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GA073a - ŒUVRES COMPLÈTES DE RUDOLF STEINER - Sciences spécialisées et anthroposophie




L’hygiène
comme question sociale

Dornach, 7 avril 1920

 


 

Les références Rudolf Steiner Œuvres complètes ga 314                   07/04/1920









Traducteur: F. Kozlik (1985) Editeur: APDMA


L'hygiène, un problème social.
par Rudolf Steiner

N.d.l.r.: Nos lecteurs trouveront aux pages qui suivent (ainsi que dans notre prochain numéro) le texte d'une conférence publique tenue par Rudolf Steiner le 7 avril 1920 à Dornach, et insérée dans une série de vingt conférences médicales destinées aux médecins et aux étudiants en médecine, au cours desquelles furent abordés divers domaines comme l'anatomie, la physiologie, la pathologie et la thérapie. Cette conférence, inédite en français jusqu'à présent, figure dans «Physiologisch-Therapeutisches auf Grundlage der Geisteswissenschaft», (volume 314) de l'édition complète des oeuvres de Rudolf Steiner (Dornach, Suisse).

En réalité donnée dans les premiers cours universitaires au Goetheanum ga 73a



Personne, dans des cercles aussi larges que l'on voudra, ne mettra en doute que le problème social fait partie de ce qui préoccupe le plus les temps présents; et partout où un cœur reste tant soit peu sensible à ce qui résulte aujourd'hui de l'évolution de l'histoire humaine, sensible aux impulsions d'avenir, menaçantes ou demandant à être élaborées, partout il sera possible de résumer la situation par les termes problème social. Mais il faut se dire que les vues sur ce problème social, la façon dont on le traite, souffrent d'un mal fondamental, dont est atteint de nos jours une grande partie de notre intelligence en quête de connaissance, de notre vie morale, et même de toute notre civilisation: à savoir l'intellectualisme de notre époque; une grande partie de tout cela souffre du fait que ces problèmes de notre époque sont placés si souvent dans la seule optique dune considération intellectuelle. Un tel ou un autre débattera du problème social d'un point de vue situé plutôt à droite ou plutôt à gauche. Le caractère intellectuel de ces débats réside dans le fait que l'on part de certaines théories, que l'on part de ce que ceci ou cela devrait être, que l'on part du fait que ceci ou cela devrait être aboli. Dans tout cela on prend peu d'égard à l'homme lui-même. On traite l'homme comme s'il existait quelque chose de général nommé «homme», comme s'il existait quelque chose qui ne serait pas, vu sous un certain angle, formé de façon toute individuelle en chaque être humain. On ne dirige pas ses considérations sur l'aspect spécifique et sur le caractère propre de l'homme pris isolément. C'est aussi la raison pour laquelle toutes nos considérations sur le problème social acquièrent quelque chose d'abstrait, quelque chose qui de nos jours se déverse si peu dans les sentiments sociaux, dans les convictions intimes se jouant d'homme à homme. C'est certainement de la façon la plus nette que l'on remarque l'indigence des considérations sociales lorsqu'on dirige son attention sur un domaine particulier, un domaine tel qu'il se prête mieux que bien d'autres à être l'objet de considérations sociales, lorsqu'on dirige son attention par exemple sur le domaine de l'hygiène, dans la mesure où l'hygiène est affaire du public, dans la mesure où elle ne concerne pas l'individu mais la communauté humaine.

Il est vrai que de nos jours, nous ne manquons absolument pas de directives d'hygiène, de traités et d'écrits sur la médecine publique considérée également comme affaire publique. Toutefois il est nécessaire de s'interroger. ces directives, ces considérations sur l'hygiène, comment s'insèrent-elles dans la vie sociale? La réponse suivante s'impose: l'insertion est telle, que les discours particuliers sur la médecine publique correcte, et qui sont publiés en tant que résultat de la science des médecins, de la science physiologique et de celle de la médecine, comme d'une certaine façon également la confiance que l'on a dans un domaine, un domaine dont on n'est pas en mesure d'examiner l'essence intérieure, que ces discours et confiance doivent constituer le fondement pour l'acceptation de ces règles. C'est sur l'autorité seule que repose l'acceptation, par les cercles concernés les plus larges — tout le monde est en effet concerné—, de ce qui d'une certaine façon, au sujet de l'hygiène surgit en public à partir des lieux d'étude, des lieux de recherche, des laboratoires des médecins. Mais si l'on est convaincu qu'au cours de l'Histoire moderne, qu'au cours des quatre derniers siècles, l'humanité a senti naître en elle l'aspiration à tout voir réglé d'après des principes démocratiques, alors on prend conscience, comme d'une contradiction, — même si ce phénomène peut apparaître grotesque à beaucoup d'entre nous —, de cette position antidémocratique qu'est la seule soumission à l'autorité à laquelle on fait appel dans le domaine de l'hygiène.

Le caractère antidémocratique de cette adhésion à l'autorité s'oppose à l'aspiration vers la démocratie, aspiration qui, peut-on dire, s'est développée de nos jours et de façon très paradoxale jusqu'à un point culminant.

Je sais très bien que ce que je viens de prononcer, beaucoup le trouveront bien paradoxal; car on n'a pas l'habitude d'associer l'art et la manière dont on accepte ce qui se rapporte à la médecine publique, à l'exigence démocratique concernant la chose publique et qui est affaire de tout individu devenu majeur, exigence à ce que cette communauté d'individus majeurs émette son jugement, directement ou par l'intermédiaire de ses représentants. Certes, il y a lieu, de rétorquer il n'est peut-être pas possible que s'épanouisse de façon pleinement démocratique quelque chose comme un point de vue sur l'hygiène, comme une culture de l'hygiène dans la vie publique, car cela dépend du jugement de celui qui pratique la recherche dans un domaine donné. Mais de l'autre côté, il est tout 'de même légitime de se demander: dans un domaine comme la médecine publique, ne doit-on pas y aspirer vers une plus grande démocratisation que ce n'est le cas dans l'état actuel des choses, dans un domaine qui est si proche, si infiniment proche de chaque individu, et partant, de l'ensemble de la communauté?

Bien sûr, beaucoup de choses sont dites aujourd'hui sur l'art et la manière dont l'homme doit se comporter au regard de l'air ambiant et de la lumière, au regard de la nourriture, au regard du traitement des déchets produits par l'homme lui-même ou par la nature, etc... etc... Mais ce qui est jeté au milieu de l'humanité en tant que règles concernant ces choses, est, pour la plupart, invérifiable par ceux auxquels ces règles doivent s'appliquer.

Cela étant, je ne voudrais pas être mal compris; je ne voudrais pas que l'on m'attribue, dans cette conférence placée sous le thème «L'hygiène, un problème social», l'intention de prendre position pour quoi que ce soit de particulier. Je ne voudrais pas, d'une certaine façon, examiner unilatéralement ce que l'on a l'habitude de traiter, précisément de façon unilatérale, d'un point de vue partisan ou du point de vue d'une conviction scientifique. Je ne voudrais pas, — permettez-moi, dans cette introduction, cette digression apparente par rapport au développement central —, je ne voudrais pas prendre partie ni pour l'ancienne superstition croyant que le diable et les démons se promènent en tant que maladies et pénètrent dans les hommes et en sortent, ni pour la superstition moderne croyant que les bacilles et les bactéries pénètrent dans les hommes et en sortent, et provoquent les maladies. Que l'on ait affaire à une superstition spiritiste, spirituelle, venue des temps reculés, ou à une superstition matérialiste, ne nous importe pas particulièrement aujourd'hui. Mais je voudrais mentionner quelque chose qui imprègne tout ce qui s'échafaude à notre époque, dans la mesure où cela dépend des convictions scientifiques fondamentales de notre époque. Même si de nos jours beaucoup de voix assurent que du point de vue scientifique, le matérialisme, tel qu'il régnait au milieu et encore au cours du dernier tiers du XIXe siècle, était dépassé, cette affirmation n'est en fait pas valable pour celui qui perce, réellement à jour le matérialisme et son opposé; car ce matérialisme est dépassé pour tout au plus quelques-uns qui voient que les faits scientifiques contemporains ne permettent pas d'affirmer en bloc: «tout ce qui existe n'est que processus mécanique, physique ou chimique, se déroulant dans le monde matériel». Rien n'est gagné lorsque certains, contraints pas la force des faits, parviennent à cette conviction. Car en face de ces convictions se dresse l'autre fait, à savoir que malgré cette conviction, ceux qui la possèdent, et à plus forte raison les autres, prennent tout de même avec leur façon de penser la direction matérialiste lorsqu'il s'agit d'expliquer concrètement une chose ou une autre, ou de se former un point de vue sur quelque chose de concret. On dit bien que les atomes, les molécules, sont des façons anodines de s'exprimer, au sujet desquels on n'a pas d'autre prétention que de les considérer issues de la pensée.

