Wahrnehmung vorhanden ist, wenn wir
von ihr hinweggehen. Keine Einverleibung dem
Gedächtnisse im gewöhnlichen Sinne ist es,
was sich im Seelenleben abspielt, sondern
ein augenblickliches Verbundensein mit der
geistigen Welt. Will man dann in einem
späteren Zeitpunkt dieses Verbundensein
wieder haben, so kann man das Erlebnis nicht
einfach aus der Erinnerung heraufholen,
sondern man kann nur das Folgende machen:
Man kann sich natürlich an das erinnern, was
den gewöhnlichen Erlebnissen der physischen
Welt angehört, wie man sich etwa durch
Kräfteentwickelungen dahin gebracht hat, ein
solches Erlebnis aus der geistigen Welt zu
haben. Dann kann man den Weg wiederum
machen, und man kann es wiederum haben,
geradeso wie wenn man zu einer sinnlichen
Wahrnehmung wiederum zurückkehrt. Das ist
gerade eines der wichtigsten Momente, die
verbürgen die Realität des modernen
Schauens: daß sich das, in das wir
hineinblicken, nicht mit unserer
Leiblichkeit vereinigt; denn es heißt immer,
mit der Leiblichkeit vereinigt, durch den
Organismus befestigt werden, wenn Gedanken
als Erinnerungsvorstellungen eine gewisse
Dauer gewinnen.
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Si j'ai la permission d'ajouter ici une
remarque personnelle, peut-être pour un
accord, c'est que quelqu'un qui est un peu
en contact avec le monde spirituel et qui
veut faire part de ce qu'il a vécu, n'est
pas en mesure de faire cette communication
au sens habituel du terme, à partir de sa
mémoire. Il doit toujours faire certains
efforts pour s'amener lui-même à
l'observation spirituelle directe. C'est
pourquoi même quelqu'un qui parle
directement depuis le monde spirituel peut,
je dirais, faire trente fois le même exposé
: il ne sera pas pour lui une répétition du
précédent, mais il doit toujours être
extrait de l'expérience de manière directe.
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10
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Wenn ich hier eine
persönliche Bemerkung einfügen darf
vielleicht zu einer Verständigung , so ist
es diese: jemand, der ein wenig Verbindung
hat mit der geistigen Welt und Mitteilung
über das machen will, was er erfahren hat,
ist nicht in der Lage, im gewöhnlichen Sinn
aus der Erinnerung heraus diese Mitteilung
zu machen. Er muß immer gewisse
Anstrengungen machen, um sich wiederum
selber zum unmittelbaren geistigen
Beobachten hinzuführen. Daher kann auch
jemand, der unmittelbar aus der geistigen
Welt heraus spricht, ich möchte sagen,
dreißigmal ein und denselben Vortrag halten:
er wird für ihn nicht eine Wiederholung des
vorangehenden sein, sondern er muß immer in
unmittelbarer Weise aus dem Erlebnis
herausgeholt werden.
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En même temps, il y a là quelque chose
dont je voudrais dire qu'il peut apaiser
certaines inquiétudes qui pourraient surgir
dans les âmes craintives/anxieuses/inquiètes
face à cette vision moderne de l'esprit.
Beaucoup de gens considèrent encore
aujourd'hui, et avec une certaine raison,
que la grandeur des questions énigmatiques
et significatives de l'existence réside
précisément dans le fait que ces questions
ne peuvent jamais être résolues dépourvues
de restes.
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11
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Darin liegt zu gleicher Zeit
etwas, von dem ich sagen möchte, daß es
gewisse Sorgen, die auftauchen könnten in
ängstlichen Seelen gegenüber dieser modernen
Geistesschau, beheben kann. Viele Menschen
sehen ja heute noch, und zwar mit einem
gewissen Recht, die Größe der
bedeutungsvollen Rätselfragen des Daseins
gerade darin, daß diese Fragen niemals
restlos gelöst werden können.
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Elles craignent la philistrosité de la
vision spirituelle si elles devaient être
confrontées à l'affirmation que les énigmes
de l'être peuvent être définitivement
"résolues" par une quelconque vision du
monde.
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12
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Sie fürchten sich vor der
Philistrosität der geistigen Anschauung,
wenn sie etwa der Behauptung gegenüberstehen
müßten, die Rätsel des Daseins könnten
endgültig durch irgendeine Weltanschauung
«gelöst» werden.
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Or, la conception de la vie dont il est
question ici ne peut pas non plus parler
d'une telle "solution", et ce précisément
pour la raison que nous venons d'indiquer :
ce qui est en quelque sorte toujours oublié
doit toujours être acquis à nouveau.
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13
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Nun, von einer solchen
«Lösung» kann auch die Lebensauffassung
nicht sprechen, von der hier die Rede ist,
und zwar gerade aus dem eben angegebenen
Grund heraus: Was gewissermaßen immer wieder
vergessen wird, das muß immer neu erworben
werden.
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Mais c'est tout de suite en cela que se
montre la vitalité. Nous nous rapprochons en
quelque sorte de ce qui se manifeste aussi
extérieurement dans la nature comme le
caractère du vivant, par rapport à ce que
nous vivons habituellement intérieurement,
en voyant nos pensées devenir des
représentations de souvenir. Peut-être que
pour certains, ce que je veux dire
maintenant semble trivial ; mais ce n'est
pas trivial. Pas plus que quelqu'un ne peut
dire : j'ai mangé hier, je suis donc
rassasié, je n'ai pas besoin de manger
aujourd'hui, ni demain, ni plus tard -- de
même, personne ne peut dire à l'égard de la
vision moderne de l'esprit qu'elle est
achevée une fois pour toutes, qu'elle se
communique ensuite à la mémoire et que l'on
sait désormais pour toujours ce que l'on a.
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14
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Darin aber zeigt sich gerade
die Lebendigkeit. Wir nahen uns
gewissermaßen wieder dem, was sich auch
äußerlich in der Natur als der Charakter des
Lebendigen zeigt, gegenüber dem, was wir
sonst innerlich erleben, indem wir unsere
Gedanken zu Erinnerungsvorstellungen werden
sehen. Vielleicht klingt es für manchen
trivial, was ich jetzt sagen möchte; es ist
aber nicht trivial gemeint. So wenig wie
jemand sagen kann: Ich habe gestern
gegessen, also bin ich satt, brauche heute
und morgen und ferner nicht zu essen --
ebensowenig kann gegenüber der modernen
Geistesschau jemand sagen, sie sei einmal
abgeschlossen, teile sich dann der
Erinnerung mit, und man wisse nun für alle
Zeit das, was man hat.
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Oui, ce n'est pas le seul cas où il faut
toujours lutter à nouveau pour obtenir la
présence de ce qui veut se révéler à
l'homme, mais c'est même le cas où, si l'on
rumine longtemps les mêmes représentations
du monde spirituel, si on les cherche
toujours à nouveau, des doutes apparaissent,
des incertitudes surgissent, et que l'on
doit toujours vaincre à nouveau les
incertitudes et les doutes dans la vie
intérieure vivante de l'âme, précisément
dans la vision spirituelle correcte. On
n'est donc jamais, j'aimerais dire, condamné
à la tranquillité de l'être fini lorsqu'on
aspire à la vision de l'esprit au sens
moderne.
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15
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Ja, nicht nur dies ist der
Fall, daß man immer von neuem ringen muß, um
gegenwärtig zu bekommen, was sich dem
Menschen offenbaren will, sondern sogar das
ist der Fall, daß, wenn man längere Zeit
über denselben Vorstellungen aus der
geistigen Welt immer wieder und wiederum
brütet, sie immer wieder und wiederum
aufsucht, daß dann sogar Zweifel auftauchen,
Ungewißheiten auftauchen, und daß man die
Ungewißheiten und Zweifel im lebendigen
inneren Seelenleben gerade bei der richtigen
Geistesschau immer von neuem besiegen muß.
Man ist also niemals, ich möchte sagen, zu
der Ruhe des Fertigseins verdammt, wenn man
im modernen Sinn zur Geistesschau hinstrebt.
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Et une autre chose doit être dite. Cette
vision moderne de l'esprit exige avant tout
ce que l'on peut appeler la présence
d'esprit. La vision de l'esprit des anciens
temps orientaux pouvait en quelque sorte
prendre son temps. Ce qu'elle obtenait
restait durablement disponible. Celui qui
veut regarder dans le monde spirituel à
partir de la nature humaine moderne doit
être vif, aimerais-je dire, avec son organe
spirituel ; il doit être conscient du fait
que ce qui se révèle à partir du monde
spirituel n'est parfois là qu'un instant et
disparaît ensuite, et que ce doit donc être
saisi au moment de son apparition par la
présence d'esprit. Et beaucoup d'êtres
humains, qui se préparent soigneusement à
une telle vision de l'esprit, n'y
parviennent pas parce qu'ils ne recherchent
pas en même temps cette présence d'esprit
dans des exercices préparatoires. Car ce
n'est qu'ainsi que l'on est en mesure
d'éviter d'avoir en fait développé son
attention quand la chose est déjà à nouveau
passée.
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16
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Und ein anderes noch muß
gesagt werden. Diese moderne Geistesschau
erfordert vor allen Dingen auch, was man
Geistesgegenwart nennen kann. Der
Geistesschauer alter orientalischer
Vorzeiten konnte sich gewissermaßen Zeit
lassen. Was er sich errang, blieb dauernd
vorhanden. Derjenige, der aus der modernen
Menschennatur heraus in die geistige Welt
hineinschauen will, der muß schlagfertig,
möchte ich sagen, sein mit seinem
Geistorgan; er muß gewahr werden, wie das,
was sich aus der geistigen Welt heraus
offenbart, zuweilen nur einen Augenblick da
ist und nachher wieder verschwindet, wie es
also im Moment des Entstehens in
Geistesgegenwart aufgefaßt werden muß. Und
viele Menschen, die sich sorgsam vorbereiten
zu einer solchen Geistesschau, kommen nicht
zu ihr, weil sie nicht zu gleicher Zeit
diese Geistesgegenwart in vorbereitenden
Übungen suchen. Denn nur dadurch ist man
imstande, zu vermeiden, daß man seine
Aufmerksamkeit eigentlich erst entwickelt
hat, wenn die Sache schon wiederum vorbei
ist.
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Avec cela je vous ai décrit maintes
particularités que rencontre le chercheur
moderne du monde spirituel. D'autres
particularités de ce genre apparaîtront au
cours des exposés. Aujourd'hui, j'aimerais
seulement attirer l'attention sur l'une
d'entre elles, parce qu'elle mène
directement à une certaine observation
historique de l'humanité.
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17
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Damit habe ich Ihnen
mancherlei Eigentümlichkeiten dessen, was
dem modernen Sucher nach der geistigen Welt
begegnet, geschildert. Im Verlaufe der
Vorträge werden noch andere solche
Eigentümlichkeiten auftreten. Heute möchte
ich, weil es direkt hinüberführen wird zu
einer gewissen geschichtlichen Betrachtung
der Menschheit, nur noch auf das eine
aufmerksam machen.
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Si en cela nous voulons maintenant à
nouveau dans sens caractérisé d'un certain
côté en tant qu'humain moderne, trouver le
chemin vers le monde spirituel d'une manière
sûre, ainsi que nous ne devenions pas des
fantaisistes, ainsi c'est le mieux de partir
des représentations, des opérations de
pensée que nous avons acquises par une
observation approfondie de la nature et par
l'approfondissement de science de la nature.
Aucune représentation ne se prête aussi bien
à la vie méditative, comme je l'ai décrit,
que celles que l'on acquiert à partir de la
science moderne de la nature, non pas pour
les assimiler uniquement sur le plan du
contenu, mais pour les traiter/élaborer sur
le plan du contenu méditativement. En tant
qu'humains modernes, nous avons justement
appris à penser, au sens le plus strict du
terme, à partir de la science de la nature.
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18
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Wenn wir in diesem nun
wiederum von einer gewissen Seite
charakterisierten Sinn als moderner Mensch
den Weg in die geistige Welt hinein in
sicherer Weise, so daß wir nicht Phantasten
werden, finden wollen, so ist es am besten,
wenn wir von den Vorstellungen, von den
Denkoperationen ausgehen, die wir uns an
einer gründlichen Naturbeobachtung und durch
Vertiefen in eine gründliche
Naturwissenschaft angeeignet haben. Keine
Vorstellungen eignen sich gerade zu
meditativem Leben so gut, wie ich es
geschildert habe, als diejenigen, die man
aus der modernen Naturwissenschaft heraus
gewinnt, nicht um sie allein inhaltlich
aufzunehmen, sondern um sie inhaltlich
meditativ zu verarbeiten. Wir haben eben als
moderne Menschen im strengsten Sinne des
Wortes an der Naturwissenschaft das Denken
gelernt.
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Nous devons garder à l'esprit que c'est
justement grâce à la science de la nature
que nous avons appris à penser de manière
adaptée à notre actuelle époque du temps.
Maintenant, tout ce que nous pouvons gagner
de la science moderne en termes d'opérations
de pensée peut seulement être une
préparation pour la véritable vision de
l'esprit.
|
19
|
Dessen sollen wir eingedenk
sein, daß wir an der Naturwissenschaft das
Denken, das unserer heutigen Zeitepoche
angemessen ist, gerade gelernt haben. Nun
kann aber dieses alles, was wir also an
Denkoperationen aus der modernen
Naturwissenschaft gewinnen können, nur
Vorbereitung sein für die eigentliche
Geistesschau.
|
Nous ne pouvons jamais, par une quelconque
conséquence logique, par une quelconque
spéculation philosophique, utiliser la
pensée ordinaire que nous formons aux choses
du monde extérieur, à l'expérience et à
l'observation, pour autre chose que pour
nous préparer. Nous devons alors attendre
que le monde spirituel veuille s'adresser à
nous de la manière que j'ai décrite hier et
avant-hier. Nous devons d'abord devenir mûrs
pour chaque pas particulier de l'observation
du monde spirituel. Nous ne pouvons pas, par
un caprice intérieur, faire autre chose que
de nous transformer en quelque sorte en un
organe auquel le monde spirituel veut se
révéler. La révélation objective - nous
devons l'attendre. Et celui qui a de
l'expérience en la matière sait comment il
doit attendre certaines connaissances
pendant des années, des décennies, avant
qu'elles ne s'ouvrent à lui. C'est justement
cette circonstance qui garantit
l'objectivité de ce qui est réalité dans le
monde spirituel, pour la connaissance.
|
20
|
Niemals können wir durch
irgendwelche logische Konsequenz, durch
irgendwelche philosophische Spekulation das
gewöhnliche Denken, das wir an den Dingen
der Außenwelt, an Experiment und Beobachtung
schulen, zu etwas anderem verwenden, als um
uns vorzubereiten. Wir müssen dann warten,
bis die geistige Welt in der Art an uns
herantreten will, wie ich das gestern und
vorgestern geschildert habe. Wir müssen zu
jedem einzelnen Schritt in der Beobachtung
der geistigen Welt erst reif werden. Wir
können nicht aus innerer Willkür etwas
anderes herbeiführen, als uns gewissermaßen
zu einem Organ zu machen, dem sich die
geistige Welt offenbaren will. Die objektive
Offenbarung - wir müssen sie erwarten. Und
wer in solchen Dingen Erfahrung hat, der
weiß, wie er auf manche Erkenntnisse jahre-,
jahrzehntelang warten muß, bevor sie sich
ihm erschließen. Es verbürgt wiederum gerade
dieser Umstand die Objektivität dessen, was
Wirklichkeit in der geistigen Welt ist, für
die Erkenntnis.
|
Il n'en était à nouveau pas de même pour
celui qui, dans les temps anciens de
l'Orient, cherchait par ses exercices le
chemin vers le monde suprasensible. Chez
lui, la pensée était d'emblée conçue de
telle sorte qu'il lui suffisait en quelque
sorte de la poursuivre pour trouver le
chemin vers le monde spirituel que j'ai
caractérisé avant-hier. Il se trouvait donc
déjà, dans la vie ordinaire, dans une pensée
qui n'avait besoin que d'être poursuivie
pour conduire, dans son propre prolongement,
à une certaine clairvoyance, mais qui, parce
qu'elle était développée à partir de la vie
ordinaire de l'époque, était une vision plus
onirique, tandis que la vision à laquelle
nous aspirons en tant qu'humains modernes
est une vision qui se déroule en pleine
réflexion, semblable à celle disponible dans
la résolution des problèmes mathématiques.
|
21
|
So war es wiederum nicht bei
dem, der in alten orientalischen Zeiten, in
der Welt des Ostens, durch seine Übungen den
Weg in die übersinnliche Welt hinein suchte.
