QUATRIÈME CONFÉRENCE - DORNACH, 6 DÉCEMBRE 1918
04001 - Dernièrement, j'ai expressément accentué que
– quand nous prenons la parole à nouveau ainsi que je
l'ai mentionné jadis - un état paradisiaque est
impossible sur le plan physique, que de ce fait les
prétendues solutions à la question sociale, lesquelles
plus ou moins consciemment ou inconsciemment veulent
instaurer un tel état de paradis sur le plan physique,
qui de surcroît devrait être un durable, - que toutes
ces prétendues solutions de la question sociale
doivent reposer sur des illusions. C'est dans la
lumière de cette donnée que je vous prie de bien
vouloir accueillir toutes les explications que je fais
à propos des événements actuels. Car dans la réalité
actuelle repose sans doute une exigence déterminée que
l'on peut nommer comme l'exigence vers une formation
sociale des rapports humains. Il s'agit seulement de
ce qu'on ne rende pas cette question abstraite, qu'on
ne prenne pas cette question au sens absolu, mais,
comme je le disais déjà la dernière fois, qu'à partir
des connaissances issues de la science de l'esprit, on
se procure un avis sur ce qui tout de suite est
nécessaire à notre époque. Nous voulons maintenant
discuter encore quelques choses qui est tout de suite
nécessaire à notre temps à partir des conditions
préalables de science de l'esprit.
04002 – Ce qui sera en fait habituellement négligé
aujourd'hui dans la plus vaste étendue quand on parle
de question sociale ou de revendications sociales de
notre temps, c'est que conformément aux exigences de
notre temps, la question sociale ne pourra en aucun
cas être saisie sans une connaissance plus intime de
l'être humain. On peut bien imaginer quels programmes
sociaux on veut, on peut vouloir introduire encore
ainsi des contextes sociaux idéaux, tout cela doit
rester stérile quand il ne s'agit pas de comprendre
l'être humain en tant que tel, quand on ne part pas de
la connaissance la plus intime de l'humain. J'ai rendu
attentif que l'articulation sociale dont j'ai parlée,
cette tri-articulation sociale que je devais présenter
comme une exigence de notre temps au sens le plus
éminent, vaut justement pour l'époque actuelle, vaut
tout de suite pour le temps actuel parce qu'elle prend
en considération dans chaque détail la connaissance de
l'être humain, tel qu'il est maintenant, à ce moment
donné de la cinquième époque postatlantéenne. Et c'est
aussi à partir de ce point de vue que je vous prie de
considérer toutes les explications que je ferai.
04003 – Avant toutes choses vient en question qu'un
ordre social tel que l'exige les actuelles conditions
n'est pas à établir sans qu'on devienne conscient de
la chose suivante : cet ordre social est lié au fait
que l'être humain lui-même se reconnaisse dans sa
relation au social. On peut dire : de toutes les
connaissances des humains, la connaissance de l'humain
est quand même la plus difficile, c'est donc pourquoi
aussi dans les anciens mystères le « connais-toi
toi-même » a été placé comme le but le plus élevé de
l'aspiration à la sagesse. Ce qui deviendra
aujourd'hui tout particulièrement difficile à
l'humain, c'est de comprendre tout ce qui est
efficacité du cosmos en lui, tout ce qui œuvre en lui.
L'humain aimerait le plus volontiers se représenter
lui-même aussi simple que possible, parce
qu'aujourd'hui il est tout de suite devenu
particulièrement paresseux dans son penser, dans ses
représentations. Mais l'être humain n'est justement
pas un être simple. Contre cette réalité ne se laisse
justement rien faire une quelque chose par
l'arbitraire dans les représentations. Avant toutes
choses l'être humain n'est pas un être simple aussi en
relation sociale. Et en relation sociale, c'est tout
de suite un être qu'il aimerait infiniment bien ne pas
être, il aimerait infiniment être autrement qu'il est.
On peut dire : l'être humain s'aime donc en fait
énormément. Cela n'est déjà une fois pas à contester :
l'être humain s'aime énormément lui-même. Et c'est par
cet amour de lui-même qu'il fait de la connaissance de
soi une source d'illusions. Ainsi l'homme aimerait ne
pas s'avouer qu'il est seulement un être social pour
moitié, qu'il est pour l'autre moitié un être
antisocial.
04004 – S'avouer cela, sec et énergique, que l'humain
est en même temps un être social et antisocial, c'est
une exigence fondamentale de la connaissance sociale
de l'être humain. On a beau dire : je m'efforce de
devenir un être social ; - on doit aussi le dire,
car sans qu'on soit un être social, on ne peut
absolument pas vivre correctement avec des humains.
Mais en même temps repose dans la nature humaine
d'être perpétuellement à lutter contre le social,
d'être perpétuellement un être antisocial.
04005 - Nous avons bien des fois considéré l'être
humain, à propos des sujets les plus divers, selon la
nature ternaire de son âme : penser ou faculté de
représentation, ressentir et vouloir. Réexaminons-le à
nouveau aujourd'hui sous ces trois aspects, mais cette
fois en relation sociale. Mais avant toutes choses on
doit se rendre clair en rapport à la faculté de
représentation, le penser que dans le représenter,
dans ce penser repose une source infiniment
significative de l'antisocial de l'humain. En ce que
l'être humain est simplement un être pensant, il est
un être antisocial. Ici, seule la science de l'esprit
peut arriver à la vérité sur ces choses. Car seulement
la science de l'esprit peut répandre quelque lumière
sur la question : Comment nous tenons nous alors
absolument comme être humain en nos relations à
d'autres humains ? Quand est alors établi, dans une
certaine mesure, le rapport [85] correct d'être humain
à être humain pour la conscience ordinaire,
quotidienne, mieux dit, pour la vie ordinaire,
quotidienne ? Oui, voyez-vous, quand ce rapport
correct est établit entre humain et humain, alors est
aussi là sans aucun doute l'ordre social. Mais
maintenant repose - on aime donc dire : de
manière malheureuse pour l'âme, mais celui qui sait
dit : de manière nécessaire – le fait particulier
que nous développons un rapport correct d'être humain
à être humain seulement dans le sommeil. Seulement
quand nous dormons nous établissons un rapport
correct, sans fard, d'humain à humain. Dès l'instant
où vous avez paralysé la conscience diurne habituelle,
où vous vous trouvez dans l'état entre
l'endormissement et le réveil, dans le sommeil sans
rêve, là, vous êtes un être social — je parle
maintenant en rapport au représenter, au penser. Dès
l'instant où vous vous réveillez, vous commencez à
développer des impulsions antisociales par le
représenter, par le penser. On doit se penser
seulement, comme les rapports de société deviennent
compliqués par ce qu'en fait l'humain se comporte
correctement envers l'autre humain seulement dans le
sommeil. J'ai évoqué cela différemment d'autres points
de vue. J'ai par exemple évoqué qu'on a beau être
chauvin, nationaliste à l'état de veille, dès qu'on
est endormi, on est tout de suite transposé parmi ces
humains, on est ensemble avec ceux, nommément avec
leur esprit de peuple, qu'on hait le plus souvent
lorsqu'on est éveillé. Contre cela ne se laisse rien
faire. Le sommeil est un régulateur social. Mais parce
que la science moderne ne veut absolument rien savoir
sur le sommeil, ainsi elle n’inclura donc encore
longtemps pas dans ses considérations sociales ce que
j'ai justement dit maintenant.
