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Rudolf Steiner économiste

7 février au 3 octobre 2015

retour à la présentation des expositions

1 - Deux semaines qui pourraient changer le monde : 24 juillet - 6 août 1922

Rudolf Steiner commence à être toujours mieux connu comme économiste. Plus l'économie devient mondiale, plus ses idées et ses propositions prennent de l'importance.

1922: Une hyperinflation déchaînée. L'étalon-or ne fonctionnant plus. Le Traité de Versailles exigeant un tribut non-économique et inéquitable de l'Allemagne. tes abstractions de Woodrow Wilson déterminant la pensée des hommes d'États du monde entier avec ses 14 points, l'auto-détermination des peuples et la Ligue des Nations. Le paysage économique, social et même spirituel de l'humanité ruiné par la première guerre mondiale.
Défié par l'émergence de l'économie allemande, l'empire britannique commença à jouer les seconds rôles face à la puissance croissante des USA. La possibilité naissante d'une société caractérisée par la liberté de la vie spirituelle, l'équité de droit et la fraternité économique (avec son antécédent en Autriche-Hongrie) fut éclipsée par le clivage est-ouest suite au retour de Lénine à Moscou.
C'est face à cet arrière-plan déchiré, tendu et agité, que Rudolf Steiner donna un cours d'économie.* Sans un fondement nouveau à la pensée économique, la récente catastrophe européenne ne pouvait trouver de vrai remède. À l'époque, comme ces dernières années, la théorie économique ne portait plus quelque chose de radical était nécessaire. À ce moment-là, comme aujourd'hui.

*Le cours comprend quatorze conférences et six séminaires. Il fut (et continue d'être) un immense défi aux idées prévalantes ainsi qu'à leurs motivations et vues sur le monde. Si la portée des idées du cours met ä rude épreuve l'esprit de tous ceux qui les lisent, les esquisses de Rudolf Steiner au tableau noir sont une aide ä la tâche. Cette exposition réunit 9 de ces tableaux, avec l'intention de transmettre l'essence de leur contenu et de leur message.

 

2 - Penser l'économie?
«Nous pensons avec ce qui s'envole de la Terre.»


Une particularité de l'économie est qu'elle relève à la fois des sciences théoriques et pratiques. Les premières — comme la physique et les sciences de la nature — partent de l'observation des phénomènes et en induisent les lois générales auxquelles ils obéissent. Les secondes — comme l'éthique et les mathématiques — partent d'axiomes et en déduisent les conséquences pour les situations spécifiques. Ces deux composantes font de l'économie une science spéciale, où l'observation des faits dépend nécessairement des intentions et a priori de l'observateur.
Par ailleurs, l'observateur est aussi toujours un acteur engagé et partie prenante de l'économie elle-même en l'un ou l'autre lieu. Il ne peut jamais s'en extraire comme on le fait avec une éprouvette pour procéder à une expérience de chimie. Il ne peut donc jamais isoler un phénomène. Sa perception des vagues de l'économie est toujours troublée par celles qu'il produit lui-même.
Ces contraintes sur la science économique sont considérables et, si l'on ne veut pas aboutir à un échec, il est impératif d'adopter un mode de penser adapte à la nature particulière de cette science.


Est-ce possible?


Rudolf Steiner insiste sur l'importance de caractériser pour approcher correctement la vie économique. Il parle d'un (penser imagé) — et illustre son propos par le principe d'Archimède qui permet au cerveau humain de 1400 grammes de n'en peser que 20 en Flottant dans le liquide céphalorachidien. C'est avec cette force qui échappe â la pesanteur que l'économiste doit penser l'économie, avec la force de l'image.

3 - Deux sources de valeurs

Tableau noir de Rudolf Steiner. 26.21922. ®Rudolf Steiner Archiv.

«Einen Sinn wird das Ganze erst haben, wenn man dazu kommt, Preise und Werte gewissermassen so anzusehen wie Thermometer-stände, die auf etwas anderes hinweisen.»