Bei ihm war das Denken von vornherein so
geartet, daß er es gewissermaßen nur
fortzusetzen brauchte, um jenen Weg in die
geistige Welt hinein zu finden, den ich
vorgestern charakterisiert habe. Er stand
also schon im gewöhnlichen Leben in einem
Denken drinnen, das nur fortgesetzt zu
werden brauchte, um in seiner eigenen
Fortsetzung zu einem gewissen Hellsehen zu
führen, das aber dafür auch, weil es aus dem
gewöhnlichen Leben der damaligen Zeit heraus
entwickelt war, ein mehr traumhaftes Schauen
war, während das Schauen, zu dem wir als
moderne Menschen streben, ein solches ist,
das bei voller Besonnenheit, ähnlich der bei
Lösung mathematischer Probleme vorhandenen,
verläuft.
|
Nous y voyons précisément, en nous
adressant à ce que le chercheur d'esprit
doit vivre intimement, l'expression
d'énormes transformations dans toute la
nature humaine au cours de périodes
historiques. Ces temps sont historiques dans
la mesure où non seulement celui qui, par
l'observation spirituelle, peut examiner la
vie historique des hommes et du cosmos
jusqu'aux temps les plus reculés, comme je
vais encore le décrire, mais aussi celui qui
examine les documents extérieurs de manière
impartiale peuvent en arriver à cette
conclusion. Nous pouvons aussi regarder dans
ces documents extérieurs les temps anciens
de la vie spirituelle de l'humanité et voir
comment ils se distinguent de ce à quoi
nous-mêmes, de ce à quoi notre époque doit
aspirer en ce qui concerne la position
intérieure dans ce monde spirituel.
|
22
|
Wir sehen darin gerade, indem
wir uns an das wenden, was der
Geistesforscher intim erleben muß, einen
Ausdruck für gewaltige Verwandlungen in der
ganzen Menschennatur im Verlauf von
historischen Zeiten. Historisch sind diese
Zeiten insofern, als nicht nur der, der in
der Art, wie ich das noch schildern werde,
durch geistige Anschauung selbst bis in
fernste Urzeiten das geschichtliche Leben
sowohl der Menschen wie des Kosmos prüfen
kann, daß nicht nur der darauf kommen kann,
sondern auch der, welcher in unbefangener
Weise die äußeren Dokumente prüft. Wir
können auch in diesen äußeren Dokumenten auf
alte Zeiten geistigen Lebens der Menschheit
hinschauen und ersehen, wie sie sich
unterscheiden von dem, was wir selber, was
unsere Zeit erstreben muß in bezug auf das
Drinnenstehen in dieser geistigen Welt.
|
Parce que notre pensée ne peut pas être
poursuivie sans plus pour nous amener dans
son propre courant se poursuivant à la
vision de l'esprit, mais parce qu'elle peut
purement faire la préparation, nous préparer
dans une certaine mesure nous-mêmes, afin
que nous soyons mûrs lorsque le monde
spirituel se présente à nous, à contempler
celui-ci, c'est tout de suite par cela que
notre pensée est apte à agir. à tisser à
l'intérieur du champ des expériences, des
observations, à l'intérieur du champ que la
science de la nature a fait sien. Mais c'est
tout de suite en ce que nous envisagions
quelle rigueur intérieure, quelle force
intérieure notre pensée a atteinte que nous
l'appliquerons d'autant plus sûrement à
notre formation/entrainement, afin de
pouvoir ensuite attendre la révélation du
monde spirituel dans le sens correct du
terme. Il en ressort déjà que notre pensée
est aujourd'hui quelque chose d'autre que
dans des temps anciens.
|
23
|
Dadurch, daß unser Denken
nicht ohne weiteres fortgesetzt werden kann,
um in seiner eigenen Fortströmung uns zur
Geistesschau zu bringen, sondern dadurch,
daß es bloß die Vorbereitung machen, uns
selbst gewissermaßen präparieren kann, damit
wir reif werden, wenn die geistige Welt uns
entgegentritt, diese zu schauen, dadurch
gerade ist unser Denken geeignet, innerhalb
des Feldes der Experimente, der
Beobachtungen zu wirken und zu weben,
innerhalb des Feldes, das die
Naturwissenschaft zu dem ihrigen gemacht
hat. Aber gerade indem wir einsehen, welche
innere Strenge, welche innere Kraft unser
Denken erreicht hat, werden wir es um so
sicherer auf unsere Schulung anwenden, damit
wir dann auf die Offenbarung der geistigen
Welt im richtigen Sinne des Wortes warten
können. Schon daraus geht hervor, daß unser
Denken heute etwas anderes ist als in alten
Zeiten.
|
J'aurai à plusieurs reprises l'occasion de
faire des digressions historiques. Beaucoup
de choses concernant le monde extérieur
pourront être poursuivies à partir de ce que
j'ai à dire aujourd'hui. Aujourd'hui, je
parlerai davantage de ce que sont les forces
intérieures de l'évolution de l'humanité.
C'est là que nous sommes finalement conduits
à la pensée et à la transformation de cette
pensée au cours des époques de l'évolution
de l'humanité.
|
24
|
Ich werde wiederholt
Gelegenheit haben zu geschichtlichen
Exkursen. Da wird sich manches, was auf die
äußere Welt bezüglich ist, fortsetzen lassen
von dem aus, was ich heute zu sagen habe.
Heute werde ich mehr auf das zu sprechen
kommen, was die inneren Kräfte der
Menschheitsentwickelung sind. Da werden wir
ja doch zuletzt auf das Denken geführt und
auf die Verwandlung dieses Denkens im Laufe
der Epochen der Menschheitsentwickelung.
|
Mais puisque toute la vie historique
extérieure dépend finalement de cette
pensée, puisque l'humain produit ce qu'il
accomplit historiquement à partir de ses
pensées, à côté de ses impulsions
émotionnelles et volontaires, nous devons
nous tourner vers la pensée humaine si nous
voulons nous adresser aux impulsions
historiques les plus profondes.
|
25
|
Da von diesem Denken aber
schließlich doch alles äußere geschichtliche
Leben abhängig ist, da der Mensch das, was
er geschichtlich vollbringt, aus seinen
Gedanken, neben seinen Gefühls- und
Willensimpulsen, hervorbringt, so müssen wir
uns, wenn wir uns an die tiefsten
geschichtlichen Impulse wenden wollen, an
das menschliche Denken wenden.
|
Mais maintenant, cette pensée humaine
telle que nous pouvons l'utiliser
aujourd'hui pour la science de la nature
d'un côté, et pour l'impact de la liberté
humaine de l'autre côté, se distingue
pourtant dans une très large mesure de la
pensée que nous trouvons dans les époques
précédentes de l'humanité. Certes, il se
trouvera maints humains pour dire que
penser, c'est penser, que ce soit chez John
Stuart Mill ou chez Solovjeff, que ce soit
chez Platon, Aristote, Héraclite, ou chez
les penseurs de l'Orient ancien. Mais celui
qui, simplement avec un certain flair/sens à
sentir intérieur, est capable d'entrer dans
la façon et la manière dont les pensées ont
agi au sein de l'humanité, se dira : notre
pensée actuelle est au fond quand même
quelque chose dé tout autre que la pensée
des époques plus anciennes. On touche ainsi
à un problème important de l'évolution de
l'humanité.
|
26
|
Nun aber unterscheidet sich
dieses menschliche Denken, wie wir es heute
für die Naturwissenschaft auf der einen
Seite und zur Auswirkung der menschlichen
Freiheit auf der anderen Seite brauchen
können, doch in ganz erheblichem Maße von
dem Denken, das wir in früheren Epochen der
Menschheit finden. Gewiß, es werden sich
manche Menschen finden, die sagen: Denken
ist Denken, ob es nun auftritt bei John
Stuart Mill oder bei Solovjeff, ob es
auftritt meinetwegen bei Plato, Aristoteles,
Heraklit, oder ob es auftritt bei den
Denkern des alten Orients. Derjenige aber,
der bloß mit einem gewissen inneren Spürsinn
zunächst einzugehen vermag auf die Art und
Weise, wie Gedanken innerhalb der Menschheit
gewirkt haben, der wird sich sagen: Unser
heutiges Denken ist im Grunde genommen doch
etwas ganz anderes, als das Denken älterer
Epochen war. Damit wird ein wichtiges
Problem der Menschheitsentwickelung berührt.
|
Regardons notre pensée actuelle. J'aurai
encore l'occasion de justifier ce que je
vais développer maintenant de manière plus
historique, aussi à partir de la science de
la nature. Ce que nous appelons pensée s'est
en fait développé à partir du maniement du
langage. Celui qui a le sens de ce qui est
efficace dans la langue d'un peuple, de ce
qui agit en tant que logique dans la langue,
de la logique dans laquelle nous vivons
pendant notre enfance, et qui a ensuite un
sens psychologique suffisant pour l'observer
dans la vie, trouvera que notre pensée
actuelle est en fait issue de ce que la
langue fait de notre constitution d'âme.
J'aimerais dire que c'est du langage que
nous extrayons peu à peu les pensées et les
lois de la pensée ; notre pensée actuelle
est un don de la parole/du parler.
|
27
|
Schauen wir auf unser
heutiges Denken hin. Ich werde noch
Gelegenheit haben, das, was ich jetzt mehr
geschichtlich entwickle, auch aus der
Naturwissenschaft heraus zu begründen. Was
wir Denken nennen, hat sich eigentlich
herausentwickelt aus der Handhabung der
Sprache. Wer einen Sinn hat für das, was in
der Sprache eines Volkes wirksam ist, für
das, was an Logik in der Sprache wirkt, an
Logik, in die wir uns während unserer
Kindheit hineinleben, und wer dann
psychologischen Sinn genug dazu hat, um das
im Leben zu beobachten, der wird finden, daß
unser heutiges Denken eigentlich aus dem
hervorgeht, was die Sprache aus unserer
Seelenkonstitution macht. Ich möchte sagen,
aus der Sprache lösen wir allmählich die
Gedanken und Gedankengesetzmäßigkeiten
heraus; unser heutiges Denken ist eine Gabe
des Sprechens.
|
Mais tout de suite, la pensée qui est un
don de la parole, c'est la pensée qui est
devenue grande dans l'humanité civilisée
depuis les jours de Copernic, de Galilée, de
Giordano Bruno, qui est devenue grande à
l'époque où l'humanité a tourné de
préférence son attention vers l'observation
de la nature au sens moderne. La pensée
appliquée à l'observation et à
l'expérimentation doit, j'aimerais dire,
vivre si familièrement avec nous que nous
affinons idéalement ce que nous nous
approprions par le langage comme un bien
populaire général, de telle sorte qu'il
devienne en nous une pensée idéelle par
laquelle nous saisissons alors le monde
extérieur.
|
28
|
Aber gerade das Denken, das
eine Gabe des Sprechens ist, das ist
dasjenige Denken, das in der zivilisierten
Menschheit groß geworden ist seit den Tagen
des Kopernikus, des Galilei, des Giordano
Bruno, das groß geworden ist in den Zeiten,
in denen die Menschheit vorzugsweise ihre
Aufmerksamkeit der Naturbetrachtung im
modernen Sinn zugewendet hat. Das Denken,
das auf Beobachtung und Experiment
angewendet wird, das muß, ich möchte sagen,
so vertraut mit uns leben, daß wir das, was
wir mit der Sprache uns aneignen als ein
allgemeines Volksgut, ideell so verfeinern,
daß es in uns zum ideellen Gedanken wird,
durch den wir dann die Außenwelt ergreifen.
|
Mais nous avons seulement besoin de
revenir en arrière, sur une courte période
par rapport à l'ensemble de l'évolution de
l'humanité, pour trouver quelque chose de
tout à fait autre. Nous remontons par
exemple jusqu'à l'époque grecque. Celui qui
sait se transposer dans ce qui œuvrait dans
l'art grec, dans la poésie grecque, dans la
philosophie grecque, ce qui absolument nous
résonne de la Grèce, il trouve de manière
tout à fait empirique qu'il est possible que
le Grec ait encore vécu ce qui était pensé,
intimement tissé avec la parole.
|
29
|
Aber wir brauchen nur eine im
Verhältnis zur gesamten
Menschheitsentwickelung kurze Zeitspanne
zurückzugehen, und wir finden etwas ganz
anderes. Wir gehen zum Beispiel zurück bis
zum Griechentum. Wer sich hineinzuversetzen
weiß in das, was in der griechischen Kunst,
in der griechischen Dichtung, in der
griechischen Philosophie wirkte, was
überhaupt zu uns herübertönt aus dem
Griechentum, der findet auf ganz
empirische Weise ist das möglich , daß der
Grieche noch das, was Gedanke war, innig mit
dem Worte verwoben erlebte.
|
La pensée et la parole ne faisaient qu'un.
En ce qu'on développait le concept de logos,
on parlait d'autre chose que ce dont nous
parlons lorsque nous parlons des pensées ou
de la connexion/liaison des pensées. On
parlait des pensées ainsi que cette pensée
avait l'élément linguistique comme sa
corporéité évidente. Justement aussi peu
que, dans le monde physique, nous pouvons
penser notre âme séparée spatialement de
l'organisme physique, justement aussi peu,
pour la conscience grecque, la pensée se
séparait de la parole.
|
30
|
Gedanke und Wort waren eines.
Man sprach, indem man den Logosbegriff
entwickelte, von etwas anderem, als wovon
wir sprechen, wenn wir von dem Gedanken oder
der Gedankenverbindung sprechen. Man sprach
von dem Gedanken so, daß dieser Gedanke das
sprachliche Element zu seiner
selbstverständlichen Körperlichkeit hatte.
Ebensowenig wie wir in der physischen Welt
uns unsere Seele räumlich abgetrennt denken
können vom physischen Organismus,
ebensowenig sonderte sich für das
griechische Bewußtsein der Gedanke vom Wort.
|
On sentait absolument les deux comme une
unité, et sur les flots des paroles
s'écoulait la pensée.
|
31
|
Man fühlte die beiden
durchaus als ein Einheit, und auf den Wogen
der Worte strömte der Gedanke dahin.
|
Mais cela conditionne aussi une tout autre
position de l'humain dans sa conscience par
rapport au monde extérieur que la nôtre avec
la pensée, qui s'est déjà détachée de la
parole. C'est pourquoi, lorsque nous
remontons à l'époque grecque, nous devons au
fond nous approprier une tout autre
disposition/ambiance d'âme si nous voulons
pénétrer dans les expériences réelles de
l'âme grecque. C'est pourquoi tout ce qui a
été produit dans le monde grec, par exemple
en tant que science, n'a plus l'air d'être
une science pour les exigences actuelles. Le
naturaliste d'aujourd'hui dira : les Grecs
n'avaient pas de science de la nature ; ils
avaient une philosophie de la nature.
|
32
|
Das aber bedingt auch eine
ganz andere Stellung des Menschen in seinem
Bewußtsein zur Außenwelt, als die unsrige
ist mit dem Gedanken, der sich bereits vom
Worte losgelöst hat. Und so müssen wir, wenn
wir in das Griechentum zurückgehen, im
Grunde genommen uns eine ganze andere
Seelenstimmung aneignen, wenn wir eindringen
wollen in die wirklichen Erlebnisse der
griechischen Seele. Deshalb aber auch nimmt
sich alles das, was im Griechentum zum
Beispiel als Wissenschaft hervorgebracht
worden ist, für die heutigen Anforderungen
nicht mehr als Wissenschaft aus. Der heutige
Naturforscher wird sagen: Die Griechen haben
ja keine Naturwissenschaft gehabt; sie
hatten eine Naturphilosophie.
|
Et il a raison. Mais le problème n'est
ainsi saisi, j'aimerais dire, que dans le
quart de son essence. Il repose là quelque
chose de beaucoup plus profond.
|
33
|
Und damit hat er recht. Aber
das Problem ist damit eigentlich nur, ich
möchte sagen, im Viertel seines Wesens
ergriffen. Hier liegt etwas viel Tieferes
zugrunde.
|
Et ce qui repose à la base, nous pouvons
d'abord seulement l'explorer avec une vision
spirituelle.
|
34
|
Und das, was da zugrunde
liegt, können wir erst wieder erforschen mit
einer geistigen Anschauung.
|
Si nous nous servons de la pensée qui est
aujourd'hui particulièrement adaptée à la
recherche sur la nature, dans laquelle nous
nous formons aujourd'hui par l'hérédité et
l'éducation, si nous nous servons de cette
pensée et formons ce que nous appelons des
représentations scientifiques, alors nous
séparons strictement ces représentations
scientifiques, selon la nature de notre
conscience, de ce que nous appelons
l'expérience artistique et de ce que nous
appelons l'expérience religieuse. C'est tout
de suite une caractéristique fondamentale de
notre époque que l'humain moderne exige, en
un certain sens, une science qui n'accepte
rien d'une quelconque création artistique,
d'une quelconque vision artistique, et qui
n'accepte rien non plus de ce qui veut être
l'objet de la conscience religieuse, de la
dévotion religieuse à l'univers et à la
divinité. Nous devons dire que c'est une
caractéristique de notre civilisation
actuelle. Et nous trouvons cette
caractéristique de plus en plus marquée à
mesure que nous allons vers l'ouest et que
nous y examinons le caractère fondamental de
la civilisation humaine. C'est la
caractéristique de l'humain moderne d'avoir
dans son âme, se tenant côte à côte, la
science, l'art et la vie religieuse. Et il
s'efforce donc de former un concept
particulier du savoir, de n'absolument pas
laisser l'art empiéter sur la science,
d'exclure/de déconnecter l'imagination/la
fantaisie de tout ce qui est "scientifique",
à l'exception de ce qui vise à l'invention ;
et ensuite de faire valoir une autre sorte
de certitude de la foi, qui doit jouer son
rôle en particulier dans la vie religieuse.
|
35
|
Wenn wir uns des Denkens, das
nun einmal heute für die Naturforschung
besonders geeignet ist, in das wir uns heute
hineinschulen durch die Vererbung und
Erziehung, wenn wir uns dieses Denkens
bedienen und das ausbilden, was wir
wissenschaftliche Vorstellungen nennen, dann
trennen wir diese wissenschaftlichen
Vorstellungen nach dem Wesen unseres
Bewußtseins streng ab von dem, was wir
künstlerisches Erleben nennen, und von dem,
was wir religiöses Erleben nennen. Das ist
gerade ein Grundcharakteristikon unserer
Zeit, daß der moderne Mensch in einem
gewissen Sinne eine Wissenschaft fordert,
die nichts aufnimmt von irgendeiner
künstlerischen Gestaltung, irgendeiner
künstlerischen Anschauung, und auch nichts
aufnimmt von dem, was Gegenstand des
religiösen Bewußtseins, der religiösen
Hingabe an Weltlichkeit und Göttlichkeit
sein will. Wir müssen sagen, das ist ein
Charakteristikon unserer gegenwärtigen
Zivilisation. Und wir finden immer mehr und
mehr dieses Charakteristikon ausgeprägt, je
weiter wir nach Westen gehen und dort den
Grundcharakter der menschlichen Zivilisation
prüfen. Das ist das Charakteristikon, daß
der moderne Mensch als nebeneinanderstehend
in seiner Seele hat Wissenschaft, Kunst und
religiöses Leben. Und er bemüht sich ja,
einen besonderen Wissensbegriff zu bilden,
die Kunst durchaus nicht übergreifen zu
lassen in die Wissenschaft, die Phantasie
auszuschalten aus allem, was
«wissenschaftlich» ist mit Ausnahme dessen,
was auf Erfindungen abzielt; und dann eine
andere Art von Glaubensgewißheit geltend zu
machen, die insbesondere im religiösen Leben
ihre Rolle spielen soll.
|
Si l'on essaie de s'élever à une vision
spirituelle dans le sens que j'ai décrit, on
arrive, en partant absolument de la pensée
scientifique exercée de notre époque, à ce
que j'ai caractérisé comme une pensée
vivante, une pensée à force d'image. Avec
cette pensée à force d'image, on se sent
maintenant aussi équipé pour comprendre,
j'aimerais dire comment mathématiquement,
mais maintenant qualitativement, ce qui ne
peut pas être compris avec les mathématiques
et la géométrie habituelles : le vivant.
