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GA333 - Œuvres complètes de Rudolf Steiner
La liberté de pensée et les forces sociales,
les demandes sociales du présent et leur réalisation pratique.




Épilogue

 


 

Les références Rudolf Steiner Œuvres complètes ga 333     1971



Original





Traducteur: Daniel Kmiecik Editeur: SITE

Français seulement

Épilogue (de l'édition de poche probablement)

Après une discussion, dans laquelle intervinrent principalement des permanents des partis et des syndicats, Rudolf Steiner reprit encore une fois la parole :

« À vrai dire, j’aurais préféré que du côté des intervenants, on eût abordé les choses que j’ai présentées ici devant eux. On aurait pu ensuite donner une forme quelque peu plus féconde à la discussion. Par conséquent je ne pourrai que renvoyer et rendre attentif encore qu’à certaines choses.

Certains intervenants ont dit que dans mes considérations, rien de neuf n’a été présenté devant eux. Eh bien !, je connais très exactement l’évolution du mouvement social. Et celui qui affirme, que l’essentiel de ce qui a été aujourd’hui amené, au travers des expériences précisément du nouvel ordre de la situation sociale, par la catastrophe mondiale, ne soit pas quelque chose de nouveau, celui-là doit devenir conscient qu’il est en train de dire quelque chose d’absolument inexact. En réalité, c’est un tout autre état des choses qui se présente : les intervenants n’ont pas entendu ce qui est nouveau. Ils se sont limités à entendre une paire de choses, lesquelles, naturellement parce qu’elles sont justes, furent avancées en critique de l’ordre social usuel. Ils sont habitués, depuis de nombreuses années, à entendre tel ou tel mot d’ordre : ça ils l’ont entendu. Mais tout ce qui a été dit, entre ces mots d’ordre, au sujet du Dreigliederung de l’organisme social, de ce qui peut être atteint en socialisation réelle de tout côté, de cela, les orateurs qui viennent d’intervenir n’ont rien entendu. Et c’est pourquoi ils se sont bien gardés probablement aussi dans leurs discussions de parler de ce qu’ils n’ont pas entendu. Je comprends cela. Mais je comprends aussi que naturellement ensuite une discussion féconde à proprement parler ne puisse résulter de cette affaire.

Nous avons par exemple entendu un intervenant qui, carrément comme s’il n’avait pas vécu ces cinq ou six dernières années, s’est étendu sur les vieilles théories, du genre de celles qui ont été maintes fois traitées avant cette catastrophe. Il a bravement remis en avant toutes les théories de la plus-value et autres, qui sont très certainement tout à fait justes, mais qui nous ont été présentées et représentées d’innombrables fois. Il a seulement oublié que nous vivons aujourd’hui dans une autre époque, une époque toute différente. Il a oublié, par exemple, que des meneurs socialistes, des gens qui ont du crédit, quelques mois encore avant la capitulation allemande ont affirmé : Quand cette catastrophe mondiale sera passée, alors le gouvernement allemand devra se positionner tout autrement vis-à-vis du prolétariat qu’auparavant. Les détenteurs allemands du pouvoir devront tenir compte du prolétariat d’une manière toute différente qu’avant, dans toutes les négociations gouvernementales et dans toutes les dispositions législatives. — Mais on a dit aussi du côté socialiste : on devra prendre en considération les partis socialistes.

Eh bien ! les choses se sont passées autrement. Les détenteurs du pouvoir ont été engloutis dans l’abîme, les partis étaient là. Ils se trouvent aujourd’hui devant une tout autre situation du monde. Devant ce nouvel état du monde, on ne devrait pas simplement ne pas faire attention à de nouvelles idées, et écouter uniquement les partis, naturellement parce qu’ils ont toujours eu du crédit, aussi longtemps qu’il existe un mouvement social, mais l’on devrait acquérir la capacité d’aborder ce qui, pour le temps actuel, est de la plus immédiate nécessité. Sinon nous serons toujours devant le grand danger, qui était toujours là au fond dans l’ancien ordre du monde consacré : quand quelque chose arrivait, de ce qui regardait les faits, de ce qui était donc tiré de la réalité, on l’interprétait comme de l’idéologie ; on expliquait : c’est de la philosophie, cela n’a rien à faire avec la réalité et l’on frayait ainsi la voie à la réaction. Ce serait la pire des choses, si le parti socialiste tombait dans une sorte de torpeur réactionnaire, s’il n’était pas capable de progresser avec des faits qui parlent un langage aussi éloquent.