Il y a deux processus de format on de valeurs dans l’économie qui agissent pour ainsi dire de manière polaire, mais se rencontrent dans le travail. Le premier se produit quand le travail s’empare de la nature et en fait quelque chose, la transforme. Appelons ce type de valeurs V1, ce sont les valeurs issues de l’action du travail sur la nature. La seconde manière de créer des valeurs surgit quand l’intelligence s’en mêle: l’esprit humain, par sa réflexion et sa créativité, se saisit du travail, l’organise et le rend plus efficace ou meilleur. Appelons ces valeurs-là V2. Ces deux processus sont partout présents et s’entremêlent dans la format on des valeurs, tantôt l’un prenant le dessus, tantôt l’autre, convergeant de toutes sortes de manières dans ce qui fera le prix.
Il est remarquable que pour Steiner ni le travail à lui seul, ni la nature laissée à elle-même, ni l’esprit humain en tant que tel ne sont producteurs de valeurs économiques, mais seulement quand ils interagissent, quand le travail modifie la nature ou quand l’esprit humain améliore le travail.
Ces deux processus primordiaux de format on des valeurs peuvent être comparés à ceux qui président à la format on des couleurs comme le décrit Goethe dans son fameux traité sur le sujet. Alors toutes les nuances des valeurs économiques peuvent être perçues s’étalant comme l’inÞ nie variété des couleurs selon un spectre qui disparaît d’un côté dans l’infrarouge des mét ers de la terre et s’échappe de l’autre dans l’ultraviolet des métiers de la finance.

 

4 - Le prix


Le prix est au cœur de toute la vie économique. Tout tourne autour de lui et quel
que soit le point de départ, on finit toujours par y arriver. Pourtant la complexité de la myriade d'interactions économiques qui conduisent au prix d'un bien en un lieu et â un moment déterminé est si grande qu'on peut désespérer d'arriver un jour à maîtriser l'économie.


Comment s'y prendre?

Rudolf Steiner propose de ne pas considérer le prix pour autre chose que ce qu'il est: un indicateur de l'état de l'économie en un point particulier, comme une température indiquée sur le thermomètre. Or si la température d'un local est jugée trop basse, il ne viendrait à l'idée de personne de la modifier en soufflant sur le thermomètre, mais bien en agissant sur la source de chaleur ou en fermant une fenêtre. De même, on ne peut corriger un prix jugé trop bas juste en l'augmentant sur l'étiquette, mais qu'en agissant de manière concrète et appropriée sur la vie économique pour que ce prix s'en trouve réellement augmenté. Tout le reste ne sert économiquement à rien.
Cette remarque est fondamentale pour penser correctement l'économie.
Et quel est le critère pour juger du niveau d'un prix? Cette question a fait l'objet d'une précédente exposition* et n'est pas nouvelle dans le devenir historique de l'humanité. Rudolf Steiner répond en prenant comme point de référence les besoins de celles et ceux qui s'engagent par leur travail à satisfaire les besoins des autres- Pour cela, il formule une loi objective, indépendante de toute connotation morale:
«Un <vrai prix> existe quand, pour un produit qu'il a élaboré, quelqu'un reçoit en contrepartie une somme suffisante pour qu'il puisse satisfaire ses besoins, tous ses besoins, dans lesquels sont naturellement compris les besoins de ceux qui lui appartiennent, jusqu'à ce qu'il ait de nouveau élaboré un produit semblable.»
*Exposition 01— «Vrai prix, vrai revenu» à L'Aubier du 5 mai au 3 octobre 2014.