Avec la pensée vivante, on se sent apte à
saisir le vivant.
|
36
|
Wenn man in dem Sinn, wie ich
es charakterisiert habe, versucht, zu einer
geistigen Anschauung aufzusteigen, dann
kommt man, indem man durchaus von dem
geschulten naturwissenschaftlichen Denken
der Gegenwart ausgeht, zu dem, was ich
charakterisierte als ein lebendiges Denken,
als ein bildhaftes Denken. Mit diesem
bildhaften Denken fühlt man sich nun auch
gerüstet, dasjenige, ich möchte sagen, wie
mathematisch, aber jetzt qualitativ, zu
begreifen, was mit der gewöhnlichen
Mathematik und Geometrie nicht zu begreifen
ist: das Lebendige. Mit dem lebendigen
Gedanken fühlt man sich geeignet, das
Lebendige zu ergreifen.
|
Dans la mesure où nous avons une vue
d'ensemble de ce qui agit, disons, dans les
simples combinaisons chimiques du monde
inorganique, ce qui agit en termes de
substances et de forces se trouve dans un
équilibre plus ou moins instable, si je peux
m'exprimer en termes populaires. L'équilibre
devient de plus en plus instable,
l'interaction de plus en plus compliquée, au
fur et à mesure que nous nous élevons vers
le vivant. Et dans la même mesure que
l'équilibre devient plus instable, la
structure vivante s'arrache à l'expérience
quantitative ; et c'est en premier à la
pensée vivante qu'elle devient ainsi
accessible qu'elle peut se lier à la
structure vivante comme la pensée
mathématique à l'inerte/la dépourvue de vie.
Mais par cela nous parvenons/atteignons -
j'ai déjà indiqué là-dessus dans une
conférence antérieure, que je dis avec cela
en fait quelque chose d'horrible pour
beaucoup de penseurs actuels -, par cela
nous atteignons un point de connaissance qui
conduit continuellement la pensée ordinaire,
logique et abstraite au-delà en une saine
pensée artistique, en une sorte de vision
artistique qui est cependant intérieurement
absolument aussi exacte que les
mathématiques ou la mécanique peuvent
l'être.
|
37
|
Indem dasjenige, was, sagen
wir, in bloßen chemischen Verbindungen der
unorganischen Welt wirkt, von uns überschaut
wird, ist -- wenn ich mich jetzt populär
aussprechen darf - das, was da wirkt an
Stoffen und Kräften, in einem mehr oder
weniger labilen Gleichgewicht. Immer labiler
und labiler wird das Gleichgewicht, immer
komplizierter und komplizierter wird das
Ineinanderwirken, je mehr wir heraufsteigen
zum Lebendigen. Und in demselben Maße, wie
das Gleichgewicht labiler wird, entreißt
sich das lebendige Gebilde der quantitativen
Erfahrung; und erst dem lebendigen Gedanken
wird es so zugänglich, daß er sich mit dem
lebendigen Gebilde so verbinden kann wie der
mathematische Gedanke mit dem leblosen.
Dadurch aber gelangen wir ich habe schon in
einem der früheren Vorträge darauf
hingewiesen, daß ich damit eigentlich für
viele heutige Denker etwas Horribles sage -,
dadurch gelangen wir herauf zu einem
Erkenntnisstandpunkt, der kontinuierlich
überführt das gewöhnliche, logische,
abstrakte Denken in eine Art künstlerischen
Denkens, in eine Art künstlerischer
Anschauung, die aber durchaus innerlich so
exakt ist, wie nur jemals die Mathematik
oder Mechanik exakt sein können.
|
Je sais combien on recule s'effrayant du
côté de l'esprit scientifique moderne, à
faire passer ce qui veut être exact dans
l'artistique, dans ce qui, par
l'intervention de la qualité, se forme dans
l'humain en une sorte de mathesis
qualitative. Mais à quoi sert donc toute
théorie de la connaissance qui déclame que
nous ne pourrions parvenir à une
connaissance de l'objectivité que si nous
avancions de conclusion en conclusion et que
nous devions nous garder d'inclure quoi que
ce soit d'une telle essence artistique dans
la connaissance, si la nature, la réalité, à
un certain niveau, agissait justement de
manière artistique, de sorte qu'elle ne se
livrerait qu'à une connaissance artistique.
|
38
|
Ich weiß, wie sehr man davor
zurückschreckt von seiten des modernen
Wissenschaftsgeistes aus, dasjenige, was
exakt sein will, überzuführen in das
Künstlerische, in das, was sich, indem die
Qualität mitwirkt, im Menschen zu einer Art
qualitativen Mathesis gestaltet. Aber was
nützt denn alle Erkenntnistheorie, die da
deklamiert, daß wir zu einer Erkenntnis der
Objektivität doch nur kommen könnten, wenn
wir von Schlußfolgerung zu Schlußfolgerung
fortschreiten und uns ja hüten müßten,
irgend etwas von einem solchen
künstlerischen Wesen in die Erkenntnis
einzubeziehen, wenn die Natur, die
Wirklichkeit auf einer gewissen Stufe eben
künstlerisch wirkte, so daß sie sich nur
einem künstlerischen Erkennen ergeben würde.
|
En particulier, nous ne parvenons pas à ce
qui façonne l'organisme humain à partir de
l'intérieur, comme je l'ai décrit
avant-hier, et qui agit en nous comme une
sorte de premier homme suprasensible, si
nous ne laissons pas ce qui est pensé
d'assemblage s'écouler dans une sorte de
création artistique, si nous ne pouvons pas
recréer la forme humaine créatrice à partir
d'une mathématique qualitative.
|
39
|
Insbesondere gelangen wir
nicht zu dem, was den menschlichen
Organismus so von innen heraus gestaltet,
wie ich das vorgestern beschrieben habe
was als eine Art erster übersinnlicher
Mensch in uns wirkt , wenn wir nicht
dasjenige, was zusammenfügendes Denken ist,
in eine Art künstlerische Gestaltung
einlaufen lassen, wenn wir nicht aus einer
qualitativen Mathematik heraus die
menschliche schaffende Gestalt nachschaffen
können.
|
Il nous suffit de conserver l'esprit de la
science et d'accueillir l'esprit de l'art.
|
40
|
Wir brauchen nur
beizubehalten den Geist der
Wissenschaftlichkeit und aufzunehmen den
Geist des Künstlerischen.
|
Bref, nous devons faire naître une vision
artistique à partir de ce que nous appelons
aujourd'hui la science, en conservant tout
l'esprit scientifique.
|
41
|
Kurz, wir müssen aus dem, was
wir heute Wissenschaft nennen, indem wir den
ganzen Wissenschaftsgeist aufrecht erhalten,
ein künstlerisches Anschauen gebären.
|
Mais alors, si nous faisons cela, nous
nous approchons de la réconciliation de la
science et de l'art, comme Goethe l'avait
pressenti, en prononçant une phrase comme
celle-ci : "Le beau est une manifestation de
lois naturelles secrètes qui, sans son
apparition, nous seraient restées
éternellement cachées". Goethe le savait
bien : si l'on s'en tient à vouloir
comprendre la nature ou le monde en général
avec les formes-pensées qui se révèlent être
les plus saines et les plus justes pour le
monde inorganique, on n'obtient tout
simplement pas la totalité du monde. Et l'on
ne trouvera pas plus tôt le passage de la
science de l'inorganique à celle de
l'organique avant d'avoir transposé la
connaissance abstraite dans la connaissance
intérieurement vivifiée, qui est en même
temps un connecter et un régner/agir
intérieur.
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42
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Dann aber, wenn wir das tun,
nähern wir uns der Versöhnung von
Wissenschaft und Kunst, wie sie Goethe
geahnt hat, indem er einen Ausspruch tat wie
diesen: «Das Schöne ist eine Manifestation
geheimer Naturgesetze, die uns ohne dessen
Erscheinung ewig wären verborgen geblieben.»
Goethe wußte gar wohl: Wenn man dabei
bleibt, mit den Gedankenformen die Natur
oder die Welt überhaupt begreifen zu wollen,
welche sich als die gesunden und richtigen
für die unorganische Welt herausstellen, so
ergibt sich einfach nicht die Gesamtheit der
Welt. Und nicht eher wird man den Übergang
finden von der Wissenschaft des
Unorganischen zu der des Organischen, ehe
man nicht die abstrakte Erkenntnis in die
innerlich belebte Erkenntnis, die zu
gleicher Zeit ein inneres Schalten und
Walten ist, überführen wird.
|
En nous tournant ainsi, au sein de
l'aspiration moderne de l'esprit, vers une
saisie du vivant, nous nous approchons de ce
qui, dans la conscience grecque, n'était pas
disponible de manière aussi réfléchie et
consciente que ce à quoi nous aspirons, mais
justement de manière instinctive. Et
personne ne comprend en réalité ce qui
s'exprimait encore chez Platon, mais en
particulier chez les philosophes
présocratiques, s'il ne se rend pas compte
qu'était encore disponible une interaction
entre l'élément artistique de l'humain et
l'élément philosophique-scientifique. Ce
n'est qu'à la fin de l'ère grecque,
philosophiquement parlant quelque peu chez
Aristote, que la pensée née du langage est
séparée et qu'elle devient plus tard, en se
développant à travers la scolastique, une
pensée de science de la nature. Ce n'est que
dans la Grèce postérieure que la pensée se
détache. Le grec ancien a la pensée comme
élément artistique. Et la philosophie
grecque n'est essentiellement compréhensible
que si elle est en même temps saisie avec un
sens artistique.
|
43
|
Indem wir uns so innerhalb
des modernen Geistesstrebens hinwenden zu
einer Erfassung des Lebendigen, nähern wir
uns aber dem, was nun nicht in solcher
Besonnenheit und Bewußtheit, nach denen wir
streben, aber eben instinktiv vorhanden war
im griechischen Bewußtsein. Und niemand
begreift in Wirklichkeit, was sich noch bei
Plato, aber insbesondere bei den
vorsokratischen Philosophen äußerte, wenn er
nicht gewahr wird, daß da noch ein
Zusammenwirken des künstlerischen Elements
im Menschen mit dem
philosophisch-wissenschaftlichen vorhanden
war. Erst am Ausgang des Griechentums,
philosophisch gesprochen etwa bei
Aristoteles, wird der Gedanke abgetrennt,
der aus der Sprache heraus geboren ist und
der dann später, indem er sich über die
Scholastik entwickelt, zum
naturwissenschaftlichen Gedanken wird. Erst
im späteren Griechentum wird der Gedanke
herausgeschält. Das ältere Griechentum hat
den Gedanken als künstlerisches Element. Und
griechische Philosophie ist im wesentlichen
auch nur zu verstehen, wenn sie zu gleicher
Zeit mit künstlerischem Sinn ergriffen wird.
|
Mais cela nous conduit absolument à voir
dans le règne grec cette civilisation qui a
encore non séparé la science et l'art. Cela
s'exprime aussi bien dans l'art que dans la
science elle-même.
|
44
|
Das aber führt uns überhaupt
dazu, in dem Griechentum zu sehen diejenige
Zivilisation, die Wissenschaft und Kunst
noch ungetrennt hat. Das drückt sich aus
sowohl in der Kunst wie in der Wissenschaft
selber.
|
Je ne peux évidemment pas entrer dans tous
les détails. Mais si vous étudiez avec un
sens humain sain et un œil sain et pénétré
de l'esprit ce qu'est la sculpture grecque,
vous trouverez que le Grec ne travaillait
pas dans le sens comme cela se passe
aujourd'hui, d'après le modèle, que le Grec,
en ce qu'il travaillait plastiquement,
travaillait à partir d'un vécu intérieur. En
ce qu'il façonnait le muscle, formait le
bras plié, formait la main, formait d'après
ce qu'il ressentait en son intérieur. Son
deuxième humain intérieur, vivant,
j'aimerais dire cet humain éthérique, il le
ressentait ; il se vivait psychiquement/par
l'âme et ressentait ainsi la limitation vers
l'extérieur. Ce qu'il vivait intérieurement
passait dans la plastique. L'art était une
révélation/manifestation de ce qui était vu
ainsi. Et cette vision, transposée dans ces
pensées vivant dans le langage, devint une
science qui avait encore un caractère
artistique parce qu'elle ne faisait qu'un
avec ce que l'esprit du langage grec
révélait au Grec.
|
45
|
Ich kann natürlich jetzt
nicht auf alle Einzelheiten eingehen. Aber
studieren Sie mit gesundem Menschensinn und
mit einem gesunden, geistdurchdrungenen
Auge, was die griechische Plastik ist, so
werden Sie finden, daß der Grieche nicht in
dem Sinn, wie das heute geschieht, nach dem
Modell arbeitete, daß der Grieche, indem er
plastisch arbeitete, aus einem inneren
Erleben heraus arbeitete. Indem er den
Muskel, den gebeugten Arm formte, die Hand
formte, formte er nach, was er in seinem
Innern erfühlte. Seinen inneren, lebendigen
zweiten Menschen, ich möchte sagen, diesen
ätherischen Menschen, den fühlte er;
seelisch durchlebte er sich und fühlte so
die Begrenzung nach außen. Das, was er
innerlich erlebte, ging in die Plastik über.
