Ecole libre Waldorf

Institut pour une triarticulation sociale
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Collection: 111 - Qu'est-ce qu'une école libre ?



Sujet : Vouloir articuler l'institution particulière est "de l'ordre de la lubie".

 

Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes GA190 207-215 (1980) 14/04/1919





Traducteur: Daniel Simonnot Editeur: EAR

 

Vous avez disposé d’une littérature, elle se rapportait au développement intérieur de l’être humain, à la connaissance du monde spirituel. Cette littérature parle à chacun de nous et lui permet, en se plaçant aux points de vue les plus variés, de définir sa relation avec l’univers, avec les autres hommes, dans la mesure où cette relation est le résultat de l’activité de l’âme et de l’esprit. Voici maintenant cette science spirituelle qui se met à engendrer un autre courant de connaissances, il ne s’agit, bien entendu, que d’une ramification, la science spirituelle demeurant courant principal. Il est même nécessaire qu’elle demeure le courant principal, sinon comment pourrait-elle assainir les autres domaines de la pensée.
12012 - Voici donc que cette science spirituelle nous parle de la question sociale, de l’assainissement de l’organisme social. Ce courant de la science spirituelle n’a pas le droit de stagner, de rester inactif, d’être considéré passivement. Sinon, il manquerait son but, il n’atteindrait pas son objectif. Un grand nombre, parmi nous, pendant de longues années, ont assimilé des notions de la science spirituelle. Nous allons voir maintenant combien d’entre eux sont devenus mûrs pour saisir clairement le véritable sens de la question sociale à notre époque. Ce qu’il faut en connaître fera l’objet de mon livre sur les fondements de l’organisme social. Il faut en arriver à comprendre les données de ce problème, en toute clarté, sans préjugé, en faisant abstraction de tout sentiment personnel. La question sociale sera notre ban d’épreuve.
Nous pouvions être jusqu’à maintenant de fidèles adeptes de la science spirituelle en nous adonnant à l’étude de cette science, sans nous soucier de ce qui se passait dans la vie. Ceci m’amène à signaler deux phénomènes qui viennent de se manifester au sein de notre mouvement anthroposophique et qui donnent singulièrement à réfléchir: d’une part nous avons de bons anthroposophes. Ils ont une connaissance très étendue de l’évolution cosmique, de l’organisation de l'être humain, de la réincarnation, du destin, du karma. Mais, à côté de cela, ils n’ont aucune expérience pratique de la vie, aucune idée de ce qu’elle doit être. Ils sont venus à l’anthroposophie dans l’intention très nette de se tenir écartés des réalités de la vie. Bien plus, ceux que ces remarques concernent sont les derniers à se sentir visés. Ils se considèrent, dans leur naïveté, comme des hommes rompus à la pratique de la vie. Telle est la première constatation que nous pouvons faire aujourd’hui.
12013 - Le deuxième phénomène qui nous frappe est le cloisonnement du mouvement en sectes de toutes sortes. Il y a une tendance très marquée, dans les mouvements se réclamant de la spiritualité, à tomber dans le sectarisme. Peu importe qu’il s’agisse de cliques de modeste envergure, dont les tendances ne reposent que sur des points mineurs ou, au contraire, de sectes bien caractérisées. Ce qui importe, ce sont l’objectivité, l’altruisme, comme étant les fruits naturels du mouvement de science spirituelle, orienté par l’anthroposophie. La source des difficultés, dans notre mouvement, a toujours été de confondre la personnalité avec l’objectivité ou le sens pratique, la plupart du temps sans s’en rendre compte.
Les gens sont toujours de bonne foi, lorsqu’ils se retrouvent au sein d’un petit groupe d’action, quel qu’en soit l’importance, dans un but pratique déterminé. Ils sont certainement de bonne foi, ils ne voient pas le danger, étant dans le feu de l’action, ayant l’impression de faire ce qui leur tient à cœur, leur objectif étant dans la ligne d’action proposée par la science spirituelle. Ils veulent maintenir cette relation avec la science spirituelle. Nos adeptes sont loin de se douter de tout cela. Ils sont de bonne foi, se croyant objectifs.
Je n’insisterai jamais assez sur les ravages causés par ce sectarisme, cet esprit de chapelle. Toutes nos communications, toutes nos informations, toutes nos ouvertures sur l’extérieur, quel que soit le domaine qu’elles mettent en cause, ne sont pas jugées d’après leur valeur intrinsèque, mais d’après ce que l’influence d’une société, la Société anthroposophique, a pu faire et continue à faire d’elles. [ Je ferai allusion ici aux conséquences désastreuses imputables aux brebis galeuses comme a pu l’être un Seiling. Il ne faut pas oublier, malgré tout, d’aller au fond des choses, pour trouver que de tels individus ont été encensés, encouragés et soutenus par cette ambiance sectaire des groupuscules. Une ambiance de ce genre s’était notablement développée dans les dix-huit dernières années du mouvement anthroposophique. Et tout ce qui se passe dans le mouvement anthroposophique se projette, en se multipliant, sur toute l'anthroposophie. Nombreux sont ceux qui, parmi nos membres, pèchent en effet contre l’impulsion-clef de notre époque, par l’individualisme dans le domaine spirituel. Combien de fois n’avons-nous pas entendu cet exorde : nous, les anthroposophes, nous les théosophes, nous voulons ceci ou cela! C’est terrible d’avoir toujours trois principes à la bouche et rien que trois ! — Or, nous n’avons besoin d’aucun principe, les principes ne sont pas notre affaire. Nous avons besoin de vérités, et non pas de principes généraux, et ces vérités ne valent que pour des individus isolés, pour des individualités. La société, je ne cesse de le répéter, doit représenter quelque chose, mais vu de l’extérieur. Cette apparence extérieure ne doit pas être voulue à l’intérieur de la société. ] Il faut qu’on finisse par s’en inspirer sérieusement, une fois pour toutes.
C’est une nécessité de notre époque. Aujourd’hui, des efforts se déploient de toute part dans le monde en vue du règlement de la question sociale. Si ces efforts en venaient à devoir quelque chose, si peu que ce fut, aux élucubrations des esprits sectaires, partiaux ou étroits dans leurs sentiments, ils seraient voués à l'échec de la manière la plus certaine. Ici, notre devoir sera de nous entraîner à l’exercice d’une pensée aussi large que possible. Là, nous devrons nous inspirer, au départ, des leçons de la vie pratique de tous les jours. Le résultat à obtenir en dépend.
12014 - Notez bien, en vous parlant de ces difficultés, je le fais vraiment dans un esprit très amical. Ne croyez pas que je le fais dans l’intention de dénigrer les efforts de telle ou telle personne. Je suis pourtant dans l’obligation de vous avertir, en allant jusqu’au fond du problème, qu’il s’agit de l’aspect social de notre action commune. En attendant que cet aspect social de notre enseignement s’adresse à la totalité de nos membres, comme je souhaite que ce soit bientôt le cas, je dois précisément vous avertir, d’une manière très pressante, de l’existence de certains dangers. Ces dangers, ce sont le sectarisme, l’étroitesse d’esprit, les horizons bornés, la confusion dans les idées. Il faut bien se garder de les introduire dans notre pensée sociale. Nous devons, pour y parer, nous efforcer de penser d’après l’expérience de la vie courante, d’après la réalité de la vie.