5 - Le problème de l'égoïsme


L'évolution de la conscience au cours des siècles entraîne avec elle l'organisation de la société et aussi les formes que revêt l'économie. Due au processus d'individualisation, et donc de spécialisation, l'économie est aujourd'hui régie par la division du travail. Cela signifie qu'on se porte d'autant mieux que chacun travaille pour satisfaire les besoins des autres, plutöt que les siens propres. La division du travail exige de nous sur le plan économique plus que ce dont nous sommes capables sur le plan de l'éthique. L'égoïsme qui accompagne l'individualisation devient dès lors dommageable au bon fonctionnement de l'économie, s'opposant à la division du travail.
Pour illustrer ce problème, Steiner prend un exemple: un tailleur a-t-il avantage à se coudre lui-même l'habit dont il a besoin? À quoi il répond, de manière surprenante, mais économiquement, en aucun cas!
Le tailleur peut bien avoir l'impression à première vue d'y gagner. Mais du fait qu'il n'achète plus son habit dans le commerce, il va forcer les marchands à exercer une pression sur le processus économique pour pouvoir couvrir leurs besoins, avec pour effet que le prix payé aux producteurs va baisser. Et ainsi avec le temps, le tailleur s'en sortira moins bien.
Cet exemple est crucial — appelant le penser â s'émanciper de l'automatisme de la logique et intégrer un champ de perception élargi, mais non moins précis. Cela demande un effort inhabituel [voir panneau 1] devant lequel plus d'un serait tenté de renoncer. Pourtant si l'on y parvient, cet exemple montre à merveille l'effet de l'égoïsme dans l'économie moderne régie par la division du travail et par lâ même quelque chose de la nature des lois économiques. Cet égoïsme amoindrit l'efficacité de son propre travail; comme si le geste fait vers soi-même suscitait du même coup un courant contraire qui freine l'élan vers un but.
Par cet exemple, Steiner remet en question quiconque travaille pour un revenu — donc travaille pour lui-même — et se trouve dans la même situation que le tailleur. Et qui ne le fait pas aujourd'hui? Pourtant, économiquement il y perd. Faut-il s'étonner que la journée de 8 heures de travail persiste, alors que bien moins suffirait?
Comment apprendre à travailler pour les autres plutôt que pour soi-même? On le fait déjà spontanément quand on pense famille, ou à son club ou sa chorale. Comment élargir son égoïsme sur le plan du travail, et ce, sans avoir à attendre d'être devenu meilleur sur le plan éthique?

 

6 - Le mode associatif

" The only possihility of arriving at a real judgement on these things not merely a theoretical oneis by way of association."

pour qu'une science économique digne de ce nom puisse voir le jour, il faut que la façon de penser s'émancipe de la logique linéaire, inductive ou déductive, et passe à un mode imagé [voir panneau 2]. Mais il lui faut aussi prendre pied par l'action dans l'économie réelle pour guider le devenir des évènements. Et comme pour le penser, la manière d'agir doit aussi prendre de la hauteur. C'est ici que le problème rencontré avec l'égoïsme trouve aussi sa solution. Tout ce qui est économique doit se faire selon un mode associatif.
Que ce soit pour juger d'un prix ou décider des mesures à prendre pour le corriger, créer l'argent ou gérer ses mouvements dans le temps, équilibrer la circulation des marchandises, c'est le mode associatif qui fait référence.


De quoi s'agit-il?
Partout où il en va de l'économie, on se regroupe pour juger de la situation et prendre soin de l'intérêt général. À cela, Steiner donne le nom générique d'association.
Ce regroupement se fait selon le contexte dans lequel on est engagé: ici c'est la région qui nous réunit, là plutôt un secteur commun d'activité; ici c'est de manière horizontale, par exemple entre entreprises, lâ plutôt verticale, entre producteurs, distributeurs et consommateurs; ou encore c'est la circulation de marchandises qui nous assemble ou au contraire les flux d'argent.
On s'associe pour acquérir une vue d'ensemble de ce qui nous est cher, étendre son égoïsme à ce qui nous réunit et juger selon le bien commun plutôt que le sien propre. Voilâ qui change tout. On peut alors parler d'économie associative.


