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:En Janvier 1997, l'Association N E F publiait :

Considérations sur le domaine économique par Lex Bos


(traduit de néerlandais par Catherine et Henri Nouyrit)


Les cinq textes traduits et présentés ici ont été publiés il y a une douzaine d'années sous forme d'articles séparés, dans le bulletin mensuel de la banque Triodos aux Pays-Bas. Ils étaient principalement destinés à nourrir la réflexion et éclairer la pratique des collaborateurs de Triodos. Ils peuvent, sans aucun doute, avoir la même destination pour l'équipe de la Société Financière de la NEF et les membres de l'Association.
C'est Jean-Pierre Caron qui a pu se procurer ces documents et nous a suggéré de les traduire. A propos de la traduction, le substantif "institution" que l'on trouvera très souvent dans ce texte (et qui transcrit le mot hollandais "inrichtingen", lequel transcrit l'allemand "Einrichtungen") doit être compris dans un sens non juridique et large de "formes d'organisation" ou de "structures". Par ailleurs, certaines redites proviennent du fait que ces textes étaient à l'origine des articles publiés un mois d'intervalle.
C. et H. Nouyrit

I. Le domaine de l'économie
Le nombre de chômeurs est maintenant en pourcentage plus élevé qu'aux pires moments de la crise des années trente.
Les effets en sont voilés par le niveau de prospérité ambiante. Mais, en fait, la maladie de la sphère économique n'en est pas moins présente. C'est la même maladie que dans les années trente.
La crise de ce temps-là a été le terrain nourricier du "Troisième Reich" et de la deuxième guerre mondiale ensuite.
Dans la période de reconstruction qui a suivi, la conjoncture a pris un envol puissant. La prospérité dans les pays industriels a cru par grands bonds. La vie sociale, fortement déterminée par la vie économique, a semblé éclatante de santé.
Nous nous trouvons à présent devant la seconde crise, dont nous ne pouvons pas prévoir la fin, cependant que le nombre de chômeurs, comme on l'a dit, est déjà plus élevé que dans les années trente.
Il y a des groupes qui veulent nous faire croire que, fondamentalement, il n'y a rien de très grave. En raison de facteurs technologiques et politiques, s'accomplissent des changements structurels, mais "dans un an" disent-ils, la conjoncture repartira de nouveau et les problèmes se résoudront !
Nous pouvons aussi nous demander si dans la sphère de l'économie quelque chose n'est pas fondamentalement faux.
Cette question est importante pour Triodos, car elle est une institution qui a pour mission de promouvoir le renouveau de la société.
Si la vie économique demande un renouvellement, lorsque des entreprises demandent des crédits et frappent è.la porte de Triodos, qui est le porteur
de ce renouvellement ? Nous devons voir clair sur la nature de ce renouvellement et sur la cause profonde de cette maladie.
Lorsqu'au milieu du 1861:ne siècle, la révolution industrielle commença en Angleterre, ce fut le début d'une nouvelle ère. La technologie moderne se lia avec une nouvelle forme de division du travail. Les produits industriels formèrent la base d'un commerce mondial naissant. Les vieilles structures féodales, le système des corporations traditionnelles, les cadres religieux pour l'organisation du travail se brisèrent. Le capitalisme moderne était né dans la manière de mettre en œuvre la production dont les produits concurrents devaient être commercialisés sur un marché anonyme.

Adam Smith entreprend alors des recherches pour connaître la cause des manifestations de la prospérité, pour trouver la source de cette prospérité :
En 1779, il écrit son livre "Inquiry in to the cause of the health of nations". Ses conclusions sont les suivantes : "Lorsque chacun - aussi bien les entrepreneurs que les ouvriers et que les consommateurs - d'une manière aussi conséquente que forte, recherche la satisfaction de son propre intérêt, cela mènera automatiquement A la prospérité de l'ensemble".
Smith parle d'une main invisible, d'une sorte de mécanisme économique qui, faisant l'addition de tous les égoïsmes, par un coup de baguette magique, fait apparaître le bien-être de tout l'ensemble.
Nous avons maintenant travaillé pendant deux siècles avec cette conception. En fait, et très globalement, on peut dire que nous avons fait les expériences suivantes :
. Les différences entre pauvres et riches vont en augmentant, et c'est ainsi que les tensions sociales deviennent plus grandes.
. Le système conduit une exploitation constamment plus intensive de la terre. Ceci conduit A des problèmes écologiques croissants.
. La "main invisible" a semblé d'abord se mettre à l'œuvre à travers des organisations syndicales de plus en plus fortes qui sont intervenues comme régulateurs.
Puis, cette force invisible s'est manifestée dans l'appareil de l'Etat, régulant, intervenant et contrôlant partout et en tout lieu.
Nous avons courtement caractérisé cette vie économique, arrêtons-nous y encore un peu.
Dans ce qui la caractérise, il y a trois véritables composants :
1) Il s'agit de la façon d'entreprendre la production, c'est-a-dire d'organiser le travail. au moyen du capital. Les entrepreneurs attirent le capital et organisent la production. En raison de ceci, ils font valoir leur droit de propriété sur les gains qui en résultent.
2) Les ouvriers vendent leur force de travail aussi cher que possible. Ils se considèrent comme propriétaires de leurs capacités et essaient ainsi d'obtenir un prix aussi élevé que possible. '
De nos jours, les syndicats professionnels négocient plus ou moins collectivement ceci avec les employeurs.
3) Les produits venant de ce genre d'entreprises sont commercialisés sur le marché anonyme.
Les prix se forment comme conséquence du mécanisme de l'offre et de la demande.
Trois composants forment ces caractéristiques de la vie économique :
Capital : gain, propriété des moyens de production.
Travail : capacités des hommes, salaires, conditions de travail.
Produits : circulation des produits, prix, marché.
Lorsque le système que nous caractérisons ici peut être qualifié de malade en raison des symptômes qui, après deux siècles d'expérience se manifestent de plus en plus, on peut aussi suggérer que ces trois composants pourraient être aussi des angles d'attaque pour une thérapie.
En 1919, dans son livre "Die Kernpunkte der sozialen Frage", Rudolf Steiner apporte des considérations sur la triple organisation de l'organisme social.
En 1922, dans un cycle de conférences sur l'économie mondiale, il parle, entre autres, du renouvellement de l'argent.
C'est 14 ans plus tôt, en 1905, que Rudolf Steiner, pour la première fois, s'exprime partir à de l'anthroposophie sur la question sociale.
Il est intéressant de savoir que dans ces écrits, il formule ce qu'il nomme "la loi sociale fondamentale" en se plaçant en opposition radicale par rapport Adam Smith. Steiner formule cette loi fondamentale ainsi :
"Le bien-être d'un ensemble d'hommes qui travaillent ensemble est d'autant plus grand que chacun d'entre eux exige moins pour lui-même les fruits de son travail ; ceci revient dire que plus il met ses .résultats la disposition de ses collègues de travail, et moins il satisfait ses besoins par ses propres prestations, plus ceux-ci sont satisfaits par les autres" Steiner affirme que cette loi à le même caractère de nécessité inexorable à notre époque qu'une loi de la nature.
Bien que cette loi renvoie vers un effet social de l'action individuelle, elle n'a pas d'intentions morales.
Steiner suppose que l'homme peut comprendre pourquoi cette loi est valable,. pourquoi son comportement égocentrique est asocial au sens d'Adam Smith, et a les conséquences que nous pouvons voir autour de nous.