J’ai été surpris, très surpris, tout dernièrement, d’entendre proclamer une sorte de mot d’ordre que je soupçonne d’avoir été conçu ici même, par une personne ou par une autre, bien intentionnée. Ce mot d’ordre avait pour intention de faire passer dans la pratique les recommandations que j’apporte sous forme d’idées sociales, à l’occasion de mes conférences. Mais cette mise en pratique de ces idées était proposée sous la forme la plus inconsidérée qu’on puisse imaginer. Nous ne pouvons vraiment pas voir accepter de voir se renouveler une confusion pareille à celle qui a permis les désordres sociaux et les malheurs dont nous souffrons actuellement, une confusion entre les moyens véritablement pratiques et les moyens pratiques illusoires. Or, les propositions qui ont été avancées devant moi m’ont paru tellement peu pratiques, tellement sectaires, elles trahissaient même l'absence de toute volonté d’aborder le côté pratique de la vie que je n’ai pas pu m’y arrêter.
Je vous en prie, apprenez à connaître, avant toute chose, ce qui est le côté pratique de la vie, car les paroles que je peux prononcer devant vous n’ont pas d’autre source. Croyez-vous que ce n’est pas une théorie en l’air que de parler de la main-d’œuvre ouvrière en lui donnant le caractère d’une marchandise? Ce sujet ne peut précisément être abordé qu’après avoir reconnu qu’il est, de tous les sujets, le plus important que l’on puisse trouver dans la pratique de la vie courante. Il en est de même pour tout le reste. Aujourd’hui, plus que jamais, nous avons besoin de comprendre les nécessités de la vie réelle avec un esprit clair et pénétrant. Je vais mettre les points sur les i, sans la moindre acrimonie, sans m’en prendre à qui que ce soit. On m’a demandé si la triple organisation ne pourrait pas être introduite au sein de notre Société anthroposophique, en y créant trois domaines distincts : une vie économique, une vie juridique et une vie spirituelle.
On peut très bien formuler de tels souhaits, tout en appartenant à notre mouvement avec beaucoup de conviction, en tout bien tout honneur. Mais en même temps, s’exprimer de la sorte tendrait à montrer qu’on n'a pas encore compris quel est le nerf central dont notre mouvement dépend. Penser que notre Société puisse s’organiser d’une manière tripartite, comme une secte pourrait le faire, signifie que l'on n’a rien compris de mon enseignement à propos de la question sociale !