Mais la façon de considérer les choses est tout de même restée une façon atomistique ou moléculaire de voir. Nous tirons les explications à partir des phénomènes du comportement et à partir des relations réciproques des atomes ou des processus moléculaires; et il est sans importance ici que nous nous représentions qu'une pensée, qu'un sentiment ou que tout autre processus ne sont liés qu'aux processus matériels des atomes et molécules, car ce qui importe, c'est la direction que prend tout notre état d'âme, c'est la direction que prend notre esprit lorsqu'il n'adopte, comme fondements pour ses explications, que ce qui est pensé de façon atomistique, que ce qui est issu du plus petit, du plus petit conçu par la pensée. Ce qui importe, ce n'est pas si, à la lettre ou en pensée, on est convaincu qu'il existe encore autre chose que des effets atomistiques, des effets atomiques matériels, mais ce qui importe, c'est d'être capable d'avoir, en tant que fil conducteur de son esprit, d'autres explications que la déduction des phénomènes à partir de l'univers atomistique. Ce qui importe ce n'est pas ce à quoi nous croyons, mais la façon dont nous fournissons les explications, la façon dont nous nous comportons dans notre âme. Et ici, en ce lieu [à Dornach], il est nécessaire de faire valoir que seule une authentique science spirituelle à orientation anthroposophique peut mener au-delà du mal que l'on peut caractériser comme je viens de le faire.

Parce que cela est effectivement le cas, je voudrais également l'attester dans un cas concret. Il n'y a guère de chose plus déroutante que celle venant à notre encontre dans la distinction, que l'on fait beaucoup valoir aujourd'hui, entre le corporel de l'homme et son psychisme ou son spirituel, entre ce qui constitue les maladies somatiques et ce qui porte le nom de maladies psychiques ou mentales. C'est précisément la distinction adéquate et objective, ainsi que l'établissement des rapports réciproques des faits relatifs à la vie humaine — comme le sont le corps malade ou l'âme en apparence malade—, qui souffrent, sur le plan de la compréhension, de la façon matérialiste et atomistique de voir les choses.

Car en quoi consiste l'essence du matérialisme qui, peu à peu, s'est épanoui en tant que conception moderne du monde chez beaucoup d'individus, et qui de ce fait n'est absolument pas dépassé mais, au contraire, est de nos jours justement florissant? En quoi consiste cette essence? Cette essence ne consiste pas à diriger son regard sur des processus matériels, à prendre en considération ce qui se déroule dans le corporel humain également en tant que processus matériels, et à étudier avec attachement le merveilleux édifice et la merveilleuse activité du système nerveux de l'homme et des autres organes humains, ou ceux du système nerveux des animaux ou des organes d'autres êtres vivants. On ne devient pas matérialiste par l'étude de ces choses, mais on devient matérialiste en étant délaissé, dans l'étude des processus matériels, par l'esprit; on devient matérialiste en plongeant son regard dans l'univers de la matière pour n'y voir que de la matière et que des processus matériels.


Et c'est précisément ce que la science spirituelle doit faire valoir — je ne peux aujourd'hui que m'exprimer de façon succinte sur ce sujet —, que partout où des phénomènes matériels se déroulent au vu des sens, ces processus que la science d'aujourd'hui veut faire valoir comme seuls observables et exacts au sens strict, que partout ces processus matériels ne sont que l'apparition extérieure, la manifestation extérieure de forces et de puissances spirituelles agissant derrière eux et en eux. Ce n'est pas une caractéristique de la science spirituelle que de porter son regard sur l'homme et dire: «Ah, voici son corps; ce corps est une somme de processus matériels, mais ce n'est pas cela seul qui constitue l'homme; il a, indépendamment de-tout cela, une âme immortelle», puis commencer à former, sur cette âme immortelle et indépendante du corps, toutes sortes de théories abstraites, toutes sortes de vues abstraites. Ce n'est pas du tout par cela que se caractérise une conception spirituelle du monde. On peut parfaitement dire: «L'homme possède, outre son corps qui consiste en des processus matériels, encore une âme immortelle qui, après la mort, est ravie dans une quelconque région spirituelle». L'on n'est pas de ce fait, au sens d'une science spirituelle à orientation anthroposophique, un scientifique de l'esprit. On devient scientifique de la science spirituelle seulement lorsque l'on parvient à saisir clairement que ce corps matériel, avec ses processus matériels, est une créature du psychique. Lorsque l'on parvient à aborder dans le détail la façon dont le psychique, qui existait avant la naissance ou, disons, avant la conception de l'homme, agit, la façon dont ce psychique forme, la façon dont il modèle l'édification et même la substantiation du corps humain, lorsqu'on peut partout véritablement percer à jour l'immédiate unit de ce corps avec le psychique, et lorsqu'on peut percer à jour la façon dont ce corps, par l'action du spirituel-psychique au sein de ce corps, s'use en tant que tel, meurt partiellement à chaque minute, la façon dont ensuite au moment du décès, n'advient que, pourrais-je dire, le développement radical de ce qui, par l'influence du psychique-spirituel se déroule à chaque instant, lorsque l'on perce à jour cet échange vivant, cette constante action de l'âme dans le corps, lorsqu'on le perce dans chaque cas concret, lorsqu'on tend à dire: «Le psychique se ramifie en des processus tout-à-fait concrets: voici la façon dont il se transforme en les processus de l'activité du foie, voici la façon dont il se transforme en les processus de l'activité respiratoire, la façon dont il se transforme en ceux de l'activité cardiaque, en ceux de l'activité cérébrale», bref, lorsqu'on parvient, dans la description du matériel dans l'homme, à présenter le corporel en tant que résultat d'une essence spirituelle, c'est là alors que l'on est un scientifique de la science spirituelle: La science spirituelle parvient à une véritable appréciation du matériel justement par le fait qu'elle ne voit pas seulement, dans chaque processus matériel concret pris pour soi, ce que la science d'aujourd'hui voit, ce que l'oeil constate, ou ce qui est fixé ultérieurement en tant que résultat en des concepts abstraits par l'observation extérieure, mais la science spirituelle est science spirituelle seulement par le fait qu'elle montre partout la façon dont l'esprit agit dans le matériel, par le fait qu'elle regarde avec attachement sur les effets matériels de l'esprit.

Voilà ce qui d'un côté entre en ligne de compte.

De l'autre côté, il importe que ce soit précisément par ce fait que l'on se préserve de toutes ces phrases creuses, abstraites et relevant du verbiage, au sujet d'une âme indépendante de l'homme, sur laquelle, dans la mesure où se déroule la vie entre la naissance et la mort, on ne peut tout de même que s'égarer dans des considérations fantaisites. Car entre la naissance et la mort, à l'exception du sommeil, le spirituel-psychique est adonné de façon telle aux effets corporels, qu'il vit en eux, par eux, et qu'il s'extériorise en eux. Il faut parvenir à pouvoir étudier le spirituel-psychique en-dehors du cours de la vie humaine, et à prendre ce cours de la vie humaine, placé entre la naissance et la mort, comme un résultat du spirituel-psychique: c'est alors que l'on portera son regard sur l'unité véritable et concrète du spirituel-psychique avec le physique-corporel. C'est alors que l'on pratiquera la science spirituelle d'orientation anthroposophique, car on ne perdra alors pas de vue que cet homme avec toutes ses ramifications particulières se tient là, en tant que résultat du spirituel-psychique, également pour l'activité de recherche. La conception mystique de la théosophie, qui bâtit toutes sortes de belles théories sur les spiritualités extra-corporelles, ne peut pas se mettre au service des sciences concrètes de la vie, ne peut d'aucune façon servir la vie; elle ne peut que se mettre au service de la jouissance intellectuelle ou de celle de l'âme, qui veut éliminer aussi rapidement que possible la vie, la vie extérieure, et qui ensuite, pour se procurer une satisfaction intérieure, pour pouvoir s'adonner à une jouissance intérieure, se tisse toute une trame fantaisiste sur le spirituel-psychique.

