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La grande réinitialisation

Une considération au sujet de la confrontation autour du livre : Covid-19 : La grande réinitialisation

Stephan Eisenhut

Trad. FG à partir de celle de Daniel Kmiecik
(Version allemande payante cette fois-ci)

La doctrine sociale catholique agit encore aujourd’hui — quand bien même pas toujours ouvertement — dans une forte mesure sur la structure de l’organisme social. L’article suivant montre que chez Klaus Schwab, fondateur du Forum Économique Mondial, ces idées se trouvent à l’arrière-plan et sont à reconnaître dans son ouvrage Covid-19 : The Great Reset. Il est vrai qu’à l’intérieur du catholicisme, il y a un courant fort qui s’oppose à l’agenda qui lui est associé. Dans une exploration plus précise, il se révèle que les arguments de celui-ci ne sont pas en partie infondés. D’une manière analogue, Rudolf Steiner, voici il y a plus de cent ans, a déjà renvoyé à des évolutions qui doivent apparaître avec une certaine nécessité, à partir d’une perspective de science de l'esprit. Mais chez lui, ces évolutions mènent à de tout autres nécessités de reconfiguration que les représentants de l’Église pourraient se les représenter.

Nous vivons dans des temps d’une « grande réinitialisation». La totalité de l’économie mondiale doit être posée sur une nouvelle base. Le système actuel qui se fonde sur l’idéologie du néolibéralisme, dans lequel aussi bien des entreprises que des états nationaux entrent en concurrence entre eux, a franchi la limite du supportable depuis belle lurette. Plus ce train continue de rouler dans une mauvaise direction, plus la santé du monde se voit irréversiblement menacée. Beaucoup de forces directrices issues de la politique et de l’économie savent cela. L’Église en parle aussi. Pour cette raison, on y travaille à un concept déjà depuis des années, lequel est censé permettre une politique d’ordre global. Le nationalisme ouvertement « America-first » d’un Donald Trump, qui a aggravé encore plus les antagonismes mondiaux, donne l’exemple d’un contre-modèle à ce concept. Avec une victoire électorale définitive et confirmée de Joe Biden, le plus grand obstacle pourra en être écarté, du moins beaucoup l’espèrent ainsi, en vue de transposer le nouveau concept. Par surcroît, le besoin de régulation apparu par la pandémie de covid-19 semble foncièrement convenir pour la transposition de cette nouvelle voie.

L’ouvrage de Klaus Schwab et Thierry Malleret : COVID-19 : « La grande réinitialisation » (1), donne un aperçu des domaines problématiques qui doivent être repris à l’avenir. Klaus Schwab n’est pas n’importe qui. Il est le fondateur du World Economic Forum (WEF) [Forum Économique Mondial (FÉM)] qui en janvier 2020 a connu sa 50e rencontre annuelle et est caractérisé comme la plus vaste plate-forme pour la collaboration des institutions publiques et privées. Tous les ans, se rencontrent à Davos des représentants des dirigeants issus de la politique et de l’économie, mais aussi de la science et de la culture. Lorsque son fondateur se tourne vers le public avec un ouvrage portant un tel titre, alors il faudrait être très clair-oyant. Car derrière les représentations qui y sont articulées, se trouve un pouvoir énorme d’imposition. Les objectifs qui sont attachés à cette « grande réinitialisation » devraient être éclairés ici (2).

La lettre au président

Or le chef du WEF n’est pas incontesté. Dès à présent une violente critique s’élève à l’encontre des représentations exposées dans cet ouvrage et sur le site du WEF — et ceci certes à partir de camps très différents (3). Dans l’opinion publique, une telle critique est déniée comme relevant de la théorie de la conjuration et du pinaillage ésotérique. Or qu’effectivement, il y ait foncièrement pour cela une occasion de le faire, cela ne doit pas être contesté. Par exemple, peu avant l’élection américaine, l’évêque Carlo Maria Virganò — autrefois ambassadeur du Vatican aux USA — a adressé une lettre à Donald Trump, dans laquelle il se réfère en détail au « Great Reset ». Il y impute un rôle au président qui, chez la plupart des gens, ne peut qu’entraîner un hochement de tête : Trump — qui résiste comme le rocher dans le déferlement des vagues, provoqué par les tempêtes du mal. Cet écrit chargé de concepts théologiques, donne donc l’impression de se ranger pas très loin du Qanon-Escapism (4).