Il peut également percevoir que l'homme moderne, conscient de lui-même, émancipé justement à cause de cette conscience de lui-même, manifeste encore par ses actions de forts éléments asociaux et que c'est une illusion de vouloir les changer tout de suite.
Ces deux points de vue d'ensemble peuvent le conduire à créer des institutions, à prendre des initiatives pour faire en sorte que la loi sociale fondamentale ne puisse agir dans un sens négatif et qu'inversement elle opère dans un sens positif.
Pour être concret, ceci veut dire que les institutions, les initiatives, les conventions, les lois, sont en relation avec :
Le capital : Ces institutions ont à faire avec les droits de propriété, avec les biens en capital, avec les biens immobiliers et fonciers et avec d'autres, ainsi qu'avec la question : d'où vient le bénéfice d'une entreprise et quelle devrait être sa destination ?
Le travail : Ces institutions ont à faire avec la relation entre le travail et le salaire, ainsi qu'avec la question des critères permettant de déterminer le niveau des revenus et la source de ceux-ci.
Les marchandises : Ces institutions ont à faire avec la transparence des flux des marchandises, ainsi qu'avec l'effort de supprimer le caractère anonyme du marché pour rendre aussi conscient que possible la formation des prix des produits entre le commerce et la consommation, au lieu d'un mécanisme inconscient d'offre et de demande.
Steiner désigne ces institutions sous le nom d' "Associations".
Les lecteurs attentifs à la manière dont Steiner, dans la loi fondamentale, semble avec d'autres mots dire trois fois la même chose, ont déjà pu trouver les points de départ de ces trois institutions.
Dans les trois chapitres suivants, nous allons concrètement aborder ces institutions et la possibilité de les réaliser par petites étapes.
Comme nous l'avons dit, avec ces institutions, apparaissent aussi les critères à partir desquels le groupe Triodos peut notamment juger si les demandeurs de crédit contribuent par leur projet à un renouvellement de la société.

II. Le domaine du travail
Dans le précédent chapitre, nous avons montré que la vie économique s'appuie encore sur les principes qu'a donnés Adam Smith il y a deux siècles. Il en découle que l'intérêt individuel est devenu le principe conducteur omniprésent pour traiter de la vie sociale. L'intervention compensatrice des pouvoirs publics (pour favoriser le bien public) fait que la mécanique bureaucratique pénètre tous les domaines de la vie.
La démonstration de l'article précédent s'articule de la manière suivante :
-           L'homme présente par son individualisation encore de fortes tendances antisociales dans ses actions ;
-           La vie économique supporte d'autant moins ces tendances antisociales que la division du travail est justement la sphère où la plus grande moralité. devrait se manifester, car l'un travaille pour satisfaire les besoins de l'autre ;
-           L'homme peut comprendre ces faits et peut lui-même contribuer A ce que naissent des institutions qui repoussent l'intérêt égoïste hors de cette sphère.
Nous avons montré la nécessité d'institutions dans le domaine de la recherche du capital, de l'apport de travail et de la circulation des marchandises.
Dans le présent chapitre, nous voulons dire quelque chose sur les institutions qui ont A faire avec le travail.
Le domaine du travail repose sur trois piliers : les capacités des hommes, le travail qu'ils accomplissent et le salaire qu'ils en obtiennent.
Les entrepreneurs traduisent les besoins des consommateurs en produits, orga-nisent la production et offrent des postes de travail.
Des hommes ayant des capacités pour réaliser ceci se présentent. Les conditions dans lesquelles ils agiront sont négociées. Le résultat est le salaire qui représente l'ensemble des conditions de travail.

 

Salaire

 

 

 

Capacité'

 

 

Travail

Regardons de près les caractéristiques de ces trois piliers et leurs relations réciproques.
Nous regardons d'abord vers les systèmes présents derrière ces trois piliers : le domaine scolaire qui apporte les capacités, l'organisation du travail qui fournit le travail, le système de rémunération qui fournit le salaire.