Voilà, c’est cela qui importe aujourd’hui. Marx a forgé une belle parole, après avoir appris à connaître les marxistes — cela arrive effectivement à beaucoup de gens qui s’efforcent d’apporter quelque chose de nouveau dans le monde — : pour ce qui me concerne, je ne suis pas marxiste. — Et Marx a montré en toute circonstance — je fais seulement souvenir des événements de 1870-71 —, la manière dont il a appris de ces événements. Il a montré en toute occasion, qu’il était toujours en état de progresser avec l’époque. Il trouverait aujourd’hui très certainement que l’époque est mûre pour découvrir dans la Dreigliederung de l’organisme social la possibilité d’une solution réelle à la question sociale. Continuellement, on parle de voies nouvelles, et quand on montre une voie nouvelle, pour laquelle sans doute un réel courage est nécessaire, alors on dit : ce n’est pas une nouvelle voie qui nous est montrée ; ce n’est qu’un objectif qui nous est indiqué. C’est alors qu’on voudrait demander : est-ce quelqu’un a déjà pensé à cette voie-là qui rend nécessaire qu’intervienne une sorte de gouvernement de liquidation ? C’est ce qui de fait est très inhabituel pour les gens dans leurs habitudes de pensée. Les anciens gouvernements, le gouvernement socialiste aussi, ne pensent à rien d’autre, qu’à ce que sera la belle et brave continuation de ce qu’était le gouvernement d’avant. Ce dont nous avons besoin, c’est que ce gouvernement conserve seulement l’initiative au centre, à savoir le contrôle sur les services de sécurité, d’hygiène et autres chose du même genre, et qu’il devienne à gauche et à droite, un gouvernement de liquidation : pour préciser, en abandonnant la vie spirituelle, de manière que celle-ci passe à une gestion autonome et en posant la vie économique sur ses propres fondements à elle.

Ce n’est pas une théorie, ce n’est pas une philosophie, c’est le renvoi à ce qui doit être fait. Et pour que cela soit fait, il y faut une compréhension de sa nécessité. Il faut que l’on se démette de l’ancienne habitude, de vouloir écouter seulement ce qui plaît justement à soi, et de ne pas vouloir écouter ce qui est inconnu pour soi.

Quand un orateur se présente, qui, d’une manière curieuse, s’empêtre dans des contradictions pratiques et ne le remarque même pas, alors on voit déjà combien il est véritablement impossible que l’on puisse trouver une voie pratique. Un orateur en est aujourd’hui arrivé à dire : le pouvoir politique réel repose sur des fondements économiques. Et ensuite, après avoir ajouté quelque chose — bien sûr de ce fait on ne le remarque plus autant — il a dit : la première chose c’est de conquérir le pouvoir politique pour s’emparer ensuite du pouvoir économique. — Donc d’un côté, on déclame : celui qui a le pouvoir économique dispose aussi du pouvoir politique. Et tout de suite après, une paire de phrases plus loin, on dit : nous devons d’abord avoir le pouvoir politique, alors nous obtiendrons aussi le pouvoir économique. Avec de tels orateurs, on ne pourra pas en effet emprunter des voies pratiques. On ne peut s’engager sur une voie pratique que si l’on est en situation de penser juste, et de ne pas s’égarer sur les voies du penser.

On ne pourra pas aller plus loin en restant figés à des objections du genre : le penchant naturel à la commodité rend nécessaire que les hommes soient contraints à l’école unitaire. Tout ceux qui autrefois étaient les détenteurs du pouvoir ont avancé des choses analogues. On a vu des gens au gouvernement qui vraiment n’étaient pas plus sensés que ceux qui étaient gouvernés. Mais la manière de parler, ils en sont toujours venus à bout : si nous ne forçons pas les gens, à faire telle ou telle chose, alors il ne font rien spontanément d’eux-mêmes.