04006 – Mais par le penser nous sommes, dans l'état
éveillé, encore transporté dans un autre courant
antisocial. Supposez que vous soyez en face d'un autre
humain. On se tient donc seulement en face de tous les
humains parce qu'on est en face de l'individu. Vous
êtes un humain pensant, naturellement, sinon vous ne
seriez pas un être humain si vous n'étiez pas un
humain pensant. Je parle maintenant seulement du
penser ; nous parlerons ensuite du ressentir et du
vouloir, - du point de vue du ressentir et du vouloir,
on peut objecter quelque chose, mais du point de vue
de la représentation, ce que je dis maintenant est
exact. En ce que, comme humain se représentant,
pensant, vous vous placez vis-à-vis d'un autre, se
passe cette chose singulière que simplement par le
rapport réciproque qui se forme entre humain et
humain, dans votre subconscient le soucis est
disponible d'être endormi par cette autre humain. Vous
serez pour ainsi dire endormi par l'autre humain dans
votre subconscient. Voyez-vous, c'est le rapport
normal d'être humain à être humain que lorsque nous
nous rencontrons, l'un est toujours dans l'effort — le
rapport est naturellement réciproque — d'endormir le
subconscient de l'autre. Et en conséquence, que devez
vous faire comme humain pensant ? Tout ce que je
raconte en ce moment va bien entendu de soi dans le
subconscient, mais n'en va pas moins vraiment de soi.
C'est une réalité, quand aussi cela ne s'élève pas
dans la conscience ordinaire. Quand donc, lorsque vous
rencontrez un humain, il vous endort, cela signifie,
il endort votre penser, pas votre ressentir et votre
vouloir. Maintenant vous devez, si vous voulez rester
un humain pensant, vous défendre intérieurement contre
cela. Vous devez activer votre penser. Vous devez
passer outre l'endormissement. Le
faire-face-à-un-autre-être-humain signifie toujours :
se rendre éveillé, se réveiller, se détacher de ce que
l'autre veut avec nous.
04007 - Voyez-vous, de tels faits se passent dans la
vie, et on comprend seulement la vie quand on la
contemple selon la science de l'esprit. Parlez
seulement avec un humain, oui, seriez vous seulement
ensemble avec un humain, ainsi cela signifie que vous
devez vous maintenir perpétuellement éveillé contre
son souci de vous endormir en rapport à votre penser.
Cela ne monte certes pas dans la conscience ordinaire,
mais œuvre dans l'humain comme impulsion antisociale.
Dans une certaine mesure, chaque être humain se
présente à nous comme un ennemi de notre représenter,
comme un ennemi de notre penser. Nous devons donc
protéger notre penser contre l'autre. Cela conditionne
qu'en rapport au représenter, au penser, nous sommes
des êtres antisociaux à un haut degré, et nous pouvons
seulement nous éduquer à devenir absolument des êtres
sociaux. Si nous n'étions pas contraints d'exercer
perpétuellement cette défense contre les autres
humains, par l'éducation, par une autodiscipline, par
la nécessité dans laquelle nous vivons, alors nous
pourrions grâce à notre penser être des êtres sociaux.
Mais parce que nous devons l'exercer, il nous faut
avant tout bien comprendre que nous pouvons devenir
des êtres sociaux par éducation de nous-même, mais
qu'au départ, comme humains pensants, nous ne le
sommes pas par nature.
04008 – Mais d'après cela vous verrez aussi que sans
parvenir à l'âme/au psychique, sur le fait que
l'humain est un être pensant, ne se laisse absolument
rien dire sur la question sociale, car la question
sociale intervient dans des grandes intimités de la
vie de l'humain. Et qui ne tient pas compte de ce que
l'humain, en ce qu'il pense, développe simplement des
impulsions antisociales, celui-là n'arrive à aucune
élucidation sur la question sociale. Pendant le
sommeil, c'est facile, puisque de toute façon nous
sommes endormis. Le pont entre tous les humains peut
s'édifier. À l'état de veille, l'autre humain aspire,
en ce qu'il nous fait face, à nous endormir afin que
le pont jusqu'à lui puisse être construit, et
justement nous faisons ainsi vis-à-vis de lui. Mais
[87] nous devons nous défendre contre cela, sans quoi
notre conscience pensante serait simplement tuée dans
notre échange avec des humains.
04009 - Il n'est donc pas si simple de poser des
exigences sociales, car la plupart des humains qui
posent des exigences sociales, n'ont pas du tout
conscience de combien l'antisocialisme est
profondément ancré dans la nature humaine. Et avant
toutes choses, l'être humain n'est pas enclin à se
dire pareille chose comme une connaissance de soi.
Cela pourrait donc lui devenir facile s'il admettait
tout simplement qu'il n'est pas le seul à être
antisocial, mais qu'il a cela en commun avec tous les
autres humains. Mais chaque humain a quand même ainsi,
un peu en secret, même s'il admet qu'en général l'être
humain en tant que penseur est un être antisocial, un
jugement de réserve pour soi : mais je suis une
exception. Quand aussi il ne se l'avoue pas
complètement, mais en secret pointe toujours ainsi
dans la conscience un petit peu cela : Je suis
l'exception, ce sont les autres qui sont antisociaux
en tant que penseurs. Les humains auront beaucoup de
mal à prendre au sérieux qu'en tant qu'être humain, on
ne peut pas «être » quelque chose, mais doit
perpétuellement «devenir» quelque chose. Mais c'est
quelque chose qui est pourtant profondément pendant
aux choses que nous pouvons tout particulièrement
apprendre à notre époque.