Le 7 mai 2020 — et donc avant la parution de « La grande réinitialisation », Viganò avait déjà rédigé un appel intitulé « veritas liberabit vos ! » (« la vérité vous rendra libres ! ») (5) qui avait déclenché une indignation multiple à l’intérieur de l’Église. Trois jours plus tard, la conférence des évêques allemands prenait ses distances à son égard et faisait publier qu’il s’agissait en cela d’un « conglomérat de mythes de théoricien de la conjuration et de pseudoscience » (6). Pourtant Viganò, qui jouit d’un soutien de haut rang dans l’aile conservatrice de l’Église catholique, comme celui du cardinal de la Curie, Gerhard Ludwig Müller qui occupa, de 2012 à 2017, la fonction de « préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi — un organe qui prit naissance de l’inquisition romaine (7). Cela devrait donc au moins éveiller l’attention des catholiques, qu’un cardinal, qui était encore récemment chargé d’encourager et de protéger la foi et les us et coutumes de l’Église catholique, se muât soudainement, peu après son temps de fonction, en théoricien de la conjuration. Pour d’autres ce devrait être plutôt la preuve qu’ici sont à l’œuvre des gens qui vivent dans un monde QAnon.

La lettre au président rend le fait patent que dans l’Église catholique une lutte violente d’orientation fait rage. Or il vaut de comprendre celle-ci si l’on doit reconnaître la signature actuelle de l’époque. Pour utiliser une image : deux groupes rivaux naviguent sur deux embarcations différentes. L’un voit que l’autre s’approche très dangereusement du tourbillon de Scylla qui menace de l’engloutir, mais personne parmi les membres du second, cloués sur place en regardant les autres, ne s’aperçoit de son propre côté, qu’il est sur le point d’être englouti par les remous de Charybde.

Les critiques conservateurs du Pape François pourraient bien avoir raison en maints points, quoiqu’eux-mêmes fussent en train de se mouvoir au bord d’un autre abîme. Par exemple, Viganò écrivit :

Le but de la grande réinitialisation, c’est d’ordonner une dictature de la santé qui vise à la promulgation des mesures qui tuent la liberté en proposant derrière des promesses alléchantes de l’octroi d’une allocation de base inconditionnelle et de la remise des dettes individuelles. Le prix pour ces concessions du FMI sont le renoncement à la propriété privée et l’imposition d’un programme de vaccination contre le covid-19 et le covid-21, encouragé par Bill Gates en collaboration avec les plus importants consortiums pharmaceutiques. Abstraction faite des intérêts économiques énormes que fouaillent les préconisateurs du Great Reset et qu’accompagnera l’introduction de la vaccination avec l’exigence d’un passeport santé et d’une pièce d’identité numérique, et de ce fait un suivi permanent des contacts possibles, de l’ensemble de la population mondiale (8).

Et il accuse le Pape François de trahison au sujet de ce qui relève de la tâche véritable de l’Église :

Il est pleinement apparu au grand jour que celui qui occupe aujourd’hui le siège de Saint-Pierre a trahi dès le début son rôle, pour défendre et encourager l’idéologie globale et l’agenda de l’Église profonde (Deep church) qui l’a élu à partir de ses rangs (9).

Les critiques conservateurs rendent donc évident que le Pape et les cardinaux se trouvant derrière lui soutiennent la réinitialisation de l’économie mondiale, à laquelle aspirent des protagonistes du WEF. Le fait est que François, en août 2020, en appela pour cela à ce que les pays riches fissent preuve de solidarité avec les pays pauvres, pour procurer un accès à la vaccination contre le covid-19 à la totalité de la population mondiale. La réponse à cette pandémie dut pourtant être double : « trouver un remède pour ce petit, mais épouvantable virus, », mais aussi « guérir d’un autre gros virus, pour préciser, l’injustice sociale, l’inégalité des chances, la marginalisation et le manque de protection pour les plus faibles » (10). Pareillement le pape proposa une « allocation de base universelle » (11) aux membres des mouvements et organisations populaires dans sa lettre de Pâques. En mai 2019, déjà il avait entrepris une percée pour le globalisme et exigé la création d’une commission juridiquement constituée pour imposer les objectifs des Nations Unies en vue d’un développement durable et transposer la politique contre le changement climatique (12).