On peut être frappé par le fait que ces trois structures sont édifiées manière extrêmement hiérarchique.
Le système d'enseignement, du Jardin d'Enfants jusqu’à l'Université, est parfaitement organisé comme une échelle avec des marches ; chaque marche a ses valeurs d'admission et ses contrôles de sortie, ses voies transversales, ses classes parallèles et ses écluses.
Le système du travail est, par nature, très hiérarchisé. Du directeur A l'ouvrier, avec tous ses échelons intermédiaires, magnifiquement pourvus de symboles, de statuts, de titres et de rangs.
Et lorsque nous regardons le système des salaires, nous voyons dès le premier regard l'étendue des salaires, les niveaux de récompense et les échelles de revenus.
Nous n'avons qu'à regarder les annonces d'offres d'emploi pour voir que les trois données sont intimement liées.
Un niveau défini d'instruction (C.A.P., Brevet, Baccalauréat, Université) donne accès un niveau déterminé dans l'organisation du travail, p.ex. entrepreneur, guichetier, assistant de direction, etc.
La plupart du temps, on peut aussi lire quelle rémunération on a droit. La vie du travail s'élève devant nous comme une vraie construction solidement bâtie, grâce A une structure hiérarchique et des interconnections de nature mécanique.
La structure hiérarchique est un reste d'une société arrangée de façon féodale, laquelle trouve son origine dans la théocratie. Autrefois, elle était l'expression d'une réalité spirituelle, aujourd'hui elle est un anachronisme.
Ce qui se maintient encore notre époque de façon tenace comme les structures sociales, les structures élitaires, la justice de classe, est en opposition douloureuse avec les sentiments élémentaires d'équité et de libre développement de la personnalité.
L'interconnexion mécanique de ces trois composantes du domaine du travail
constitue l'instrument d'un Etat totalitaire avec sa domination bureaucratique.
Celui qui suit bien le jeu que jouent les pouvoirs publics, p.ex. en ce qui concerne la santé ou l'enseignement, pour les maîtriser, voit le mécanisme en action.
Depuis les exigences de formation des enseignants ou des médecins, jusqu’aux conditions d'emploi en ce qui concerne les salaires, les obligations de retraite ou de sécurité sociale, le triangle est verrouillé.
Les organismes se figent, les hommes deviennent des fonctionnaires.

Derrière les relations (les nœuds) se cachent des paradigmes, des conceptions implicites (non débattus).
Derrière la relation entre la capacité et le travail, on trouve l'idée que le système d'enseignement est, en fait, le fournisseur de capacités pour le système du travail.
Apprendre n'est ni agréable, ni intéressant, mais sert A s'adapter aux "trous" que crée le système du travail.
La vie économique essaie de prendre en mains de plus en plus l'enseignement pour en déterminer les "produits" (output).
Derrière la relation entre capacité et rémunération se cache le paradigme selon lequel la force de travail est une marchandise.
Les capacités peuvent être vendues sur le marché du travail.
Le prix (le salaire) fluctue entre l'offre et la demande. -
Derrière la relation entre rémunération et travail se cache la conception selon laquelle des responsabilités plus grandes demandent des niveaux hiérarchiques plus élevés, qui ne peuvent être portés que si, en contrepartie, il y a aussi une récompense plus élevée.
En fait, il s'agit d'une certaine conception de ce qui motive les hommes et sous quelles conditions ils acceptent de prendre certaines tâches sur leurs épaules. On peut dire encore que ceci montre par quels moyens on peut faire tenir debout un système de pouvoir hiérarchique.
Nous avons exposé trois paradigmes :
-           apprendre est un moyen pour obtenir un travail ;
-           la force de travail est une marchandise ;
-           les différences de salaire sont le seul moyen pour faire tenir debout un système de pouvoir.
Le système a pour effet de renforcer et de relier les paradigmes entre eux. Puisque la vie économique tire de plus en plus elle ce qui vient du domaine de l'enseignement, l'intérêt intrinsèque d'apprendre est, en plus, réduit, et apprendre devient de plus en plus un moyen pour atteindre un but.
Puisque toute la pyramide en ce qui concerne le travail (disons la structure de pouvoir) est .basée sur des rémunérations différentes (matérielles et immatérielles), ces différences deviennent aussi de plus en plus importantes pour faire tenir le système debout.
Puisque la force de travail est une marchandise, les hommes sont de moins en moins intéressés à ce qu'ils peuvent faire pour les autres avec ce qu'ils ont appris, mais de plus en plus à ce qu'ils peuvent en gagner.

De ces trois paradigmes, celui selon lequel la force de travail est achetable est le plus opérant.
Autrefois, 1.'Homme en entier, le corps, l'âme et l'esprit, était une marchandise (l'esclavage). Puis vint la phase où l'on ne pouvait plus vendre le corps, mais où il vivait encore très relié la sphère d'influence du Seigneur féodal (le servage, les entreprises japonaises). Maintenant, il reste seulement la dernière partie, la capacité spirituelle à vendre (le marché du travail).
Les institutions qui sont nécessaires pour arracher de la sphère économique cette dernière partie de l'homme travaillant, doivent contribuer dénouer la relation entre le travail, le salaire et les compétences.
Les débats sur un salaire de base garanti, non en relation avec un enseignement reçu et une prestation économique sont en cours. Mais, vu que cette dissociation-attaque les domaines fondamentaux de notre système capitaliste, il coulera encore de l'eau sous les ponts avant qu'une percée au niveau national ait lieu.
Heureusement, il y a de plus en plus d'hommes qui n'attendent pas cela, qui sortent de ce système et cherchent de toutes autres relations entre ces trois facteurs.
Salaires : plus dirigés vers les besoins ; attendre plus du libre développement des capacités, et plus travailler pour les besoins des clients.
De ces trois orientations naissent des interrelations toutes nouvelles et saines de ces trois composantes.