7 - Le défit du capital


 «Il importe de savoir enfin distinguer, au sein du processus économique, entre les valeurs réelles et les valeurs fictives».
«Un capital ainsi fixé au sol [ou à un objet] n’est pas une valeur réelle, mais une valeur illusoire. (...) Cette capitalisation foncière lèse les personnes participant au processus économique»
Le capital est sans cesse produit en surplus par le ‹circuit économique›, qui prend naissance lorsque la nature subit le travail humain dont il résulte les produits de la nature – par exemple des carottes fraîchement récoltées [voir panneau 3]. Puis le travail subit la modification par l’esprit humain dont il résulte une rationalisation – par exemple par l’invention d’un out l pour faciliter la récolte ou d’un véhicule pour la transporter.
Cette intervention de l’idée qui organise le travail a deux autres effets. D’une part, elle libère le travail humain de sa dépendance à la nature tout en le spécialisant et provoquant ainsi une division du travail. D’autre part elle donne naissance au capital sous la forme d’outils et de moyens de production.
Or le capital, une fois constitué, peut être utilisé à d’autres tâches que celles pour lesquelles il a été créé – par exemple, le véhicule créé pour transporter les carottes peut aussi servir au déplacement de foin ou même de personnes. Cet e émancipation du capital face à la nature et au travail se cristallise dans l’argent et fait apparaître l’économie monétaire.
Telle est la première part e du circuit économique qui de la nature s’élève vers le capital en libérant le travail de ses contraintes initiales dans un courant sans cesse générateur de valeurs et de surplus. Ce surplus, qui prend finalement la forme de l’argent, n’est autre que l’expression de l’esprit humain actif au sein de l’organisme économique.


8 - ...


Pour continuer et fermer le circuit économique, il faut maintenant ajouter à ce courant formateur de valeurs celui de la consommation. Il en va de la santé de la vie économique.

Que devient le capital ?

Là où il est en surplus, il est ordinairement mis à disposition d'autrui sous la forme du prêt. Il a alors tendance à s'écouler vers celles et ceux qui ont des idées. Cela mène à la question du crédit. On dit d'une personne qu'elle a du crédit quand on y croit et qu'on y fait confiance. Le prêt est alors personnel. Il est garanti par les seules aptitudes de la personne qui le reçoit et qui pourra le faire fructifier... ou non. C'est ici la réalité humaine qui donne le ton et se manifeste comme réalité économique. Le capital, qui a pris naissance par l'intelligence et la créativité, continue d'être confié à l'être humain actif dans la vie sociale.
Pourtant à ce point du circuit économique, il est tentant d'ouvrir la porte au doute et plutôt que d'avoir confiance aux capacités de l'autre, préférer faire confiance à une chose, par exemple un immeuble ou un autre objet matériel. On parle alors de garantie, d'hypothèque ou de gage. Le crédit n'est alors plus accordé à la personne, mais à l'objet du gage. Le prêt n'est plus personnel, mais matériel. Le capital est détourné de son origine humaine et confié à l'objet du gage, qui endosse dés lors la valeur qu'il garantit selon les conditions du prêt, dont le taux d'intérêt. Mais, cette valeur n'existe pas réellement: elle est fictive, provoquée par la fonction de refuge que l'objet offre au capital. Un marché de tels objets se développe alors, qui n'a plus à voir avec le processus économique. Pire, lorsque de telles valeurs se mêlent aux autres valeurs, elles deviennent méconnaissables et inextricables. Elles perturbent le processus économique au détriment de tous, et asservissent les valeurs humaines aux valeurs fictives, l'humain à l'illusoire.
L'économie est aujourd'hui partout encombrée et déroutée par de telles valeurs. Elles forment comme une buée sur le thermomètre empêchant de lire les indications données par les prix. Pour pouvoir reprendre le contrôle de l'économie, il est impératif de mettre fin à ces valeurs fictives engendrées par les gages exigés sur les prêts

 

9 - Terre, travail et capital

Tableau noir de Rudolf Steiner. 30.7.1922. ©Rudolf Steiner Archiv. Dornach.

Pour Rudolf Steiner, la vie économique se forme autour du ‹processus économique>, qui comprend la production, la distribution et la consommation de biens, de marchandises.
Dans ce processus économique, il y a pourtant d’autres choses à l’œuvre, comme la terre, le travail et le capital. Comment les comprendre?
Pour Steiner, ce sont des ‹facteurs de format on des prix> qui donnent un cadre et des limites au processus économique. Ni l’environnement naturel, tel qu’il est donné en un lieu déterminé, ni les questions de droit, ni encore la force des idées ne peuvent faire partie du processus économique.
La théorie économique dominante les considère comme des ‹facteurs de product on>, c’est-à-dire des coûts qui peuvent être échangés comme des biens. Or si les choses qui n’appartiennent pas au processus économique sont elles-mêmes achetées et vendues, toutes les relations économiques iront de travers.
Garder la terre, le travail et le capital en dehors du processus économique est essentiel à la santé et à la stabilité de l’économie.
Alors les gens recevraient ce qui est nécessaire pour couvrir leurs besoins. Et libérés de leur rôle de gage [voir panneaux 7-8] les immeubles s’évalueraient selon leur usage et les loyers selon la productivité et non la spéculation. Enfin, dégagé de son aliénation à un gage, le capital deviendrait libre pour financer de nouvelles entreprises, créer de nouvelles valeurs.