Tous ces objectifs se retrouvent aussi dans l’ouvrage Covid-19 : "La grande réinitialisation". Certes, Schwab et Malleret ne parlent pas une seule fois de la doctrine sociale catholique. Celui qui s’y retrouve dans la conceptualité de ce même ouvrage remarquera que celle-ci y est opérante à l’arrière-plan. Les buts principaux formulés dans l’ouvrage résonnent tout d’abord de sorte qu’en vérité pour tout un chacun, l’être humain et l’environnement devraient être une préoccupation à avoir à cœur : le changement climatique est censé être stoppé et ceci est seulement possible si les états et les entreprises s’orientent vers un but communautaire supra-ordonné et agissent solidairement. Le néolibéralisme, qui s’édifie sur le principe que chacun s’efforce seulement à son bonheur, et l’égoïsme des États-nations ont empêché cela jusqu’à présent. C’est pourquoi il n’est pas étonnant que précisément à l’intérieur du parti Bündnis90: Die Grünen (Les Verts), ces idées-là engendrent une grande résonance.

Le livre s’articule en trois parties, à l’occasion de quoi, dans la première, qui occupe les 2/3 de l’ouvrage, il s’agit d’un nouveau démarrage de l’économie au niveau macro social. C’est justement le « grand bouleversement» qui s’accomplira dans les prochains temps, selon les auteurs. La deuxième partie traite de la réinitialisation dans l’industrie et dans les entreprises. À laquelle succède un chapitre de philosophie morale décrivant la réinitialisation qu’est censé effectuer chaque être humain. « La Grande réinitialisation », un point sur lequel les deux auteurs insistent avec modestie, est censée être purement et simplement comprise comme une sorte de « mélange entre un livre scientifique aisément compréhensible et un essai » et il ne veut ni donner « de recettes générales ni de recommandations pour un monde sur la voie d’une normalité nouvelle » (13). Mais qu’est-ce qui fait ainsi sortir un cardinal conservateur hors de ses gonds, au point de le voir s’exposer au soupçon de répandre des mythes de conjuration ? Pour cela, il ne faut pas se contenter de prendre cet ouvrage en considération, mais également aussi les acteurs déterminants qui se trouvent derrière le WEF.

Partenaires stratégiques dans le domaine pharmaceutique et des finances

Le site web du WEF donne là-dessus des renseignements exactscomme absolument tout ce qui part/sort de là est publié dans un esprit d’ouverture étonnant. Ici c’est tout d’abord la « communauté des partenaires stratégiques » qui est à regarder. Ce sont « cent entrepreneurs dirigeants, issus du monde entier, qui furent choisis sur la base de leur engagement pour une amélioration du monde », apprend-on sur le site web du WEF. Ceux-ci « croient en la vertu de la collaboration, pour activer et faire progresser des changements positifs, et travaillent étroitement avec le Forum Économique Mondial pour agir ensemble dans la mise en œuvre d’agendas industriels, régionaux et globaux. » (14) Si on clique sur une entreprise listée, ainsi on arrive à une autodescription.

Un partenaire stratégique important c’est l’entreprise pharmaceutique Johnson & Johnson. Sur le site du WEF, on apprend  :

J & J s’efforce d’améliorer l’accès et l’accessibilité à créer des communautés saines et un esprit sain, des corps et un environnement sain, accessible à chacun, et partout. L’entreprise associe le cœur, la science et la richesse fortuite pour améliorer la santé de l’humanité. (15)

Si l’on jette un coup d’œil à la rubrique Wikipédia de cette entreprise, on trouve en bas sous « critique » :

J & J a été mis dans de nombreux cas en relation directe avec une épidémie opioïde qui mena à une crise de système de santé en Amérique. En mai 2017, l’État de l'Ohio (États-Unis) porte plainte contre Johnson & Johnson et d'autres groupes pharmaceutiques pour dissimulation des risques d'addiction liés à la prise d'antidouleurs à base d'opiacés, au cœur d'une grave crise de santé publique. Selon la plainte, « ces producteurs de médicaments ont fait croire (...) que les opiacés n'étaient pas addictifs, que l'addiction était facile à surmonter ou qu'elle pouvait être traitée en prenant encore plus d'opiacés ». Le 26 août 2019, le tribunal a condamné J & J à verser 572 millions de dollars. Par la publicité trompeuse sur un antidouleur rendant dépendant à un haut degré, J & J a porté préjudice à la santé et la sécurité de centaines de milliers de citoyens de l’Oklahoma, est-il inscrit dans le jugement (16).