Quels sont, en effet, les trois domaines à distinguer, dans un organisme social en bonne santé ? D’abord la vie économique. Oui, mes chers amis, voudriez-vous recourir à la pire des solutions, instaurer une secte économique, en formant, dans le cadre de notre Société, une économie communautaire, au milieu de l’économie générale qui nous entoure ? Comprenez-vous que nous ne pouvons pas négliger le milieu dans lequel nous vivons, en nous repliant sur nous-mêmes d’une manière égoïste, même s’il s'agit d’un égoïsme de groupe ! Vous entretenez bien des relations économiques avec toute l’économie de votre pays. Vous recevez votre lait, votre fromage et vos légumes d’un corps économique dont vous ne pouvez pas vous abstraire. Vous ne pouvez pas réformer les mœurs de votre époque en vous isolant pas rapport à elle. Lorsque quelqu’un propose de transformer cette société en un corps économique, je me représente cela un peu comme une famille nombreuse dont le chef dirait : maintenant, je vais organiser ma famille suivant le principe de la triple organisation.
Toutes ces idées sur la question sociale sont trop globales pour ne pas être prises au sérieux. Nous ne devons pas les laisser traîner dans le domaine du sectarisme où elles ne manqueraient pas de s’embourgeoiser petitement. Nous devons y penser sans perdre de vue, à l’arrière-plan, l’intérêt de toute la communauté humaine. Voilà ce qu’on peut dire de ces propositions et de leur développement sur le plan économique. Gardez-vous donc de vouloir mettre en place une économie de groupe bien égoïste. Vous ne manqueriez pas, dans cette tentative, de perdre tout contact avec la réalité qui doit tenir compte, elle, de la formation inévitable de circuits économiques mondiaux.
Passons maintenant à la vie juridique. Imaginez que vous disposiez d’un pouvoir juridique au sein de notre Société. Lorsque vous dérobez quelque chose, peu importe que trois personnes se réunissent pour délibérer au sujet de ce larcin. C’est le pouvoir juridique extérieur à notre Société qui s’emparera de l’affaire pour en juger. Compte tenu de l’existence de cette autorité juridique à caractère national vous ne pourrez pas vous soustraire à cette juridiction.
Que dire maintenant de l’autorité spirituelle, mes chers amis ? Depuis le jour où nous avons eu la Société anthroposophique ou, plus exactement, depuis le moment où notre Société, avec son contenu anthroposophique, a existé au sein de la Société théosophique, n’avons-nous pas œuvré en toute indépendance vis-à-vis de qui que ce soit ? Avons-nous eu la moindre activité qui ait été influencée par quelque organisation étatique ou politique que ce soit ? Depuis le premier jour, cette Société en ce qui concerne la vie spirituelle, a atteint son idéal de liberté !
Comprenez-moi bien, cet idéal a été atteint dès le premier jour, si l’on se réfère à nos objectifs, ne le voyez-vous pas ?