Die Kunst war eine Offenbarung dessen, was
so geschaut wurde. Und dieses Schauen, das
hinübergetragen wurde in diesen in der
Sprache lebenden Gedanken, wurde zur
Wissenschaft, die noch einen künstlerischen
Charakter hatte dadurch, daß sie eins war
mit dem, was griechischer Sprachgeist dem
Griechen offenbarte .
|
Et c'est ainsi que nous entrons, avec le
règne grec, dans un monde qui s'ouvrira à
nouveau à nous d'abord lorsque nous nous
élèverons nous-mêmes de notre science
séparée de l'art vers une connaissance qui
débordera à nouveau dans l'élément
artistique. J'aimerais dire que ce que nous
développons plus tard en pleine réflexion
était autrefois là dans une expérience/un
vécu instinctif. Et nous pouvons voir
comment, au cours de la vie historique,
cette vie commune de l'art et de la science
s'est alors transformée en ce qui est
disponible en notre temps : la pleine
séparation de l'art et de la science.
|
46
|
Und so treten wir ein mit dem
Griechentum in eine Welt, die sich uns erst
wiederum erschließt, wenn wir selber
aufsteigen aus unserer von der Kunst
getrennten Wissenschaft zu einer Erkenntnis,
die wiederum überfließt ins künstlerische
Element. Ich möchte sagen, was wir später
entwickeln in voller Besonnenheit, das war
früher einmal da in einem instinktiven
Erleben. Und wir können ja geradezu sehen,
wie sich innerhalb des geschichtlichen
Lebens dieses Zusammenleben von Kunst und
Wissenschaft dann hinüberwandelt in das, was
in unserer Zeit vorhanden ist: die völlige
Trennung von Kunst und Wissenschaft.
|
Lorsque l'humanité s'est développée du
règne romain jusqu'à travers le Moyen-Âge,
l'éducation, la formation allèrent d'un tout
autre point de vue que ce fut le cas plus
tard, à un niveau supérieur de la culture
humaine. Plus tard, à l'ère de science de
nature, il s'agissait principalement de
communiquer à l'humain les résultats de ce
qui était obtenu par l'observation et
l'expérimentation.
|
47
|
Als die Menschheit sich durch
das Römertum hindurch in das Mittelalter
hinein entwickelte, ging die Erziehung, die
Bildung zu einer höheren Stufe der
Menschheitskultur von einem ganz anderen
Gesichtspunkt aus, als das später der Fall
war. Später, im naturwissenschaftlichen
Zeitalter, kam es hauptsächlich darauf an,
die Ergebnisse dessen, was aus der
Beobachtung und dem Experiment gewonnen
wird, dem Menschen mitzuteilen.
|
Dans notre formation, nous vivons presque
en nous appropriant des résultats issus de
l'observation et de l'expérimentation. Si
nous regardons l'époque où se manifestait
encore une certaine persistance de
l'hellénisme/du règne grec, nous voyons
comment, même dans la formation
scientifique, il y avait encore quelque
chose qui se rapprochait de l'humain, qui
tendait davantage vers la formation d'un
savoir-faire/pouvoir chez l'humain. Nous
voyons comment, au Moyen-Âge, l'apprenti
devait passer par ce que l'on appelle les
sept arts libéraux : la grammaire, la
rhétorique, la dialectique, l'arithmétique,
la géométrie, l'astronomie et la musique. Ce
qui comptait, c'était le savoir-faire. Ce
que l'on devait devenir en tant que
scientifique s'acquérait par le biais des
sept arts libéraux, qui étaient toutefois
déjà en passe de devenir la connaissance et
la science, comme ce fut le cas par la
suite.
|
48
|
Wir leben ja fast davon in
unserer Bildung, daß wir uns Ergebnisse, die
aus der Beobachtung, aus dem Experimentieren
genommen sind, aneignen. Schauen wir hin auf
die Zeit, in der sich noch eine gewisse
Fortwirkung des Griechentums zeigte, so
sehen wir, wie da auch in der
wissenschaftlichen Ausbildung noch etwas
vorhanden war, was näher an den Menschen
heranrückte, was mehr auf die Ausbildung
eines Könnens im Menschen hinwirkte. Wir
sehen, wie im Mittelalter der Auszubildende
durchgehen mußte durch die sogenannten
sieben freien Künste: Grammatik, Rhetorik,
Dialektik, Arithmetik, Geometrie, Astronomie
und Musik. Es kam auf ein Können an. Was man
werden sollte als Wissenschafter, das erwarb
man sich durch die sieben freien Künste, die
aber durchaus schon auf dem Wege waren,
Erkenntnis und Wissenschaft zu werden, wie
das später dann geschehen ist.
|
Et l'on peut donc voir, si l'on étudie la
philosophie scolastique du Moyen-Âge, tant
décriée aujourd'hui, combien cette
scolastique, qui se situe à la transition
entre les temps anciens et les nôtres, est
justement une merveilleuse formation de
l'art conceptuel. On aimerait seulement que
les humains modernes s'imprègnent d'un peu
de la scolastique qui était en usage aux
meilleurs moments du Moyen-Âge, qui faisait
naître dans les humains une technique de
pensée et un art de penser. On a tout de
suite besoin de cela si l'on veut arriver à
des concepts bien définis, auxquels nous
devons parvenir. Mais, en ce qu'on part du
point de vue actuel, qui sépare strictement
la science, l'art et la religion, et en
remontant à travers le Moyen-Âge dans
l'évolution de l'humanité, on se rapproche
du règne grec où, plus on remonte, plus on
se convainc que la science et l'art sont
fondus en une chose.
|
49
|
Und man kann ja sehen, wenn
man die heute so viel verpönte scholastische
Philosophie des Mittelalters studiert, wie
gerade diese Scholastik, die auf dem
Übergang von alten Zeiten zu den unsrigen
steht, eine wunderbare Ausbildung der
Begriffskunst ist. Man möchte den modernen
Menschen nur wünschen, daß sie etwas von der
Scholastik in sich aufnähmen, die in den
besten Zeiten des Mittelalters üblich war,
die eine Denktechnik und Denkkunst in den
Menschen heranzog. Man braucht das gerade,
wenn man zu festumrissenen Begriffen, zu
denen wir kommen müssen, kommen will. Indem
man nun aber von dem heutigen Standpunkt
ausgeht, der Wissenschaft, Kunst und
Religion streng voneinander trennt, und
durch das Mittelalter nach aufwärts steigt
in der Menschheitsentwickelung, nähert man
sich dem Griechentum, wo, je weiter und
weiter man zurückgeht, man sich desto mehr
und mehr davon überzeugt, daß Wissenschaft
und Kunst in eins verschmolzen sind.
|
Mais dans la Grèce antique, se tient
toujours un phénomène séparé de la science
et de l'art : la vie religieuse. Elle
s'approche de l'humain d'une tout autre
manière que l'expérience scientifique ou
artistique. Ce qui vit dans l'art et la
science vit dans l'espace et le temps en
tant qu'objet ; le contenu de la conscience
religieuse est au-delà de l'espace et du
temps.
|
50
|
Aber noch immer steht im
Griechentum da eine von Wissenschaft und
Kunst getrennte Erscheinung: das religiöse
Leben. Es kommt an den Menschen auf eine
ganz andere Weise heran als das
wissenschaftliche oder künstlerische
Erleben. Was in Kunst und Wissenschaft lebt,
lebt im Raum und in der Zeit als Objekt; der
Inhalt des religiösen Bewußtseins ist
jenseits von Raum und Zeit.
|
Cela appartient à l'éternité, cela donne
certes naissance à l'espace et au temps,
mais nous ne nous en approchons pas si nous
nous arrêtons/restons debout à l'intérieur
de l'espace et du temps.
|
51
|
Das gehört der Ewigkeit an,
das gebiert zwar Raum und Zeit aus sich,
aber wir kommen ihm nicht nahe, wenn wir
innerhalb von Raum und Zeit stehenbleiben.
|
Ce que la science de l'esprit, toutefois
dans un sens beaucoup plus précis, doit
développer aujourd'hui sur ces choses, on
peut aussi le voir de documents extérieurs.
|
52
|
Was Geisteswissenschaft,
allerdings in einem viel genaueren Sinn,
heute über diese Dinge entwickeln muß, kann
man auch aus den äußeren Dokumenten ersehen.
|
Et j'aimerais toujours indiquer sur un
ouvrage qui vient de paraître en Autriche et
qui est extraordinairement utile à cet
égard, sur l'"Histoire de l'idéalisme"
d'Otto Willmann, un livre qui est
particulièrement remarquable par rapport à
de nombreux livres qui traitent de problèmes
similaires à l'heure actuelle. On peut juger
sans préjugés de telles choses, même si
elles sont issues de conceptions opposées,
si elles conduisent seulement à quelque
chose qui favorise la vie de l'esprit.
|
53
|
Und ich möchte immer wieder
hinweisen auf ein gerade in Österreich
erschienenes, in dieser Beziehung
außerordentlich brauchbares Werk, auf die
«Geschichte des Idealismus» von Otto
Willmann, ein Buch, das besonders
hervorragend ist über viele Bücher, die
ähnliche Probleme in der Gegenwart
behandeln. Man kann unbefangen urteilen über
solche Dinge, wenn sie auch aus
entgegengesetzten Anschauungen hervorgehen,
wenn sie nur hinführen zu etwas, was das
Geistesleben fördert.
|
Dans le règne grec, se tient là cette
unité de l'art et de la science et de
l'autre côté, cette vie religieuse à
laquelle le Grec s'adonne, qu'il développe
toutefois en images dans la religion
populaire, mais qu'il obtient en profondeur
dans la religion des mystères par
l'initiation au sens approfondi. Mais
partout nous pouvons voir que le religieux
ne joue pas dans les forces de l'âme qui se
développent dans la science et l'art, mais
que la vie de l'âme, pour arriver à la vie
religieuse, doit d'abord arriver à cette
ambiance pieuse, à cet amour universel, dans
lequel peut être saisi ce qui se révèle du
divin-spirituel absolument et avec lequel
l'humain peut s'unir dans la dévotion
religieuse.
|
54
|
Im Griechentum steht da jene
Einheit von Kunst und Wissenschaft und auf
der anderen Seite jenes religiöse Leben, an
das sich der Grieche hingibt, das er
allerdings in der Volksreligion in Bildern
ausgestaltet, in der Mysterienreligion aber
durch die Einweihung in vertieftem Sinn
erhält. Aber überall können wir sehen, daß
in die Seelenkräfte, die sich in
Wissenschaft und Kunst entwickeln, das
Religiöse nicht hereinspielt, sondern daß
das Seelenleben, um ins religiöse Leben zu
kommen, erst in jene fromme Stimmung, in
jene All-Liebe kommen muß, in der erfaßt
werden kann, was sich aus dem
Göttlich-Geistigen überhaupt offenbart und
mit dem sich der Mensch in religiöser
Hingabe vereinigen kann.
|
Mais passons à l'Orient. Plus nous
remontons dans des temps anciens, plus nous
constatons que c'est à nouveau tout autre
chose avec la vie spirituelle. Et là aussi,
nous pouvons être guidés par ce que nous
acquérons nous-mêmes dans le cadre de
l'exercice moderne de l'esprit : Lorsque
nous passons de l'expérience du concept
vivant à ces douleurs et souffrances
intérieures que nous devons surmonter pour
devenir pleinement un organe des sens
respectivement de l'esprit en tant qu'humain
entier, et que nous cessons de faire
l'expérience du monde dans le seul corps
physique, en nous tenant dans le monde
indépendamment du corps physique, nous nous
tenons alors dans le monde de telle sorte
que nous apprenons à vivre une réalité en
dehors de l'espace et du temps. Nous faisons
alors l'expérience de la réalité du
spirituel-psychique, comment il agit dans le
temporel, de la façon dont je l'ai décrit.
Mais si nous conquérons la vision de
l'esprit, qui sera conquise en surmontant la
douleur et la souffrance à l'intérieur, nous
avons déjà avec cela introduit dans la
connaissance un peu de l'élément qui, de
manière tout à fait continue, fait entrer la
connaissance dans l'expérience religieuse,
en ce sens qu'elle reste debout en tant que
connaissance réelle, en tant que savoir réel
selon l'esprit. Et en faisant l'expérience
de ce qui est resté des temps anciens dans
les vénérables représentations
traditionnelles comme contenu religieux,
nous vivons
à nouveau
aussi du plus nouveau d'un contenu spirituel
similaire, lorsque nous nous élevons luttant
à une telle connaissance, qui maintenant
peut vivre dans la sphère de la piété
religieuse.
|
55
|
Gehen wir aber hinüber zu dem
Orient. In je ältere Zeiten wir zurückgehen,
desto mehr finden wir, daß es mit dem
geistigen Leben wiederum etwas ganz anderes
ist. Und auch da kann uns das führen, was
wir selbst innerhalb der modernen
Geistesschulung uns erringen: Wenn wir von
dem Erleben des lebendigen Begriffs zu jenen
innerlichen Schmerzen und Leiden aufsteigen,
die wir überwinden müssen, damit wir ganz
Sinnes- beziehungsweise Geistesorgan werden
als ganzer Mensch und aufhören, im bloßen
physischen Leib die Welt zu erfahren, indem
wir unabhängig vom physischen Leib in der
Welt drinnenstehen, dann stehen wir so in
der Welt, daß wir lernen, außerhalb von Raum
und Zeit eine Wirklichkeit zu erleben. Da
erleben wir dann auch die Wirklichkeit des
Geistig-Seelischen, wie es hereinwirkt in
das Zeitliche, in der Art, wie ich es
geschildert habe. Aber wenn wir die
Geistesschau erringen, die errungen wird
durch die Überwindung von Schmerz und Leid
im Innenn, haben wir damit schon etwas von
dem Element in die Erkenntnis
hereingebracht, das in ganz kontinuierlicher
Weise die Erkenntnis hineinführt, indem sie
als wirkliche Erkenntnis, als wirkliches
Wissen dem Geiste nach aufrecht bleibt, in
das religiöse Erleben. Und indem wir das,
was aus alten Zeiten in ehrwürdigen
traditionellen Vorstellungen als
Religionsinhalt geblieben ist, erleben,
erleben wir auch Neueres von einem ähnlichen
geistigen Inhalt wiederum, wenn wir uns
hinaufringen zu einem solchen Erkennen, das
nun leben kann in der Sphäre der religiösen
Frömmigkeit.
|
Mais c'est alors seulement que nous
comprenons de quelles profondeurs humaines
est né ce qui a vécu dans le monde de
l'Orient ancien comme une unité de la
religion, de l'art et de la science. Ils
étaient une fois une unité. Ce que l'humain
connaissait, ce qu'il assimilait dans son
monde d'idées, était une autre facette de ce
qu'il plaçait devant lui pour que cela
rayonne vers en bas sur lui dans la beauté
artistique ; et ce qu'il saisissait donc en
connaissant et laissait rayonner dans beauté
était aussi un spirituel auquel il offrait
ses actes de culte, par rapport auquel il se
mouvait aussi par ses actes comme abandonné
à un ordre supérieur. Nous voyons ici la
religion, l'art et la science se réaliser
comme une unité.
|
56
|
Dann aber verstehen wir erst,
aus welchen menschlichen Tiefen heraus das
entsprungen ist, was in der Welt des alten
Ostens gelebt hat als eine Einheit nun von
Religion, Kunst und Wissenschaft. Die waren
einmal eine Einheit. Was der Mensch
erkannte, was er aufnahm in seine Ideenwelt,
das war eine andere Seite dessen, was er vor
sich hinstellte, damit es in künstlerischer
Schönheit auf ihn herabstrahle; und was er
also erkennend erfaßte und in Schönheit
erstrahlen ließ, war auch ein Geistiges, dem
er seine Kultushandlungen darbrachte,
demgegenüber er sich auch mit seinem Tun
bewegte als hingegeben an eine höhere
Ordnung. Religion, Kunst, Wissenschaft sehen
wir hier als eine Einheit verwirklicht.
|
Mais cela nous ramène à une époque où la
pensée humaine elle-même ne vivait pas
seulement sur les vagues de la parole, mais
où l'expérience pour l'humain était que la
pensée vivait dans des régions encore plus
profondes que la parole elle-même, que la
pensée était liée aux fibres les plus
intimes de ce qui est la nature humaine.
C'est pourquoi le yogi indien a extrait les
pensées de la respiration, de ce qui est
fondé plus profondément que le mot. La
pensée ne s'est élevée que peu à peu jusqu'à
la parole, puis au-delà de la parole dans la
culture moderne. Mais la pensée était à
l'origine liée à une expérience humaine plus
intime, plus profonde, et c'était à l'époque
où l'unité de la vie religieuse, artistique
et scientifique pouvait s'épanouir dans une
harmonie pénétrante.
|
57
|
Das führt uns aber zurück in
eine Zeit, in der der menschliche Gedanke
selber nicht nur auf den Wogen des Wortes
dahinlebte, sondern wo Erlebnis für den
Menschen war, daß der Gedanke in noch
tieferen Regionen lebte als das Wort selber,
daß der Gedanke verbunden war mit der
innigsten Faserung dessen, was menschliche
Natur ist. Daher holte der indische Jogi die
Gedanken aus dem Atmen heraus, aus dem was
tiefer begründet ist als das Wort. Der
Gedanke hat sich erst nach und nach zum Wort
erhoben und dann über das Wort hinaus in der
modernen Kultur. Der Gedanke war aber
ursprünglich mit intimerem, , tieferem
menschlichen Erleben verbunden, und das war
in der Zeit, wo sich die Einheit des
religiösen, künstlerischen und
wissenschaftlichen Lebens in einer
durchgreifenden Harmonie entfalten konnte.
|
De ce que j'ai pu vous décrire comme une
unité harmonieuse de la religion, de l'art
et de la philosophie, telle qu'elle se
présente à nous comme une direction dans les
Védas, il existe aujourd'hui un écho là-bas
en Orient. Mais une résonance que nous
devons comprendre, que nous ne comprenons
pas facilement si nous nous élevons
simplement jusqu'à ce qui vit dans la
culture occidentale en tant que séparation
de la religion, de l'art et de la science,
mais que nous comprenons dans le plein sens
du terme si nous nous élevons, grâce à une
science de l'esprit plus récente, jusqu'à
une vision qui produit à son tour une
harmonie entre religion, art et science.