III. Le domaine du capital
Dans le premier chapitre "Le domaine de l'économie", nous avons caractérisé de trois manières le système économique contemporain :
-           les immobilisations en capital organisées par les entrepreneurs ;
-           la force dé travail qui, contre paiement, s'offre pour faire fonctionner le système de travail et les machines ;
-           un flux de marchandises qui atteint le consommateur, via un marché anonyme où le mécanisme de l'offre et de la demande détermine les prix.
Capital, travail, marchandises sont donc les trois pierres angulaires de la construction économique contemporaine. Mais, quand l'édifice chancèle, révélant de graves faiblesses, il y a probablement des fautes de construction fondamentales dans les pierres d'angle.
Nous voulons donc examiner ces trois piliers de l'économie A la lumière de la loi sociale fondamentale formulée par R. Steiner, que nous avons citée dans le premier chapitre.
La question partir de laquelle nous entreprenons notre examen est la suivante : "Les trois piliers : capital, travail et marchandises, portent-ils la vie économique de telle façon que la loi fondamentale pourrait être active dans un sens positif ?".
Dans le deuxième chapitre, nous avons jeté un regard sur le domaine du travail. Nous avons trouvé les piliers sur lesquels repose ce domaine : capacité, fonction et rémunération.
Derrière ces trois piliers se tiennent des systèmes hiérarchiques; l'échelle des niveaux de l'enseignement produit des capacités ; les organisations hiérarchiques produisent des fonctions ; un cadre de rémunération détermine les revenus. Ces trois composantes du domaine du travail semblent être mécaniquement liées.
Celui qui a atteint un certain palier dans l'échelle de l'enseignement trouve automatiquement une certaine fonction qui renvoie directement vers le palier correspondant de l'échelle des salariés.
Un tel système renforce exagérément l'égoïsme quant la rémunération, oriente l'enseignement vers l'accroissement de la valeur sur le marché du travail et fait oublier que le travail a d'abord satisfaire les besoins des autres.
Dans le chapitre précédent, nous avons indiqué la nécessité de découpler ces trois composantes. La loi fondamentale peut nous indiquer comment l'enseignement, le travail et les rémunérations peuvent être en rapport les uns avec les autres.
Nous voulons maintenant jeter un regard sur le domaine du capital.