Si des firmes, qui récemment ont été condamnées pour ce genre de pratiques sans scrupules, ont été choisies par le WEF « sur la base de leur engagement en vue de l’amélioration de la situation du monde », alors le scepticisme du cardinal conservateur [de Monseigneur Viganò, donc, ndtDK] n’est peut-être pas si totalement infondé. D’autres géants pharmaceutiques, tels Novartis et Pfizer sont listés aussi comme des partenaires stratégiques. Mais d’autres partenaires stratégiques du WEF, n’éveillent pas non plus directement la confiance. Ainsi ceux du secteur financier, Black-Rock, par exemple, le plus grand gestionnaire de fortunes au monde, la banque Goldmann Sachs et la Deutsche Bank.

Argent héliporté (ou monnaie hélicoptère) et domaine financier

Cela étant, l’évêque Viganò affirme, dans sa lettre ouverte, que la promulgation de mesures qui tuent la liberté se glisse derrière des « promesses alléchantes de l’octroi d’une allocation de base inconditionnelle et de la remise des dettes individuelles ». De fait, Schwab et Malleret écrivent déjà dans l’introduction de leur ouvrage que des changements qui semblaient impensables avant la pandémie, par exemple de nouvelles formes de politique monétaire comme l’argent héliporté (servi directement « à table »), le contrôle/réglage de certaines de nos priorités sociales et le renforcement de notre quête du bien commun en tant qu’objectif politique, le concept d’équité [fairness en anglais dans le texte, pour « équité », ndtDK] gagnent la force d’impact politique, de mesures de bien-être et fiscales radicales ainsi qu’un nouvel ordre géopolitique drastique. (17)


La « monnaie hélicoptère » c’est de l’argent créé par la Banque Centrale et déversé sur la population, c’est-à-dire, conformément à l’image : « déversé » à partir d’un hélicoptère [à l’image des hélicoptères déversant de l’eau pour éteindre un incendie dans une zone inaccessible aux pompiers, ndtDK]. Cette idée serait « alléchante et réalisable » (18) commentent les auteurs dans leur chapitre sur la politique financière et monétaire. Le moyen le plus simple c’est que les états s’endettent en émettant des prêts d’état qui leur sont ensuite directement rachetés par la banque centrale. Mais cela ne fonctionnerait malheureusement pas de manière raisonnable. Car « Si tôt que les citoyens reconnaissent qu’il y a là une « poule magique aux œufs d’or », les politiques tombent sous le coup d’une pression violente et inexorable, à savoir celle d’en créer toujours plus et alors c’est l’inflation qui galope. » (19) Il est évident que cet argent hélicoptère, qui est ciblé sur un besoin parce qu’il doit être héliporté sur une population dont les sources de revenus ont été dérobées, doit être gouverné par des « gens qui savent » et qui ne sont pas influençables de sorte qu’aucune inflation ne survienne. Pour cela on aspire à une monnaie digitale à l’occasion de quoi les auteurs regardent vers la Chine avec envie : « Avec l’évolution d’une monnaie numérique en combinaison avec de puissantes et productives plates-formes de calcul, ce pays est en avance sur le reste du monde pour des années. » (20) De tels changements ne peuvent être développés qu’en collaboration avec le monde financier. D’où il est déjà indispensable d’avoir de nombreux partenaires stratégiques dans ce domaine. Mais eux aussi ont une énorme influence sur la manière dont cet argent est principalement créé.

Le fondement de notre système financier c’est de se couvrir par de la propriété : les banques accordent des crédits contre des garanties et créent sur ce chemin un argent de compte. Cela signifie que l’emprunteur donne en gage un droit de propriété qui a une valeur. Si celui-ci ne peut pas servir son crédit, alors la banque est autorisée à exploiter ce droit. Qu’est-ce qui se passe maintenant si les états introduisent de l’argent héliporté ? Soit ils doivent recouvrer des impôts plus élevés dans les pays riches, ou bien s’endetter pour pouvoir redistribuer l’argent à la population. Normalement les politiques choisissent ce second moyen. Les pays nettement endettés avec leur propre monnaie, et donc des pays qui ont chroniquement un bilan commercial négatif, en arriveront plus difficilement à pouvoir financer une allocution de base, parce qu’ils sont fortement renvoyés à acheter leurs prêts d’états à des investisseurs étrangers. Car ce n’est que par l’importation de capital que le déficit est compensé dans la balance des paiements d’un pays. Des emprunts d’État qui ne servent que dans le but de satisfaire les besoins de consommation de la population passeront rapidement pour des prêts rebuts.