Croyez-vous que nous avons attendu jusqu’à aujourd'hui, dans la Société anthroposophique, pour le réaliser ? Notre Société a-t-elle reçu une subvention de l’État, dans quelque pays que ce soit ? Nos membres enseignants sont-ils des fonctionnaires ? Cette Société anthroposophique n’a-t-elle point rempli, dès le départ, ce vers quoi tendent toutes les autres organisations spirituelles ? N’est-elle pas à ce titre l’idéal auquel on puisse prétendre pratiquement ? Voulez-vous, à présent, intervenir pour la réformer encore davantage dans ce sens ? Vous n’auriez pas encore compris l’esprit de cette Société dans laquelle vous agissez depuis tant et tant d’années si vous vouliez, aujourd’hui seulement, que l’on se mette à y introduire le troisième membre, le membre spirituel?
Considérez plutôt ce que nous avons pu devenir, ce que nous avons dû saisir au vol ; cette liberté dans la recherche et l’enseignement spirituels, cette liberté existe au moins pour les hommes qui n’ont pas exigé de situations officielles en échange de ce qu’ils ont appris ici. Considérez au moins cela comme un point de départ, avant d’aborder d’autres tâches. Concentrez votre attention sur ce qui existe, pour éviter d’avoir à engager votre pensée sur une voie latérale. Dans mon livre sur les « Fondements de la question sociale » j’ai qualifié de mal héréditaire, pour notre époque, la tendance de ces gens — ils se disent praticiens de l'existence — qui pensent à côté et qui parlent à côté de la question. Devons-nous cultiver ce vice, en tenant des discours qui nous écartent de notre but ? Nous ne pouvons pas avoir comme objectif d’introduire la vie spirituelle libre dans notre société. Par contre, nous pouvons nous fixer comme devoir de répandre cette vie spirituelle libre dans le monde, en dehors de notre Société, en expliquant à la ronde que toute vie spirituelle doit s’exercer suivant la même organisation.