04010 - Aujourd'hui, il est donc possible de montrer
ce qu'on n'a pas voulu faire il y a encore cinq ou six
ans, que certains maux et insuffisances de la nature
humaine s'étendent sur la Terre entière, car il ne se
sont que trop manifestés, ces maux et insuffisances.
Les humains cherchent à se leurrer sur cette nécessité
de devenir quelque chose. Ils cherchent avant tout à
ne pas attirer l'attention sur ce qu'ils veulent
devenir, mais sur ce qu'ils sont. On trouvera
maintenant qu'un grand nombre des membres de l'Entente
et d'Amérique sont satisfaits de ce qu'ils sont,
uniquement parce qu'ils sont justement membres de
l'Entente ou Américains. Nul besoin pour eux de
devenir quoi que ce soit, ils ont juste à montrer
combien ils se différencient des méchants qui vivent
dans les pays d'Europe centrale, combien ceux-ci sont
noirs tandis qu'eux seuls sont blancs. Cet état
d'esprit a propagé sur quasiment toute la planète une
illusion humaine laquelle, naturellement, se vengera
de façon terrible avec le temps. Ce vouloir-être
quelque chose et ne-pas-vouloir-devenir, c'est quelque
chose qu'on a à l'arrière-plan de l'hostilité
développée à l'égard de la science de l'esprit.
Car la science de l'esprit ne peut rien d'autre que
montrer à l'être humain qu'on doit perpétuellement
devenir quelque chose, qu'on ne peut être une quelque
chose achevée grâce à ceci ou cela. L'être humain se
trompe de la manière la plus effroyable sur soi-même
quand il croit pouvoir montrer quelque chose d'absolu
qui supposerait chez lui quelque perfection
particulière. Tout ce qui n'est pas en devenir
provoque chez l'humain une imperfection, et non une
perfection. Et ce que je vous ai dit en rapport à
l'humain comme penseur, et des impulsions antisociales
fabriquées/produites par cela, cela a encore un autre
côté important.
04011 - Voyez-vous, l'être humain plane dans une
certaine mesure entre social et antisocial ainsi qu'il
plane entre le veiller et le dormir - on pourrait
aussi dire : le dormir est social, le veiller est
antisocial -, et comme pour une vie saine il doit
planer entre le veiller et le dormir, ainsi il doit
planer entre le social et l'antisocial. Mais c'est
tout de suite cela qui vient en considération
extraordinairement fort pour la vie de l'humain. Car
par cela, l'être humain peut tendre plus ou moins vers
l'un ou l'autre, comme on peut donc même tendre à
dormir ou veiller. Il y a des humains qui dorment
au-delà de la mesure, qui donc, dans le contexte de
pendule dans lequel doit être l'être humain entre
veiller et dormir, se tournent justement vers un côté
de la balance. Ainsi l'être humain peut aussi cultiver
en soi plus les impulsions sociales ou plus les
antisociales. Par cela les humains sont
individuellement différents, l'un soigne plus les
impulsions sociales, l'autre plus les antisociales. On
peut, quand dans une certaine mesure on a une
connaissance de l'humain, bien différencier les
humains d'après cela. Ils se partagent exactement en
deux classes. Les uns sont plus enclins à l'être
social, les autres plus à l'antisocial.
04012 – Maintenant je disais : cela a encore un
autre côté -, car l'antisocial est pendant de ce que
nous nous protégeons nous-mêmes devant l'être-endormi.
Mais autre chose est en lien avec cela. C'est que cela
nous rend malade. Quand aussi pas très perceptibles –
mais parfois aussi très perceptible – des maladies en
apparaissent, aux causes de maladie appartient l'être
antisocial. Ainsi que pourra facilement vous être
compréhensible que l'être social a en même temps
quelque chose qui rétablit la santé, quelque chose de
vivifiant. Mais vous en voyez comment la nature
humaine est étrange. L'être humain ne peut se rendre
sain par l'être social sans s'endormir dans une
certaine mesure. En ce qu'il s'arrache de l'être
social, il fortifie sa conscience pensante, mais
devient antisocial. Mais avec cela il paralyse aussi
les forces rétablissant la santé qui sont dans son
subconscient, dans son organisme. Ainsi jouent, dans
la constitution de vie saine ou malade, ce qui est
disponible dans l'humain d'impulsions sociales et
antisociales. Qui développe la connaissance de l'être
humain d'après cette direction pourra reconduire un
grand nombre de maladies plus ou moins réelles sur
l'être antisocial de l'humain. Plus qu'on le croit,
être malade pend ensemble avec l'être antisocial de
l'humain, nommément ces maladies qui sont donc bien
souvent de réelles maladies, mais qui vont plutôt
s'extérioriser par exemple en « lubies », de toutes
sortes de persécutions de soi-même ou la persécution
d'autres, ou bien encore dans l' « être
bizarre »[89], dans la dépendance, de
« manger jusqu'au bout » ceci ou cela. Tout
cela est pendant avec une constitution organique non
saine, mais se développe progressivement lorsqu'on
tend fortement vers les impulsions antisociales.
04013 - On devrait absolument voir très clairement
qu'il y a là un grand mystère touchant à la vie. Ce
mystère est d'une importance extraordinaire, tant pour
l'éducateur que pour l'éducation humaine de soi. Le
connaître de façon vivante, et pas purement en
théorie, signifie recevoir l'impulsion de prendre
énergiquement sa vie en main, de réfléchir à la façon
de triompher de l'antisocial, de le ressentir afin de
le dépasser. Maints humains se guériraient non
seulement de leurs lubies, mais aussi de toutes sortes
d'états maladifs, s'ils analysaient leurs impulsions
antisociales. Mais il faut le faire sérieusement, sans
amour-propre, car cela est d'une importance
considérable pour la vie. Voilà pour le social et
l'antisocial de l'être humain, en rapport au
représenter ou au penser.
04014 – Maintenant l'être humain est, en dehors de
cela, un être ressentant et, avec le ressentir, c'est
maintenant à nouveau une chose singulière. Aussi en
rapport au ressentir l'être humain n'est là pas si
simple qu'il aimerait volontiers se le représenter. Le
sentiment d'humain à humain a en effet une
particularité paradoxale. Le sentir a la particularité
qu'il est d'abord enclin à nous donner une sensation
faussée d'autrui. La première inclinaison dans le
subconscient de l'être humain dans l'échange d'humain
à humain consiste toujours à ce que dans le
subconscient, nous émerge une sensation faussée de
l'autre humain, et dans la vie, il nous faut en
premier toujours combattre cette fausse sensation. Le
connaisseur de la vie remarquera très facilement que
des humains qui ne sont pas enclins à se mettre à la
portée des autres avec intérêt pestent en réalité
contre presque tous les humains, du moins au bout d'un
certain temps. Cela est une particularité d'un grand
nombre. On aime l'un ou l'autre humain un temps
durant ; mais quand ce temps est passé alors se
manifeste ainsi quelque chose dans la nature humaine
et commence à maugréer n'importe comment, à avoir
quelque chose contre lui. On ne sait souvent pas
soi-même ce qu'on a contre lui, car ces choses se
jouent donc beaucoup dans le subconscient. Cela vient
simplement que le subconscient a en fait la tendance à
falsifier l'image que nous nous faisons de l'autre.