C’est un phénomène singulier que de voir maintenant ce genre de choses apparaître sur le sol socialiste. Puisque ce qui serait justement requis de voir, c’est ce dont il s’agit en réalité : la possibilité d’ouvrir l’esprit pour ce qui est indispensable, de ne pas rester attachés à des théories seringuées depuis longtemps dans les crânes. C’est pourtant ce qu’on réclame sans cesse. Quand on dit : on doit conquérir le pouvoir !, on a donc en tête une théorie nébuleuse. Car quand on a conquis le pouvoir, on doit aussi savoir quoi faire avec ce pouvoir. Autrement, on n’avance pas. Conquérez donc le pouvoir — si, étant en pouvoir, vous ne savez pas ce que vous devez faire, alors tout votre pouvoir, c’est en pure perte. Il s’agit justement avant d’en venir au pouvoir, de savoir clairement et nettement ce qu’on va faire avec ce pouvoir.

Quand on dit d’un côté : après que la Révolution du 9 novembre a réussi —, dont on pourrait tout aussi bien dire, qu’elle a échoué. Et quand on dit d’un autre côté : l’étranger considère la Révolution comme un bluff —, et c’est même le cas au fond, parce que le pouvoir a été conquis et les possesseurs du pouvoir ne savent pas ce que qu’ils doivent en faire. Quand chacun en reste bloqué aux vieilles opinions des partis, alors on peut bien en appeler à l’unité. Il existe une méthode, pour exhorter à faire l’unité, c’est celle de percevoir vraiment où sont les maux. C’est de cette manière que l’impulsion de la Dreigliederung recherche à produire l’unité. C’est simplement et objectivement une calomnie que de dire que l’on doit fonder un nouveau parti ou une nouvelle secte. C’est là un non-sens. Et quand la résolution, suite à d’innombrables réunions aura été prise, je suis parfaitement tranquille, que cette résolution jamais ne satisfera. Satisferait-elle, alors cela aurait pour conséquence, que l’on mît aussitôt à la porte les tenants actuels du pouvoir. On n’a pas besoin d’avoir peur que d’une manière quelconque l’unité puisse être perturbée. Mais il existe une autre méthode, pour détruire l’unité, c’est celle d’en rester figés à ses principes et de dire ensuite : si vous ne me suivez pas, alors vous n’êtes justement pas unitaire. C’est aussi une méthode, pour prêcher l’unité, ce par quoi on veut dire en vérité : nous ne pourrons être unis que si vous me suivez. C’est cela que mijotent dans leurs têtes aujourd’hui à vrai dire vraiment beaucoup de gens.

Comme déjà dit, je regrette de ne pouvoir pour cette raison entrer dans les détails, car, à la vérité, pas un seul des orateurs dans la discussion n’a effleuré les choses qui ont été présentées dans ma conférence. On a même dit en guise de conclusion que j’avais philosophé. Le genre de philosophie que les orateurs ont pratiquée dans la discussion, on peut sans doute appeler tout cela une philosophie peu lucrative. Mais quant à savoir si justement avec ce genre de philosophie telle que celle qu’a développée le dernier intervenant, on en vienne à ce qui peut vraiment apporter de l’aide, on en reste pourtant bien dans une énorme expectative.

Ce qui est donné dans cet organisme social triplement organisé, cela avait d’abord été donné comme une impulsion pendant cette terrible catastrophe de la guerre, au moment où je croyais que le temps était mûr. À cette époque, alors que nous n’avions pas encore cette monstrueuse paix de Brest-Litovsk, cela m’apparut comme ce qui était fort juste, si, à l’opposé de tout ce qui est vraiment arrivé, en partant de cette impulsion de la Dreigliederung, on avait recherché un équilibre vers l’Est. Cela personne ne l’a compris. C’est pourquoi il est arrivé ensuite ce qui fut déclenché par la paix de Brest-Litovsk. Il importe vraiment aujourd’hui que se trouvent des hommes qui ne fassent pas comme tous ceux, à qui pendant la guerre on parla de cette Dreigliederung de l’organisme social, à l’époque naturellement en rapport avec la politique extérieure.

Dans les prochains jours, paraîtra une brochure sur la responsabilité de la guerre. Le monde apprendra alors ce qui s’est passé en réalité dans les derniers jours de juillet et les premiers jours d’août 1914 à l’intérieur de l’Allemagne (6). On verra alors comment ce grand malheur à fait irruption du fait que l’on n’a pas pensé par soi-même, qu’on a laissé penser l’autorité, qu’on était contents, quand l’autorité pensait. C’est ce qui, jadis, au lieu de mener à une politique de raison, a mené à ce que la politique du 26 juillet en arrive au point zéro de son évolution. Le monde doit prendre connaissance de ces choses. On les fera connaître par les mémoires des hommes les plus importants qui, en ces jours de juillet-août 1914, étaient en fonction. Alors on verra tout ce qu’on a négligé de ce fait, que seuls les uns ont pensé à leur façon qui était celle du pouvoir, et que les autres, au fond, se sont laissés dicter leurs convictions.