Voyez-vous, il s’agit, c’est un programme minimal, de considérer d’abord les possibilités placées à notre portée immédiate. Les anthroposophes doivent commencer par comprendre les premiers enseignements sur la question sociale que je viens de leur apporter. Nous devons éviter, dans la Société anthroposophique tout au moins, de répandre des idées bizarres, sous le prétexte de mettre en pratique ce que nous préconisons. Commencez par réfléchir attentivement à ce que j’ai indiqué comme étant le thème central de mes exposés de ces derniers jours, de ces derniers mois. Considérez avant tout que la tâche de notre époque doit être de donner aux hommes une nouvelle attitude en face de la vie. Il ne suffit pas d’avoir de nouvelles idées, il faut encore s’en servir en adoptant un autre comportement dans notre vie. Il faut éviter tout ce qui pourrait conduire à un isolement, à une ségrégation.
Posez comme point de départ sérieux le fait que l’humanité, avec sa soi-disant culture, est arrivée dans un cul-de-sac dans chacun des trois domaines de l’activité sociale. [ Où cette impasse pourrait-elle être plus apparente que dans le Centre et l’Est de l’Europe où ses conséquences chaotiques tournent au désastre. Vous pouvez y voir le résultat des modes habituels de percevoir, de penser, de croire, que nous avons entretenus pendant des décennies. La situation de la Russie actuelle n’est pas due seulement à la guerre. Celle-ci n’était que le point culminant de la crise. Elle est due à nos habitudes de penser, de sentir, de percevoir et de vouloir. Nous les avons entretenues pendant de longues années, nous aurions dû les considérer et les décrire comme s’il s’agissait d’une maladie, d’un cancer social.
De quoi manquons-nous aujourd’hui plus que de tout autre chose ? Nous manquons de jugement capable de s’appliquer à la réalité. Ce dont nous sommes le plus privé, aujourd’hui, c’est d’une explication adéquate de la question sociale ! C’est cela, la bourgeoisie a laissé ce problème de côté, le plus longtemps possible, elle a négligé d’éclaircir la question sociale d’une manière adéquate et sincère. Nous n’avons plus aucun sens social. Chacun d’entre nous ne connaît que lui-même. Etonnez-vous, avec cela, que nous ayons des jugements à aussi courte vue.]
Quelqu’un nous parle d’organiser une vie économique au sein de la Société anthroposophique. Je peux y voir, tout au plus, une chose sur le plan concret, je peux me représenter un homme achetant une vache, la nourrissant, la trayant. Il en tirerait une production et se chargerait de la répartir parmi les consommateurs. Il n’y aurait là aucun danger d’introduire le sectarisme au sein de notre Société. En effet, ce serait conforme à l’objet de l’économie qui est de promouvoir des initiatives capables d’augmenter la production, en tenant compte des besoins les plus urgents. [ Je vais vous citer un exemple d’entreprise ayant débuté de cette façon. Elle a partiellement échoué, mais pour une raison tenant à la personnalité de son promoteur. Vous vous souvenez de cet essai fait avec M. von R. Nous avons produit notre pain, non pas dans le but de répondre aux intérêts de la production, mais dans celui de satisfaire les besoins de la consommation. C’était la seule base de départ pratique et saine. Nous avons d’abord voulu grouper les consommateurs, en les constituant en société. En fonction de cela, nous comptions organiser la production. Nous procédions à un essai réaliste et pratique en agissant ainsi. Cet essai a échoué par la faute de M. von R. qui n’était pas un homme pratique. Il ne l’est toujours pas. Mais cette idée aurait été très réalisable, si M. von R. avait été un homme pratique. Cette idée réaliste n’avait rien à voir avec la Société anthroposophique, sinon par le fait que la Société aurait pu fournir au départ, un nombre de consommateurs appréciable. Il s’agissait alors de voir les choses en se plaçant au point de vue de l’affaire à monter et non pas en ayant pour objectif d’utiliser la Société anthroposophique. Il ne s’agissait pas de créer une secte fermée sur elle-même.
En tenant compte de ces conditions extérieures à notre Société et qui ont trait aux bases mêmes de la production, pour ne citer que celle-là, vous n’irez pas loin, à moins d’avoir compris, dans toute leur portée, les idées énoncées dans mon livre sur la question sociale. De quoi s’agit-il finalement ? De ce que la réforme de la vie économique dépend de la pratique de cette même vie économique. On doit s’y connaître, même pour traire les vaches. Il est plus important de savoir traire les vaches que de monter un système économique quelconque à l’intérieur d’une petite secte et d’y introduire du lait venant de l’extérieur.
[ Ce qui compte aujourd’hui, c’est de voir en quoi se manifeste l’impulsion caractéristique de notre époque. Vous pouvez échafauder tous les systèmes possibles si vous le pouvez, allez en Russie, faites-y tout ce que vous voudrez, montez les affaires les plus mirobolantes, les plus conformes à l’idéal. Vous pouvez faire la même chose en Allemagne, en Autriche, en Hongrie, etc... Au bout de dix ans, tout se sera écroulé, peut-être même avant. Voilà où nous en sommes. Vous pouvez construire ce que vous voulez suivant les idées à la mode aujourd’hui, dans dix ans tout sera par terre, soyez-en certains. Les choses n’iront peut-être pas aussi vite qu’à Munich où un conseil de direction succède constamment à un autre, de tendance toujours plus radicale.
Vous avez beau mettre en œuvre des organisations séduisantes aujourd’hui, elles vous paraissent saines et au service du bien public. Vous serez néanmoins obligés de les jeter au rebut, aussi longtemps que les hommes auront en tête des idées qui y stagnent depuis des siècles, sans renouveau, encore aujourd’hui. Il n’y a plus rien de bon à faire avec ces idées. Vous devez donc vous habituer à transformer votre manière de penser et à apprendre les choses. Accepter des idées nouvelles doit devenir un souci permanent, à l’intérieur de votre âme. ] Vous n’y arriverez certes pas du jour au lendemain. Vous ne pouvez pas, avec ces idées nouvelles, tomber juste, du jour au lendemain, lorsque vous organisez une nouvelle affaire. Mais vous pouvez creuser ces idées nouvelles dans le détail de toutes les spécialités, car ces idées, telles que vous les trouvez dans mon livre, sont des idées pratiques.
Prenons un exemple : vous organisez une ferme en vous inspirant des idées exposées dans mon livre, tout va bien. Mais si vous vous bornez à une seule ferme dans laquelle vous trayez vous-mêmes vos vaches, elle n’aura pas une grande répercussion sociale, cette ferme isolée, au milieu de toutes les autres continuant à travailler selon les anciennes manières. Il vous faudrait alors en organiser plusieurs mais, à ce moment, vous aurez besoin de personnel. Ces gens que vous recruterez auront encore les idées anciennes dans leurs têtes. Ces nouvelles organisations ne pourront que péricliter, ou encore revenir à l’ancienne méthode d’exploitation et tout sera à recommencer. Vous voyez, par cet exemple, ce qui est important dans tout cela.