Nous devons en premier apprendre à connaître l'autre
humain plus exactement, alors nous verrons que l'image
que nous avons tout d'abord gagnée nous devons en
radier des falsifications. Aussi paradoxal que cela
sonne, ce serait une bonne maxime de vie – quand aussi
des exceptions viennent en considération - ;
quand nous prévoirions toujours de corriger
systématiquement l'image de l'humain qui se fixe en
notre subconscient, sous toutes les circonstances, de
corriger n'importe comment. Car ce subconscient a
tendance à juger les humains d'après les sympathies et
les antipathies.
La vie elle-même nous y incite. Tout comme la vie nous
incite à être simplement des humains pensants et que
nous sommes par là antisociaux, ainsi la vie nous
incite - les choses que je dis sont simplement des
faits -, à juger d'après les sympathies et les
antipathies. Mais chaque jugement qui est tombé
d'après les sympathies ou les antipathies est faussé.
Il n'y a aucun jugement vrai, aucun correct quand il
est tombé d'après les sympathies et les antipathies.
Et c'est parce que, dans le sentiment, le subconscient
va d'après la sympathie et l'antipathie, qu'il
esquisse toujours une image faussée du voisin. Nous ne
pouvons pas avoir une image juste du voisin dans notre
subconscient. Certes, nous en avons parfois une trop
bonne, mais elle est toujours formée d'après les
sympathies et les antipathies, et il ne reste rien
d'autre qu'à s'avouer un tel fait, s'avouer simplement
que là aussi comme être humain, on ne peut pas être
quelque chose, mais devrait devenir quelque chose. On
doit se dire, que nommément en rapport à l'échange/à
la circulation de sentiment/sensation avec d'autres
humains, on doit conduire une vie en attente. On n'a
pas la permission d'aller sur l'image de l'humain qui
se presse à nous tout d'abord vers le haut du
subconscient dans le conscient, mais on doit essayer
de vivre avec des humains. On verra quand on essaye de
vivre avec des humains, que de cette humeur
antisociale, qu'en fait on a toujours d'abord, se
développe l'humeur sociale.
04015 – Ainsi c'est de toute particulière importance
d'étudier la vie des sentiments de l'être humain,
aussi loin qu'elle est antisociale. Pendant que la vie
de penseur est antisociale parce que l'être humain
doit se protéger devant l'endormir, la vie des
sentiments est antisociale parce que l'humain établit
son échange aux humains d'après la sympathie et
l'antipathie, qu'il inocule du début des courants de
sentiments faux à la société. Ce qui vient de l'humain
par sympathies et antipathies est du début ainsi que
cela jette des courants de vie antisociaux dans la
société humaine. On peut dire, aussi paradoxal, que
cela sonne, une société sociale serait seulement
possible quand les humains ne vivraient pas dans les
sympathies et les antipathies. Mais alors, ils ne
seraient pas des êtres humains. Il ressort à nouveau
que l'humain est un être en même temps social et
antisocial, que donc ce qu'on nomme « la question
sociale » doit parvenir à l'intimité de l'entité
humaine. Quand on ne parvient pas à cela, ainsi on
n'arrivera jamais à une solution de la question
sociale pour un quelque temps.
04016 - En rapport à la volonté qui se joue d'humain
à humain, là se montre tout particulièrement frappant
et paradoxal, à quel point l'humain est un être
complexe. Vous savez donc, qu'en rapport à la volonté
entre humain et humain, les sympathies et les
antipathies ne jouent pas seulement un rôle - elles
jouent donc un rôle, aussi loin que nous somme des
êtres ressentants -, mais là jouent des inclinations
et des répulsions qui passent en action, [91]donc des
sympathies et des antipathies en action, dans leur
extériorisation, jouent dans leur manifestation un
rôle très particulier. L'être humain se comporte à un
autre humain ainsi que le lui suggère sa sympathie
particulière à cet humain, le degré particulier
d'amour qu'il lui porte. Là une inspiration
subconsciente joue un rôle étrange. Car ce qui est
donc déversé sur tout l'échange de volonté d'humain à
humain doit être contemplé à la lumière de l'impulsion
qui sous-tend cet échange de volonté, à la lumière de
l'amour plus ou moins disponible qui joue entre les
humains. De cet amour, qui joue entre les humains, les
humains laissent donc être portées leurs impulsions de
volonté qui jouent ainsi par-dessus d'humain à humain.
04017 – En rapport de l'amour, l'humain est soumis,
au sens le plus éminent du terme, à une grande
illusion et a besoin encore plus de la correction
qu'en rapport aux habituelles sympathies et
antipathies du sentiment. Car aussi étrange que cela
sonne pour la conscience ordinaire, c'est absolument
vrai que l'amour qui se fait valoir d'un individu pour
un autre, quand il n'est pas spiritualisé - dans la
vie ordinaire l'amour est donc seulement spiritualisé
dans une mesure très rare et je ne parle pas purement
de l'amour sexuel ou de celui reposant sur une base
sexuelle, mais absolument de l'amour d'humain à humain
-, qu'en fait cet amour non spiritualisé n'est pas
l'amour en tant que tel, mais l'image qu'on se fait de
lui, qu'il est le plus souvent rien de plus qu'une
terrible illusion. Car l'amour qu'un humain croit
développer à un autre est – ainsi que les humains sont
une fois dans la vie - le plus souvent rien d'autre
qu'amour de soi. L'être humain croit aimer l'autre,
mais s'aime en fait seulement soi-même dans l'amour.
Vous voyez là une source d'être antisocial qui encore
en plus de cela doit être la source d'une terrible
illusion de soi-même. On peut en effet penser aimer
quelqu'un d'un amour débordant, mais dans la réalité
on n'aime pas cet autre humain ; mais on aime l'être
lié à cette autre humain dans sa propre âme. Le
ravissement que l'on éprouve là dans l'âme au contact
de l'autre, ce que l'on ressent lorsqu'on est avec
lui, lorsque par exemple on lui fait ma foi une
déclaration d'amour, c'est cela qu'on aime en réalité.