Jusqu’à présent c’était toujours une catastrophe lorsque les prêts d’états en déficit chronique ne trouvaient plus de repreneurs sur les marchés financiers. Car dès lors les importations ne pouvaient plus être payées et face à la demande intérieure, il n’y avait plus suffisamment de produits. Étant donné que l’argent doit toujours être remis en circulation, la monnaie devait nécessairement s’effondrer. L’issue pour de tels pays c’était l’aide du Fond Monétaire International (FMI). Or celui-ci était très craint jusqu’à présent, à cause des mesures draconiennes de redressement qu’il imposait au pays pour l’octroi de crédits. La question c’est de savoir si le nouvel ordre politique, basé sur la solidarité parmi les états, qui est esquissé dans The Great Reset, s’accompagnera d’une autre politique du FMI.

Industrialisation 4.0

L’évêque Viganò affirme que le prix à payer pour les concessions du FMI sera « le renoncement à la propriété ». Comment en arrive-t-il à cela ? Selon toute apparence, il craint que les gouvernements qui sont tombés sous la dépendance de l’endettement en viennent nécessairement à des mesures qui conduiront à ce que des valeurs de fortune des petites et moyennes entreprises devront être cédées et donc transférées à une petite élite financièrement puissante. Pendant la crise de la corona, le FMI mit tout son zèle à soutenir des pays au moyen de conseils politiques, soutiens financiers, édification de capacité dans le domaine de la santé et remises de dettes pour les plus pauvres (23). À cela s’associait la sommation de mener à bonne fin, « des mesures de quarantaine, d’isolements et de confinements » (24), et donc des mesures qui, à l’heure actuelle, poussent les petites et moyennes entreprises à l’insolvabilité. Dans le même temps, le site du WEF nous donne des commentaires sur les avantages de la share economy [économie de partage, en anglais dans le texte, ndtDK] qui permet de ne plus avoir besoin de la propriété privée. On pourrait tout partager (23). À l’arrière-plan, se trouvent ensuite d’une manière nécessaire de puissants prestataires de services qui gèrent l’utilisation de la propriété.

Le problème c’est — et cela Schwab le voit très exactement — c’est que le modèle néolibéral que le FMI a suivi jusqu’à présent en arrive à sa limite, alors que la primauté du dollar ne peut plus être maintenue. Les USA devant pareillement veiller pour cela à ce que des investisseurs étrangers aient acheté leurs bons du Trésor pour financer leurs déficits chroniques de balance des paiements. L’investisseur principal ici fut la Chine qui déjà depuis un certain temps, tente de réduire ses stocks de bons du Trésor. L’argent couvert par la propriété dont ont profité massivement les USA depuis des décennies va vers sa fin. Le nouvel argent se basera sur « l’industrialisation 4.0 ». Celle-ci permet aux pays riches, en particulier les USA, de rapatrier des sites de production de nouveau chez eux. Car au lieu des petites mains asiatiques appliquées, ce sont aujourd’hui des robots qui produisent les biens de consommation. Dans l’esprit de Schwab, on pourrait parler ici d’une régionalisation des chaînes de créations de valeurs.

Avec l’élimination de l’argent couvert par la propriété, l’importance de la propriété privée est perdue pour les banques. Or ce sont précisément celles-ci qui devraient être plus résilientes pendant la pandémie, comme on l’apprend dans le deuxième chapitre de l’ouvrage The Great Reset. « Résilientes » signifiant ici pour Schwab, celles des entreprises qui transposent la numérisation de manière très sensée. [« résilientes » en français évoque une résistance aux chocs peut-être aussi pour les banques ? NdtDK > une capacité à se refaire après un choc, nuance ndtFG] De nombreuses entreprises sont tombées dans une crise de solvabilité et les banques doivent maîtriser cela (24). Chaque entreprise — c’est égal à quelle branche elle appartient — sera contrainte d’expérimenter de nouvelles manières de travailler au plan numérique. De nombreuses entreprises seront librement organisées dans un plus grand contexte organisationnel qui leur permettra d’avoir accès à des structures numériques plus efficientes. Les entreprises qui n’y parviendront pas échoueront (25). La propriété privée n’est certes pas supprimée de cette manière, mais elle se concentre pourtant dans les mains d’un groupe plus petit (26).