 

10 - Trois formes d'argent


 «Dans l'organisme social, l'argent en tant que tel n'existe pas; il y a en fait seulement trois sortes d'argent. »

Steiner est avec Keynes un des rares écono- mistes à avoir perçu la dimension planétaire prise par l'économie et vu qu'à partir du XXème siècle elle ne peut plus être abordée et comprise autrement que comme une seule économie mondiale*. Or le passage d'un ensemble d'économies nationales à une seule économie mondiale est une inversion totale, surtout en termes de régulation. L'équilibre atteint par les relations internationales et les échanges extérieurs des différentes économies nationales doit trouver une manière de s'internaliser au sein d'une seule économie mondiale.
D'ici-là, ce sont les Etats nationaux qui se mêlent de régulation économique. Tout le clivage gauche-droite qui hante la vie politique résulte de cette intervention. L'impasse actuelle montre à quel point la nouvelle réalité d'une seule économie mondiale n'est ni perçue, ni prise en compte.
Pour Steiner, le seul moyen de réguler de l'intérieur l'économie devenue mondiale est de différencier l'argent qu'on utilise pour payer (l'argent d'achat) de celui qu'on capitalise (l'argent de prêt); et c'est au moyen d'une troisième forme (l'argent de don) que la balance entre les deux peut être atteinte — l'argent de don transformant l'excès d'argent de prêt en argent d'achat.
Aujourd'hui, ce manque de discernement face à l'équilibre entre trois formes d'argent perturbe dramatiquement toute l'économie mondiale. La somme immense des dettes n'est pourtant rien d'autre que l'expression de l'excès d'argent de prêt, c'est-à-dire du manque d'argent de don qui fait tant défaut à la culture et à l'éducation.
* Exposition 02 — «Vers une seule économie mondiale. L'ouvre de Steiner, Keynes et Dunlop» à l'4ubier du 4 octobre 2014 au 5 février 2015.

 

11 - Au-delà d’Adam Smith (offre et demande)


Tableau noir de Rudolf Steiner. 31.7.1922. ©Rudolf Steiner Archiv. Dornach.

prix = f (offre, demande)
offre = f (prix, demande)
demande = f (offre, prix)
X = f (offre, demande, prix)

En suivant les idées d’Adam Smith, l’économie conventionnelle cherche à expliquer
toute la vie économique par le fait que les prix sont une fonction de l’offre et de la demande: p = f (o,d). C’est un point de vue compréhensible, mais très part el: celui du marchand.
Pour élargir l’horizon aux autres acteurs économiques, Steiner pose la question: quand on parle de demande, s’agit-il d’une demande de marchandise ou d’argent? De même pour l’offre.
Du point de vue du consommateur, c’est alors l’off re d’argent qui compte et qui devient une fonction du prix et de sa propre demande: o = f(p,d). Et du point de vue du producteur, c’est la demande d’argent, qu’il perçoit comme fonction de son off re et du prix: d = f (o, p).
Si Adam Smith, et depuis les économistes, avait pensé la vie économique de ces différents points de vue (on pourrait dire de manière associative), ils seraient arrivés à une réalité d’un ordre supérieur – un signe de santé économique. Non pas le concept actuel de ‹stabilité des prix›, mais x = f (o,d,p)*.
Plus de 200 ans après, c’est là qu’il faut recommencer. Pour permet re aux vrais prix d’apparaître, libérés des intérêts personnels, des interférences polit ques et des manipulations d’entreprises.
* Cette formule reflète aussi dans un langage purement mathématique le fait que la science de l’économie relève d’un espace à quatre dimensions.