Le mot capitalisme est un mot politiquement chargé de sens, il provoque des émotions. En soi, cependant, il n'y a pas lieu A cela. Le mot désigne le phénomène selon lequel quelqu'un fait appel à d'autres pour avoir des moyens pour son entreprise, en échange de quoi il en partage les résultats.
Le premier exemple est celui de la Compagnie des Indes orientales néerlandaise en 1602.
Pour financer une entreprise A risque, on fondait une Société Anonyme.
Le capitalisme commence par le capital commercial. Plus tard, ce sont les entreprises industrielles qui ont eu besoin de capitaux. Ainsi naît le capital pour l'industrie. Le principe reste le même : financer les moyens de production.
Pour comprendre pourquoi ce phénomène est politiquement si chargé de sens, nous devons regarder de plus près comment le domaine du capital est organisé, c'est-à-dire avec l'aide de quelles institutions le besoin en capitaux des entreprises est satisfait.
Nous verrons que la nature de ces-institutions fait que la loi sociale fondamentale agit dans un sens négatif.
Une entreprise satisfait par trois voies ses besoins en capitaux, et il y a naturellement toutes ces formes intermédiaires et les variantes. Mais, en fait, il s'agit de trois sources : les actions, les prêts et les profits.
Les actions : les entreprises sous forme de sociétés ouvertes ou fermées offrent des parts de capital (actions). Le public fournit de cette manière à l'entreprise -les moyens correspondants. Ceux-ci supportent les risques. Le dividende varie selon les résultats de l'entreprise.
Les prêts : les entreprises peuvent, par le moyen des banques ou des pouvoirs publics, recevoir des prêts. Ces prêts ne portent pas de risques. En général, la contrepartie est un pourcentage d'intérêt fixe.
Le résultat (les bénéfices) : les entreprises peuvent les "enfouir", c'est-à-dire ne pas les distribuer, mais les garder comme fonds propres dans l'entreprise. Ils sont, par nature, porteurs de risques, mais en contrepartie, il n'y a pas d'obligations d'intérêt ou de dividende.
Nous avons, actuellement, dans notre vie économique, organisé ces choses de telle manière qu'elles servent les tendances antisociales.
Nous voulons, à cet égard„considérer les trois piliers du capital d'un peu plus près.
1. Les actions  (parts de capital) : la souscription de capital assumant des risques est directement liée A des titres de propriété (ou pouvoirs). Celui qui détient des actions détient un pouvoir de décision. Que dans de nombreux cas, on essaie par toutes sortes de constructions (de manipulations) de tenir les porteurs d'actions derrière la porte pour que les managers puissent faire ce que bon leur semble, ne dément pas ce principe.
Par l'instauration du système des actions, les entreprises deviennent des "marchandises". Leurs prix est côté à la bourse des valeurs. Des entreprises peuvent être intéressées par d'autres entreprises, les acheter, les diviser, etc. Ainsi, on ouvre la porte A une concentration de pouvoir, d'impérialisme économique et multinational. La force directrice est, par conséquent, le rendement du capital investi. Il n'est pas question d'une quelconque liaison entre celui qui apporte le capital et l'entreprise dans laquelle celui-ci est actif ; non plus de se sentir responsable des conséquences humaines et sociales de l'entreprise "par action". Et c'est avec raison qu'on peut parler d'une Société "anonyme", un laisser faire "sans moi" qui n'est presque plus transparent pour la conscience humaine.
2. les prêts : les banques, actuellement, sont devenues comme les entreprises qui elles prêtent de l'argent, des institutions commerciales. Elles ont, souvent, une structure de Société Anonyme, Les déposants et les investisseurs en attendent un rendement assez bon. C'est de cette façon que les épargnants voient leur banque.
La banque s'est ainsi glissée comme un appareil énorme entre la masse anonyme des épargnants d'un coté, et les Sociétés Anonymes demandant des crédits de l'autre coté.
Les épargnants s'intéressent   un taux élevé d'intérêt et les demandeurs de crédit un taux bas. La banque essaie de se placer entre tout cela, de telle manière que son capital propre reçoive un bon rendement.
Un processus relativement mécanique s'accomplit dans une sphère de chiffres, de rendements, de balances, d'unité monétaire et d'indices. La réalité humaine et sociale est ainsi voilée.
Parce que les banques sont aussi des Société Anonymes, elles renforcent les effets que nous avons décrits ci-dessus à propos des "actions".
3. Les bénéfices : les entreprises peuvent satisfaire leur besoin en capital également par le fait de ne pas distribuer tout ou partie des bénéfices leurs employés ou A leurs actionnaires, ou ne pas faire de don, mais pour ainsi dire, de les "placer" dans leur propre entreprise.
L'avantage de ceci est double            d'abord, il s'agit de fonds propres, ce qui accroit un peu l'indépendance. Car, d'une part, un financement étranger rend dépendant des apporteurs de capital. D'autre part, on n'est pas obligé de présenter ses projets d'investissement           une banque, à. supposer que l'on ait eu besoin d'un prêt pour les réaliser.
Présenter ses projets à une banque veut dire rendre des comptes à l'extérieur, se soumettre aux jugements critiques d'une instance externe. Ceci créé aussi de la dépendance, mais les avantages qu'une entreprise voit dans le fait de réintégrer les bénéfices dans sa propre entreprise sont tous deux de nature asociale.
Aspirer à l'autonomie, à l'indépendance, à éviter des délibérations dans l'économie actuelle de division du travail est, en fait, asocial.
Une autre question concernant le bénéfice est importante. Qui a droit, en fait, aux bénéfices ? Cette question a, depuis le début des syndicats, joué un rôle.
Notre réponse est la suivante : des gains illégitimes peuvent naître parce que les travailleurs n'ont pas reçu un salaire équitable, ou parce que les fournisseurs et les clients ont reçu, selon le cas, des prix trop bas ou trop élevés, ou du fait de la spéculation, etc. Mais lorsque les choses ne se passent pas ainsi, le bénéfice apparaît alors dans une entreprise industrielle dans sa véritable qualité, c'est-à-dire comme un épiphénomène naturel de l'action de l'esprit humain dans le processus de production.
Les organisations nationales du travail, les outils, les moyens de production, sont pour ainsi dire de l'intelligence humaine figée. Partout où elle est active, le processus de travail agit pour économiser le travail, et ceci devient perceptible dans les excédents qui restent lorsque chacun a reçu une part équitable. Mais, où devraient aller ces excédents ? Dans cette sphère, dans ce domaine qui les a engendrés : la vie de l'esprit.
La totalité de la créativité humaine a ses sources dans l'ensemble de l'éducation, de la religion, de l'activité artistique, du temps libre, de la médecine, etc. C'est pourquoi, les bénéfices devraient refluer de la vie économique pour soutenir la vie de l'esprit, pour que la vie de l'esprit puisse féconder d'une manière libre la vie économique. Ceci est fait par l'Etat, par les impôts. Il y a beaucoup d'argent qui reste dans l'appareil de l'Etat, et il se crée une mainmise par l'Etat sur la vie spirituelle. Ainsi, l' "enfouissement" des bénéfices dans l'entreprise qui les a engendrés veut dire pour la Société que l'on contribue à sous-alimenter la vie de l'esprit et que l'on conduit la vie économique à une sorte de frénésie ou d'apoplexie.
Lorsque nous résumons courtement ce qui précède, se crée l'image suivante : les institutions que nous avons fait naître pour permettre de réunir le capital dont elles ont besoin font que l'appétit de puissance personnel et de profit propre se vit à travers et par l'entreprise ; liégoise d'entreprise .peut se manifester, notamment, en évitant de prendre des responsabilités sociales ; ainsi, la vie économique étouffe la vie spirituelle.
Par l'émission d'actions, par l'emprunt aux banques et par l'accumulation des bénéfices dans l'entreprise, c'est ainsi            qu'A trois niveaux (personnel,
entreprise, société), la loi sociale fondamentale est mise en œuvre d'une manière négative.
Les funestes conséquences en sont de plus en plus visibles.
Si nous voulons rechercher une organisation de la sphère du capital qui puisse œuvrer positivement, nous pourrions nous orienter vers :
-           du capital qui devrait, en principe, être mis   la disposition de l'entreprise
comme de l'argent de don et qui, dans tous les cas, ne devrait disposer d'aucun pouvoir sur l'entreprise ;
-           la neutralisation du droit de propriété sur ce qui constitue le capital immobilisé (matériel, stocks, ...). Ceux qui travaillent avec les moyens de production disposent d'un droit d'usage, mais ça ne signifie nullement une pleine propriété ;
-           des institutions qui pourraient, d'une manière réfléchie, transférer vers la vie spirituelle les bénéfices des entreprises. Les entreprises devraient alors, en contrepartie, être sûres de pouvoir disposer de crédits dans des conditions favorables ;
-           des organisations de consommateurs qui seraient capables de juger de la nécessité et du souhaitable des investissements.

