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Collection: 09 - Nationalisme et âmes de peuple
Sujet : Consensus entre les peuples par l'unité du monde de l'Esprit
 
Les références Rudolf Steiner Oeuvres complètes GA020 014-014 (1984) 00/00/1916
Traducteur: Geneviève Bideau Editeur: Ed. Novalis

 

Parler de l'influence d'une entité du peuple sur les visions du monde des personnalités issues de cette entité du peuple répugne à la sensibilité de bien des hommes. Car ils pensent que cela contredirait tout de même la vérité bien évidente que la connaissance du vrai est un bien de l'existence présent de la même façon en tous les hommes. Qu'il en soit ainsi est vraiment tout aussi évident que le fait que la lumière du Soleil et la lumière de la Lune brillent d'égale façon pour tous les hommes de la Terre. Et que la vérité ne puisse prendre des formes différentes selon les différentes sortes d'hommes et de peuples est incontestablement tout aussi valable pour les plus hautes idées de la vision du monde que pour le "deux fois deux font quatre" de la routine du quotidien. Mais précisément parce que ceci est tellement évident, il ne faudrait pas présupposer — sans regarder de plus près de quoi il s'agit — que quelqu'un qui cherche dans la nature des penseurs d'un peuple les racines de la nationalité dont ils sont issus néglige cette évidence. L'esprit humain ne vit tout de même pas seulement dans la forme abstraite de certains concepts ; il puise aussi sa vie aux forces que les âmes, en raison de leurs expériences les plus intimes, font résonner en même temps que leurs vues innées. [ ... ]

Quel est le contenu de vérité inhérent à une pensée et si une représentation est issue des racines d'une vérité authentique, c'est ce dont ne peuvent certainement décider que les forces de connaissance indépendantes du lieu et du temps. Mais il dépend des sources auxquelles est habilité à puiser l'esprit de cette nationalité qu'une pensée particulière, une idée guidant l'esprit humain dans une certaine direction surgisse au sein de cette nationalité. [ ... ]

On peut tirer du fait que l'on reconnaît le lien de ces pensées avec le peuple une objection à leur valeur cognitive. On peut estimer qu'elles sont repoussées par là dans le domaine de l'imagination créatrice et que l'on doit en parler comme on parle par exemple de poésie allemande, alors qu'il est, dit-on, inadmissible de parler dans le même sens de mathématiques allemandes ou de physique allemande. Il y a des gens qui voient en toute vision du monde — toute philosophie — une poésie du concept. Ceux-ci n'ont pas besoin de se soucier de l'objection qui procède du sentiment qui a été indiqué. Toutefois les développements de cet écrit ne sont pas écrits à partir d'un point de vue de ce genre. Il se place à un autre, à savoir que personne ne peut parler sérieusement d'une vision du monde s'il ne lui reconnaît pas une valeur cognitive qui ne présuppose pas que ses pensées sont issues de réalités communes à tous les hommes. On peut dire aussi que cela est vrai en général, mais qu'une vision du monde valable en commun pour tous les hommes est un idéal qui n'est encore réalisé nulle part ; que toutes les visions du monde existantes portent en elles l'empreinte qui leur est apposée par l'imperfection de l'humaine nature. On peut se dispenser ici d'une discussion sur l'imperfection qui existe pour cette raison dans les visions du monde. Car il ne s'agit pas de tirer par exemple du lien qu'ont les visions du monde avec un peuple des excuses pour leur faiblesse, mais des raisons de leur force. C'est pourquoi on peut ne pas prendre en compte ici l'affirmation que justement les penseurs, de même qu'ils sont dépendants de leurs points de vue personnels, le sont aussi tout autant de ce qui leur vient de leur appartenance à un peuple ; et que, précisément pour cette raison, ils ne peuvent parvenir à une vision du monde universellement humaine. [ ... ]

Quand on s'aperçoit que deux penseurs expriment des idées différentes au sujet des problèmes de la vie, on a trop facilement ce sentiment : si tous les deux exprimaient par leurs idées la vraie réalité, ils devraient dire une chose semblable, par quelque chose de différent. Et l'on pense que la diversité ne peut pas être fondée dans la réalité, mais seulement dans le mode personnel (subjectif) de conception des penseurs. Même si cela n'est pas toujours admis ouvertement par les hommes qui parlent de visions du monde, cette opinion constitue plus ou moins consciemment, ou aussi inconsciemment, le fondement de l'esprit et de la forme de présentation de leur discours. Bien plus, les penseurs eux-mêmes vivent la plupart du temps dans une sujétion de cet ordre. Ils expriment leurs idées sur ce qu'ils tiennent pour la réalité, considèrent ces pensées comme leur "système" de juste vision du monde et croient qu'une autre orientation de pensée repose sur la particularité personnelle du penseur. Ce qui est exposé dans cet écrit a pour arrière-plan une autre vue des choses.

[ ... ] Deux directions de pensées divergeant l'une de l'autre ne peuvent souvent être comprises en leur essence que par le fait que l'on considère leur différence comme la différence, par exemple, deux images d'un arbre qui sont prises par un appareil photographique à partir de deux directions. Les images sont différentes ; or leur diversité ne repose par sur la nature de l'appareil, mais sur la position de l'arbre par rapport à l'appareil. Et celle-ci est un facteur tout aussi extérieur à l'appareil que l'arbre lui-même. Les images sont toutes les deux des vues vraies de l'arbre. Le caractère divergent de deux visions du monde n'empêche pas que toutes les deux expriment la vraie réalité. La confusion des idées naît quand les hommes ne perçoivent pas clairement cela. [ ... ]

L'homme pensant voudrait embrasser l'essence de la réalité par un mode de représentation. Et lorsqu'il s'aperçoit que cette entreprise est vaine, il se tire d'affaire en disant : toutes les représentations sur les racines de la vie réelle ont une forme personnelle (subjective), et l'essence de la "chose en soi" reste inconnaissable. Que de désordres de la vie de l'esprit seraient épargnés grâce à la connaissance que bien des hommes parlent d'une vision du monde qui diverge de la leur comme quelqu'un qui connaît l'image d'un arbre qui a été prise d'un côté et qui, placé devant une image obtenue d'un autre côté, ne veut pas reconnaître que c'est une image "juste" du même arbre! [...]

Mais la vue des choses qui a été présentée n'est pas censée donner une justification de chacune des opinions humaines qui se considère comme une vision du monde. De véritables erreurs, le caractère défectueux des sources de connaissance, des points de vue à partir desquels seule une imagination nébuleuse prétend créer des pensées de vision du monde : tout cela se montrera précisément à la lumière dans laquelle pénètre cette vision du monde. Par le fait qu'elle cherche à savoir dans quelle mesure la réalité — qui est une — se manifeste dans des idées humaines qui divergent les unes des autres, il lui est donc permis d'espérer accéder à un regard qui décèle le cas où une opinion humaine est rejetée par la réalité elle-même.