Pour les ecclésiastiques conservateurs, c’est là une vision d’horreur. Pour eux, liberté signifie que l’être humain entrepreneur dispose de la propriété privée des biens de production et en est individuellement responsable. C’est pourquoi ils ont un intérêt à une vaste dispersion de la propriété privée. Ils ont confiance que l’entrepreneur chrétien investira aussi cette liberté pour le bien commun, mais il échouera néanmoins avec un concept statique de propriété qui n’est plus justifié dans un monde globalisé (27). Le courant de gauche du catholicisme, par contre, veut s’engager pour les pauvres, il est vrai d’une manière qui sape toujours plus toute action auto-responsable. Dans cette mesure la critique des conservateurs est foncièrement justifiée, mais n’indique aucun moyen quant à la manière dont les problèmes sociaux et écologiques patents peuvent être maîtrisés.

Partenaires stratégiques dans le domaine numérique

Le site web du WEF, indique aussi Google et Facebook comme partenaires stratégiques. Les trois autres des GAFAM, comme on les désigne — Apple, Microsoft et Amazon — sont également des partenaires, mais n’ont pas le statut d’élus. Ces firmes sont en passe de contrôler l’ensemble de la structure numérique de la planète. Facebook avec son avance a édifié une monnaie numérique — le Libra — et déclenché ainsi une dynamique qui a accéléré la mise en place d’un euro numérique par la BCE. L’évêque Viganò redoute que l’introduction de la vaccination contre le covid-19 s’accompagne « de l’exigence de la mise en œuvre d’un passeport santé et d’un document d’identité numérique, avec le suivi des contacts permanents en temps réel de la totalité de la population du monde. » (28)

L’affirmation n’est pas si erronée que cela. Comme le rapporte Thomas Kruchem à la SRF [Schweizerische Radio- und Fernsehsender — Radio-télévision suisse] au sujet de l’organisation ID2020 [Digital Identity Alliance]. Sa contribution s’intitule d’une manière caractéristique : « La blockchain sait tout — la surveillance totale arrive-t-elle ? ». « ID2020 » est une « alliance entre consortiums de haute technologie comme Microsoft et Accenture et la fondation Rockfeller et d’organisations de secours comme CARE et l’alliance vaccinale GAVI. On compte parmi leurs partenaires de coopération, les USA, la Commission de l’UE et l’UNHCR [Agence des Nations Unies pour les Réfugiés]. » Elle planifie « en complément aux systèmes étatiques, une identité transnationale. Ici doivent confluer toutes les informations disponibles sur un individu : preuves de sa formation, de ses vaccinations, de sa situation financière, ses comptes chez Facebook, les données produites par son smartphone. » (29) « ID2020 » est censé être complétée par le projet « Known Traveller Digital Identity » (KTDI) du WEF qui va permettre de voyager sans papier : « Le voyageur KTDI est identifié spontanément par son visage, à l’aéroport ou bien par l’agence où il loue sa voiture, tandis qu’affluent toutes les informations nécessaires sur lui à l’arrière-plan. Et il est capable de franchir tous les check-points, sans contrôle justement » (30), Kuchem cite ainsi le directeur du projet KTDI. En combinaison avec un certificat de vaccination, cela conduira exactement au passeport-santé redouté par Viganò, dans lequel la protection des données deviendra une vulgaire farce, parce que l’individu dans la situation où il se trouve en général, sera invité à donner librement toutes ses données.