Il s'agit ici, dans ce mouvement spirituel d'orientation anthroposophique, de travailler avec un sérieux total, de cultiver une science 'spirituelle qui soit en mesure de donner pleinement vie à la physique, â la mathématique, à la chimie, à la physiologie, à la biologie, à l'anthropologie. Ce qui fait qu'il ne s'agit pas ici de constater d'une part, de façon religieuse ou philosophique: «L'homme porte en lui une âme immortelle», puis de pratiquer l'anthropologie, la biologie, la physique et la chimie comme si l'on n'avait devant soi que des processus matériels, mais il s'agit d'appliquer aux phénomènes détaillés de la vie ce que l'on a pu acquérir en connaissance sur le psychique-spirituel, de porter son regard dans le merveilleux édifice du corps lui-même. On peut parfaitement dire, même si cela sonne de façon paradoxale à plus d'un: «voilà que certains voudraient être de bons mystiques ou de bons théosophes, et veulent s'engager dans toutes sortes de bavardages au sujet de la constitution de l'homme en les corps physique, éthérique, astral, en le moi, etc..., mais ils n'ont même pas la moindre idée du type de manifestation de l'âme lorsqu'on se mouche»! Il s'agit justement de ne pas voir la matière en tant que matière, mais de regarder la matière en tant que manifestation de l'esprit. C'est alors que l'on acquérra une vision saine et substantielle au sujet de l'esprit. Mais on parviendra alors également à une science spirituelle, qui peut être fructueuse pour les sciences de la vie.

Tout cela permet toutefois d'atteindre encore autre chose. On parvient par là à surmonter à son tour ce qui à l'époque moderne, précisément par suite des connaissances scientifiques devenues matérialistes, a mené dans des catégories de la spécialisation. Je ne veux pas du tout me lancer dans une quelconque condamnation de l'existence des spécialisations, car je connais parfaitement leur bien-fondé. Je sais que de nos jours, certaines choses, simplement parce qu'elles nécessitent une technique spécialisée, doivent être pratiquées à partir de ce caractère de spécialité. Mais ce dont il s'agit est, que jamais celui qui s'accroche au matériel, lorsqu'il devient spécialiste, ne peut acquérir une conception du monde applicable dans la vie. Car les processus matériels constituent un domaine infini. Ils constituent un domaine infini à l'extérieur, dans la nature, et ils constituent un domaine infini en l'homme. Lorsqu'on n'étudie que le système nerveux de l'homme d'après tout ce qui a été amassé jusqu'à nos jours, on peut alors s'y pencher un temps très long, en tout cas autant que les spécialistes se consacrant habituellement à leurs études spécialisées. Mais si dans ce qui advient, dans le système nerveux, on n'a devant soi que ce qui constitue des processus matériels, ce qui est exprimé en des concepts abstraits et qui constituent de nos jours l'objet de la science, alors rien ne mène l'individu vers quelque chose d'universel pouvant devenir fondement d'une conception du monde. A l'instant où vous commencez à considérer les choses à la façon de la science spirituelle, par exemple le système nerveux de l'homme, vous ne pouvez pas faire alors vos considérations sans que ce que vous trouvez comme esprit actif ne vous mène aussitôt vers ce qui, en tant que spirituel-psychique, est à la base du système musculaire, vers ce qui est à la base du système osseux, à la base du système sensoriel, car le spirituel n'est pas quelque chose qui se déploie en des parties isolées comme le matériel, mais le spirituel est quelque chose — et ce n'est qu'une de ses moindres caractéristiques— qui s'étend comme une configuration à membrure, comme un organisme. Et tout comme je ne peux pas faire des considérations sur l'homme en ne prenant en considération que ses cinq doigts tout en cachant le reste, de même je ne peux pas, dans l'optique de la science spirituelle, prendre en considération un détail, sans que ce que j'y perçoive en tant qu'essence spirituelle-psychique ne me mène à un tout. Serais-je alors mené vers un tel tout, bien entendu en restant peut-être seulement un chercheur spécialiste du cerveau ou des nerfs, je serai tout de même capable d'acquérir, dans la considération de cette partie isolée de l'organisme humain, une image d'ensemble de l'homme. C'est à ce moment-là que je serais en mesure d'acquérir effectivement quelque chose d'universel en vue d'une conception du monde. Et la chose caractéristique est alors, que je peux commencer à dire quelque chose sur l'homme, pouvant être compréhensible par tous ceux qui possèdent le bon sens et une raison saine. Voilà la grande différence entre la façon dont peut parler la science spirituelle au sujet de l'homme, et la façon dont doit en parler la science matérialiste.

Voyez-vous, prenons un cas simple, la façon dont la science spécialisée, matérialiste, se présente à vous dans un quelconque manuel en usage de nos jours. Si vous, en tant que personne moyenne n'ayant pas beaucoup de connaissances sur le système nerveux, prenez en main un manuel sur le système nerveux, eh bien, vous arrêterez probablement sous peu votre lecture, ou alors vous n'aurez en tout cas pas beaucoup d'acquis dans ce qui peut vous fournir une assise pour une vue sur l'homme en tant qu'être humain véritable, dans sa valeur et dans sa dignité. Si par contre vous prêtez l'oreille à ce qui peut être dit à partir du patrimoine de la science spirituelle au sujet du système nerveux de l'homme, alors s'adjoint partout à un tel examen ce qui mène ensuite vers l'homme tout entier, ce qui éclaire l'homme total de façon telle que dans l'idée qui se dessine alors, se trouve inséré quelque chose de la valeur, de l'essence et de la dignité de l'homme dont il est question. Et rien ne met plus en valeur ce fait non pas lorsque nous examinons uniquement l'homme sain en liaison avec l'un quelconque de ses constituants, mais cela se met tout particulièrement en valeur lorsque nous examinons l'homme malade, cet homme malade avec ses déviations, si nombreuses, par rapport à la soi-disant normalité, notamment lorsque nous sommes en mesure de prendre en considération l'homme tout entier soumis à l'influence de telle ou autre cause de maladie. Ce que la nature place devant notre âme en l'homme malade, cela se prête à nous introduire profondément dans les connexions de l'Univers, à nous mener à comprendre la façon dont l'homme est organisé, et la façon dont les influences atmosphériques, et même extra-terrestres peuvent agir sur l'homme vu son organisation, la façon dont cette organisation est connectée à tels ou autres matériaux de la nature, qui se révèlent alors en tant que substances thérapeutiques, etc... Nous pénétrons dans de vastes connexions, et ron a le droit d'affirmer que si l'on complète ce qui de cette façon-là peut être reconnu au sujet de l'homme sain, c'est-à-dire par ce qui peut être reconnu au sujet de l'homme malade, alors une vue profonde s'ouvre sur toute la connexion, ainsi que s'ouvre un profond sens de la vie. Mais tout ce qui se révèle ainsi est la base pour une connaissance de l'homme, est la base de ce qui peut ensuite être versé dans des formes d'expression pouvant s'adresser à chacun. Bien entendu, nous ne sommes aujourd'hui pas aussi loin, car la science spirituelle, comme on l'entend ici, n'a pu travailler que depuis peu de temps. C'est la raison pour laquelle les conférences qui seront tenues ici, comme l'a dit tout à l'heure Monsieur Boos ((*(*) n.d.tr.: Roman Boos, docteur en droit, sociologue; l'un des anthroposophes les plus actifs dans le mouvement de tripartition sociale *) dans son introduction, ne peuvent, la plupart du temps, que constituer un début. Mais cette science spirituelle a la tendance d'élaborer de façon telle ce qui réside dans les sciences particulières, que ce que tout homme devrait savoir au sujet de l'homme, puisse effectivement être aussi porté au-devant de chacun.