Et nous avons bien souvent entendu la chose. Après les profiteurs de guerre ont suivi les profiteurs de révolution. Mais une autre conséquence à encore surgi. Après les grands parleurs de Guerre ont suivi les grands parleurs de révolution. Et les grands parleurs de révolution à l’égard des grands parleurs de guerre se comportent à peu près comme les profiteurs de révolution à l’égard des profiteurs de guerre.

Nous devons justement nous sortir de ces bavardages. Et nous devons nous en sortir de façon telle que nous ne nous laissions absolument plus politiquement mener par une quelconque autorité, qu’elle soit socialiste, à présent ou d’autres personnalités. Nous devons arriver à devenir des hommes capables de juger. Ces hommes capables de juger nous ne pouvons pas le devenir si nous passons rapidement sur ce qui peut réellement s’appuyer sur les exigences du temps.

Je ne rentre pas dans le détail de ces choses qui viennent d’être avancées et qui ne sont rien d’autre qu’une dénaturation absolue de ce que mes considérations ont fait prévaloir. Que je veuille surmonter les oppositions avec bienveillance, ce sont des calomnies objectives. Je n’ai absolument pas parlé de surmonter avec bienveillance les oppositions. J’ai parlé d’organisations qui doivent être mises en place. Qu’a donc à faire l’autonomie de la vie de l’esprit, de la vie économique, de la vie juridique avec la bienveillance ? Cela a à faire avec la description objective de ce qui doit advenir.

Je suis d’accord avec tous ceux qui disent que l’on doit d’abord avoir le pouvoir, mais je suis quant à moi absolument au clair sur le fait que celui qui a le pouvoir, doit savoir en faire quelque chose. Et si nous voulions foncer seulement et laisser en arrière les masses non-éclairées, alors non seulement nous ferions route dans des situations semblables, mais en plus dans des situations bien pires encore que celles qui existent déjà.

On peut trouver philosophiquement n’importe quoi d’autre et avoir l’air terriblement pratique, quand on dit : les Français sont appauvris, ils ne peuvent pas nous donner de pain, l’Angleterre est aussi exténuée par la guerre et ne peut pas nous donner de pain, l’Amérique est trop chère pour nous. Mais de Russie, nous pouvons avoir du pain ! — Eh bien !, en attendant les Anglais — vous pouvez le conjecturer en dépit de tous les faux rapports — ont beaucoup plus de pain que les Russes eux-mêmes. Que nous eussions à attendre du pain des Russes, c’est une affirmation, qui ne s’appuie sur aucun fondement objectif.

Ce qui importe, c’est que nous comprenions à présent réellement la situation telle qu’elle est. Que nous nous disions : nous n’étions pas en situation, de socialiser avec l’ancienne vie spirituelle, nous avons besoin d’une nouvelle vie spirituelle. Mais celle-ci ne peut être qu’une vie spirituelle détachée de l’état de droit. Nous avons besoin d’un terrain, sur lequel l’énergie du travail soit soustraite aux luttes. Cela ne peut être que l’état de droit autonome. Et nous avons besoin d’un équilibre des valeurs marchandes, cela ne peut survenir que sur le terrain d’une vie économique autonome. Ce sont là des choses, que l’on veut vraiment. Ce sont des choses qui ne sont pas de pures phrases révolutionnaires. Ce sont des choses qui pourtant veulent apporter vraiment un tout autre état du monde que celui dans lequel il se trouve, si on a le courage de les amener.

Je crois que lorsque vous aurez suffisamment réfléchi sur ce qui se trouve dans la Dreigliederung de l’organisme social, vous en conviendrez. Et son introduction est possible dans un délai relativement bref. En bien !, quand existera cet organisme sain, triplement organisé, alors nos circonstances deviendront vraiment révolutionnaires. Quand le monde se convertira à cette introduction de l’organisme social triplement organisé, alors nous n’aurons plus besoin de « tonner » la révolution mondiale, car celle-ci s’accomplira alors d’une manière objective. Le tonnerre qui annonce cela, l’invitation à la tempête, cela ne fait rien. Au contraire, ce qui fait quelque chose c’est que nous trouvions des germes d’idées qui puissent se développer en fruits sociaux réels.