En somme, on s'aime soi-même en ce qu'on enflamme cet
amour de soi avec l'autre.
04018 – Cela est un important secret/mystère de la
vie. C'est d'une importance toute immense. Car dans
l'illusion sur cet amour , dont on croit qu'il
serait l'amour, mais en fait seulement amour de soi,
dépendance de soi, égoïsme, égoïsme masqué, - et de
loin la plupart de l'amour qui joue d'humain à humain
et sera nommé amour, est seulement de l'égoïsme masqué
-, dans cette illusion est la source de l'impulsion
antisociale la plus grande et la plus large pensable.
Par cet amour de soi, qui se masque dans l'amour,
l'être humain devient un être antisocial au sens le
plus éminent. L'humain est donc par cela justement un
être antisocial qu'il s'enterre en soi. Et il
s'enterre le plus souvent en soi quand il ne sait rien
de cet être-enterré-en-soi ou ne veut rien savoir.
04019 - Vous voyez que celui qui en particulier
vis-à-vis de l'humanité actuelle parle d'exigences
sociales, doit prendre en compte dans une mesure
prédominante de tels états des âmes. On doit
simplement dire : Comment les humains devraient-ils
arriver à une quelconque structure sociale de leur vie
en commun, quand ils ne veulent pas s'expliquer/ se
tirer au clair, combien d'égoïsme (NDT : formé en
allemand de « selbst » : soi et de
« Sucht » : dépendance. Intéressant,
non ?), est incarné dans le prétendu amour, dans
l'amour du prochain par exemple. C'est ainsi que
l'amour peut être une impulsion terriblement puissante
de vie antisociale. On peut donc dire : ainsi
qu'est l'humain, s'il ne travaille pas à soi, quand il
ne se prend pas en main, ainsi il est un être
antisocial comme être aimant sous toutes les
circonstances. L'amour en tant que tel comme il règne
dans la nature humaine, sans que l'humain exerce la
discipline de soi-même/l'autodiscipline (NDT :
notons au passage cette apparition de
« Selbstzucht » : autodiscipline après
celle de « Selbstsucht » :
égoïsme/dépendance de soi du plus bel effet et pleine
de sens), est du début antisocial, car il est exclusif
(NDT : plus exactement « excluant »).
Ce n'est à nouveau pas une critique. De nombreuses
exigences de la vie sont pendante avec ce que l'amour
doit être excluant. Évidemment, un père aimera
davantage son propre fils qu'un enfant étranger, mais
cela est antisocial. Cela ne se laisse pas du tout
nier que l'antisocial joue dans la vie par la vie
elle-même. Et si on dit : l'être humain est un
être social - comme c'est devenu la mode aujourd'hui
-, ainsi c'est un non-sens, car il est aussi fortement
un être antisocial qu'un être social. La vie elle-même
fait de l'humain un être antisocial. C'est pourquoi
pensez-vous une fois introduit un tel état de paradis
sur la Terre, tel qu'il ne peut y en avoir, certes,
mais tel qu'on y aspire, parce que donc toujours les
humains aiment beaucoup plus l'irréel que la réalité,
imaginons qu'un tel état de paradis serait établi, ma
foi même qu'un tel super état de paradis serait
établit comme Lénine, Trotski, Kurt Eisner(2) et
d'autres l'ont voulu sur la Terre. Eh bien, très
rapidement, d'innombrables humains devraient
s'insurger contre, parce qu'il ne pourraient rester
des êtres humains, parce que dans un tel contexte, ils
pourraient justement seulement trouver la satisfaction
des pulsions sociales et que les pulsions antisociales
s'agiteraient aussitôt. Cela est justement aussi
nécessaire que le pendule qui n'oscille pas purement
vers un seul côté. À l'instant où vous instaurez un
état de paradis, les instincts antisociaux doivent
s'animer. Quand ce que veulent Lénine, Trotski et Kurt
Eisner, et qu'ils se représentent se réalisait, ce
serait un état de paradis, cela devrait se retourner
dans un temps court en son contraire par les pulsions
antisociales. Car c'est justement la vie qu'elle aille
et revienne entre flux et reflux. Et quand on ne veux
pas comprendre cela, eh bien, on ne comprend
absolument rien au monde. On entend donc
souvent : l'idéal d'une vie commune étatique est
la démocratie. - Bon, supposons donc que l'idéal d'une
vie commune étatique serait la démocratie. Mais quand
on voudrait introduire cette démocratie en un quelque
endroit, ainsi elle mènerait nécessairement au cours
de sa dernière phase à sa propre abolition. La
démocratie tend nécessairement à ce que, [93] lorsque
les démocrates sont réunis, il s'en trouve toujours un
qui veut dominer l'autre, qui veut avoir raison contre
l'autre. Cela est tout à fait évident. Elle aspire
après sa propre dissolution. Introduisez donc la
démocratie en quelque endroit; ainsi, vous pouvez déjà
dépeindre cela en pensée. Mais transposée dans la
réalité, la démocratie mène justement ainsi au
contraire de la démocratie, comme le pendule oscille
vers le côté opposé. Cela ne va pas du tout autrement
dans la vie. Les démocraties mourront toujours au bout
d'un certain temps de leur propre nature démocratique.
Ce sont les choses qui sont absolument indispensables
pour la compréhension la vie.
04020 - A cela s'ajoute maintenant le particulier que
tout de suite les particularités tout d'abord
essentielles de l'humain de la cinquième époque
postatlantéenne sont des particularités antisociales.
Car la conscience qui tout de suite est construite sur
le penser devrait se développer durant cette époque.
Par cela cette époque fera tout de suite étalage des
impulsions antisociales les plus fortes par la nature
de l'humain. Par ces impulsions, les humains
appelleront des situations plus ou moins malheureuses,
et la réaction contre l'antisocialisme se fera
toujours valoir à nouveau dans le crier après le
socialisme. On doit seulement comprendre que le flux
et le reflux doivent justement toujours alterner. Car
supposez que vous socialisiez vraiment la société,
cela amènerait de telles situations d'humains à
humains que dans l'échange les uns avec les autres
nous dormirions toujours. L'échange des humains serait
un soporifique. Vous pouvez vous représenter cela
difficilement aujourd'hui, parce que vous ne pouvez
absolument pas imaginer de façon concrète ce que
serait une république dite socialiste. Mais cette
république socialiste serait en fait un immense
dortoir pour le patrimoine humain des représentations.
