|   Entrez chez nous dans la classe A, vous y verrez un
                          maître ou une maîtresse qui fait de l’écriture. Elle
                          fait faire aux enfants toutes sortes de formes, disons
                          à l’aide de fils, puis ces formes sont reprises en
                          peinture, et peu à peu on voit naître les lettres. Une
                          autre maîtresse aura envie de procéder tout autrement.
                          Si vous entrez dans la classe B, vous verrez danser
                          les enfants. La maîtresse veut qu’ils vivent les
                          formes par leur corps tout entier. Puis elle les leur
                          fait fixer sur le papier. Vous ne verrez jamais les
                          choses se faire de même dans la classe A, en B et en
                          C. On y fait bien le même travail, mais par un tout
                          autre chemin. L’imagination créatrice règne librement.
                          On ne connaît pas d’instructions, mais seulement
                          l’esprit de l’École Waldorf, et il est très important
                          de saisir cela. Le maître est indépendant. À
                          l’intérieur du champ d’action de cet esprit, il peut
                          faire ce qu’il tient pour juste. Vous me direz :
                          Mais si chacun peut faire ce qu’il veut, le plus grand
                          chaos peut naître. On entre dans la 5e A, on y trouve
                          Dieu sait quels micmacs. Puis on entre dans la 5` B,
                          et on y voit jouer aux échecs. — Or, ce qui est très
                          important, c’est que cela ne se passe pas ainsi à
                          l’École Waldorf. Partout règne la liberté, et vous
                          rencontrez dans chaque classe l'esprit qui correspond
                          à l’âge des enfants. Prenez les cours du Séminaire 2, vous verrez qu’ils
                          laissent la plus grande liberté, et pourtant ils
                          introduisent dans chaque classe ce qui doit y être
                          fait. Le plus étrange, c’est qu’aucun professeur ne
                          s’est jamais dressé contre cela. Tous s’ouvrent de bon
                          gré à cet esprit unifiant. Aucun n’est contre, aucun
                          ne veut quelque chose à part. Au contraire, le désir
                          s’est souvent exprimé de parler le plus possible, dans
                          les réunions du collège des professeurs, du travail
                          qui doit être fait dans les classes.Et pourquoi aucun des maîtres ne s’oppose-t-il au plan
                          scolaire ? Nous travaillons déjà depuis plusieurs
                          années. Quelle est, pensez-vous, la raison de cet
                          accord ? — C’est que chacun trouve le plan plein
                          de sens. Il ne lui voit rien de déraisonnable. Dans sa
                          liberté, il le trouve tout à fait sensé, parce. qu’il
                          est lié à une véritable, à une réelle connaissance de
                          l’être humain. C’est justement lorsqu’on parle de
                          l’enseignement tel qu’il doit naître de l’imagination,
                          que l’on voit combien la liberté est nécessaire. Et
                          celle-ci règne vraiment. Chacun des maîtres a chez
                          nous le sentiment, non seulement qu’il trouve des
                          choses qui sont vraiment nées de lui, qu’il puise dans
                          sa propre imagination, mais j’ai de plus en plus la
                          conviction — soit que je me trouve en conseil avec les
                          professeurs, soit que j’entre dans une classe — que
                          chacun d’eux, lorsqu’il est en classe, oublie que le
                          plan a été établi et fixé. Au moment où il enseigne,
                          il le tient pour son œuvre propre. C’est le sentiment
                          que j’ai lorsque j’entre.
 Ce sont les choses que l’on obtient en se fondant sur
                          une connaissance réelle de l’être humain. Il me faut
                          parler ainsi, même si vous pensez que c’est par
                          vanité ; c’est simplement pour que vous le
                          sachiez et que vous puissiez faire de même : que
                          vous voyiez comment une véritable connaissance de
                          l’être humain engendre quelque chose qui pénètre aussi
                          réellement en l’enfant.
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