Aujourd’hui nous n’avons vraiment aucun besoin que l’on bavarde beaucoup, mais nous avons besoin de nous comprendre sur ce qui doit se produire. Ce n’est pas avec des idéologies, des utopies ou des philosophies, que nous avons à faire dans l’organisme social triplement organisé, mais à quelque chose qui peut être fait, qui est un plan pour faire réellement, non pas la description d’un état futur, mais un plan de travail. Pour faire une maison, il faut un plan, de même on a besoin d’un plan de réorganisation sociale. Ne nous mènerons pas à cela ceux qui réduisent les choses, qu’ils soient socialistes ou tout autres gens, mais seulement ceux qui sont enclins à aller réellement vers l’avant. Je crains que ceux qui ont entendu aujourd’hui « rien de neuf, mais que du vieux », ne nous sortent pas du chaos, mais qu’au contraire ils nous enfoncent encore plus dedans.

Nous voulons aujourd’hui prendre avec sérieux la réception de ce qui est si inhabituel, si nouveau, au point qu’on ne l’entende même pas quand on le dit, mais qu’on retrouve ses propres phrases. De nouvelles habitudes de penser sont aujourd’hui nécessaires, un renversement du penser est nécessaire. L’humanité doit en appeler à de nouvelles habitudes du penser à de nouvelles orientations du penser, avant qu’il ne soit trop tard. Et je le dis encore une fois : si l’humanité n’a pas ce courage intérieur, alors il pourrait être rapidement trop tard.


Notes du traducteur (D.K.):

(1) Il se peut qu’il se glisse ici un jeu de mot de la part de Rudolf Steiner pour marquer, justement, la stupidité de la situation. En effet, le terme utilisé ici est, die Kohle = charbon, d’où dérive le verbe kohlen = charbonner et carboniser..., mais à l’époque, il peut aussi signifier « bavarder, dire des niaiseries, faire du galimatias »; dans ce cas, ce verbe vient du substantif der Kohl, « le chou », qui a donné aussi kohlkopf « tête de chou » au sujet d’une personne idiote. Une telle interprétation n’engage que moi, bien sûr!

(2) Il faudrait naturellement leur adjoindre les détaillants, qui assurent des services mieux définis dans leurs activités de nos jours qu’à l’époque, à cause, du conditionnement et de la distribution, en général des marchandises.

Par ailleurs, le lecteur français sait bien sûr maintenant que le mot employé par Rudolf Steiner pour désigner ces « associations coopérantes » n’est pas du tout équivalent à notre bon vieil archétype de l’association culturelle loi 1901 en France, ou ASBL en Belgique! Pour Steiner, il s’agissait d’associations économiquement engagées et socialement actives.

(3) « (...) La République de Weimar — dans les années du moins où elle a semblé ce consolider — a été favorable aux ouvriers. Leur condition s’améliore, avec une tendance au nivellement par le haut. Les salaires augmentent d’une façon constante jusqu’en 1931. La journée de huit heures est accordée en 1919 et, sous l’effet de la crise économique, on s’orientait vers la semaine de quarante heures lorsque la démission du chancelier Brüning (mai 1932), amena l’abandon du projet. Aux assurances sociales des années quatre-vingt s’ajoute, en 1927, l’assurance-chômage. Cette amélioration est due à deux facteurs. D’une part, la Constitution de Weimar, en reconnaissant les syndicats, en leur accordant le droit de traiter avec les employeurs sur un pied d’égalité, avait prévu toute une hiérarchie de conseils ouvriers. Seuls ceux d’entreprise (Betriebsräte) ont été organisés par une loi de 1920. S’ils ne participent guère à l’organisation et à la gestion de la production (ce que Steiner suggère précisément qu’ils fassent ici, ndt), ils ont cependant un rôle non négligeable dans la surveillance des conventions collectives, et des arrêtés de conciliation. D’autre part, sous l’action de dirigeants comme Fritz Tarnow et Theodor Leipart, les syndicats libres, c’est-à-dire socialistes, s’efforcent de « socialiser le capitalisme », sans pour autant recourir aux mesures de socialisation. Fort de 4 millions et demi de membres, environ (parmi lesquels il faut compter les travailleurs agricoles, les fonctionnaires et les employés), ils inspirent la plupart des mesures sociales prises pendant ces années. Les conseils d’entreprise sont, en fait, le prolongement des syndicats. Ceux-ci créent des banques ouvrières et, sans qu’il y ait de subordination, travaillent en liaison avec les coopératives de consommation. Après deux périodes difficiles où augmente le chômage (1920, 1924-25); l’essor de l’économie allemande ne peut manquer d’avoir sur la condition ouvrière des répercussions favorables. Mais la crise économique mondiale de 1929, ne tarde pas à se faire sentir dans le domaine de l’emploi. (...) (Encyclopaedia Universalis, 1, p.924, soulignements uniquement du traducteur).