Essayons à présent d'imaginer, lorsque la science spirituelle aura agi d'une pareille façon modificatrice sur la science, et lorsqu'elle aura réussi, cette science spirituelle, à élaborer des formes de connaissance sur l'être humain sain et malade, formes que l'on pourra rendre accessible à la conscience générale de l'homme, lorsque cela aura été atteint, alors imaginons à quel point sera différente la position de l'homme en face de son prochain dans la vie sociale, à quel point sera différente la compréhension avec laquelle l'homme, par rapport à ce qui se passe de nos jours, se dressera devant son prochain, de nos jours où chacun passe à côte de l'autre sans avoir de la compréhension pour l'individualité particulière de ce prochain en question! C'est seulement lorsque le problème social sera issu, dans les domaines les plus variés, de la vie, à partir d'une connaissance objective, lorsqu'il se basera sur des expériences concrètes de la vie, qu'il s'extraira de son intellectualisme. Cela est visible en particulier dans le domaine de la médecine publique. Car imaginons l'action sociale agissant à partir du4ait que soit porté au-devant de l'homme la compréhension pour ce qui rend sain, pour ce qui rend malade autrui; imaginons ce que signifie: «toute l'humanité prendra en main avec compréhension la médecine publique»! Certes, ii n'y a pas lieu de cultiver ici un dilettantisme scientifique ou médical — il est nécessaire de le souligner—, mais imaginez que tout simplement non seulement un sentiment de compassion, mais une compréhension compatissante soit éveillée pour le sain et malade en notre prochain, une compréhension issue d'une vision concernant l'homme. Imaginez l'action sociale d'une telle chose, et vous serez amenés à vous dire que là, on voit que c'est à partir de la connaissance objective dans des domaines particuliers que doit provenir la réforme sociale, la nouvelle édification sociale, et non à partir des théories générales, qu'elles soient marxistes, d'Oppenheimer(*) n.d.tr.: Franz Oppenheimer, économiste (1864-1944); voulait abolir le monopole de propriété des terres aux mains des gros propriétaires, par la création de sortes de coopératives ou associations de lotissement..) ou autres, qui passent par-dessus l'homme, qui veulent mettre sur pied, à partir des concepts abstraits, une configuration du monde. Ce n'est pas à partir de cela que le salut peut provenir, mais à partir de la connaissance dévouée des différents domaines. Et la médecine publique, l'hygiène, est un tel domaine tout particulier, car elle nous conduit, pourrais-je dire, de façon la plus proche à tout ce que notre prochain éprouve comme joie par sa façon saine et normale de vivre, ou à tout ce qu'il éprouve comme douleurs et peines, aux restrictions causées par la catégorie de la maladie qui l'habite plus ou moins.

Voilà quelque chose qui nous indique la catégorie sociale particulière, comme la science spirituelle peut la créer dans le domaine de l'hygiène. Car si au sein de cette catégorie celui qui cultive la science de l'homme, la science de l'homme sain et malade, et même celui qui se spécialise en vue de devenir médecin, est inséré, avec une telle connaissance acquise, dans la société humaine, alors il sera en mesure de créer, au sein de cette société humaine, des lumières, car il rencontrera de la compréhension. Et ce n'est pas seulement ce rapport qui ressortira entre le médecin et la société, pouvant être illustré par le fait que lorsqu'on n'est pas précisément son ami ou son parent, on passe devant sa maison pour le chercher, car quelqu'un a mal quelque part ou s'était cassé la jambe, mais un rapport envers le médecin se dégagera de façon telle, que le médecin sera l'éducateur et l'instructeur permanent de la médecine publique prophylactique, qu'il existera en fait une continuelle intervention du médecin, non seulement pour guérir l'homme dont l'état pathologique est à ce point avancé qu'il le remarque, mais, dans la mesure où cela est possible, pour maintenir l'homme en bonne santé. Un agissement social vivant aura lieu entre le médecin et tout le reste de l'humanité. Mais alors la santé d'une telle acquisition de connaissances rayonnera sur la médecine elle-même. Car nous avons effectivement donné tête baissée, précisément par le fait que le matérialisme s'est étendu également aux considérations médicales de la vie, dans des conceptions bien singulières.

Prenons d'un côté les maladies physiques. On les étudie habituellement en trouvant des dégénérescences d'organes ou ce qui habituellement est perçu ou conçu en tant que processus physiques "devant se dérouler à l'intérieur de l'enveloppe cutanée, et l'on dirige son attention à essayer de porter réparation aux lésions que l'on y rencontre. Dans cette direction, on pense de façon tout à fait matérialiste au sujet du corporel de l'homme, dans son état normal et dans son état anormal. A côté de cela, apparaissent les soi-disant

16 maladies psychiques ou mentales. D'un côté, ces maladies psychiques ou mentales, on en a fait de simples maladies du cerveau, ou simplement de maladies affectant le système nerveux, en en cherchant également les causes dans le complexe habituel des organes humains. Mais, comme de toute façon aucune vision n'a été développée sur la manière dont l'esprit et l'âme agissent dans le corporel humain, on n'a pas pu acquérir une vision du rapport entre la maladie mentale, la soi-disant maladie mentale, et ce qu'est habituellement l'homme. Et c'est ainsi que d'un côté, pourrais-je dire, se dressent les maladies mentales, et sont même saisies de nos jours par une curieuse science hybride, par la psychanalyse, qui pense de façon matérialiste mais qui ne comprend absolument pas le matérialisme; elles se dressent, ces maladies mentales et psychiques, sans que l'on puisse, d'une quelconque façon raisonnable, les associer à ce qui se produit en fait dans l'organisme humain. La science spirituelle peut alors montrer— et je l'ai fait remarquer—que ce dont je parle ici ne constitue pas seulement un programme, mais que cela est suivi dans les détails, justement aux occasions qui se sont prêtées maintenant lors de la tenue du cours aux médecins, ayant eu lieu ici ces semaines-ci. La science spirituelle peut parfaitement montrer dans le détail que tout ce qui est soi-disant maladie mentale ou psychique, repose entièrement sur des perturbations d'organes, sur des dégénérescences d'organes, sur des hypertrophies ou des hypotrophies d'organes dans l'organisme humain. Quelque chose est perturbé dans le cœur, dans le foie, dans le poumon, quelque chose est perturbé lorsqu'apparaît, simultanément ou plus tard, une soi-disant maladie mentale. Une science spirituelle qui parvient à ceci, à reconnaître en le cœur sain l'esprit dans son agissement, une telle science spirituelle est également en mesure — et n'a pas besoin d'en avoir honte — de chercher dans la dégénérescence du coeur, dans les défauts du coeur, une cause de l'âme ou de l'esprit soi-disant malade.

L'erreur principale notamment du matérialisme, ne réside pas en ce qu'il nie l'esprit. Dans ce cas, la religion pourrait bien veiller à ce que l'esprit soit tout de même reconnu. L'erreur principale du matérialisme consiste en le fait qu'il ne reconnaît pas la matière, car il n'observe que son côté extérieur. C'est précisément ceci, l'indigence du matérialisme, qu'il n'acquiert aucun regard pénétrant la matière, comme cela arrive par exemple lors du traitement seulement psychanalytique, lors de la seule observation de ce qui s'est passé dans l'âme, et qu'il désigne d'îlot psychique, c'est-à-dire une abstraction. Alors qu'il est nécessaire de suivre la façon dont certaines impressions psychiques, que l'homme reçoit au cours de telle ou autre période de sa vie, et qui de façon normale sont liées à l'organisme normal, rencontrent des organes défectueux, rencontrent par exemple un foie malade à la place d'un foie sain, rencontre qui peut peut-être se révéler à une toute autre époque que celle où le défaut est visible.