On peut comprendre que des nostalgies soient
disponibles pour quelque chose de tel. Chez bon nombre
d'humains sont donc aussi perpétuellement disponibles
des nostalgies après le dormir. Mais nous devons
justement comprendre ce que sont les nécessités
internes de la vie et ne pas nous contenter de vouloir
simplement ce qui nous convient ou nous plaît; car en
règle générale, c'est ce que nous n'avons pas qui nous
plaît et le plus souvent nous ne savons pas apprécier
ce que nous avons.
04021 – Vous voyez de ces explications que, lorsqu'on
parle sur la question sociale, il faut avant toute
chose pénétrer intimement l'être de l' humain, et
qu'on doit apprendre à connaître cet être de l'humain
ainsi qu'on sache comment les pulsions sociales et
antisociales sont réalisées dans l'humain. Dans la
vie, les pulsions sociales et antisociales
s'entremêlent d'une manière souvent inextricable,
comme dans une pelote de laine. C'est pourquoi il est
si difficile de parler sur la question sociale. En
fait, on ne peut guère en débattre, à moins d'avoir le
dessein d'entrer véritablement dans la nature intime
de l'être humain pour comprendre comment, par exemple,
la bourgeoisie est en soi un porteur d'impulsions
antisociales. Simplement l'être bourgeois développe
des impulsions antisociales, parce que être bourgeois
consiste pour l'essentiel à se créer une sphère de vie
telle qu'elle nous plaît, afin que l'on puisse y être
rassuré. Quand on investigue cette aspiration
particulière du bourgeois, ainsi elle consiste en ce
qu'il veut se créer sur une base économique, selon les
particularités propres à notre époque actuelle, un
îlot de vie sur lequel il pourra dormir en toute
circonstance, excepté pour satisfaire quelque habitude
spécifique qu'il développera selon ses sympathies et
antipathies subjectives. Donc le bourgeois, il peut
dormir énormément par cela. Par conséquent, il
n'aspire pas au même sommeil après lequel le
prolétaire aspire, lequel est toujours tenu en éveil
du fait que sa conscience ne sera pas continuellement
endormie sur une base économique ; il rêve/désire
par cela le sommeil de l'ordre social. Cela est déjà
un aperçu psychologique très important. La possession
endort ; tandis que la nécessité de lutter dans
sa vie éveille. L'endormissement par la possession
laisse développer une impulsion antisociale parce
qu'on ne désire/rêve pas après le sommeil social.
L'être perpétuellement invité par la nécessité de
gagner sa vie laisse naître la nostalgie de
l'endormissement dans le rapport social.
04022- Ces choses doivent impérativement être prises
en compte, faute de quoi on ne comprend absolument pas
l'époque actuelle. On peut dire que d'une certaine
manière notre cinquième époque postatlantéenne tend,
malgré tout cela, à une socialisation, sous la forme
que j'ai récemment exposée ici. Car les choses que
j'ai citées viendront : soit par la raison humaine, si
les hommes y consentent, soit, s'ils n'y consentent
pas, par des cataclysmes, par des révolutions. L'homme
de la cinquième époque postatlantéenne aspire à cette
tri-articulation, et cette tri-articulation doit
venir. Notre époque aspire donc à une certaine
socialisation.
04023 - Mais cette socialisation n'est pas possible —
cela vous viendra des différentes considérations
auxquelles nous nous sommes déjà livrés ici — sans que
quelque chose d'autre l'accompagne. La socialisation
peut seulement se déployer sur la structure extérieure
de la société. Mais à notre cinquième époque
postatlantéenne, elle ne peut que consister à dompter
la conscience pensante, à dompter les instincts
humains antisociaux. Il doit donc, par la structure
sociale se passer dans une certaine mesure un domptage
des instincts antisociaux de la représentation. Cela
doit avoir un contre-poids, cela devra être amené en
équilibre par quelque chose. Mais en équilibre cela
pourra seulement être amené par ce que tout ce qui
provient des anciennes époques, dans lesquelles
c'était justifié, d'asservissement des pensées, de
domination des pensées d'un individu par un autre,
tout cela doit disparaître de l'univers avec la montée
de la socialisation. C'est pour quoi [95] la liberté
de la vie de l'esprit devra avoir lieu à l'avenir à
côté de l'organisation des rapports économiques, des
rapports d'économie. Seule cette liberté de la vie de
l'esprit rend possible, que nous nous tenions vraiment
d'humain à humain ainsi que nous voyons l'humain dans
l'autre qui se tient devant nous, pas l'humain en
général. Un programme tel que celui de Woodrow Wilson
parle d'humains en général. Mais celui-ci, cet humain
en général, cet humain abstrait, il n'y a pas. Ce
qu'il y a est toujours seulement l'individu, l'être
humain individuel. Pour celui-là, nous pouvons nous
intéresser à nouveau comme humain entier, pas par le
pur penser. Nous éteignons ce que devrions développer
d'humain à humain, si nous «wilsonisons», si nous
esquissons une image abstraite de l'humain.
L'essentiel dont il s'agit, est que pour la
socialisation intervienne, à l'avenir, l'absolue
liberté des pensées, la socialisation n'est pas
pensable sans liberté des pensées. Par conséquent, la
socialisation devra être liée à l'élimination de tout
asservissement des pensées - cet asservissement des
pensées serait-il soit entretenu par ce qu'impulsent
certaines sociétés de la population parlant anglais
que je vous ai suffisamment caractérisées, soit par le
catholicisme romain. Les deux se valent, et il est
extrêmement important que l'on saisisse des yeux la
parenté intérieure de ces deux. Il est extrêmement
important que particulièrement en rapport à de telles
choses ne règne aucune confusion. Vous pouvez raconter
à un jésuite ce que je vous ai exposé sur la
particularité de ces sociétés secrètes de la
population parlant anglais. Il sera ravi de recevoir,
une confirmation de ce qu'il représente ; mais
vous devez être au clair, quand vous voulez vous tenir
sur le sol de la science de l'esprit, que vous n'avez
pas la permission de confondre votre rejet de ces
sociétés secrètes au rejet venant de la part des
jésuites. Il est curieux que, de nos jours encore, on
manifeste si peu de discernement à ce propos.