Mais nous avons encore devant nous, en
Orient, les vestiges de cette ancienne
unité. Regardons de l'autre côté : même là
où elle se répercute en Europe, nous en
avons encore une résonance devant nous. Ce
qui était une époque historique antérieure
est, d'une certaine manière, encore présent
sur une certaine partie de la terre. Et nous
pouvons percevoir cette présence chez un
grand philosophe de l'Est européen, chez
Solovjeff.
|
58
|
Von dem, was ich Ihnen so
schildern konnte als harmonische Einheit von
Religion, Kunst und Philosophie, wie sie uns
etwa in den Veden als Richtung
entgegentritt, von dem ist heute ein
Nachklang im Orient drüben vorhanden. Aber
ein Nachklang, den wir verstehen müssen, den
wir nicht leicht verstehen, wenn wir uns
bloß zu dem erheben, was in der westlichen
Kultur lebt als Trennung von Religion, Kunst
und Wissenschaft, den wir aber im vollen
Sinn des Wortes verstehen, wenn wir uns
durch eine neuere Geisteswissenschaft
aufschwingen zu einer Anschauung, die
wiederum eine Harmonie von Religion, Kunst
und Wissenschaft hervorbringt. Aber wir
haben im Orient noch die Überreste von jener
alten Einheit vor uns. Schauen wir hinüber:
selbst da, wo er nach Europa herüberwirkt,
haben wir das in einem Nachklang noch vor
uns. Was eine frühere geschichtliche Epoche
war, das ist in einer gewissen Weise auf
einem gewissen Fleck der Erde noch Gegenwart
geblieben. Und wir können diese Gegenwart an
einem großen Philosophen des europäischen
Ostens, an Solovjeff, wahrnehmen.
|
Ce philosophe de la seconde moitié du XIXe
siècle agit sur nous d'une manière très
particulière.
|
59
|
Dieser Philosoph der zweiten
Hälfte des 19. Jahrhunderts wirkt auf uns in
einer ganz besonderen Art.
|
Si nous nous tournons vers les philosophes
occidentaux, John Stuart Mill ou Herbert
Spencer ou d'autres, nous constatons que
leur point de vue est issu de la pensée
scientifique que j'ai décrite aujourd'hui.
Mais chez Solovjeff, il y a encore quelque
chose qui représente la religion, l'art et
la science comme une unité. On voit
toutefois, si l'on se met à lire Solovjeff,
qu'il utilise comme un langage philosophique
ce que l'on trouve chez Kant, chez Comte ;
il maîtrise complètement les formes
d'expression de ces philosophes occidentaux
et d'Europe centrale. Mais si l'on
s'imprègne de son sens, de ce qu'il exprime
à travers ces formes d'expression, alors on
le vit différemment. On a chez lui un
sentiment historique : il nous apparaît
comme un homme ressuscité des discussions
qui ont eu lieu/été labourées avant le
Concile de Nicée. On ressent littéralement
le ton qui régnait dans les discussions des
premiers pères chrétiens, et il y avait
encore dans ces premiers siècles chrétiens
un écho de l'unité de la religion et de la
science - cette unité où la volonté
coule/flue encore ensemble avec la pensée.
Tout cela coule et ondule à travers la
vision du monde est européenne de Solovjeff.
|
60
|
Wenden wir uns den
Philosophen des Westens zu, John Stuart Mill
oder Herbert Spencer oder anderen, so finden
wir, daß ihr Standpunkt herausgewachsen ist
aus dem naturwissenschaftlichen Denken, das
ich heute beschrieben habe. In Solovjeff
lebt aber noch etwas, was Religion, Kunst
und Wissenschaft wie als eine Einheit
darstellt. Man sieht allerdings, wenn man
sich an die Lektüre von Solovjeff
heranmacht, daß er wie eine philosophische
Sprache dasjenige benützt, was sich bei
Kant, bei Comte findet; er beherrscht die
Ausdrucksformen dieser westlichen und
mitteleuropäischen Philosophen vollständig.
Lebt man sich aber in seinen Sinn ein, in
das was er durch diese Ausdrucksformen
ausspricht, dann erlebt man ihn anders. Man
hat bei ihm ein historisches Gefühl: er
kommt einem vor wie ein Mensch, der wieder
auferstanden ist aus den Diskussionen
heraus, die vor dem Konzil von Nicäa
gepflogen worden sind. Man fühlt förmlich
den Ton, der in den Diskussionen der ersten
christlichen Väter herrschte, und es lebte
in diesen ersten christlichen Jahrhunderten
durchaus noch ein Nachklang von der Einheit
von Religion und Wissenschaft - diese
Einheit, wo auch der Wille noch mit dem
Denken zusammenfließt. Das alles strömt und
wellt durch Solovjeffs osteuropäische
Weltanschauung.
|
Et si nous regardons aujourd'hui ce qui
nous entoure en tant que culture et
civilisation, nous constatons que dans les
régions plus occidentales, nous avons
justement cette séparation entre la
religion, l'art et la science, mais que ce
qui appartient vraiment à notre instant
historique, ce qui est vraiment ce à partir
de quoi nous devons agir et marquer les
structures du monde, c'est cette science qui
est strictement construite sur la pensée
scientifique décrite en premier lieu, tandis
que nous reprenons l'ancienne tradition dans
les styles artistiques et les contenus
religieux. Nous voyons aujourd'hui à quel
point l'art est peu productif dans les
nouvelles formes de style, comment les
anciennes formes de style renaissent
partout. Ce qui est vivant à notre époque,
c'est ce qui vit dans la pensée
scientifique.
|
61
|
Und wenn wir heute auf das
hinschauen, was uns als Kultur und
Zivilisation umgibt, so finden wir, daß wir
in den mehr westlichen Gegenden eben jene
Trennung von Religion, Kunst und
Wissenschaft haben, daß aber das, was so
recht unserem historischen Augenblick
angehört, was so recht das ist, aus dem
heraus wir wirken und die Gebilde der Welt
prägen müssen, jene Wissenschaft ist, die
auf dem zuerst geschilderten
naturwissenschaftlichen Denken streng
aufgebaut ist, während wir in den
Kunststilen und Religionsinhalten altes
Traditionelles übernehmen. Wir sehen heute,
wie wenig produktiv die Kunst in neuen
Stilformen ist, wie überall alte Stilformen
aufleben. Dasjenige, was in unserer Zeit
lebendig ist, ist das, was im
wissenschaftlichen Gedanken lebt.
|
Nous devons d'abord attendre une époque
qui aura, comme je l'ai décrit, la pensée
vivifiée, imaginative, qui conduira à
nouveau au vivant, qui pourra à nouveau
devenir immédiatement créative
artistiquement dans de nouvelles formes de
style, sans devenir de paille, allégorique,
non artistique.
|
62
|
Wir müssen erst eine Zeit
abwarten, die in der Weise, wie ich es
geschildert habe, das belebte, imaginative
Denken hat, das wiederum zum Lebendigen
führt, das wiederum auch in neuen Stilformen
künstlerisch unmittelbar schöpferisch werden
kann, ohne daß es strohern, allegorisch,
unkünstlerisch wird.
|
Nous voyons donc la pensée scientifique
comme l'impulsion motrice du présent
immédiat, et ce d'autant plus que nous
allons vers l'ouest.
|
63
|
Wir sehen also den
wissenschaftlichen Gedanken als den
treibenden Impuls der unmittelbaren
Gegenwart, und um so mehr, je mehr wir nach
Westen kommen.
|
Et nous voyons à l'Est un écho de ce qui
était l'unité de la religion, de l'art et de
la science.
|
64
|
Und wir sehen im Osten einen
Nachklang dessen, was Einheit von Religion,
Kunst und Wissenschaft war.
|
Les Européens de l'Est ont cet élément
religieux fondamental, cette nuance dans
l'esprit. Ils regardent le monde avec cette
nuance fondamentale. Ils ne peuvent
comprendre l'Occident qu'en faisant un
détour par un développement spirituel tel
qu'il existe ici dans notre mouvement
spirituel-scientifique ; ils n'ont pas de
compréhension immédiate de l'Occident parce
qu'en Occident, on veut justement délimiter
le religieux et l'artistique de la pensée
scientifique.
|
65
|
Dieses religiöse
Grundelement, diese Nuance haben die
Osteuropäer im Gemüt. Sie schauen mit dieser
Grundnuance in die Welt hinein. Den Westen
können sie nur auf dem Umweg über eine
solche geistige Entwikkelung verstehen, wie
sie hier bei unserer
geisteswissenschaftlichen Bewegung vorliegt;
ein unmittelbares Verständnis für den Westen
haben sie nicht, weil man gerade im Westen
reinlich das Religiöse und das Künstlerische
vom wissenschaftlichen Gedanken abgrenzen
will.
|
Et au milieu - nous ne pouvons pas nous y
soustraire/fermer -, l'humain doit se
laisser imposer le monde extérieur des sens
et vivre la pensée appropriée au monde
extérieur des sens ; mais il ne peut pas
faire autrement que de regarder en arrière
sur lui-même et de vivre son intériorité, et
pour l'intériorité, il a besoin de
l'expérience religieuse. Mais j'aimerais
dire que, plus profondément caché dans la
nature humaine que l'expérience religieuse,
dont on a besoin à l'intérieur, et
l'expérience scientifique, dont on a besoin
pour l'observation du monde extérieur, se
trouve le membre de liaison entre les deux,
l'expérience artistique.
|
66
|
Und in der Mitte - wir können
uns dem nicht verschließen -, da muß der
Mensch die äußere Sinnenwelt sich aufdrängen
lassen und den Gedanken erleben, der sich
für die äußere Sinnenwelt eignet; er kann
aber nicht anders als zurückblicken auf sich
selber und sein Inneres erleben, und für das
Innere braucht er das religiöse Erleben. Ich
möchte aber sagen, tiefer verborgen in der
menschlichen Natur als das religiöse
Erleben, das man im Innern braucht, und das
wissenschaftliche Erleben, das man für die
Beobachtung der Außenwelt braucht, ist das
Bindeglied zwischen beiden, das
künstlerische Erleben.
|
Ce vécu artistique est à cause de cela
aussi quelque chose qui se trouve
aujourd'hui dans la vie de telle manière
qu'il n'est pas revendiqué/rendu comme
valant en premier lieu comme une exigence de
la vie. Nous voyons comment la culture
occidentale se nourrit de pensées
scientifiques et la culture orientale de
pensées religieuses. Nous voyons comment
nous nous tenons dans une culture
artistique, mais comment nous ne pouvons pas
nous y intégrer pleinement, comment la
culture artistique est diversement une
renaissance. Mais il faut dire que
l'aspiration à un tel équilibre est
absolument bien présente au milieu de l'Est
et de l'Ouest. Et nous la constatons en
jetant un coup d'œil quelque peu tout de
suite sur Goethe.
|
67
|
Dieses künstlerische Erleben
ist daher auch etwas, was heute im Leben so
dasteht, daß es nicht in erster Linie als
Anforderung an das Leben geltend gemacht
wird. Wir sehen, wie sich die westliche
Kultur mit Wissenschaftsgedanken trägt und
die östliche Kultur mit religiösen Gedanken.
Wir sehen, wie wir in einer künstlerischen
Kultur drinnenstehen, wie wir uns aber nicht
voll in sie einleben können, wie die
künstlerische Kultur vielfach Renaissance
ist. Dennoch aber muß man sagen, die
Sehnsucht nach einem solchen Ausgleich ist
in der Mitte zwischen Ost und West durchaus
vorhanden. Und wir sehen sie, wenn wir etwa
hinblicken gerade auf Goethe.
|
Quelle était donc la grande
aspiration/nostalgie de Goethe lorsqu'il a
été, j'aimerais dire, confronté aux énigmes
de la nature à partir d'immédiates
dispositions artistiques ? Son sens
artistique s'est évidemment transformé en
vision scientifique. Et on aimerait dire que
chez Goethe, l'Européen central
représentatif, nous trouvons l'art et la
science marqués d'une même empreinte, et
nous les trouvons encore marqués d'une même
empreinte si nous suivons la vie de Goethe
dans son évolution et si nous comprenons
comment placer Goethe dans l'évolution des
temps modernes. Goethe se vit dans cette
interaction entre l'art et la science. C'est
ainsi que naquit en lui une nostalgie que
l'on ne peut comprendre qu'historiquement :
le besoin d'Italie, de culture méridionale.
Et c'est en observant les œuvres d'art qui
s'offraient à lui dans le Sud qu'il écrivît
à ses amis de Weimar quelque chose qui
s'inspirait de ce qu'il avait appris là-bas
à Weimar en tant que philosophie et science.
Il avait trouvé l'action divine représentée
de manière philosophique chez Spinoza. Cela
ne lui suffisait pas. Il voulait un vivre
plus large, plus spirituel dans le monde et
dans la spiritualité.
|
68
|
Was war denn Goethes große
Sehnsucht, als er, ich möchte sagen, aus
unmittelbar künstlerischen Anlagen heraus
vor die Rätsel der Natur gestellt wurde?
Sein Künstlersinn formte sich wie
selbstverständlich um zu seiner
wissenschaftlichen Anschauung. Und man
möchte sagen, bei Goethe, dem
repräsentativen Mitteleuropäer, finden wir
Kunst und Wissenschaft doch in eins geprägt,
und wir finden es weiter in eins geprägt,
wenn wir das Goethesche Leben in seiner
Entwickelung verfolgen und wenn wir
verstehen, Goethe so recht in die
Entwickelung der neueren Zeit
hineinzustellen. Goethe lebt sich hinein in
dieses Zusammenwirken von Kunst und
Wissenschaft. So entstand eine nur
historisch aufzufassende Sehnsucht in ihm:
der Drang nach Italien, nach südlicher
Kultur. Und von der Beobachtung der
Kunstwerke, die sich ihm im Süden darboten,
schrieb er seinen Weimarischen Freunden
etwas, was sich anlehnte an das, was er dort
in Weimar als Philosophie und Wissenschaft
kennengelernt hatte. In Spinoza hatte er das
göttliche Walten dargestellt gefunden in
philosophischer Weise. Ihm genügte das
nicht. Er wollte ein erweitertes, ein
vergeistigteres Hineinleben in die Welt und
in die Geistigkeit.
|
Et à la vue des œuvres d'art méridionales,
il écrivit à ses amis : "Là est la
nécessité, là est Dieu !" Et : "J'ai la
supposition que les Grecs procédaient selon
les lois mêmes selon lesquelles la nature
elle-même procède et dont je suis sur la
trace". Ici, Goethe veut fondre en un seul
la science et l'art.
|
69
|
Und im Anblick der südlichen
Kunstwerke schrieb er seinen Freunden: «Da
ist Notwendigkeit, da ist Gott!» Und: «Ich
habe die Vermutung, daß die Griechen nach
eben den Gesetzen verfuhren, nach welchen
die Natur selbst verfährt und denen ich auf
der Spur bin.» Hier will Goethe in eins
verschmelzen Wissenschaft und Kunst.
|
Si je termine par quelque chose de
personnel, c'est uniquement pour vous
montrer comment on peut trouver, à travers
un symptôme particulier, la manière dont le
monde médiant peut se situer entre l'Est et
l'Ouest. J'ai vécu ce symptôme il y a
environ quarante ans, ici à Vienne. Dans ma
jeunesse, j'ai fait la connaissance de Karl
Julius Schröer ; il tenait alors des
lectures d'histoire de la poésie allemande
depuis la première apparition de Goethe.
Dans sa conférence d'introduction, il a dit
plusieurs choses significatives, mais il a
ensuite prononcé une parole caractéristique
de l'aspiration des meilleurs esprits
d'Europe centrale, à partir d'où ils
parlaient de manière plus instinctive.
Schröer aussi parlait de manière plus
instinctive. Mais en fait, il a exprimé le
désir d'une alliance entre l'art et la
science, d'une alliance entre la pensée
scientifique occidentale et la pensée
religieuse orientale dans la vision
artistique, en résumant ce qu'il voulait
dire par cette parole qui, pour moi, est
significative : l'Allemand a une conscience
esthétique.
|
70
|
Wenn ich zum Schluß etwas
Persönliches anführe, so soll es nur aus dem
Grund geschehen, um Ihnen anzudeuten, wie
man an einem einzelnen Symptom die Art und
Weise finden kann, wie die mittlere Welt
sich zwischen Ost und West hineinstellen
kann. Dieses Symptom habe ich vor etwa
vierzig Jahren hier in Wien erlebt. In
meiner Jugend lernte ich kennen Karl Julius
Schröer; er las dazumal über die Geschichte
der deutschen Dichtung seit Goethes erstem
Auftreten. In der Einleitungsvorlesung sagte
er verschiedenes Bedeutungsvolles; aber er
sprach dann ein Wort aus, das so recht
charakteristisch ist für das
mitteleuropäische Sehnen der besten Geister,
aus dem heraus sie, mehr instinktiv,
sprachen. Auch Schröer sprach mehr
instinktiv. In der Tat aber drückte er die
Sehnsucht nach einer Verbindung von Kunst
und Wissenschaft aus, nach einer Verbindung
des westlichen Wissenschaftsgedankens und
des östlichen Religionsgedankens in dem
künstlerischen Schauen, indem er
zusammenfaßte, was er sagen wollte, in dem
für mich bedeutungsvollen Worte: Der
Deutsche hat ästhetisches Gewissen.
|
Cela n'exprime certainement pas une
réalité générale immédiate. Mais une
aspiration est exprimée, l'aspiration à voir
ensemble l'art et la science. Et si l'on
peut voir cela ensemble, alors un autre
Européen central, que je viens de
caractériser, a eu le sentiment qu'il a
exprimé en de belles paroles : que si l'on
peut voir ensemble la science et l'art, on
peut aussi s'élever à l'expérience
religieuse, si seulement dans ce sens de
Goethe on trouve une véritable spiritualité
dans la science et l'art. C'est dans ce sens
qu'il a prononcé la parole : celui qui
possède la science et l'art a aussi la
religion ; celui qui ne possède pas les
deux, il aurait la religion.
|
71
|
Damit ist ganz gewiß nicht
eine unmittelbare allgemeine Realität
ausgesprochen. Aber eine Sehnsucht ist
ausgesprochen, die Sehnsucht danach,
zusammenzuschauen Kunst und Wissenschaft.