La science spirituelle n'a pas besoin de craindre de montrer la façon dont la maladie soi-disant mentale ou psychique est toujours connectée avec quelque chose dans le corps humain. La science spirituelle doit, avec rigueur et sans ambages, signaler que l'on n'a rien devant soi que tout au plus un diagnostic unilatéral, lorsqu'on n'étudie que le psychique, le complexe psychique, la déviation du psychique de la soi-disant vie psychique normale. C'est pourquoi la psychanalyse ne peut jamais être rien d'autre que tout au plus quelque chose relevant du diagnostic, ne peut jamais mener, dans ce domaine, à une veritable thérapie. Vu que la thérapie, dans le cas des maladies mentales, doit justement débuter par une cure corporelle, il est nécessaire de connaître jusque dans les parties extrêmes les ramifications du spirituel, si l'on veut savoir où il est nécessaire d'intervenir dans le corps matériel lequel est toutefois imprégné d'esprit, où il est nécessaire d'intervenir pour guérir ce qui apparaît, précisément de façon uniquement symptomatique, dans les relations psychiques anormales. C'est justement ceci que la science spirituelle doit souligner de façon catégorique, que les soi-disant maladies mentales et psychiques doivent être suivies jusque dans l'organologie de l'homme. Mais on ne peut pénétrer du regard l'organologie anormale de l'homme que lorsqu'on peut suivre l'esprit jusque dans les moindres parties de la matière.

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N.d.tr.: Nos lecteurs trouveront ci-après la deuxième partie de la conférence dont le débuta été publié dans notre précédent Bulletin.

Dans ce texte, Rudolf Steiner emploie à plusieurs' reprises l'expression «tripartition sociale». Il s'agit d'un terme résumant toute une vision anthroposophique de la structure sociale, dégagée sur la base de la réalité humaine dans sa triple constitution en le système neuro-sensoriel, le système rythmique et le système métabolique, structure reflétant à son tour la réalité triadique du corps, de l'âme et de l'esprit. Le corps social, adapté à l'homme ainsi saisi, se partage alors en trois composantes: le corps socio-économique caractérisé par la fraternité, le corps socio-juridique lié à l'égalité, et le corps social de la vie spirituelle d'épanouissement individuel baignant dans la liberté. Ces trois composantes, indépendantes les unes des autres, auraient alors à se retrouver, dans leur coexistence harmonieuse, au niveau d'une assemblée nationale véritablement communautaire, où aucun des trois corps ne jouerait de rôle prépondérant ou hégémoniste.

Nos lecteurs, désireux de s'informer sur cette question, pourront consulter Fondements de l'organisme social de Rudolf Steiner (Ed. Anthroposophique Romandes).

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Et inversement, ce qui en apparence n'est que phénomènes de la vie, agissant sur ou dans le psychique, disons, ce qui apparaît dans les tempéraments et dans leur activité, ce qui apparaît dans tout l'art et la manière avec laquelle l'homme, en tant que petit enfant, joue, comment il marche, ce qu'il fait, tout ce qui de nos jours n'est compris que d'une façon spirituelle-psychique, a également un côté corporel. Et un manquement commis dans l'éducation de l'enfant peut apparaître à une époque ultérieure sous une forme physique pathologique tout à fait banale. En effet, on est directement amené dans certains cas à diriger son regard sur le corporel lorsque l'on a devant soi des maladies mentales, pour y chercher ce dont il s'agit, et à diriger son regard sur le spirituel lors des processus pathologiques physiques, pour y chercher ce dont il s'agit. Car c'est ceci, l'essentiel de la science spirituelle, qu'elle ne parle pas d'un spirituel nébuleux à l'aide d'abstractions, comme le font les mystiques, comme le font les théosophes dans leur caractère unilatéral, mais qu'elle suit l'esprit dans les effets matériels, qu'elle ne conçoit nulle part le matériel comme le conçoit la science contemporaine extérieure, mais que cette science spirituelle parvient à l'esprit partout où ses considérations concernent le matériel, et qu'elle est de ce fait également apte à observer le phénomène qui se déroule là où une vie psychique pathologique doit se manifester par l'existence d'une vie corporelle anormale, même si cette dernière est peut-être dissimulée extérieurement. On se fait aujourd'hui, dans les milieux les plus larges, des représentations entièrement fausses sur la science spirituelle d'orientation anthroposophique et conçue de façon sérieuse, peut-être avec raison plus d'une fois en écoutant ceux qui ne veulent pas véritablement pénétrer sur le terrain dont il s'agit en fait, qui ne parlent que de théories abstraites: l'homme se compose de ceci ou de cela, et il existe le phénomène des réincarnations, etc. Ces choses sont, cela va de soi, de ta plus haute importance, et tout cela est bien beau. Mais lorsqu'il s'agit de travailler avec un sérieux tout particulier au sein de ce mouvement de science spirituelle, alors il s'agira de tenir compte des divers chapitres, des divers domaines de cette vie. Et au sens le plus large, cela mène de nouveau vers une coexistence des hommes empreinte du caractère social. Car lorsqu'on voit ainsi la façon dont l'âme, apparaissant malade, rayonne ses impulsions vers le dedans de l'organisme, lorsque l'on peut sentir — sentir avec compréhension — ce lien entre l'organisme et l'âme apparaissant malade, lorsque l'on sait par ailleurs comment les agencements de la vie agissent également sur la santé physique de l'homme, comment le spirituel, qui, dans les structures sociales, n'existe apparemment que de façon extérieure, agit par pénétration dans l'action sanitaire physique de l'homme, lorsque l'on parvient à embrasser cela du regard, alors c'est d'une toute autre manière que l'on se tient au sein de la société humaine. On commence par cela à acquérir une position compréhensive envers l'homme, et l'on traite tout autrement son prochain. On suit tout autrement son caractère, On sait, certaines propriétés sont liées à ceci ou à cela, on sait comment se comporter en face de ces propriétés, on sait, particulièrement lorsqu'on y a associé des tâches, insérer de façon correcte les tempéraments des hommes dans la société humaine, et, notamment, les développer de façon correcte. Un domaine social devra particulièrement être intensément influencé, sur le plan de l'hygiène, par une connaissance de l'homme acquise de haute lutte: c'est le domaine de l'éducation, le domaine de l'enseignement. On ne peut du tout, au fond, mesurer, sans connaître de façon réellement globale l'homme, ce que signifie: les enfants sont assis à l'école en faisant les dos ronds, ce qui a pour conséquence la perturbation continuelle de leur respiration, ou bien les enfants ne sont pas sollicités à parler à voix haute et intelligible, à former de façon nette les voyelles, les consonnes. Toute la vie ultérieure dépend pour l'essentiel du fait si l'enfant, à l'école, respire de façon correcte, et s'il est sollicité à parler d'une voix forte et nette et articulée.

Dans de telles choses — je n'extrais que quelques exemples, car dans d'autres domaines, une chose semblable pourrait être appliquée — apparaît la spécialisation de l'hygiène, prise dans sa totalité, au système scolaire, et c'est justement en cela que se révèle toute la dimension sociale de l'hygiène; mais il apparaît également à quel point la vie exige que nous ne poussions pas plus avant la spécialisation, mais que nous amenions le spécialisé vers une vue d'ensemble. Nous n'avons pas seulement besoin de ce qui rend apte l'enseignant à savoir que d'après certaines normes pédagogiques il faut éduquer l'enfant comme ceci ou comme cela, mais nous avons besoin de ce qui rend l'enseignant apte à avoir une opinion sur ce que signifie le fait qu'il laisse l'enfant clairement articuler telle phrase ou telle autre, ou bien le fait qu'il laisse l'enfant, après que celui-ci a prononcé une demi-phrase, à nouveau prendre la respiration, etc., et ne se soucie pas que l'air s'épuise au cours de l'élocution de la phrase. Certes, il y a également sur ce sujet beaucoup de repères et règles. Mais la reconnaissance et l'emploi corrects de ces choses pénètrent dans notre cœur seulement si nous mesurons toute leur importance pour la vie humaine ainsi que pour la santé sociale. Car c'est à ce moment seulement que la chose constituera une impulsion sociale.