IV. Le domaine des marchandises
Dans le premier chapitre, nous avons caractérisé la sphère économique comme un rassemblement de moyens de production avec lesquels les hommes sont actifs et dont il résulte un flux de marchandises.
Dans cette esquisse, il y a trois concepts essentiels :
.
Capital, travail et marchandises.
Autour de ces trois thèmes essentiels de la vie économique est née une multitude de formes d'organisation, d'établissements et de lois.
Nous les avons tous trois caractérisé comme autant de "domaines", ainsi pouvons-nous parler du domaine du capital, du domaine de travail et du domaine des marchandises.
Maintenant que la sphère économique dans sa totalité se trouve dans une crise grave, on peut se demander si les pensées que nous attachons   ces trois domaines'
sont justes, car si ce que nous pensons est faux, nous créons une réalité sociale imparfaite, non viable, inopérante.
Un ingénieur qui ne pense pas juste est vite corrigé par la réalité : le pont qu'il construisait tombe dans l'eau.
Dans la vie sociale, lorsque les pensées ne sont pas justes, cela peut durer quelque temps avant qu'il se révèle que ces pensées fausses sont inutilisables. Et cela dure encore quelque temps avant que les hommes admettent qu'ils doivent apprendre penser autrement.
Dans le premier chapitre, nous avons fait référence la loi sociale fondamentale de Rudolf Steiner de lm, dans laquelle il prend le contre-pied d'Adam Smith. Adam Smith - le père spirituel de notre système capitaliste actuel - écrit en 1779 :
"Lorsque chacun, aussi bien les entrepreneurs, que les ouvriers et que les consommateurs, poursuivent leur intérêt propre, de manière conséquente et efficace, cela mènera automatiquement au bien-être de tout le monde".
Steiner écrit en 1905 :
"Le bien-être d'un ensemble d'hommes qui travaillent ensemble est d'autant plus grand que chacun d'entre eux exige moins de jouir des fruits de son travail pour lui-même ; ce qui veut dire que phis il met ses résultats la disposition de
ses collègues de travail, et moins il satisfait ses .besoins par ses propres prestations, plus ceux-ci sont satisfaits par les autres".
Dans les deux chapitres précédents, nous avons vu de quelle façon les domaines du capital et de travail sont organisés partir des idées de Smith et de quelles institutions nous aurions besoin lorsque nous voudrions que la loi sociale fondamentale soit agissante dans un sens positif.

Dans ce quatrième chapitre, nous voulons faire de même en ce qui concerne le domaine des marchandises.
Le flux des marchandises de la vie économique trouve son origine chez les producteurs, s'anime (se met en mouvement) A travers le commerce de gros et le commerce de détail (distribution et transport) et finit chez le consommateur. Avant que ce flux de marchandises ne se mette en mouvement, deux activités très importantes s'exercent : la perception des besoins des consommateurs et la mise en œuvre d'un plan de production qui puisse répondre A ces besoins. Lorsque le flux de marchandises lui-même se met en mouvement, le marché occupe une position centrale : c'est le lieu où les consommateurs potentiels et les marchandises "se rencontrent" et où s'opère l'échange de l'argent contre les marchandises.
Dans notre conception occidentale, la production dans l'économie d'entreprise revêt les caractéristiques suivantes :
- Les consommateurs forment une masse anonyme et chacun essaye d'acheter le moins cher possible. Les consommateurs font connaître leurs besoins par le fait d'acheter ou de ne pas acheter, et éventuellement par des réclamations. Leur demande, plus ou moins forte, fait varier les prix et régule les activités des entrepreneurs. La perception des besoins s'opère, en fait, grâce au mécanisme anonyme du marché.
- Les producteurs, sur la base de décisions internes aux entreprises, élaborent des plans de production. Il est même interdit de s'accorder. ou de réaliser des ententes entre producteurs, car ceci risquerait de mener A la formation de cartels déguisés. Notre système est basé sur la concurrence. Chaque entreprise détermine elle-même son plan de production et est ainsi en concurrence avec d'autres sur un marché anonyme.
En raison du comportement capricieux du consommateur anonyme et de la non-connaissance des plans d'un collègue producteur dans la même branche, tout le processus est difficilement maîtrisable. C'est un risque pour les entrepreneurs. Ils veulent maîtriser le processus de la production, du commerce et de la consommation pour le rendre transparent.
La manière dont ils s'y prennent pour y arriver conduit une tentative de . prise de pouvoir. C'est une troisième caractéristique que nous voulons souligner et qui.se manifeste sous trois aspects :
. Fusionner (absorber) : les entreprises peuvent imposer leur volonté A d'autres entreprises avec lesquelles elles ne veulent pas travailler (elles les achètent). De ce fait, naissent de plus en plus d'entreprises de grandes dimensions.