Klaus Schwab et son co-auteur se confrontent, dans "La grande réinitialisation", aux dangers de la surveillance par les données numériques. Ils sont d’avis que la pandémie « peut inaugurer l’ère d’une surveillance active de la santé » (31) et tombent en admiration devant l’efficience des pays asiatiques dans ce domaine (32). Et comme mentionné, le WEF travaille en vue de développer ici des techniques efficientes. Néanmoins, ils voient bien qu’on pourrait faire un usage abusif extrême de ces techniques. Mais étant donné « qu’à l’époque d’après la pandémie, la santé personnelle et le bien-être des êtres humains auront une priorité bien plus forte dans la société », le génie qui fut une fois libéré de la lampe magique de la surveillance technique, « ne pourra jamais plus y être de nouveau renfoncé de force. » (33) La question de savoir si une dictature de la surveillance sera mise en œuvre, telle que celle décrite par l’historien israélien Yuval Noah Harrari, dans un article que les auteurs citent, deux pages auparavant, ou bien si réellement elle sera utilisée pour le bien de l’être humain, celle-ci relèverait « nonobstant des responsabilités des gouvernants et de chacun d’entre nous, pour contrôler et utiliser les avantages de la technologie sans offrir en compensation nos valeurs de libertés individuelles et collectives. » (34)

Chez celui pour qui les personnalités dirigeantes qui activent fortement la progression de cet agenda n’éveillent aucune confiance, celui-là doit bel et bien partir du fait que ce processus débouchera tout droit dans une dictature de la santé. L’évêque critique parle quant à lui de « personnalités sans scrupules qui financent le forum économique mondial et l’event 201 et en précipitent fortement l’agenda » (35). Étant donné que la « Bill & Melinda Gates foundation » est le sponsor principal de l’Evénement 201 [Event 201, en anglais dans le texte] devrait être clair ce à quoi est pensé ici.

Bill Gates et l’« Event 201 »

Dans les médias dominants, on ne cesse de se plaindre que Bill Gates devient la cible d’obscurs théoriciens de la conjuration. (36) Il est vrai que ces médias dominants devraient s’interroger pour savoir si eux-mêmes n’y ont pas aussi contribué. Un exemple, le dimanche de Pâques 2020, dans les «tagesthemen» [thèmes du jour] une interview est réalisée de lui dans laquelle il commente, entre autres, une recherche sur un vaccin contre le covid-19. Des risques de sécurité à prendre très au sérieux en période de recherches accélérées y ont été aussi évoqués. Dans ce contexte surgit la phrase : « Nous administrerons le vaccin qui est à développer finalement pour 7 milliards d’êtres humains » (37). L’interview n’a pas seulement fait naître de l’indignation chez ceux qui s’opposent de manière critique à la vaccination, car elle fut aussi déclarée problématique dans sa mise en scène. En effet l’émission commença par des images du pape François, lesquelles furent accompagnées par le commentaire suivant du modérateur : « Le pape François fait le signe de bénédiction urbi et orbi — à la ville de Rome et à la Terre — ; et il était alors presque tout seul dans la basilique Saint-Pierre en ce dimanche de Pâques. Car le reste du monde devait rester à l’extérieur en temps de crise du corona. François mit en garde contre les égoïsmes nationaux dans la crise du corona et c’est ce que fit aussi Bill Gates dans l’interview de l’émission « tages-themen [sujets du jour] ». » (38) À l’exemple de la communauté de Juliers [arrondissement de Düren, district de Cologne ndtDK], il fut montré comment le service divin de l’office de Pâques, peut aussi être célébré de manière numérique. Après un compte rendu sur la gestion de la crise en Afrique qui s’acheva par des images de Bill & Melinda Gates en pleine action charitable, on en vint à l’interview comme contribution principale à l’émission.

Le langage des images est évident : au Représentant solitaire, abandonné à lui-même et impuissant du Christ, succéda donc le visionnaire de l’avenir, celui qui apportait le salut et veillait à combattre la détresse avec un vaccin qui sauve. Qu’ici on mît en place matière à des théories de la conjuration, mais surtout que cela éveillât la colère des catholiques conservateurs, cela devrait être évident pour tous ceux qui savent l’effet des images sur la vie du sentiment.

De même l’exercice pandémique « Event 201 », qui fut exécuté à New York le 18 octobre 2019 avec une distribution des rôles de haut rang, offrit une riche opportunité aux théories de la conjuration. Paul Schreyer, dans son ouvrage « Chronik einer angekündigten Krise [Chronique d’une crise annoncée] » en a délivré les résultats par son investigation appliquée. (39) Ce n’est en rien extraordinaire en soi que des porteurs décisionnels sociétaux se préparent aux crises éventuelles, comme des pandémies ou autres catastrophes, au moyen d’exercices de prévention. Au contraire : cela fait partie de leurs tâches que d’envisager ainsi des mesures et précautions anticipées à prendre. Mais l’exercice « Event 201 » permit de relever quelques anomalies :

Au contraire des exercices précédents, qui avaient été organisés par le Johns Hopkins Center for Health Security, pour la première fois le WEH et la Bill & Melinda Foundation se trouvaient être les co-organisateurs. (40)

Il n’y eut pas, comme auparavant, de débats ni de votes au sein des gouvernements, mais expressément une collaboration directe des gouvernements avec les consortiums globaux pendant une pandémie.