Ce sont ces considérations qui figurent à la base du cours de pédagogie et de didactique à l'intention des enseignants, cours que j'ai tenu à Stuttgart à l'occasion du point de départ de la fondation de l'école Waldorf dans la même ville et avant cette fondation, notamment la considération que l'on a besoin d'enseignants qui soient aptes à travailler à partir de toute la profondeur d'une vision du monde capable de comprendre l'homme, à travailler pour l'éducation et pour l'instruction des enfants. Ce qui y fut mis dans les phrases qui ont été énoncées en tant qu'art pédagogique et didactique, tout cela aspire à faire des hommes à partir des enfants qui sont éduqués et instruits, hommes chez qui, plus tard, par le fait qu'ils auront été sollicités à l'âge d'enfant à accomplir de façon correcte les fonctions vitales, fonctionneront correctement les poumons et le foie et le cœur et l'estomac, car l'âme aura correctement participé à leur élaboration. Jamais cette vision du monde n'interprétera de façon matérialiste l'antique adage: une âme saine dans un corps sain. — L'interpréter de façon matérialiste signifierait que lorsque l'on a un corps sain, lorsqu'on l'a rendu sain par toutes sortes de moyens physiques; alors de lui-même il deviendra porteur d'une âme saine. C'est absurde. Voici ce qui a un sens: dans un corps sain vit une âme saine — seulement lorsque l'on procède de façon suivante, je veux dire, lorsqu'on se dit: J'ai là un corps sain devant moi, celui-ci me montre alors que la force d'une âme saine l'a édifié, l'a modelé, l'a rendu sain. Je reconnais à partir de ce corps qu'une âme autonome et saine y a travaillé. Voilà le sens de ce dicton. Mais ce n'est que de cette façon que ce dicton peut également être mis à la base d'une hygiène saine.

En d'autres termes: nous n'avons pas besoin, par exemple, à côte des enseignants qui ne travaillent qu'à partir d'une science abstraite sur le plan pédagogique, encore un médecin scolaire qui, tous les quinze jours si tout va bien, parcourt l'école sans réellement savoir ce qu'il a à faire. Non. Nous avons besoin d'un lien vivant de la science médicale avec l'art de la pédagogie. Nous avons besoin d'un art de la pédagogie qui, dans toutes les mesures qu'il prend, éduque et instruit correctement les enfants sur le plan de l'hygiène.

Voilà ce qui fait de l'hygiène un problème social, car le problème social est pour l'essentiel un problème d'éducation, et le problème d'éducation, pour l'essentiel, un problème médical, mais un problème seulement de cette médecine qui est fructifiée par la science spirituelle, d'une hygiène, fructifiée par la science spirituelle.

Ces choses-là renvoient alors encore à quelque chose qui est extraordinairement important, justement en liaison avec le thème «L'hygiène, un problème social». Car lorsque la science spirituelle est pratiquée, et lorsque la science spirituelle constitue quelque chose de concret pour l'homme, alors celui-là sait que dans ce qu'il reçoit de la part de la science spirituelle repose quelque chose qui se distingue de ce qu'il reçoit dans le simple intellectualisme — et la science actuelle de la nature est elle aussi du simple intellectualisme —, de ce qu'il reçoit dans le simple intellectualisme ou dans la science de la nature, science développée seulement intellectuellement, ou dans l'Histoire développée seulement intellectuellement, ou dans la jurisprudence. Toutes les sciences sont aujourd'hui intellectuelles; lorsqu'elles prétendent être des sciences expérimentales, alors cela consiste seulement en ce qu'elles interprètent intellectuellement les phénomènes expérimentaux observés par les sens. De ces résultats scientifiques ou autres, interprétés intellectuellement, ce qui est contenu dans la science spirituelle s'en distingue d'une façon tout à fait fondamentale. Car ce serait même bien triste, si ce qui vit dans notre culture intellectuelle n'était pas uniquement image mais une puissance réelle, qui agirait plus profondément sur l'homme. Tout ce qui est intellectuel ne reste notamment qu'à la surface de l'homme. Cette phrase est énoncée dans un sens très général. Celui qui pratique la science spirituelle de façon uniquement intellectuelle, c'est-à-dire qui ne fait que prendre note: il existe un corps physique, un corps éthérique, un corps astral,' un moi, une vie engagée dans un processus de réincarnations, un karma (*) N.d.tr.: ce terme sanscrit désigne ici le destin humain, notion qu'il faut, comme celle de tripartition sociale, placer dans tout le contexte de l'enseignement de Rudolf Steiner, comme d'ailleurs les termes corps éthérique et astral.*, etc. — et qu'il le note comme on le fait dans la science de la nature ou dans la science sociale contemporaine —, celui-là ne pratique pas sérieusement la science spirituelle, car il ne fait que transposer la façon de penser qu'il possède d'habitude, sur ce qui vient au-devant de lui dans la science spirituelle. L'essentiel, lorsqu'il s'agit de science spirituelle, est, qu'elle doit être pensée de façon différente, qu'elle doit être ressentie de façon différente, qu'elle doit être vécue par l'âme d'une façon toute différente de la façon intellectuelle. C'est pourquoi la science spirituelle est quelque chose qui sauvegarde par elle-même un rapport vivant à l'homme sain et malade, bien que de façon un peu différente de celle que l'on s'autorise souvent à rêver. Les hommes se seront tout de même bien suffisamment convaincus à quel point on est impuissant avec ce que l'on entreprend à l'aide de la culture purement matérialiste en face des soi-disant maladies mentales, que ce soit par les exhortations ou par les persuasions. Le malade mental prétend que des voix lui parlent; vous lui dites tout ce que vous pouvez dire à partir de votre raison intellectuelle: en vain, car il est capable de vous rétorquer par toutes les objections possibles etc. C'est cela déjà qui pourrait indiquer que l'on n'a pas affaire à un processus de maladies de la vie psychique consciente ou bien, si l'on veut, de la vie psychique subconsciente, mais à un processus de maladie affectant l'organisme.

La science spirituelle apprend à reconnaître que ce n'est de toute façon pas davantage au moyen d'un chemin qui doit soi-disant être spirituel, sur lequel par exemple on fait usage de l'hypnose et de -la suggestion, que l'on peut s'approcher des soi-disant maladie mentales ou psychiques, mais que l'on doit les aborder sur un chemin soi-disant physique, c'est-à-dire par des guérisons d'organes, en vue desquelles on a toutefois également besoin d'une acquisition de connaissances, concernant l'homme, sur le plan du spirituel. Ce patrimoine de connaissances acquises sur le plan spirituel sait qu'il ne devrait en fait pas du tout intervenir justement dans le domaine des soi-disant maladies mentales au moyen de procédures seulement spirituelles ou psychiques, vu que la maladie mentale consiste précisément en le fait que la partie spirituelle de l'homme est repoussée au dehors, comme ce n'est habituellement le cas qu'au cours du sommeil, et qu'elle est faible dans ce rejet, mais qu'il est nécessaire de guérir l'organe, pour qu'il puisse à nouveau reprendre de façon saine l'âme et l'esprit. A l'opposé, ce qui ressort non pas de l'intellect, de la tête, mais de l'homme tout entier en tant que résultat de la science spirituelle, lorsque cela apparaît en tant qu'imagination, inspiration, intuition(*) N.d.tr.: imagination, inspiration et intuition sont trois termes désignant de façon très précise trois étapes sur le chemin de connaissance du monde suprasensible, donc également sur celui d'une meilleure compréhension du monde physique. Ces termes ne doivent donc pas être pris au sens habituel, mais placés, eux aussi, dans le contexte l'Anthroposophie tout entière.*, et lorsque cela est intériorisé par l'homme, tout cela entre en action dans son organisme. Ce que la science spirituelle est en réalité, cela exerce réellement son action thérapeutique sur l'organisation physique de l'homme.