04024 - J'ai récemment fait remarquer, aussi au cours
de conférences publiques, que ce qui importe
aujourd'hui, ce n'est pas seulement ce qui est dit,
mais qu'il faut prêter attention à l'esprit qui
pénétrera ce qui est dit. J'ai ainsi cité l'exemple de
phrases identiques que l'on trouve chez Woodrow Wilson
et chez Herman Grimm. Je dis cela parce qu'il vous
arrivera de plus en plus souvent de constater que, du
côté jésuite par exemple, on prend en apparence, mais
seulement en apparence justement, tout autant parti
contre ces sociétés secrètes anglo-américaines que
nous avons dû le faire ici. Rien que le fait par
exemple de lire un article comme celui qui figure
actuellement dans le numéro de décembre de la revue
«Voix d'aujourd'hui» (4) fait un effet grotesque et
grimaçant sur quiconque est attaché aux réalités
concrètes. Car naturellement, ce qui doit être
combattu chez ces sociétés secrètes anglo-américaines
est exactement la même chose qui doit l'être dans le
jésuitisme. Les deux mouvements sont adversaires, se
combattent, la puissance de l'un se dressant contre
celle de l'autre; ils ne peuvent exister côte à côte.
Chez l'un comme chez l'autre n'existe pas le moindre
intérêt véritable, objectif, on n'y trouve qu'intérêt
de parti ou d'ordre. Il nous faut absolument perdre
l'habitude de considérer seulement le contenu des
choses et ne pas voir à partir de quel point de vue
une quelque chose sera placée dans le monde.
Quelque chose peut être bienfaisant, voire salutaire,
si c'est placé dans le monde d'un point de vue qui est
valable pour une période donnée, mais quand ce sera
placé/mis en scène par un pouvoir/une puissance
différente, cela peut être ou bien quelque chose
d'extrêmement ridicule ou bien même dommageable. C'est
quelque chose qui devra être tout particulièrement
considéré aujourd'hui. Car il s'établira toujours plus
clairement : lorsque deux personnes disent la
même chose, ainsi ce n'est pas de la même chose selon
ce qui repose derrière. Après toutes les épreuves que
la vie nous a apporté au cours des trois à quatre
dernières années, il est tout particulièrement
nécessaire que nous nous tenions enfin compte de ces
choses, que nous nous occupions véritablement de ces
choses.
04025 – De cette véritable occupation avec ces choses,
on ne remarque encore pas beaucoup. Aujourd'hui on
demandera encore : comment devrait-on organiser ceci
ou cela, comment devrait-on faire afin que ce soit
correct ? Vous pouvez bien organiser ce que vous
voulez ici ou là, si vous n'y mettez pas des hommes
qui pensent dans le sens de notre époque, eh bien, que
vous mettiez au point l'organisation la meilleure ou
la pire, toutes deux tourneront ou au salut ou au
malheur, selon les hommes que vous y aurez affectés.
Ce dont il s'agit aujourd'hui, est que l'être humain
comprenne vraiment : il doit devenir, il ne peut aller
sur ce qu'il est déjà, il lui doit perpétuellement
être un devenant. Il doit aussi se comprendre à
vraiment regarder dans la réalité. Mais, à cela on est
très, très réticent ; comme je l'ai donc souligné
des plus différents points de vue. En toute chose,
nommément dans les circonstances actuelles, on est
ainsi très enclin à ne surtout pas toucher la réalité
du doigt, mais à prendre justement les choses comme il
nous plaît de les prendre. Se former un jugement qui
est conforme à la réalité n'est naturellement pas
aussi facile que porter un jugement qui est lâché
dirigé en ligne droite sur ce qu'il soit formulable.
Les jugements qui sont conformes, ne sont pas sans
plus formulables, nommément pas alors qu' ils
interviennent dans la vie sociale ou humaine ou
politique, car là est presque toujours aussi exact le
contraire de ce que l'on suppose – aussi exact au même
degré que le contraire. Seulement quand on essaie de
se former absolument aucun jugement de tels rapports,
mais de se faire des images, cela signifie quand on
s’élève déjà dans la vie imaginative, alors on ira
[97] à peu près le chemin correct. À notre époque,
c'est tout particulièrement important qu'on essaye de
se faire des images, pas en fait des jugements
abstraits et définitifs. Ce devra donc aussi être des
images qui poussent à la socialisation. Alors, ce qui
est nécessaire plus avant : il n'y a aucune
socialisation sans que l'humain devienne de science de
l'esprit (NDT : pour rendre ici l'adjectif
« geisteswissenschaftlich » encore
impossible en français) - donc la liberté des pensées
d'un côté, de science de l'esprit de l'autre côté.
04026 – Dans des conférences publiques, j'ai donc
déjà indiqué sur ce qui repose à la base, aussi à Bâle
dans des conférences publiques (5). Je disais que
certains humains pensant selon le matérialisme,
voulant donc tout comprendre à partir de l'évolution,
de la chaîne animale, disent : maintenant, oui, nous
avons chez l'animal les débuts d'instincts sociaux qui
se développent à la moralité chez l'humain. Mais tout
de suite ce que sont les instincts sociaux chez les
animaux : quand ce sera élevé à l'humain, ce sera
justement antisocial. Tout de suite ce qui est social
chez les animaux, est antisocial chez l'humain au sens
le plus éminent ! Les humains ne veulent absolument
pas admettre les différentes lignes/lignées qui
donnent une image réelle des choses; mais ils veulent
former rapidement des jugements. On s'en sort
seulement alors dans l'échange changeant d'humain à
humain quand on saisit l'humain pas purement en ce qui
concerne sa nature animale, car là il est justement
antisocial au sens le plus éminent, mais quand on le
saisit comme un être spirituel, chaque humain comme un
être spirituel. Mais on peut cela seulement quand on
saisit le monde entier en rapport à sa base
spirituelle. Ces trois choses, socialisme, liberté des
pensées, science de l'esprit sont indissociables.
Elles vont ensemble. Une n'est pas possible sans
l'autre, dans notre cinquième époque postatlantéenne,
dans son évolution.
04027 - Il sera particulièrement nécessaire que les
humains daignent regarder,non dépourvus de pensée, que
chaque être humain porte aussi en lui un être
antisocial. On pourrait dire aussi, quand on aimerait
parler banal/trivial :il s'agit beaucoup pour le
salut de cette époque que les humains cessent de
s'aimer si terriblement bien eux-mêmes. C'est en effet
le trait caractéristique de l'humain actuel qu'il
s'aime lui-même vraiment beaucoup. Et là, vous devez à
nouveau différencier : il aime tout particulièrement
son penser, son ressentir, son vouloir - et alors
quand une fois par exemple son penser lui plaît, il
n'en démord plus.