. Prendre soi-même en mains la distribution pour pouvoir diriger soi-même le flux des marchandises. Ainsi naît une lutte de pouvoir pour le marché.
. Influencer directement le consommateur par une publicité toujours plus agressive. Cela mène à ce que ces consommateurs se sentent manipulés, s'organisent de façon polaire et combative ("Consommateurs de tous les pays, unissez-vous Contre ces affreux producteurs").
Il n'est pas difficile de reconnaître que, dans ces caractéristiques, la base de la philosophie d'Adam Smith est            l'œuvre. Tous les problèmes de l'actuelle sphère de marchandises s'y trouvent réunis : production de trop de marchandises de mauvaise qualité, qui jouent sur les besoins artificiellement suscités. A l'Ouest, l'accent est mis sur le caractère d'expérimentation du capitalisme privé (par le mécanisme du marché), à l'Est, le capitalisme de l'Etat mettait l'accent sur l'aspect de planification (plan de production monté par le pouvoir central pour la totalité de l'économie). On sait à quelles formes de bureaucratie cela a conduit, à quel gaspillage, et au fait de ne pas produire ce dont on a besoin. Cela a mené à un total dérèglement des flux de marchandises. Mais maintenant, posons-nous la question : Quelles institutions devons-nous créer pour que le flux de marchandises se réalise dans le sens de la loi fondamentale ? En d'autres termes, quels sont les contours du domaine des marchandises ?
Lorsque nous désignons dans ce qui suit trois institutions, on doit considérer que leur action n'est possible que si les institutions de la sphère du capital et de la sphère du travail sont à l'œuvre en même temps. Dans le dernier chapitre, nous verrons d'ailleurs comment les institutions de ces différentes sphères se soutiennent mutuellement, mais ce n'est que pas à pas que peut être réalisée leur liaison.
Pour ce qui concerne le domaine des marchandises, nous distinguons trois institutions :
- Un organe des consommateurs :
Dans la perception et la manifestation des besoins, les consommateurs peuvent jouer. un rôle bien plus conscient et plus actif. Ceci ne devrait pas nécessairement conduire à une défense agressive de leurs intérêts. Il y a déjà des exemples (p.ex. les associations de femmes au foyer, la fondation pour un bon habitat, les associations sportives et autres), mais elles devraient être bien davantage une partie constituante du domaine des marchandises, disposées à une réflexion constructive avec les producteurs. Il n'est pas non plus nécessaire que tous les consommateurs arrivent à un éveil et à une conscience aigle des conséquences de leur acte d'achat. Les consommateurs peuvent aussi se lier un agent indépendant, sans obligations, qui réalise des recherches sur les besoins, et peut être un interlocuteur pour les producteurs.
- La coordination de branche :
Afin d'accorder d'une manière aussi efficace que possible les capacités de productions disponibles aux besoins identifiés, la réflexion et la concertation au sein de la branche d'activité (ou secteur) s'avèrent absolument nécessaires.
Lors de cette réflexion concertée, on peut percevoir qu'il faille augmenter la capacité de production, ou au contraire la diminuer graduellement, avec toutes les conséquences sur les investissements, les déplacements et la réorientation des travailleurs, etc.
Actuellement, nous voyons bien que pressée par la nécessité, c'est sous la direction de l'Etat qu'est née cette concertation de branches. Grâce aux institutions créées dans les domaines du capital et du travail, seraient créées les conditions permettant, au niveau de la branche, une coordination volontaire.
- Concertation entre production, commerce et consommation :
Quant aux deux pôles de la circulation des marchandises, les institutions mentionnées ci-dessus étant créées, la concertation associative peut alors intervenir au long de la chaine qui va du producteur au consommateur en passant par le commerçant. D'un coté, ceci peut consister en des conventions plus ou moins concrètes, dans certains cas des engagements plus ou moins contraignants concernant la quantité, la qualité et les conditions de livraison. D'un autre coté, cela peut consister aussi en l'évaluation de ce qui se passe sur les marchés car, même dans une économie concertée, les circonstances des marchés interviennent.
On ne peut pas imaginer que l'on ne produira que sur commande des consommateurs. Le commerce (le marché) demeure une fonction essentielle pour relier le producteur et le consommateur et pour parvenir ce que les prix se forment. La grande différence réside dans le fait que ce qui résulte du marché ne soit plus une occasion pour les entrepreneurs de réagir chacun pour soi, mais au contraire, constitue une occasion pour que s'exerce la concertation associative et que les intéressés vivent un apprentissage social.