A l'encontre de cela, le fait que certains rêveurs se sentent malades au sein de la science spirituelle, ou qu'ils manifestent précisément le contraire de ce que je viens d'indiquer, ne constitue aucune preuve. Il y a en effet un nombre si infini de ceux qui ne sont pas des scientifiques au sens de la science spirituelle, mais qui sont d'intellectuels collectionneurs de notes relatives aux résultats de la science spirituelle. Mais le fait de propager la science spirituelle véritablement dans sa substance, constitue en soi de l'hygiène sociale, car cette science spirituelle agit sur l'homme entier, elle mène vers la normale son organologie, lorsque cette dernière menace de développer la déviation de telle ou autre tendance vers l'état anormal, que ce soit dans la direction du rêve ou du côté opposé. C'est en ceci que réside l'énorme différence entre ce qui est donné dans l'élément propre à la science spirituelle, et ce qui apparaît dans la science seulement intellectuelle, que les concepts mis en avant dans le domaine de l'intellectualisme sont beaucoup trop faibles — car dotées seulement du caractère d'image — pour agir en l'homme, pour pouvoir exercer sur lui une action thérapeutique. Les concepts propres à la science spirituelle par contre, sont tels, qu'ils sont extraits de l'homme tout entier. A la formation des concepts de science spirituelle n'a effectivement pas seulement participé activement le cerveau, mais le poumon et le foie et le cœur et l'homme entier, et ce que ces concepts possèdent à partir de la force de l'homme tout entier, cela colle à eux, cela les imprègne, peut-on dire, dans un processus d'élaboration d'un relief propre. Et s'en imprègne-t-on, se les approprie-t-on par le bon sens au moyen d'une acquisition lucide de connaissances, que ces concepts agissent de nouveau en retour de façon hygiénique sur l'homme dans sa totalité. Voilà ce qui peut, partant de la science spirituelle, intervenir activement dans l'élément d'hygiène en montrant une voie à suivre, intervention conçue comme étant du ressort social.

Mais c'est d'une façon encore bien plus diversifiée— je ne peux extraire que des exemples — que la science spirituelle interviendra en tant que guide dans toute la vie thérapeutique de l'humanité, lorsque cette science spirituelle prendra un jour réellement pied, dans tout son sérieux, parmi l'humanité.

Je veux seulement indiquer une chose. Aux chapitres qui doivent toujours et sans cesse être étudiés par la science spirituelle, appartient le rapport de l'homme en état de veille à l'homme en état de sommeil, appartient l'énorme différence résidant entre les organisations humaines au cours de la veille et du sommeil. La façon dont l'esprit et l'âme se comportent au cours de la veille lorsqu'ils se pénètrent mutuellement dans les éléments corporel et spirituel et psychique de l'homme, la façon dont ils se comportent lorsqu'ils sont temporairement séparés comme c'est le cas lors du sommeil, tout cela est soigneusement étudié précisément par la science spirituelle.

Cela étant, je ne peux, pour ainsi dire, que livrer une certaine affirmation à titre d'information, qui toutefois est un résultat tout à fait avéré de la science spirituelle. Nous voyons surgir dans la vie ce que l'on nomme maladies épidémiques, des maladies qui s'emparent de masses entières de personnes, qui constituent donc à part entière une affaire sociale simultanée. La science habituelle matérialiste les étudie à l'organisme humain physique. Elle n'a aucune idée de l'énorme importance qui, justement pour les épidémies ainsi que pour les dispositions aux maladies épidémiques, réside en la position anormale de l'homme envers la veille et le sommeil. Ce qui se déroule dans l'organisme humain au cours du sommeil est quelque chose qui, si cela se déroule à profusion, prédispose à un haut degré pour ce qui s'appelle maladies épidémiques. Les hommes qui se procurent par un sommeil trop long des processus au sein de leur organisme, et qui ne devraient pas y être, vu que le sommeil ne devrait pas interrompre si longtemps l'état de veille, ceux-là sont tout autrement prédisposés aux maladies épidémiques, et ils s'insèrent également dans les épidémies d'une toute autre façon.

Vous pouvez à présent juger par vous-même de l'importance à éclairer les hommes sur la répartition correcte entre sommeil et veille. Vous ne pouvez pas y parvenir par des prescriptions. Vous pouvez parfaitement prescire aux gens de ne pas envoyer leurs enfants à l'école si ceux-là ont la scarlatine, mais vous ne pouvez pas tenir des conférences lorsque sévit la grippe: car là, les gens ont une position de rejet, car, bien sûr, les hommes de nos jours penchent vers la «liberté», je veux dire que le «sentiment d'autorité» n'est pas aussi grand que jadis; les gens ont donc cette position de rejet. Je ne dis pas qu'ils n'ont pas raison dans ce refus; je n'ai rien contre ce qui advient de cette façon-là, mais il vous est impossible de prescrire aux gens de façon similaire: vous devez dormir sept heures. — Et tout de même, il est plus important que ne le sont les autres prescriptions, que les hommes, qui en ont besoin, dorment sept heures, que les autres, qui n'en ont pas besoin, n'aient le droit de dormir que bien moins, etc. Mais les choses qui sont liées de façon si intime avec ce qui est de plus personnel en l'homme, celles-là ont de façon grandiose une action sociale. C'est effectivement du plus intime en l'homme que dépend la façon dont les conséquences sociales s'extériorisent, si, à titre d'exemple, une population plus grande ou plus réduite est soustraite à telle ou autre profession, ce qui induit éventuelllement une action accomplie à un tout autre endroit ou l'absence d'une telle action. Et l'hygiène intervient en fait de façon extrêmement marquante dans la vie sociale. Et tout à fait indépendamment de ce que l'on pense de la contagion ou de la non-contagion, cet élément intervient, lors des épidémies, dans la vie sociale. Là, il vous est impossible d'agir par des prescriptions extérieures, là, vous ne pouvez agir que si vous introduisez dans la société des hommes un public de profanes, qui se dresse avec une compréhension humaine devant le médecin agissant avec discernement dans le domaine de la prophylaxie, situation dans laquelle peut toujours apparaître une action commune fructueuse pour la sauvegarde de la santé, action entre l'homme du métier muni de sa compréhension de spécialiste, et le profane muni de sa compréhension sur le plan humain.

Lorsque nous embrassons d'un regard global toutes ces choses, alors nous nous dirons: Nous avons relaté ici un aspect de l'hygiène en tant que problème social, qui dépend, de la façon la plus éminente, de l'existence d'une vie spirituelle libre qui soit la nôtre, du fait d'avoir effectivement une vie spirituelle, où, au sein du domaine spirituel, ceux qui se consacrent à cultiver cette vie spirituelle — même dans la mesure où cette vie s'étend dans des domaines pratiques telle l'hygiène— soient parfaitement indépendants de tout le reste qui n'est pas issu d'une pure acquisition de connaissances elle-même, de la culture de la vie spirituelle. Ce qu'un particulier peut accomplir pour le meilleur de ses prochains, cela doit ressortir tout seul de ses capacités, aucune norme d'Etat n'ayant le droit de le dicter, aucune dépendance des puissances économiques n'ayant pas davantage le droit d'exister; cela doit être placé dans la sphère de dépendance personnelle de chacun, et doit encore être placé dans la confiance, pleine de compréhension, que peuvent apporter au-devant de l'être humain muni de capacités ceux qui ont besoin de l'application de ces capacités. On a besoin alors d'une vie spirituelle indépendante de tout principe d'autorité, d'Etat et d'économie, d'une vie qui agit d'elle-même de façon compétente exclusivement à partira des forces spirituelles. C'est précisément lorsque vous aurez pénétré par votre réflexion ce qui peut véritablement faire de l'hygiène quelque chose qui soit intimement lié à une acquisition pénétrante de connaissances par l'homme, et à un pénétrant comportement social humain, que vous trouverez alors que — peu importe ce que des théories abstraites peuvent dire contre la position indépendante de la vie spirituelle — lorsque l'on aborde avec compétence un embranchement isolé, comme l'hygiène, que c'est précisément le domaine concret et particulier de la spécialité qui exige — et ce qui peut être montré pour l'hygiène pourrait également l'être pour d'autres domaines — que l'esprit soit pris en compte par ceux qui participent à sa culture, que ce ne soient pas seulement les spécialistes, siégeant en tant qu'experts auprès des ministères, qui soient les gérants de cette vie spirituelle, mais que ce soient également ceux qui sont actifs au sein de la vie spirituelle, qui soient les gérants de cette vie spirituelle, et qui doivent en être les seuls gérants. Et alors, lorsqu'une hygiène, fondée réellement en tant qu'institution sociale et issue de véritables vues à partir de la vie spirituelle libre, sera là, alors on pourra travailler sur le plan de la vie économique tout autrement pour cette hygiène, et précisément dans une vie économique indépendante, dans une vie économique qui soit bâtie comme je l'ai indiqué dans mes«Points centraux du problème social», comme cela a été relaté de façon réitérée dans les périodiques au service de cette idée de tripartition de l'organisme social, par exemple dans l'organe suisse «L'avenir social» édité par M. Boos.