(4) Der Gaul (ër) = rosse, canasson, carcan, haridelle, vieux cheval, terme assez familier.

(5) (...) Gleichheit auf dem demokratischen Boden des Rechtsleben (...), donc Rudolf Steiner a bel et bien prononcé le mot « démocratique » qui ne reçoit guère d’échos dans la troupe de ceux qui se proclament pourtant actuellement ses adeptes... Il est utile, à ce propos, de se renseigner sur le fonctionnement actuel de la Société Anthroposophique Universelle, qui est bien une communauté sur le plan spirituel, — où est donc censée régner également la liberté d’initiative, — elle est, bien entendu, gérée légalement par le code civil suisse, qui doit donc respecter la démocratie au niveau associatif suisse, puisque localisée en Suisse, pays socialement exemplaire et à la pointe en matière de démocratie. Qu’on se le dise!

(6) Ce recueil de témoignage n’a finalement pas paru, ou plus exactement sa parution n’a pu avoir lieu.

Voici un témoignage de Thomas Meyer, sûrement le meilleur connaisseur de ce moment historique crucial où fut vraiment entreprise une recherche sur la vérité au sujet des causes du déclenchement de la guerre 1914-18:

« Un autre événement, qui est solidement relié à Stuttgart et qui est en relation avec les choses insensées mentionnées ici ou là, m’est revenu à la conscience : l’empêchement de la publication qui était prête des notes de Moltke, qui nous étaient bien connues et qui décrivaient le déclenchement de la guerre de l’été 1914. Ces notes montraient avec quel égarement pensèrent et agirent l’empereur et le premier ministre à la veille de la première Guerre mondiale. Ils auraient dû absolument empêcher, et cela au bon moment, au début de l’année 1919 lorsqu’il fut porté à la connaissance du monde, que l’on y inscrivît à Versailles les paragraphes sur la seule culpabilité qui furent si fatals à l’Allemagne et à l’Autriche. La totalité du Reich allemand a énormément profité, à la manière d’un parasite, de ces paragraphes. Par l’impatience de Moltke ( !) un premier exemplaire du petit document (sur les notes de Moltke, ndt) parvint en de mauvaises mains. La direction centrale de l’armée de terre protesta — dépêcha un homme à Stuttgart, auprès du maître lui-même, pour juguler la diffusion de cet écrit tout juste sorti des presses. Cinq heures durant, Fiona, le maître s’entretint avec l’officier dans une salle de l’ancienne école. « L’honneur » allemand ne permettait pas, de couvrir publiquement de ridicule l’empereur de cette manière, comme le font de fait ces notes de Moltke. « L’honneur » allemand triompha ainsi sur la raison humaine ! Le maître se tut et se résigna. Qu’aurait-il dû entreprendre d’autre ? S’il avait diffusé l’écrit, la direction centrale de l’armée de terre aurait « battu publiquement en brèche » la brochure ! À Versailles, il y aurait eu un ricanement de mépris — au sujet de d’une telle « union » sur la cause de la question de la responsabilité de la guerre ! Devant l’histoire du monde : un naufrage de l’esprit allemand, qui n’a pas besoin « d’honneur » mais de vérité… »

(Harold Freeman dans une lettre adressée depuis Stuttgart à sa fiancée Fiona restée aux USA, le dimanche 22 février 1999. Passage tiré du « roman » de Thomas Meyer L’inviolable pacte, traduit en français, à paraître, le « maître » dont il s’agit ici est précisément Rudolf Steiner.)