 

12 - Le profit


Tableau noir de Rudolf Steiner 2.8.1922. ®Rudolf Steiner Archiv. Dornach.

Qu’il est tragique de voir l’humanité se bat re pour la possession du profit! En comptabilité, le proÞ t devient ‹capital propre› au bilan. Si on pouvait prendre conscience que dans une économie saine chacun génère du capital, on ne convoiterait pas la fortune des autres. La quest on ne serait pas: à qui appartient le profit ou le capital, mais à quelles fins est-il engagé? Gardé pour soi, ou autorisé à aller là où on en a besoin dans l’économie?
En fait, ce n’est pas le profit qui est le problème – car tout un chacun cherche le profit et à bénéficier de ce qu’il achète ou vend. Car pour qu’un quelconque échange puisse avoir lieu, les deux part es doivent faire, ou espérer faire, un profit.
Le motif du profit est équivalent dans l’économie à la masse en physique: il permet aux forces de se constituer et au mouvement de prendre place. D’un côté, il pousse le processus économique en avant par chaque échange. De l’autre, le processus économique est aussi aspiré, tiré vers l’avant par ceux qui ont besoin de capital pour entreprendre une initiative. Les deux forces – poussant et tirant – donnent au processus économique sa permanence.
Vu économiquement, le profit est la source du capital nécessaire pour fonder de nouvelles entreprises. Il est aussi la source de l’argent donné pour financer la vie culturelle – l’éducation, l’art et tout ce qui permet la naissance, l’essor et le perfectionnement de capacités humaines dont dépend la création de nouvelles valeurs.

 

13 - L’argent vieillissant

*

Tableau noir de Rudolf Steiner 4.8.1922. ®Rudolf Steiner Archiv. Dornach.

«...à quelle catégorie
d'argent avez-vous affaire en cas de don? Ce sera de l'argent âgé, assez proche de sa dévaluation, afin de laisser à celui qui le reçoit juste assez de temps pour s'acheter ce dont il a besoin.»

Partout le long du processus économique, l’argent intervient comme un intermédiaire qui doit être soigneusement différencié selon qu’il sert à acheter un bien, à s’engager dans un projet par un prêt ou à financer l’éducation, l’art ou l’éclosion de nouvelles facultés.
Mais l’argent – comme la terre, le travail et le capital [voir panneau 9] – ne doit jamais devenir lui-même une marchandise ou prendre part au processus économique. Pour Steiner, il est le grand facilitateur de l’économie, pour autant qu’il sache garder ses distances et se transformer d’argent d’achat en argent de prêt et de don selon les situations de croissance et de décroissance.
Cependant, comme intermédiaire, l’argent est un ‹concurrent déloyal› face aux biens périssables, qui perdent leur valeur avec le temps, alors que lui semble la garder. Pour éviter ce problème, Steiner suggère de limiter la valeur de l’argent dans le temps, par exemple en l’annotant non pas d’une date d’émission, mais d’une date de péremption, d’expiration.
Cela réduirait considérablement l’inertie de l’argent et lui permet rait de mieux accompagner les variations du processus économique en passant d’une forme d’argent à l’autre.
Anciennement connue et appliquée, cet e pratique est aujourd’hui de plus en plus intégrée aux monnaies alternatives dans le monde entier.
Mais, pas encore, par les banques centrales...


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14

 

«Si l'on raisonne en termes d'économie nationale au sein de l'économie mondiale, cette dernière doit nécessairement s'effondrer a un moment donné.»

 

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«Et nous nous trouvons devant la nécessité d'affirmer que nous avons besoin, aujourd'hui, d'un enseignement économique qui prenne véritablement en compte les données du présent et qui reconnaisse que tous les concepts créés depuis un siècle en économie n'ont plus aucune valeur aujourd'hui. Nous avons besoin aujourd'hui d'une science de l'économie il faut insister —  qui puisse concevoir l'économie mondiale.
Et vous voyez que là réside un de nos problèmes historiques les plus importants.»

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Rudolf Steiner Cours d'économie, 1922


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