04028 - Voyez-vous, celui peut vraiment penser, il
sait quelque chose qui n'est pas sans importance : sur
tout ce qu'il pense correctement, il a un jour pensé
faux. En fait, on sait seulement correctement de ce
dont on a fait l'expérience de ce que provoque dans
l'âme, ce qu'on a pensé faux dessus. Mais les humains
ne s'intéressent pas volontiers à ce genre de
contextes de développement intérieur. C'est pourquoi
les humains se comprennent si peu les uns les autres
aujourd'hui. Je veux vous dire un exemple. La
conception prolétarienne du monde, dont je vous ai
souvent parlée, affirme que la façon dont les humains
se représentent les choses, l'ensemble de la
superstructure idéologique, dépend des
rapports/conditions économiques, si bien que les
humains forment leurs pensées politiques d'après leurs
conditions/rapports économiques.
04029 - Qui peut prendre en compte une telle pensée,
il trouvera qu'une telle pensée a une large
exactitude, est en particulier presque entièrement
correcte pour l'évolution du temps depuis le XVIe
siècle. Car ce que pensent les humains depuis le XVIe
siècle est presque entièrement un résultat des
conditions économiques. Ce n'est pas correct au sens
absolu, mais c'est dans un sens relatif entièrement
correct dans une large portée . Seulement, dans une
telle tête comme est une tête de professeur d'économie
nationale, cela ne veut pas rentrer. Non loin d'ici
enseigne, par exemple à l'université, un économiste du
nom de Michels (6) qui dit que ce serait faux, car on
pourrait prouver que les pensées politiques seront
faites non par les conditions économiques, mais que
par les pensées politiques, les conditions économiques
seront particulièrement transformées. Et ce professeur
Michels évoque le blocus continental de Napoléon qui
entraîna en Italie et en Angleterre l'anéantissement
pur et simple de certaines branches de l'industrie et
par ailleurs la création de certaines autres. Donc,
dit-il, nous avons là un cas des plus flagrants où les
conditions économiques sont déterminées par une pensée
politique, en l'occurrence le blocus continental. Il
cite encore d'autres exemples similaires. Je sais que
sur cent personnes qui liront le livre de Michels,
toutes seront convaincues que ce qu'il dit est vrai,
car cet ouvrage est construit avec une logique
exceptionnelle. Cela semble être absolument exact,
mais tout est quand même risiblement faux. Et c'est
risiblement faux parce que tous les exemples qu'il
donne sont traités sur le même schéma que ce blocus
continental. Certes, le blocus continental a eu pour
effet que certaines industries ont dû être
transformées en Italie, mais cette transformation des
industries n'a justement entraînée aucune modification
du rapport économique entre entrepreneur et ouvrier.
Et c'est tout de suite ce qui est caractéristique.
Tout cela tombe dehors comme d'une passoire ou d'un
tonneau sans fond. Cette théorie est en réalité un fût
sans fond. Tout ce que Michels avance s'écroule parce
que la vision prolétarienne du monde n'affirme
absolument pas que ce n'est pas par une pensée
quelconque comme celle du blocus continental [99] que
par exemple l'industrie florentine de la soie, qui
n'existait pas auparavant, s'est développée, alors
qu'elle ne se développe pas en Angleterre. La
conception du monde prolétarienne affirme beaucoup
plus : bien que le blocus continental ait lancé telle
industrie ici et telle autre là, rien n'est changé
dans les rapports économiques entre entrepreneur et
ouvrier, et ce sont ces rapports qui sont
déterminants. Si bien que cette théorie, avec sa
superstructure idéologique, s'exclut du vaste
mouvement des événements économiques et que l'exemple
du blocus continental et de ses effets, au sens le
plus éminent, ne démontre absolument pas ce que le
professeur Michels veut prouver.
04030 - Maintenant vous demandez : pourquoi un
tel humain comme le professeur Michels persiste dans
sa théorie face à la pensée prolétarienne ? Pour
la simple raison qu'il est amoureux de sa propre
pensée et qu'il n'est pas en mesure d'entrer dans les
vues de la pensée prolétarienne. Il s'endort aussitôt.
C'est un endormissement latent. Dès l'instant où il
doit réfléchir des pensées prolétariennes, il
s'endort. Là il peut seulement se maintenir en ce
qu'il développe les pensées dont il est épris.
04031 - Ainsi on doit aborder les choses de l'âme.
Dans notre temps est une fois l'époque dans laquelle
on doit aborder les choses de l'âme au sens plus
éminent, sinon on ne comprendra pas ce qui est
nécessaire en notre temps, sinon nous ne pourrons
quand même arriver n'importe comment à aucun jugement
salutaire sur ces rapports difficiles, tragiques. Et
des jugements salutaires ce sont donc en fait eux
seuls qui peuvent quand même nous conduire, et
conduirons aussi, au loin de la misère du présent.
Dans l'ensemble, il n'y a aucune raison au pessimisme,
mais il y a beaucoup de raison au retournement du
jugement. Avant toute chose chez chaque individu est
une raison au retournement du jugement dans une mesure
élevée.
04032 – On doit déjà dire : c'est très étrange
quand on voit comment aujourd'hui les humains
délivrent leurs jugements pour ainsi dire en dormant,
et avec quelle rapidité ils oublient d'une période à
l'autre, aussi quand les périodes sont très brèves.
Nous ferons donc en particulier maintenant
l'expérience de comment les humains oublieront la
façon dont ils ont jugé, ce que de par le monde ils
ont déversé de phraséologie (NDT R.S. dit « ils
ont phraséologisés ») sur droit, sur la nécessité
pour le droit de combattre contre l'injustice. Nous le
vivrons que la plupart des humains qui, il y a quelque
temps, parlaient du droit sous cette forme,
l'oublieront et ne verront pas du tout comment dans
les prochains temps chez le plus grand nombre de ceux
qui ont parlé du droit, il s'agit simplement du faire
valoir du pouvoir tout ordinaire. Il ne s'agit
naturellement pas de leur en vouloir, mais de voir
clairement que, lorsque d'un côté on a parlé de
justice, on n'a pas le droit d'ignorer qu'il s'agit
finalement chez les plus grands braillards de pouvoir
et d'impulsions de pouvoir. Comme je l'ai dit, il ne
faut pas se formaliser, mais la façon dont se fera
valoir ce qui a été exprimé il y a relativement peu de
temps sur le droit, le droit et encore le droit, ne
sera pas très belle. On ne peut guère s'en étonner.
Mais ceux qui ont dit leur mot, qui ont participé,
ceux-là devraient être surpris en trouvant à présent
le tableau si singulièrement changé ! Ils devraient
alors prendre conscience pour le moins de combien
l'être humain tend à bâtir ses jugements d'après des
illusions et non d'après des réalités.
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