Und dann, wenn man das zusammenschauen kann,
dann hat ja ein anderer Mitteleuropäer, den
ich eben charakterisiert habe, die
Empfindung gehabt, die er ausgesprochen hat
in schönen Worten: daß man dann, wenn man
zusammenschauen kann Wissenschaft und Kunst,
sich auch zum religiösen Erleben erheben
kann, wenn nur in diesem Goetheschen Sinn in
Wissenschaft und Kunst wirkliche Geistigkeit
gefunden wird. In diesem Sinn hat er das
Wort gesprochen: Wer Wissenschaft und Kunst
besitzt, Hat auch Religion; Wer jene beiden
nicht besitzt, Der habe Religion.
|
Celui qui a une conscience esthétique
parvient aussi à la force de conscience
scientifique et religieuse. Et cela peut
nous montrer où nous nous tenons
aujourd'hui.
|
72
|
Wer ästhetisches Gewissen
hat, kommt auch zur wissenschaftlichen und
religiösen Gewissenhaftigkeit. Und das kann
uns zeigen, wo wir heute stehen.
|
Aujourd'hui, je n'aime pas prononcer le
mot souvent cité de période de transition,
chaque époque est une période de transition,
mais aujourd'hui, dans une période de
transition, ce qui compte, c'est justement
en quoi consiste la transition dans le
temps.
|
73
|
Heute, ich spreche nicht gern
das oft angeführte Wort von der
Übergangszeit aus, jede Zeit ist eine
Übergangszeit, aber heute, in einer
Übergangszeit, kommt es eben darauf an,
worin der Übergang in der Zeit besteht.
|
À notre époque, nous avons vécu,
développée jusqu'au triomphe suprême, la
séparation de la religion, de l'art et de la
science. Mais ce qui doit être recherché et
qui peut permettre de trouver une entente
entre l'Orient et l'Occident, c'est
l'harmonisation, l'unité intérieure de la
religion, de l'art et de la science. Et
c'est à cette unité intérieure que
voudraient conduire la conception du monde
et la vision de la vie dont il a été
question ici et dont il sera question plus
loin.
|
74
|
In unserer Zeit erlebten wir,
bis zum höchsten Triumph entwickelt, die
Trennung von Religion, Kunst und
Wissenschaft. Das aber, was gesucht werden
muß und was erst eine Verständigung finden
lassen kann zwischen Ost und West, das ist
die Harmonisierung, die innere Einheit von
Religion, Kunst und Wissenschaft. Und zu
dieser inneren Einheit möchte die
Weltauffassung und Lebensanschauung, von der
hier gesprochen worden ist und weiter
gesprochen werden wird, führen.
|
TROISIÈME CONFÉRENCE
aujourd'hui ce serait peut-être: de l'immédiateté de
l'éternité
ANTHROPOSOPHIE ET ORIENTATION MONDIALE
Vienne, le 3 juin 1922
Est-Ouest dans l'histoire
01
Mes très chers présents ! Goethe, qui a exprimé en
expressions simples tant de grandes choses qui font
bouger les humains, a aussi écrit cette phrase : " Que
chacun se demande quad même avec quel organe il peut en
tout cas agir sur son temps et agira" ! Si on laisse
agir sur soi une telle déclaration, avec tout ce dont on
peut savoir que ça a pu traverser l'âme de Goethe, en
faisant une telle déclaration, on est alors transporté
dans tout le rapport de l'humain à la vie historique.
Certes aujourd'hui encore, chez la plupart des humains
cela se déroule, plus ou moins inconsciemment, qu'ils
cherchent à gagner leur point de vue particulier, par
lequel ils trouvent la possibilité d'employer leurs
forces de la Faso correcte dans le cours de l'évolution
de l'humanité, que cette mise en œuvre se fasse à partir
de l'esprit de l'époque dans laquelle ils vivent. Mais
on a bien la permission de dire qu'une observation même
superficielle de la vie humaine dans son évolution
montre que les humains sont finalement obligés
d'organiser leur vie de manière de plus en plus
consciente. La vie instinctive était la caractéristique
des anciennes époques de culture. Le passage à une
conscience toujours plus grande est aussi un facteur
historique. Et à l'heure actuelle, on peut déjà sentir
comment la vie, devenue de plus en plus compliquée,
exige de l'humain qu'il se place avec un certain degré
de conscience, même s'il occupe une place peut-être
encore peu remarquable, dans l'évolution de l'humanité.
Seuls tout de suite lors de l'aspiration à un tel point
de vue, nous avons aujourd'hui encore peu de points de
repère dans l'observation de l'évolution historique de
l'humanité.
02
Cette observation de l'évolution historique de
l'humanité, dans le sens le plus récent d'une science,
n'est en fait pas encore très ancienne. Et on aimerait
dire que l'on ressent la jeunesse de l'observation
historique dans ce qui vient justement de se manifester
dans l'historiographie.
03
Cette historiographie a produit de grandes choses. En se
développant à partir de l'écriture non scientifique des
chroniques qui régnait encore au XIXe siècle, elle a
essayé, parce qu'elle est tombée dans l'ère de science
de la nature, de prendre de plus en plus aussi des
formes de science de la nature. Et c'est ainsi que nous
voyons que l'approche historique s'est de plus en plus
rapprochée de l'idée que ce qui suit devrait toujours
être compris de manière causale à partir de ce qui
précède. Mais celui qui est suffisamment impartial peut
voir que, bien qu'une telle considération causale de la
vie historique de l'humanité mène loin, il reste encore
d'innombrables faits de cette vie historique qui ne
peuvent pas être rangés sans contradiction dans une
simple considération des causes. Et alors vous apparaît
volontiers une image qui peut pourvoir de sens la vie
historique : l'image d'un courant s'écoulant chez lequel
nous ne pourrions cependant pas toujours déduire ce qui
se trouve à un certain point du cours de ce qui se
trouve un peu plus en amont, mais nous devrions tenir
compte du fait que dans ses profondeurs agissent toutes
sortes de forces qui peuvent en tout lieu se presser à
la surface, soulever des vagues qui ne sont pas
conditionnées par celles qui les précèdent.
04
C'est ainsi que la vie historique de l'humanité nous
semble indiquer des profondeurs indicibles, nous
apparaît comme une surface sur laquelle s'élèvent des
forces incommensurables. Et la contemplation humaine ne
peut guère avoir la prétention de voir en détail tout ce
qui est particulièrement particulier à une époque
donnée. C'est pourquoi l'observation historique devra de
plus en plus se rapprocher de ce que j'aimerais appeler
une observation symptomatologique. Nous devons donc
aussi constater l'état de santé et de maladie de
l'organisme humain, qui est une totalité si richement
différenciée, en observant les symptômes par lesquels
cet organisme se manifeste. De même, nous devons sans
doute nous habituer peu à peu à pratiquer une
symptomatologie historique : de comprendre ce qui
s'annonce à la surface de telle sorte que cela nous
indique des choses isolées et que, grâce à des symptômes
de plus en plus nombreux que nous saisissons dans notre
vision, nous en venions à laisser agir sur nous le
vivant intérieur du devenir historique de telle sorte
que, grâce à la saisie psychique/d'âme intérieure des
forces historiques de l'humanité, qui agissent aussi
dans notre âme par toutes sortes de détours, nous soyons
en mesure de trouver notre place dans l'évolution de
l'humanité.
05
C'est tout de suite une telle observation du monde et de
la vie, tel que j'ai eu la permission de la développer
devant vous, qui peut vous faire ressentir à quel point
les symptômes historiques s'expriment aussi dans ce
qu'on vit au plus intime de son être. C'est tout de
suite ce que je vous ai décrit, l'éveil et le réveil de
facultés de connaissance qui ne sont pas disponibles
dans la conscience ordinaire, mais qui, dans la vie
ordinaire, sommeillent au plus profond de l'âme, c'est
précisément cet éveil et ce réveil de facultés de
connaissance, tels qu'ils conviennent à l'humain
moderne, qui nous amène à comprendre que nous devons non
seulement développer ces facultés de connaissance dans
le présent d'une manière différente de ce qu'elles ont
été dans le monde antérieur.
06
Mais si nous développons de telles forces, si nous
menons cette vie intérieure intime jusqu'à une vision
spirituelle, alors le caractère fondamental de cette
vision spirituelle se présente à l'humain d'aujourd'hui
d'une tout autre manière qu'il ne se présentait aux
humains de l'antiquité orientale, par exemple, à
laquelle nous avons touché lorsque nous avons décrit
avant-hier l'exercice du yoga.
07
Si nous jetons un coup d'œil vers ces anciennes façons
de voir orientales, telles qu'elles ont été développées
par ceux qui voulaient expulser de leur intérieur des
forces de connaissance qui accèdent au suprasensible,
nous devons dire que tout ce que nous savons à ce sujet
nous indique que de telles connaissances, en
s'installant dans l'âme, ont pris un caractère
absolument permanent, durable dans l'âme. Ce que
l'humain pense dans la vie ordinaire, ce qu'il absorbe
comme l'effet sur son âme des expériences de l'existence
terrestre, ce qui se fixe ensuite dans les souvenirs,
c'est ce qui a une durée dans l'âme ; et nous ne sommes
tout simplement pas sains d'esprit si nous avons des
lacunes considérables dans la capacité de nous souvenir
de ce que nous avons vécu dans le monde à partir d'un
certain moment de notre évolution dans l'enfance. Tout
ce qui a été acquis dans l'ancienne culture orientale de
l'âme en matière de compréhension du monde spirituel
s'est intégré/articulé/membré dans cette durée de la
pensée. Cela formait pour ainsi dire des représentations
de souvenir, comme les expériences ordinaires de la
journée forment des représentations de souvenir. C'était
précisément la particularité du voyant oriental plus âgé
que de se retrouver de plus en plus dans une vie
communautaire permanente avec le monde spirituel, en
accomplissant son chemin dans ce monde. Il se savait
pour ainsi dire en sécurité une fois qu'il était dans le
monde divin-spirituel. Il savait que celui-ci
représentait quelque chose de durable pour son âme
aussi.
08
Or, dans un certain sens, on peut dire que c'est le
contraire qui se produit pour celui qui s'élève
aujourd'hui à une certaine vision spirituelle à partir
des forces de la nature humaine vers lesquelles
l'humanité s'est développée depuis ces jours anciens
jusqu'à nos jours : Il développe ses façon de voir sur
le spirituel de telle sorte qu'il en fait l'expérience ;
mais il lui est impossible d'en faire des
représentations-souvenir de la même manière que les
pensées que nous vivons au quotidien au monde extérieur
deviennent des représentations-souvenir.
09
Pour beaucoup de ceux qui, selon les méthodes actuelles,
parviennent à une certaine vision spirituelle, c'est une
grande déception de constater qu'ils obtiennent certes
des aperçus de ce monde spirituel, mais que ces aperçus
sont passagers, comme la vision d'une réalité devant
laquelle nous nous trouvons dans le monde extérieur et
qui n'existe plus dans notre perception lorsque nous
nous en éloignons. Ce qui se passe dans la vie de l'âme
n'est pas une incorporation à la mémoire au sens
habituel du terme, mais un lien instantané avec le monde
spirituel. Si l'on veut retrouver ce lien plus tard, on
ne peut pas simplement faire remonter l'expérience de la
mémoire, mais on ne peut faire que ce qui suit : On peut
bien sûr se souvenir de ce qui appartient aux
expériences habituelles du monde physique, comment on
s'est amené, par exemple, à travers des développements
de forces, à avoir une telle expérience du monde
spirituel. On peut alors refaire le chemin, et on peut
l'avoir à nouveau, tout comme lorsqu'on revient à une
perception sensorielle. C'est précisément l'un des
moments les plus importants qui garantissent la réalité
de la vision moderne : que ce dans quoi nous regardons
ne s'unisse pas à notre corporéité ; car cela signifie
toujours être uni à la corporéité, être fixé par
l'organisme, lorsque les pensées acquièrent une certaine
durée en tant que représentations-souvenirs.
10
Si j'ai la permission d'ajouter ici une remarque
personnelle, peut-être pour un accord, c'est que
quelqu'un qui est un peu en contact avec le monde
spirituel et qui veut faire part de ce qu'il a vécu,
n'est pas en mesure de faire cette communication au sens
habituel du terme, à partir de sa mémoire. Il doit
toujours faire certains efforts pour s'amener lui-même à
l'observation spirituelle directe. C'est pourquoi même
quelqu'un qui parle directement depuis le monde
spirituel peut, je dirais, faire trente fois le même
exposé : il ne sera pas pour lui une répétition du
précédent, mais il doit toujours être extrait de
l'expérience de manière directe.
11
En même temps, il y a là quelque chose dont je voudrais
dire qu'il peut apaiser certaines inquiétudes qui
pourraient surgir dans les âmes
craintives/anxieuses/inquiètes face à cette vision
moderne de l'esprit. Beaucoup de gens considèrent encore
aujourd'hui, et avec une certaine raison, que la
grandeur des questions énigmatiques et significatives de
l'existence réside précisément dans le fait que ces
questions ne peuvent jamais être résolues dépourvues de
restes.
12
Elles craignent la philistrosité de la vision
spirituelle si elles devaient être confrontées à
l'affirmation que les énigmes de l'être peuvent être
définitivement "résolues" par une quelconque vision du
monde.
13
Or, la conception de la vie dont il est question ici ne
peut pas non plus parler d'une telle "solution", et ce
précisément pour la raison que nous venons d'indiquer :
ce qui est en quelque sorte toujours oublié doit
toujours être acquis à nouveau.
14
Mais c'est tout de suite en cela que se montre la
vitalité. Nous nous rapprochons en quelque sorte de ce
qui se manifeste aussi extérieurement dans la nature
comme le caractère du vivant, par rapport à ce que nous
vivons habituellement intérieurement, en voyant nos
pensées devenir des représentations de souvenir.
Peut-être que pour certains, ce que je veux dire
maintenant semble trivial ; mais ce n'est pas trivial.
Pas plus que quelqu'un ne peut dire : j'ai mangé hier,
je suis donc rassasié, je n'ai pas besoin de manger
aujourd'hui, ni demain, ni plus tard -- de même,
personne ne peut dire à l'égard de la vision moderne de
l'esprit qu'elle est achevée une fois pour toutes,
qu'elle se communique ensuite à la mémoire et que l'on
sait désormais pour toujours ce que l'on a.
15
Oui, ce n'est pas le seul cas où il faut toujours lutter
à nouveau pour obtenir la présence de ce qui veut se
révéler à l'homme, mais c'est même le cas où, si l'on
rumine longtemps les mêmes représentations du monde
spirituel, si on les cherche toujours à nouveau, des
doutes apparaissent, des incertitudes surgissent, et que
l'on doit toujours vaincre à nouveau les incertitudes et
les doutes dans la vie intérieure vivante de l'âme,
précisément dans la vision spirituelle correcte. On
n'est donc jamais, j'aimerais dire, condamné à la
tranquillité de l'être fini lorsqu'on aspire à la vision
de l'esprit au sens moderne.
16
Et une autre chose doit être dite. Cette vision moderne
de l'esprit exige avant tout ce que l'on peut appeler la
présence d'esprit. La vision de l'esprit des anciens
temps orientaux pouvait en quelque sorte prendre son
temps. Ce qu'elle obtenait restait durablement
disponible. Celui qui veut regarder dans le monde
spirituel à partir de la nature humaine moderne doit
être vif, aimerais-je dire, avec son organe spirituel ;
il doit être conscient du fait que ce qui se révèle à
partir du monde spirituel n'est parfois là qu'un instant
et disparaît ensuite, et que ce doit donc être saisi au
moment de son apparition par la présence d'esprit. Et
beaucoup d'êtres humains, qui se préparent soigneusement
à une telle vision de l'esprit, n'y parviennent pas
parce qu'ils ne recherchent pas en même temps cette
présence d'esprit dans des exercices préparatoires. Car
ce n'est qu'ainsi que l'on est en mesure d'éviter
d'avoir en fait développé son attention quand la chose
est déjà à nouveau passée.
17
Avec cela je vous ai décrit maintes particularités que
rencontre le chercheur moderne du monde spirituel.
D'autres particularités de ce genre apparaîtront au
cours des exposés. Aujourd'hui, j'aimerais seulement
attirer l'attention sur l'une d'entre elles, parce
qu'elle mène directement à une certaine observation
historique de l'humanité.
18
Si en cela nous voulons maintenant à nouveau dans sens
caractérisé d'un certain côté en tant qu'humain moderne,
trouver le chemin vers le monde spirituel d'une manière
sûre, ainsi que nous ne devenions pas des fantaisistes,
ainsi c'est le mieux de partir des représentations, des
opérations de pensée que nous avons acquises par une
observation approfondie de la nature et par
l'approfondissement de science de la nature. Aucune
représentation ne se prête aussi bien à la vie
méditative, comme je l'ai décrit, que celles que l'on
acquiert à partir de la science moderne de la nature,
non pas pour les assimiler uniquement sur le plan du
contenu, mais pour les traiter/élaborer sur le plan du
contenu méditativement. En tant qu'humains modernes,
nous avons justement appris à penser, au sens le plus
strict du terme, à partir de la science de la nature.
19
Nous devons garder à l'esprit que c'est justement grâce
à la science de la nature que nous avons appris à penser
de manière adaptée à notre actuelle époque du temps.