Lorsque effectivement ce qui est latent, ce qui repose au sein de la Société humaine en tant que forces pour la culture de la chose hygiénique, lorsque cela sera reçu par la Société avec une compréhension sur le plan humain, lorsque cela deviendra ordre universel, alors pourra être introduit dans la vie économique, dans la vie économique indépendante tout ce qui, à partir de cette vie économique indépendante, et sans aucun égard à de quelconques dépendances des impulsions commerciales ou des impulsions d'Etat, peut travailler uniquement à partir de cette vie économique indépendante, ce qui doit être cultivé au service d'une hygiène authentique, véritable, à partir de la vie économique. C'est alors que pourra également — et seulement à ce moment-là — pénétrer dans la vie économique cet élément de noblesse généreuse, qui est nécessaire pour que l'hygiène puisse être cultivée dans la vie de l'homme. Lorsque règne le seul sens commercial de notre vie économique qui a de plus en plus tendance à être incorporée à l'Etat unitaire, et qu'existe l'opinion générale qu'il est nécessaire de produire ce qui procure le plus de gains, alors ne peuvent se faire valoir les impulsions, prenant appui sur elles-mêmes, d'une vie spirituelle libre cultivée également dans ce domaine-ci de l'hygiène. Alors cette vie spirituelle deviendra dépendante de l'élément étatique ou économique hors l'esprit, alors, l'élément économique deviendra maître du spirituel. L'élément économique n'a pas le droit de devenir maître du spirituel. Cela apparaît le mieux lorsqu'on doit produire ce qui est exigé par l'esprit dans la vie économique, lorsque l'on doit se mettre au service d'une authentique, d'une véritable hygiène. Les forces de la vie économique, de la vie économique libre, s'ajouteront, au sein de l'organisme social structuré suivant la tripartition, à la compréhension qui deviendra chose publique, s'ajouteront à la compréhension humaine qui deviendra chose publique dans l'organisme social tripartite. Et si d'un côté les hommes se tiendront au sein d'une vie spirituelle libre, dans laquelle pourra être cultivée une hygiène basée réellement sur le terrain de la compétence, et si de l'autre côté les hommes auront développé cette noblesse généreuse au moyen de celle au sein de la vie économique, où à nouveau chacun ira alors avec compréhension au-devant des productions, mais avec une compréhension ne venant pas seulement du sens du profit mais des vues pénétrantes se formant dans le libre mouvement spirituel de l'hygiène, alors, lorsqu'un jour cette compréhension sociale humaine pleine de vues pénétrantes sera là, donc cette noblesse humaine qui voudra travailler sur le plan économique, vu que tout simplement il y a lieu de servir par l'hygiène et au sens social l'humanité, alors les hommes se retrouveront communautairement et de façon démocratique dans des parlements et autres assemblées. Car c'est à ce moment que sera forgée à partir de la vie spirituelle libre la vue pénétrante dirigée vers la nécessité d'une hygiène en tant que phénomène social, sera forgée pour ce qui, sera forgée pour la culture de ce qui est nécessaire pour l'hygiène en tant que problème social, par la vie économique portée par l'élément compétent et technique, au moyen de la noblesse généreuse qui y sera développée; à ce moment-là, les hommes devenus émancipés pourront négocier sur le terrain de la vie économique d'une part à partir de leur vue pénétrante et de leur compréhension humaine, et d'autre part à partirde leurs rapports à la vie économique au service de l'hygiène. A ce moment-là, les hommes pourront négocier, en tant qu'égaux sur le terrain de la vie d'Etat, de la vie juridique ou économique, les mesures qui pourront être prises en ce qui concerne l'hygiène et la médecine publique. A ce moment-là, ce ne seront certes pas les profanes, les dilettantes qui guériront, mais c'est avec compréhension que l'homme devenu émancipé se tiendra en face d'un égal qui lui dira ceci ou cela: ,;n face du médecin compétent dans son domaine. Mais la possibilité est offerte au profane par sa compréhension de l'homme, compréhension qui est cultivée dans la vie sociale ensemble avec le médecin, d'aller avec compréhension au-devant du savoir professionnel de façon, telle, que ce profane, au sein du parlement conçu démocratiquement, ne dira plus «oui» uniquement aux faits d'autorités, mais dira «oui» par une certaine compréhension.

C'est justement lorsque nous suivons avec objectivité, dans un tel domaine particulier, la façon dont agissent ensemble les trois membres de l'organisme social tripartite, que nous trouvons alors toute la justification de cette idée de tripartition de l'organisme social. On peut combattre cette idée de tripartition de l'organisme social lorsqu'on l'a saisie, au départ, de façon encore abstraite.

Voilà, je ne pouvais pas aujourd'hui vous donner plus qu'une esquisse de ce qui résulte dans un domaine particulier et concret—comme c'est le cas de l'hygiène lorsqu'on déroule des pensées correctes à son sujet —, pour la nécessité de la tripartition de l'organisme social. Mais lorsque les chemins que je n'ai pu, pour ainsi dire, qu'indiquer aujourd'hui dans léur commencement, seront poursuivis plus avant, alors on s'apercevra que, il est vrai, celui qui aborde à l'aide de quelques concepts abstraits ce qui est là en tant qu'impulsion de l'organisme social tripartite, peut d'une certaine manière le combattre. En règle générale il propose des raisons que l'on s'est depuis longtemps faites à soi-même. Mais celui qui, avec une compréhension intérieure totale, prend en compte les domaines particuliers de la vie en prenant également en compte la vie qui peut s'en dégager avec tout ce qu'il y a d'individuel que ces domaines apportent dans la vie humaine — c'est d'eux dont il s'agit dans la vie communautaire sociale —, celui qui comprend véritablement tant soit peu les choses d'un domaine concret de la vie, celui qui se donne de la peine à comprendre quelque chose d'une vraie pratique de la vie dans un domaine donné, celui-là sera de plus en plus orienté dans la direction qui est indiquée par l'idée de tripartition de l'organisme social.


En vérité, ce n'est pas à partir d'un rêve, ce n'est pas à partir d'un idéalisme abstrait que cette idée a jailli; elle a jailli en tant qu'exigence sociale des temps présents et de l'avenir immédiat, précisément à partir d'une considération, concrète et conforme à l'état des choses, des domaines particuliers de la vie. Et à nouveau, lorsque l'on pénètre ces domaines particuliers de la vie avec ce qui agit en soi à partir de l'impulsion pour la tripartition de l'organisme social, on trouve alors, pour tous ces domaines, ce qui, d'après mon impression, est justement aujourd'hui plus que nécessaire. Et ce ne sont que quelques indications que je voulais vous donner ce soir sur la façon dont ce qui résulte pour la vie sociale à partir de la science spirituelle, c'est-à-dire la tripartition de l'organisme social, peut fructifier ce qui de nos jours est reçu au moyen d'une soumission entièrement aveugle basée sur la foi en l'autorité, indications que je voulais vous donner sur le fait que cela pénètre de sa vie au sein de la société humaine à partir d'une compréhension humaine cultivée socialement au sens véritable du terme, pénètre en tant que fait social. C'est pour cette raison qu'on a le droit de dire: Au moyen de la fécondation, que le domaine de l'hygiène peut recevoir d'une médecine fécondée par la science spirituelle, cette hygiène précisément peut devenir un fait social, véritablement social. Elle peut devenir de façon éminente, et même à de hauts degrés, affaire du peuple, menée démocratiquement.

(traduit de l'allemand par Frédéric C. Kozlik)