triarticulation

Institut pour une triarticulation sociale
(contenu spécifique au site français)
Conditions d'utilisation.

Accueil

 

Deutsch EnglishDutchSkandinaviskFrançais ItalianoEspañolPortuguês (Brasileiro)Russisch
Recherche
 contact   BLOG  impressum 

Extrait du livre de Bernhard STEINER : L'ARGENT ET LE KARMA
Pour sortir de la crise. Vers un nouvel ordre de l'argent
Préface de Götz Werner. Traduction française d'Anne Charrière. Editions Triades.

Le «devenir abstrait» de l'argent et ses conséquences.

Rudolf Steiner qualifia un jour très justement l'argent d'« abstraction réelle », et poursuivit : «C'est tout à fait la même chose que ce qu'on accomplit par ailleurs, intérieurement, dans la pensée logique, dans l'abstraction. » (40) En disant cela, il mit le doigt sur un aspect paradoxal de l'argent: être à la fois abstrait et réel. Le poète Heinrich Heine a dit qu'en perdant l'enfance, « nous échangeons péniblement l'or clair de la contemplation contre l'argent papier des définitions livresques. » (41) De manière analogue, nous avons perdu, avec l'avènement de l'économie financière, quelque chose de l'état paradisiaque de l'enfance, en échangeant la couverture or de la devise contre une abstraction de papier. Ce n'est pas un hasard si, en allemand, un billet de banque papier se dit fiction ( * ), et des valeurs mobilières de type monétaire produits dérivés.

Tant que l'argent avait la fonction d'un moyen d'échange, son rapport aux marchandises était encore concret. Mais plus il devint un objet de spéculation, plus tout ce qui se rapporte à l'utilisation et à la transformation des marchandises devenait insignifiant. Plus l'argent devient abstrait, plus grande est la perte de réalité.

Toutefois, à la différence d'une pensée erronée, qui reste sans effet, cette perte de réalité devient réelle. Ayant perdu le sens des concepts fondamentaux de l'économie (marchandise, travail, capital argent), nous avons atterri dans une économie spéculative qui fait de l'échange une tromperie. C'est pourquoi Rudolf Steiner a formulé un jour ce constat : l'argent commence à mentir. (42) Il en résulte une situation dans laquelle les conditions de l'échange sont de plus en plus faussées. Cela touche tout particulièrement les domaines de production dont le potentiel de rationalisation est limité, comme le secteur primaire (agriculture, élevage, foresterie) ou les services, par exemple les soins infirmiers. Depuis des années, les revenus des agriculteurs, des pêcheurs, des horticulteurs et d'autres se font distancer par ceux de l'industrie.

On n'a pas assez compris jusqu'ici que c'est précisément cette pression qui conduit les agriculteurs à un comportement antinaturel, les poussant à utiliser des pesticides et des engrais chimiques, et, comme dans le cas de la vache folle, à nourrir leur bétail de farines animales. Pour eux, la sécurisation de leurs revenus financiers est une question de survie. Comme il est généralement reconnu que, malgré un dur labeur, ces catégories professionnelles ne peuvent pas générer suffisamment de revenus, beaucoup d'États ont réagi en leur versant des subventions. Mais une telle mesure ne combat que les symptômes, avec en conséquence une nouvelle série de problèmes comme la bureaucratie, la surrégulation par l'État et les abus.

 

( * ) Billet de banque se dit Schein, en allemand, terme qui signifie fiction, semblant, simulacre (NdIT).

(40) Rudolf Steiner, Cours d'économie et séminaires, Editions Anthroposophiques Romandes 2004, (GA 340, Dornach 2002, p 57)
(41) Heinrich Heine: Reisebilder erster lèit. Die Harzreise.
(42) Voir Rudolf Steiner, Cours d'économie et séminaires, Editions Anthroposophiques Romandes 2004, (GA 340, Dornach 2002, p 157) : «Si je dois m'acheter aujourd'hui une livre de viande pour une certaine somme d'argent, et dans deux semaines m'acheter la même livre pour un autre montant, cela n'est pas dû à la livre de viande mais à l'argent. Et si l'argent affiche alors encore la même valeur, cet argent commence en fait à mentir; car sa valeur a diminué.»