Maintenant, tout ce que nous pouvons gagner de la
science moderne en termes d'opérations de pensée peut
seulement être une préparation pour la véritable vision
de l'esprit.
20
Nous ne pouvons jamais, par une quelconque conséquence
logique, par une quelconque spéculation philosophique,
utiliser la pensée ordinaire que nous formons aux choses
du monde extérieur, à l'expérience et à l'observation,
pour autre chose que pour nous préparer. Nous devons
alors attendre que le monde spirituel veuille s'adresser
à nous de la manière que j'ai décrite hier et
avant-hier. Nous devons d'abord devenir mûrs pour chaque
pas particulier de l'observation du monde spirituel.
Nous ne pouvons pas, par un caprice intérieur, faire
autre chose que de nous transformer en quelque sorte en
un organe auquel le monde spirituel veut se révéler. La
révélation objective - nous devons l'attendre. Et celui
qui a de l'expérience en la matière sait comment il doit
attendre certaines connaissances pendant des années, des
décennies, avant qu'elles ne s'ouvrent à lui. C'est
justement cette circonstance qui garantit l'objectivité
de ce qui est réalité dans le monde spirituel, pour la
connaissance.
21
Il n'en était à nouveau pas de même pour celui qui, dans
les temps anciens de l'Orient, cherchait par ses
exercices le chemin vers le monde suprasensible. Chez
lui, la pensée était d'emblée conçue de telle sorte
qu'il lui suffisait en quelque sorte de la poursuivre
pour trouver le chemin vers le monde spirituel que j'ai
caractérisé avant-hier. Il se trouvait donc déjà, dans
la vie ordinaire, dans une pensée qui n'avait besoin que
d'être poursuivie pour conduire, dans son propre
prolongement, à une certaine clairvoyance, mais qui,
parce qu'elle était développée à partir de la vie
ordinaire de l'époque, était une vision plus onirique,
tandis que la vision à laquelle nous aspirons en tant
qu'humains modernes est une vision qui se déroule en
pleine réflexion, semblable à celle disponible dans la
résolution des problèmes mathématiques.
22
Nous y voyons précisément, en nous adressant à ce que le
chercheur d'esprit doit vivre intimement, l'expression
d'énormes transformations dans toute la nature humaine
au cours de périodes historiques. Ces temps sont
historiques dans la mesure où non seulement celui qui,
par l'observation spirituelle, peut examiner la vie
historique des hommes et du cosmos jusqu'aux temps les
plus reculés, comme je vais encore le décrire, mais
aussi celui qui examine les documents extérieurs de
manière impartiale peuvent en arriver à cette
conclusion. Nous pouvons aussi regarder dans ces
documents extérieurs les temps anciens de la vie
spirituelle de l'humanité et voir comment ils se
distinguent de ce à quoi nous-mêmes, de ce à quoi notre
époque doit aspirer en ce qui concerne la position
intérieure dans ce monde spirituel.
23
Parce que notre pensée ne peut pas être poursuivie sans
plus pour nous amener dans son propre courant se
poursuivant à la vision de l'esprit, mais parce qu'elle
peut purement faire la préparation, nous préparer dans
une certaine mesure nous-mêmes, afin que nous soyons
mûrs lorsque le monde spirituel se présente à nous, à
contempler celui-ci, c'est tout de suite par cela que
notre pensée est apte à agir. à tisser à l'intérieur du
champ des expériences, des observations, à l'intérieur
du champ que la science de la nature a fait sien. Mais
c'est tout de suite en ce que nous envisagions quelle
rigueur intérieure, quelle force intérieure notre pensée
a atteinte que nous l'appliquerons d'autant plus
sûrement à notre formation/entrainement, afin de pouvoir
ensuite attendre la révélation du monde spirituel dans
le sens correct du terme. Il en ressort déjà que notre
pensée est aujourd'hui quelque chose d'autre que dans
des temps anciens.
24
J'aurai à plusieurs reprises l'occasion de faire des
digressions historiques. Beaucoup de choses concernant
le monde extérieur pourront être poursuivies à partir de
ce que j'ai à dire aujourd'hui. Aujourd'hui, je parlerai
davantage de ce que sont les forces intérieures de
l'évolution de l'humanité. C'est là que nous sommes
finalement conduits à la pensée et à la transformation
de cette pensée au cours des époques de l'évolution de
l'humanité.
25
Mais puisque toute la vie historique extérieure dépend
finalement de cette pensée, puisque l'humain produit ce
qu'il accomplit historiquement à partir de ses pensées,
à côté de ses impulsions émotionnelles et volontaires,
nous devons nous tourner vers la pensée humaine si nous
voulons nous adresser aux impulsions historiques les
plus profondes.
26
Mais maintenant, cette pensée humaine telle que nous
pouvons l'utiliser aujourd'hui pour la science de la
nature d'un côté, et pour l'impact de la liberté humaine
de l'autre côté, se distingue pourtant dans une très
large mesure de la pensée que nous trouvons dans les
époques précédentes de l'humanité. Certes, il se
trouvera maints humains pour dire que penser, c'est
penser, que ce soit chez John Stuart Mill ou chez
Solovjeff, que ce soit chez Platon, Aristote, Héraclite,
ou chez les penseurs de l'Orient ancien. Mais celui qui,
simplement avec un certain flair/sens à sentir
intérieur, est capable d'entrer dans la façon et la
manière dont les pensées ont agi au sein de l'humanité,
se dira : notre pensée actuelle est au fond quand même
quelque chose dé tout autre que la pensée des époques
plus anciennes. On touche ainsi à un problème important
de l'évolution de l'humanité.
27
Regardons notre pensée actuelle. J'aurai encore
l'occasion de justifier ce que je vais développer
maintenant de manière plus historique, aussi à partir de
la science de la nature. Ce que nous appelons pensée
s'est en fait développé à partir du maniement du
langage. Celui qui a le sens de ce qui est efficace dans
la langue d'un peuple, de ce qui agit en tant que
logique dans la langue, de la logique dans laquelle nous
vivons pendant notre enfance, et qui a ensuite un sens
psychologique suffisant pour l'observer dans la vie,
trouvera que notre pensée actuelle est en fait issue de
ce que la langue fait de notre constitution d'âme.
J'aimerais dire que c'est du langage que nous extrayons
peu à peu les pensées et les lois de la pensée ; notre
pensée actuelle est un don de la parole/du parler.
28
Mais tout de suite, la pensée qui est un don de la
parole, c'est la pensée qui est devenue grande dans
l'humanité civilisée depuis les jours de Copernic, de
Galilée, de Giordano Bruno, qui est devenue grande à
l'époque où l'humanité a tourné de préférence son
attention vers l'observation de la nature au sens
moderne. La pensée appliquée à l'observation et à
l'expérimentation doit, j'aimerais dire, vivre si
familièrement avec nous que nous affinons idéalement ce
que nous nous approprions par le langage comme un bien
populaire général, de telle sorte qu'il devienne en nous
une pensée idéelle par laquelle nous saisissons alors le
monde extérieur.
29
Mais nous avons seulement besoin de revenir en arrière,
sur une courte période par rapport à l'ensemble de
l'évolution de l'humanité, pour trouver quelque chose de
tout à fait autre. Nous remontons par exemple jusqu'à
l'époque grecque. Celui qui sait se transposer dans ce
qui œuvrait dans l'art grec, dans la poésie grecque,
dans la philosophie grecque, ce qui absolument nous
résonne de la Grèce, il trouve de manière tout à fait
empirique qu'il est possible que le Grec ait encore vécu
ce qui était pensé, intimement tissé avec la parole.
30
La pensée et la parole ne faisaient qu'un. En ce qu'on
développait le concept de logos, on parlait d'autre
chose que ce dont nous parlons lorsque nous parlons des
pensées ou de la connexion/liaison des pensées. On
parlait des pensées ainsi que cette pensée avait
l'élément linguistique comme sa corporéité évidente.
Justement aussi peu que, dans le monde physique, nous
pouvons penser notre âme séparée spatialement de
l'organisme physique, justement aussi peu, pour la
conscience grecque, la pensée se séparait de la parole.
31
On sentait absolument les deux comme une unité, et sur
les flots des paroles s'écoulait la pensée.
32
Mais cela conditionne aussi une tout autre position de
l'humain dans sa conscience par rapport au monde
extérieur que la nôtre avec la pensée, qui s'est déjà
détachée de la parole. C'est pourquoi, lorsque nous
remontons à l'époque grecque, nous devons au fond nous
approprier une tout autre disposition/ambiance d'âme si
nous voulons pénétrer dans les expériences réelles de
l'âme grecque. C'est pourquoi tout ce qui a été produit
dans le monde grec, par exemple en tant que science, n'a
plus l'air d'être une science pour les exigences
actuelles. Le naturaliste d'aujourd'hui dira : les Grecs
n'avaient pas de science de la nature ; ils avaient une
philosophie de la nature.
33
Et il a raison. Mais le problème n'est ainsi saisi,
j'aimerais dire, que dans le quart de son essence. Il
repose là quelque chose de beaucoup plus profond.
34
Et ce qui repose à la base, nous pouvons d'abord
seulement l'explorer avec une vision spirituelle.
35
Si nous nous servons de la pensée qui est aujourd'hui
particulièrement adaptée à la recherche sur la nature,
dans laquelle nous nous formons aujourd'hui par
l'hérédité et l'éducation, si nous nous servons de cette
pensée et formons ce que nous appelons des
représentations scientifiques, alors nous séparons
strictement ces représentations scientifiques, selon la
nature de notre conscience, de ce que nous appelons
l'expérience artistique et de ce que nous appelons
l'expérience religieuse. C'est tout de suite une
caractéristique fondamentale de notre époque que
l'humain moderne exige, en un certain sens, une science
qui n'accepte rien d'une quelconque création artistique,
d'une quelconque vision artistique, et qui n'accepte
rien non plus de ce qui veut être l'objet de la
conscience religieuse, de la dévotion religieuse à
l'univers et à la divinité. Nous devons dire que c'est
une caractéristique de notre civilisation actuelle. Et
nous trouvons cette caractéristique de plus en plus
marquée à mesure que nous allons vers l'ouest et que
nous y examinons le caractère fondamental de la
civilisation humaine. C'est la caractéristique de
l'humain moderne d'avoir dans son âme, se tenant côte à
côte, la science, l'art et la vie religieuse. Et il
s'efforce donc de former un concept particulier du
savoir, de n'absolument pas laisser l'art empiéter sur
la science, d'exclure/de déconnecter l'imagination/la
fantaisie de tout ce qui est "scientifique", à
l'exception de ce qui vise à l'invention ; et ensuite de
faire valoir une autre sorte de certitude de la foi, qui
doit jouer son rôle en particulier dans la vie
religieuse.
36
Si l'on essaie de s'élever à une vision spirituelle dans
le sens que j'ai décrit, on arrive, en partant
absolument de la pensée scientifique exercée de notre
époque, à ce que j'ai caractérisé comme une pensée
vivante, une pensée à force d'image. Avec cette pensée à
force d'image, on se sent maintenant aussi équipé pour
comprendre, j'aimerais dire comment mathématiquement,
mais maintenant qualitativement, ce qui ne peut pas être
compris avec les mathématiques et la géométrie
habituelles : le vivant. Avec la pensée vivante, on se
sent apte à saisir le vivant.
37
Dans la mesure où nous avons une vue d'ensemble de ce
qui agit, disons, dans les simples combinaisons
chimiques du monde inorganique, ce qui agit en termes de
substances et de forces se trouve dans un équilibre plus
ou moins instable, si je peux m'exprimer en termes
populaires. L'équilibre devient de plus en plus
instable, l'interaction de plus en plus compliquée, au
fur et à mesure que nous nous élevons vers le vivant. Et
dans la même mesure que l'équilibre devient plus
instable, la structure vivante s'arrache à l'expérience
quantitative ; et c'est en premier à la pensée vivante
qu'elle devient ainsi accessible qu'elle peut se lier à
la structure vivante comme la pensée mathématique à
l'inerte/la dépourvue de vie. Mais par cela nous
parvenons/atteignons - j'ai déjà indiqué là-dessus dans
une conférence antérieure, que je dis avec cela en fait
quelque chose d'horrible pour beaucoup de penseurs
actuels -, par cela nous atteignons un point de
connaissance qui conduit continuellement la pensée
ordinaire, logique et abstraite au-delà en une saine
pensée artistique, en une sorte de vision artistique qui
est cependant intérieurement absolument aussi exacte que
les mathématiques ou la mécanique peuvent l'être.
38
Je sais combien on recule s'effrayant du côté de
l'esprit scientifique moderne, à faire passer ce qui
veut être exact dans l'artistique, dans ce qui, par
l'intervention de la qualité, se forme dans l'humain en
une sorte de mathesis qualitative. Mais à quoi sert donc
toute théorie de la connaissance qui déclame que nous ne
pourrions parvenir à une connaissance de l'objectivité
que si nous avancions de conclusion en conclusion et que
nous devions nous garder d'inclure quoi que ce soit
d'une telle essence artistique dans la connaissance, si
la nature, la réalité, à un certain niveau, agissait
justement de manière artistique, de sorte qu'elle ne se
livrerait qu'à une connaissance artistique.
39
En particulier, nous ne parvenons pas à ce qui façonne
l'organisme humain à partir de l'intérieur, comme je
l'ai décrit avant-hier, et qui agit en nous comme une
sorte de premier homme suprasensible, si nous ne
laissons pas ce qui est pensé d'assemblage s'écouler
dans une sorte de création artistique, si nous ne
pouvons pas recréer la forme humaine créatrice à partir
d'une mathématique qualitative.
40
Il nous suffit de conserver l'esprit de la science et
d'accueillir l'esprit de l'art.
41
Bref, nous devons faire naître une vision artistique à
partir de ce que nous appelons aujourd'hui la science,
en conservant tout l'esprit scientifique.
42
Mais alors, si nous faisons cela, nous nous approchons
de la réconciliation de la science et de l'art, comme
Goethe l'avait pressenti, en prononçant une phrase comme
celle-ci : "Le beau est une manifestation de lois
naturelles secrètes qui, sans son apparition, nous
seraient restées éternellement cachées". Goethe le
savait bien : si l'on s'en tient à vouloir comprendre la
nature ou le monde en général avec les formes-pensées
qui se révèlent être les plus saines et les plus justes
pour le monde inorganique, on n'obtient tout simplement
pas la totalité du monde. Et l'on ne trouvera pas plus
tôt le passage de la science de l'inorganique à celle de
l'organique avant d'avoir transposé la connaissance
abstraite dans la connaissance intérieurement vivifiée,
qui est en même temps un connecter et un régner/agir
intérieur.
43
En nous tournant ainsi, au sein de l'aspiration moderne
de l'esprit, vers une saisie du vivant, nous nous
approchons de ce qui, dans la conscience grecque,
n'était pas disponible de manière aussi réfléchie et
consciente que ce à quoi nous aspirons, mais justement
de manière instinctive. Et personne ne comprend en
réalité ce qui s'exprimait encore chez Platon, mais en
particulier chez les philosophes présocratiques, s'il ne
se rend pas compte qu'était encore disponible une
interaction entre l'élément artistique de l'humain et
l'élément philosophique-scientifique. Ce n'est qu'à la
fin de l'ère grecque, philosophiquement parlant quelque
peu chez Aristote, que la pensée née du langage est
séparée et qu'elle devient plus tard, en se développant
à travers la scolastique, une pensée de science de la
nature. Ce n'est que dans la Grèce postérieure que la
pensée se détache. Le grec ancien a la pensée comme
élément artistique. Et la philosophie grecque n'est
essentiellement compréhensible que si elle est en même
temps saisie avec un sens artistique.
44
Mais cela nous conduit absolument à voir dans le règne
grec cette civilisation qui a encore non séparé la
science et l'art. Cela s'exprime aussi bien dans l'art
que dans la science elle-même.
45
Je ne peux évidemment pas entrer dans tous les détails.
Mais si vous étudiez avec un sens humain sain et un œil
sain et pénétré de l'esprit ce qu'est la sculpture
grecque, vous trouverez que le Grec ne travaillait pas
dans le sens comme cela se passe aujourd'hui, d'après le
modèle, que le Grec, en ce qu'il travaillait
plastiquement, travaillait à partir d'un vécu intérieur.
En ce qu'il façonnait le muscle, formait le bras plié,
formait la main, formait d'après ce qu'il ressentait en
son intérieur. Son deuxième humain intérieur, vivant,
j'aimerais dire cet humain éthérique, il le ressentait ;
il se vivait psychiquement/par l'âme et ressentait ainsi
la limitation vers l'extérieur. Ce qu'il vivait
intérieurement passait dans la plastique. L'art était
une révélation/manifestation de ce qui était vu ainsi.
Et cette vision, transposée dans ces pensées vivant dans
le langage, devint une science qui avait encore un
caractère artistique parce qu'elle ne faisait qu'un avec
ce que l'esprit du langage grec révélait au Grec.
46
Et c'est ainsi que nous entrons, avec le règne grec,
dans un monde qui s'ouvrira à nouveau à nous d'abord
lorsque nous nous élèverons nous-mêmes de notre science
séparée de l'art vers une connaissance qui débordera à
nouveau dans l'élément artistique. J'aimerais dire que
ce que nous développons plus tard en pleine réflexion
était autrefois là dans une expérience/un vécu
instinctif. Et nous pouvons voir comment, au cours de la
vie historique, cette vie commune de l'art et de la
science s'est alors transformée en ce qui est disponible
en notre temps : la pleine séparation de l'art et de la
science.