V. Des paramètres pour le renouvellement social
Les précédents chapitres sur la sphère de l'économie et ses trois sous-systèmes, capital, travail et marchandises, ont rendu évident que les directions données par Rudolf Steiner par le moyen de la loi sociale fondamentale, peuvent servir à rechercher dans les projets (évalués par Triodos) des éléments du renouvellement social.
Dans le premier chapitre, nous avons montré, A ce sujet, qu'apparemment, cette loi sociale fondamentale exprime avec des mots différents par trois fois la même chose, tandis qu'en réalité, dans la triple formulation se trouve la clef pour les trois sortes d'institutions que nous devons créer pour que cette loi puisse jouer dans un sens positif. Lorsque nous parlons d' "institutions", nous visons toutes les conventions, règles, arrangements et procédures qui ordonnent la vie en commun, le travail en commun des hommes et des groupes.
Nous citons cette loi à nouveau, mais en discernant cette fois son articulation: "Le bien-être d'un ensemble d'hommes travaillant ensemble est d'autant plus grand que
I. "l'individu exige moins pour lui-même les fruits de ses prestations:" Cette phrase parle des prestations de l'individu. Elle renvoie à la créativité spirituelle, au domaine du capital.
2. "c'est-à-dire que, plus il offre de ses résultats à ses compagnons de travail," Dans cette phrase, l'accent est mis sur le travail de groupe, sur la totalité des hommes qui travaillent ensemble. L'accent est mis sur le facteur travail.
3. "et que moins ses besoins sont satisfaits par ses propres prestations, mais sont au contraire satisfaits par d'autres"...
Excepté des éléments déjà nommés sous la rubrique 1 et 2 (prestations et compagnons de travail), ici il s'agit des besoins qui doivent être satisfaits. Par là, il est fait référence au flux des marchandises.
Ces trois membres de phrase font référence au capital, au travail et aux marchandises, mais dans leur façon de se combiner et de se tisser, on peut déjà déduire de quelle manière ces trois sphères du capital, du travail et des marchandises dépendent les unes des autres, ou - pour le dire dans les termes de la tripartition sociale - comment la vie spirituelle-culturelle, la vie juridique et la vie économique se conjuguent.
Nous allons brièvement résumer les institutions que nous avons évoquées dans ces trois sphères.
En ce qui concerne la sphère du capital, nous avons parlé de trois institutions :
1. Des institutions qui rendent impossible qu'une part non justifiée du profit soit réinvestie dans l'entreprise même. En d'autres mots, des institutions qui rendent possible que la vie spirituelle -culturelle fleurisse avec de l'argent de don.
2. Des institutions qui rendent impossible que les détenteurs de capitaux détiennent un pouvoir sur les moyens de production ; en d'autres termes, des institutions qui neutralisent le droit de propriété (dans le sens du droit romain) et qui ouvrent ainsi le chemin vers Un droit d'usage pour ceux qui peuvent travailler avec ces moyens de production.
3. Des institutions qui rendent possible qu'une entreprise puisse disposer de capital-risque, en contrepartie de garanties raisonnables de mobilité du capital.
En ce qui concerne la sphère du travail, nous avons parlé des institutions suivantes :
1. Des institutions qui dénouent le lien malsain entre l'enseignement et le travail. En dehors d'organisations du travail (inspirées par la libre vie de l'esprit), l'enseignement devrait être totalement au service du développement de la personnalité. Quand on n'enseigne que ce qui est utile, l'enseignement se fane- Dans des organisations du travail, une toute nouvelle relation entre enseignement et travail devrait naitre ; il devrait croitre une nouvelle culture de l'enseignement prenant en compte les fruits de l'expérience du travail. Les expériences tirées du travail offrent un trésor de possibilités d'enseignement. Mais, pour cela, devraient être crées des institutions particulières.
2. Des institutions qui dénouent les liens malsains entre les capacités et le salaire. La détermination d'un salaire équitable n'a pas A tenir compte de "mes capacités", mais   tenir compte des "besoins de l'autre". Le point de départ est
la question : "Qu'est-ce Vi me revient par rapport l'autre ?". Gagner de l'argent veut dire, en fait, satisfaire les besoins respectifs des uns et des autres. On devrait avoir des institutions qui, dans cet esprit, partagent ce qui a été gagné par la communauté.
3. Des institutions qui dénouent les liens malsains qui existent entre salaire et travail. Les motivations pour travailler et assumer des responsabilités ne devraient pas résulter de la contrepartie que l'on reçoit pour le prix de son travail (salaire), mais elles devraient résulter de ce que l'on fait pour d'autres avec bon sens. Mais, dans ce cas, devraient aussi naitre des institutions qui rendent possible que l'entreprise et le travailleur œuvrent avec la perception de ceux qui seront les clients.

En ce qui concerne la sphère des marchandises, nous pouvons également parler de trois institutions :
1. Une réflexion par secteur sur la question de décider si les entreprises développent leurs capacités ou, au contraire, les diminuent.
2. Une réflexion associative entre producteurs, commerçants et consommateurs (représentants) qui regardent vers l'avenir (accords, conventions), comme vers le passé (apprendre des expériences des marchés).
3. Percevoir et faire connaître les besoins des consommateurs par le moyen d'agents des consommateurs.
Il faut souligner que ces institutions ont des orientations différentes. Les unes renvoient davantage vers la vie spirituelle: les dons, l'enseignement, le développement des capacités ; d'autres sont plus orientées vers la vie juridique, le droit de la propriété, un partage équitable des revenus, des conventions entre les partenaires des marchés ; enfin, d'autres institutions sont plus en rapport avec la vie économique : répondre aux besoins en capitaux, travailler pour satisfaire les besoins des autres, faire connaître les besoins.
Le tableau ci-après aidera à y voir plus clair, nous y avons brièvement résumé les résultats de nos recherches.
Celui qui se préoccupe de ces neuf institutions découvrira comment elles se soutiennent mutuellement, rendant possible leur existence.
On peut, par la pensée, imaginer ces institutions fonctionnant, et faire l'expérience en suivant le schéma de la manière dont peuvent naître des processus horizontaux et verticaux, ainsi que des cercles concentriques. Ces institutions forment un ensemble organique.

 

 

Institutions orientées vers

La vie de l'esprit

La vie juridique

La vie économique
.

La sphère du capital

Bénéfice et don
.           ..

Neutraliser le droit à la propriété

Acquérir du capital par cautionnement

La sphère du travail

Apprendre par l'expérience du travail

Gagner de l'argent par la satisfaction des besoins respectifs

Travailler en vue de
l'acheteur

La sphère des marchandises

Réflexion par secteur

Réflexion associative

Réflexion
avec les consommateurs

 

 Pour conclure, en faisant le tour de ces chapitres, je résiste à la tentation
de susciter une sorte "d'écologie d'institution". Malgré la brièveté de ces exposés, un sentiment a peut-être été éveillé sur la nature d'institutions qui, lentement, par l'action des hommes, feront de la tripartition une réalité.
Toutes ces institutions sont finalement de nature macro-sociale, elles doivent trouver leurs racines dans la vie juridique, dans la vie politique et dans la structure sociale. Pourtant, il est possible de créer dans des petites entreprises nouvelles et dans des grandes qui existent déjà, des formes d'organisation qui manifestent l'intention d'aller dans ces directions. Là, on peut s'exercer à agir avec ces nouvelles institutions (ou formes d'organisation). Et à partir de là,
on peut, lorsque ces entreprises sont suffisamment ouvertes A la communication avec l'ordre établi, influencer, donner des impulsions, promouvoir des actions qui ouvrent le chemin vers un élargissement de ces institutions. Dans ce sens, .on peut acquérir une compréhension des conditions de la mise en œuvre de la loi sociale fondamentale formulée par Rudolf Steiner. Cette loi ne prescrit pas comment il faut agir. Elle aide à comprendre pourquoi certaines institutions ne contribuent pas au bien-être général et pourquoi d'autres travaillent dans le sens d'un renouveau social.