47
Lorsque l'humanité s'est développée du règne romain
jusqu'à travers le Moyen-Âge, l'éducation, la formation
allèrent d'un tout autre point de vue que ce fut le cas
plus tard, à un niveau supérieur de la culture humaine.
Plus tard, à l'ère de science de nature, il s'agissait
principalement de communiquer à l'humain les résultats
de ce qui était obtenu par l'observation et
l'expérimentation.
48
Dans notre formation, nous vivons presque en nous
appropriant des résultats issus de l'observation et de
l'expérimentation. Si nous regardons l'époque où se
manifestait encore une certaine persistance de
l'hellénisme/du règne grec, nous voyons comment, même
dans la formation scientifique, il y avait encore
quelque chose qui se rapprochait de l'humain, qui
tendait davantage vers la formation d'un
savoir-faire/pouvoir chez l'humain. Nous voyons comment,
au Moyen-Âge, l'apprenti devait passer par ce que l'on
appelle les sept arts libéraux : la grammaire, la
rhétorique, la dialectique, l'arithmétique, la
géométrie, l'astronomie et la musique. Ce qui comptait,
c'était le savoir-faire. Ce que l'on devait devenir en
tant que scientifique s'acquérait par le biais des sept
arts libéraux, qui étaient toutefois déjà en passe de
devenir la connaissance et la science, comme ce fut le
cas par la suite.
49
Et l'on peut donc voir, si l'on étudie la philosophie
scolastique du Moyen-Âge, tant décriée aujourd'hui,
combien cette scolastique, qui se situe à la transition
entre les temps anciens et les nôtres, est justement une
merveilleuse formation de l'art conceptuel. On aimerait
seulement que les humains modernes s'imprègnent d'un peu
de la scolastique qui était en usage aux meilleurs
moments du Moyen-Âge, qui faisait naître dans les
humains une technique de pensée et un art de penser. On
a tout de suite besoin de cela si l'on veut arriver à
des concepts bien définis, auxquels nous devons
parvenir. Mais, en ce qu'on part du point de vue actuel,
qui sépare strictement la science, l'art et la religion,
et en remontant à travers le Moyen-Âge dans l'évolution
de l'humanité, on se rapproche du règne grec où, plus on
remonte, plus on se convainc que la science et l'art
sont fondus en une chose.
50
Mais dans la Grèce antique, se tient toujours un
phénomène séparé de la science et de l'art : la vie
religieuse. Elle s'approche de l'humain d'une tout autre
manière que l'expérience scientifique ou artistique. Ce
qui vit dans l'art et la science vit dans l'espace et le
temps en tant qu'objet ; le contenu de la conscience
religieuse est au-delà de l'espace et du temps.
51
Cela appartient à l'éternité, cela donne certes
naissance à l'espace et au temps, mais nous ne nous en
approchons pas si nous nous arrêtons/restons debout à
l'intérieur de l'espace et du temps.
52
Ce que la science de l'esprit, toutefois dans un sens
beaucoup plus précis, doit développer aujourd'hui sur
ces choses, on peut aussi le voir de documents
extérieurs.
53
Et j'aimerais toujours indiquer sur un ouvrage qui vient
de paraître en Autriche et qui est extraordinairement
utile à cet égard, sur l'"Histoire de l'idéalisme"
d'Otto Willmann, un livre qui est particulièrement
remarquable par rapport à de nombreux livres qui
traitent de problèmes similaires à l'heure actuelle. On
peut juger sans préjugés de telles choses, même si elles
sont issues de conceptions opposées, si elles conduisent
seulement à quelque chose qui favorise la vie de
l'esprit.
54
Dans le règne grec, se tient là cette unité de l'art et
de la science et de l'autre côté, cette vie religieuse à
laquelle le Grec s'adonne, qu'il développe toutefois en
images dans la religion populaire, mais qu'il obtient en
profondeur dans la religion des mystères par
l'initiation au sens approfondi. Mais partout nous
pouvons voir que le religieux ne joue pas dans les
forces de l'âme qui se développent dans la science et
l'art, mais que la vie de l'âme, pour arriver à la vie
religieuse, doit d'abord arriver à cette ambiance
pieuse, à cet amour universel, dans lequel peut être
saisi ce qui se révèle du divin-spirituel absolument et
avec lequel l'humain peut s'unir dans la dévotion
religieuse.
55
Mais passons à l'Orient. Plus nous remontons dans des
temps anciens, plus nous constatons que c'est à nouveau
tout autre chose avec la vie spirituelle. Et là aussi,
nous pouvons être guidés par ce que nous acquérons
nous-mêmes dans le cadre de l'exercice moderne de
l'esprit : Lorsque nous passons de l'expérience du
concept vivant à ces douleurs et souffrances intérieures
que nous devons surmonter pour devenir pleinement un
organe des sens respectivement de l'esprit en tant
qu'humain entier, et que nous cessons de faire
l'expérience du monde dans le seul corps physique, en
nous tenant dans le monde indépendamment du corps
physique, nous nous tenons alors dans le monde de telle
sorte que nous apprenons à vivre une réalité en dehors
de l'espace et du temps. Nous faisons alors l'expérience
de la réalité du spirituel-psychique, comment il agit
dans le temporel, de la façon dont je l'ai décrit. Mais
si nous conquérons la vision de l'esprit, qui sera
conquise en surmontant la douleur et la souffrance à
l'intérieur, nous avons déjà avec cela introduit dans la
connaissance un peu de l'élément qui, de manière tout à
fait continue, fait entrer la connaissance dans
l'expérience religieuse, en ce sens qu'elle reste debout
en tant que connaissance réelle, en tant que savoir réel
selon l'esprit. Et en faisant l'expérience de ce qui est
resté des temps anciens dans les vénérables
représentations traditionnelles comme contenu religieux,
nous vivons à nouveau aussi du plus nouveau d'un contenu
spirituel similaire, lorsque nous nous élevons luttant à
une telle connaissance, qui maintenant peut vivre dans
la sphère de la piété religieuse.
56
Mais c'est alors seulement que nous comprenons de
quelles profondeurs humaines est né ce qui a vécu dans
le monde de l'Orient ancien comme une unité de la
religion, de l'art et de la science. Ils étaient une
fois une unité. Ce que l'humain connaissait, ce qu'il
assimilait dans son monde d'idées, était une autre
facette de ce qu'il plaçait devant lui pour que cela
rayonne vers en bas sur lui dans la beauté artistique ;
et ce qu'il saisissait donc en connaissant et laissait
rayonner dans beauté était aussi un spirituel auquel il
offrait ses actes de culte, par rapport auquel il se
mouvait aussi par ses actes comme abandonné à un ordre
supérieur. Nous voyons ici la religion, l'art et la
science se réaliser comme une unité.
57
Mais cela nous ramène à une époque où la pensée humaine
elle-même ne vivait pas seulement sur les vagues de la
parole, mais où l'expérience pour l'humain était que la
pensée vivait dans des régions encore plus profondes que
la parole elle-même, que la pensée était liée aux fibres
les plus intimes de ce qui est la nature humaine. C'est
pourquoi le yogi indien a extrait les pensées de la
respiration, de ce qui est fondé plus profondément que
le mot. La pensée ne s'est élevée que peu à peu jusqu'à
la parole, puis au-delà de la parole dans la culture
moderne. Mais la pensée était à l'origine liée à une
expérience humaine plus intime, plus profonde, et
c'était à l'époque où l'unité de la vie religieuse,
artistique et scientifique pouvait s'épanouir dans une
harmonie pénétrante.
58
De ce que j'ai pu vous décrire comme une unité
harmonieuse de la religion, de l'art et de la
philosophie, telle qu'elle se présente à nous comme une
direction dans les Védas, il existe aujourd'hui un écho
là-bas en Orient. Mais une résonance que nous devons
comprendre, que nous ne comprenons pas facilement si
nous nous élevons simplement jusqu'à ce qui vit dans la
culture occidentale en tant que séparation de la
religion, de l'art et de la science, mais que nous
comprenons dans le plein sens du terme si nous nous
élevons, grâce à une science de l'esprit plus récente,
jusqu'à une vision qui produit à son tour une harmonie
entre religion, art et science. Mais nous avons encore
devant nous, en Orient, les vestiges de cette ancienne
unité. Regardons de l'autre côté : même là où elle se
répercute en Europe, nous en avons encore une résonance
devant nous. Ce qui était une époque historique
antérieure est, d'une certaine manière, encore présent
sur une certaine partie de la terre. Et nous pouvons
percevoir cette présence chez un grand philosophe de
l'Est européen, chez Solovjeff.
59
Ce philosophe de la seconde moitié du XIXe siècle agit
sur nous d'une manière très particulière.
60
Si nous nous tournons vers les philosophes occidentaux,
John Stuart Mill ou Herbert Spencer ou d'autres, nous
constatons que leur point de vue est issu de la pensée
scientifique que j'ai décrite aujourd'hui. Mais chez
Solovjeff, il y a encore quelque chose qui représente la
religion, l'art et la science comme une unité. On voit
toutefois, si l'on se met à lire Solovjeff, qu'il
utilise comme un langage philosophique ce que l'on
trouve chez Kant, chez Comte ; il maîtrise complètement
les formes d'expression de ces philosophes occidentaux
et d'Europe centrale. Mais si l'on s'imprègne de son
sens, de ce qu'il exprime à travers ces formes
d'expression, alors on le vit différemment. On a chez
lui un sentiment historique : il nous apparaît comme un
homme ressuscité des discussions qui ont eu lieu/été
labourées avant le Concile de Nicée. On ressent
littéralement le ton qui régnait dans les discussions
des premiers pères chrétiens, et il y avait encore dans
ces premiers siècles chrétiens un écho de l'unité de la
religion et de la science - cette unité où la volonté
coule/flue encore ensemble avec la pensée. Tout cela
coule et ondule à travers la vision du monde est
européenne de Solovjeff.
61
Et si nous regardons aujourd'hui ce qui nous entoure en
tant que culture et civilisation, nous constatons que
dans les régions plus occidentales, nous avons justement
cette séparation entre la religion, l'art et la science,
mais que ce qui appartient vraiment à notre instant
historique, ce qui est vraiment ce à partir de quoi nous
devons agir et marquer les structures du monde, c'est
cette science qui est strictement construite sur la
pensée scientifique décrite en premier lieu, tandis que
nous reprenons l'ancienne tradition dans les styles
artistiques et les contenus religieux. Nous voyons
aujourd'hui à quel point l'art est peu productif dans
les nouvelles formes de style, comment les anciennes
formes de style renaissent partout. Ce qui est vivant à
notre époque, c'est ce qui vit dans la pensée
scientifique.
62
Nous devons d'abord attendre une époque qui aura, comme
je l'ai décrit, la pensée vivifiée, imaginative, qui
conduira à nouveau au vivant, qui pourra à nouveau
devenir immédiatement créative artistiquement dans de
nouvelles formes de style, sans devenir de paille,
allégorique, non artistique.
63
Nous voyons donc la pensée scientifique comme
l'impulsion motrice du présent immédiat, et ce d'autant
plus que nous allons vers l'ouest.
64
Et nous voyons à l'Est un écho de ce qui était l'unité
de la religion, de l'art et de la science.
65
Les Européens de l'Est ont cet élément religieux
fondamental, cette nuance dans l'esprit. Ils regardent
le monde avec cette nuance fondamentale. Ils ne peuvent
comprendre l'Occident qu'en faisant un détour par un
développement spirituel tel qu'il existe ici dans notre
mouvement spirituel-scientifique ; ils n'ont pas de
compréhension immédiate de l'Occident parce qu'en
Occident, on veut justement délimiter le religieux et
l'artistique de la pensée scientifique.
66
Et au milieu - nous ne pouvons pas nous y
soustraire/fermer -, l'humain doit se laisser imposer le
monde extérieur des sens et vivre la pensée appropriée
au monde extérieur des sens ; mais il ne peut pas faire
autrement que de regarder en arrière sur lui-même et de
vivre son intériorité, et pour l'intériorité, il a
besoin de l'expérience religieuse. Mais j'aimerais dire
que, plus profondément caché dans la nature humaine que
l'expérience religieuse, dont on a besoin à l'intérieur,
et l'expérience scientifique, dont on a besoin pour
l'observation du monde extérieur, se trouve le membre de
liaison entre les deux, l'expérience artistique.
67
Ce vécu artistique est à cause de cela aussi quelque
chose qui se trouve aujourd'hui dans la vie de telle
manière qu'il n'est pas revendiqué/rendu comme valant en
premier lieu comme une exigence de la vie. Nous voyons
comment la culture occidentale se nourrit de pensées
scientifiques et la culture orientale de pensées
religieuses. Nous voyons comment nous nous tenons dans
une culture artistique, mais comment nous ne pouvons pas
nous y intégrer pleinement, comment la culture
artistique est diversement une renaissance. Mais il faut
dire que l'aspiration à un tel équilibre est absolument
bien présente au milieu de l'Est et de l'Ouest. Et nous
la constatons en jetant un coup d'œil quelque peu tout
de suite sur Goethe.
68
Quelle était donc la grande aspiration/nostalgie de
Goethe lorsqu'il a été, j'aimerais dire, confronté aux
énigmes de la nature à partir d'immédiates dispositions
artistiques ? Son sens artistique s'est évidemment
transformé en vision scientifique. Et on aimerait dire
que chez Goethe, l'Européen central représentatif, nous
trouvons l'art et la science marqués d'une même
empreinte, et nous les trouvons encore marqués d'une
même empreinte si nous suivons la vie de Goethe dans son
évolution et si nous comprenons comment placer Goethe
dans l'évolution des temps modernes. Goethe se vit dans
cette interaction entre l'art et la science. C'est ainsi
que naquit en lui une nostalgie que l'on ne peut
comprendre qu'historiquement : le besoin d'Italie, de
culture méridionale. Et c'est en observant les œuvres
d'art qui s'offraient à lui dans le Sud qu'il écrivît à
ses amis de Weimar quelque chose qui s'inspirait de ce
qu'il avait appris là-bas à Weimar en tant que
philosophie et science. Il avait trouvé l'action divine
représentée de manière philosophique chez Spinoza. Cela
ne lui suffisait pas. Il voulait un vivre plus large,
plus spirituel dans le monde et dans la spiritualité.
69
Et à la vue des œuvres d'art méridionales, il écrivit à
ses amis : "Là est la nécessité, là est Dieu !" Et :
"J'ai la supposition que les Grecs procédaient selon les
lois mêmes selon lesquelles la nature elle-même procède
et dont je suis sur la trace". Ici, Goethe veut fondre
en un seul la science et l'art.
70
Si je termine par quelque chose de personnel, c'est
uniquement pour vous montrer comment on peut trouver, à
travers un symptôme particulier, la manière dont le
monde médiant peut se situer entre l'Est et l'Ouest.
J'ai vécu ce symptôme il y a environ quarante ans, ici à
Vienne. Dans ma jeunesse, j'ai fait la connaissance de
Karl Julius Schröer ; il tenait alors des lectures
d'histoire de la poésie allemande depuis la première
apparition de Goethe. Dans sa conférence d'introduction,
il a dit plusieurs choses significatives, mais il a
ensuite prononcé une parole caractéristique de
l'aspiration des meilleurs esprits d'Europe centrale, à
partir d'où ils parlaient de manière plus instinctive.
Schröer aussi parlait de manière plus instinctive. Mais
en fait, il a exprimé le désir d'une alliance entre
l'art et la science, d'une alliance entre la pensée
scientifique occidentale et la pensée religieuse
orientale dans la vision artistique, en résumant ce
qu'il voulait dire par cette parole qui, pour moi, est
significative : l'Allemand a une conscience esthétique.
71
Cela n'exprime certainement pas une réalité générale
immédiate. Mais une aspiration est exprimée,
l'aspiration à voir ensemble l'art et la science. Et si
l'on peut voir cela ensemble, alors un autre Européen
central, que je viens de caractériser, a eu le sentiment
qu'il a exprimé en de belles paroles : que si l'on peut
voir ensemble la science et l'art, on peut aussi
s'élever à l'expérience religieuse, si seulement dans ce
sens de Goethe on trouve une véritable spiritualité dans
la science et l'art. C'est dans ce sens qu'il a prononcé
la parole : celui qui possède la science et l'art a
aussi la religion ; celui qui ne possède pas les deux,
il aurait la religion.
72
Celui qui a une conscience esthétique parvient aussi à
la force de conscience scientifique et religieuse. Et
cela peut nous montrer où nous nous tenons aujourd'hui.
73
Aujourd'hui, je n'aime pas prononcer le mot souvent cité
de période de transition, chaque époque est une période
de transition, mais aujourd'hui, dans une période de
transition, ce qui compte, c'est justement en quoi
consiste la transition dans le temps.
74
À notre époque, nous avons vécu, développée jusqu'au
triomphe suprême, la séparation de la religion, de l'art
et de la science. Mais ce qui doit être recherché et qui
peut permettre de trouver une entente entre l'Orient et
l'Occident, c'est l'harmonisation, l'unité intérieure de
la religion, de l'art et de la science. Et c'est à cette
unité intérieure que voudraient conduire la conception
du monde et la vision de la vie dont il a été question
ici et dont il sera question plus loin.
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