Les consortiums participants sont le plus souvent des « partenaires stratégiques » du WEF, (par exemple le consortium pharmaceutique Johnson & Johnson qui était représenté par son vice-président Adrian Thomas)

Y fut précisément simulée une pandémie « au corona » qui débuterait donc en Chine, laquelle pandémie, d’une manière irritante s’y déclencha effectivement dans le réel aussi, deux mois plus tard, ce qui fit l’objet d’un débat lors de la 50e rencontre du WEF.

Des fonctionnaires de haut niveau des autorités spécialisées dans les épidémies, tant chez les Chinois que chez les USA, participaient à l’exercice.

On s’y exerça expressément dans la manière de pouvoir faire face aux théories de la conjuration afin de contrer particulièrement celles qui affirmeraient que le virus fût lui-même disséminé par l’industrie pharmaceutique.

La stratégie de communication en vue d’orienter l’opinion publique fut manifestement exercée avec un succès certain. (41) Car on parvint effectivement :

à laisser intervenir des « représentants corrects » provenant des médias traditionnels afin de répandre « notre côté de l'histoire de l’histoire », comme le fit remarquer Hasti Taghi, la vice-présidente du troisième plus grand consortium médiatique du monde, la NBC Universal ; (42)

d'"inonder" la scène publique de ses propres arguments, comme l'a dit Avril Haines, l'ancien directeur adjoint de la CIA, au cours de l'exercice ; (43)

à transposer une stratégie de communication centralisée, avec laquelle le message homogène fut apporté à l’opinion publique par les représentants convenables des ONG et des organisations de la santé, et d’ailleurs internationalement coordonné comme l’exigea Matthew Harrington, président de Edelmamn, la plus grande agence de relations publiques du monde (44) et en même temps conseiller de Microsoft ;

à poser des « incitations » qui menèrent à ce qu’une grande partie des gens « modifièrent leurs comportements » et certes dans la direction, « que nous voulions qu’ils prennent » (45), comme l’avait exigé Jane Halton, ex-ministre de la Santé et des Finances australiennes, ayant par la suite assuré une fonction de direction auprès de l’OMS et actuellement présidente de la Coalition for Epidemic Preparedness Innovations (CEPI) [coalition en vue de préparer les innovations épidémiologiques] une coalition initiée précisément par la fondation des Gates.

S’il est dit dans les recommandations publiées s’y rattachant : « Les entreprises des médias devraient s’astreindre de leur côté à veiller à ce que les communiquées officiels soient admis et à ce que les faux communiqués soient repoussés, y compris à l’aide de la technologie » (46), alors un coup d’œil en arrière sur 2020, ne peut qu’inciter au grand respect, quant à la force d’imposition avec laquelle de telles recommandations furent effectivement transposées et dûment suivies.


La santé du monde et les consommateurs

Le problème de base pour la santé de notre monde c’est le consommateur. Nous ne pouvons plus produire la consommation sans frein du passé par une croissance constante de la population mondiale. Le nord global a toléré un ordre économique, dans lequel est exigée une augmentation systématisée de la consommation. Cette augmentation est aussi favorisée par les 193 états de cette Terre. Or c’est le système du néolibéralisme que combattent aussi bien Schwab (47) que le pape François (48). Selon leur opinion, l’avenir repose dans une conduite qui se place en réseau de forums dialogiques et dans le capitalisme Stakeholder [dépositaire d’enjeux] dont Schwab se considère comme l’inventeur (49). Le WEF en tant que plus grand forum dialogique pour les forces d’avenir aspire par conséquent à un nouvel ordre mondial, dans lequel capitalisme et socialisme doivent fusionner pour créer un modèle économique et social productif et intégratif ». (50) Cela requiert d’améliorer la coordination entre le secteur public et celui privé. Et cela exige la transposition d’une politique d’ordre global.

La large masse, ainsi le rend lisible Schwab, dans la troisième partie de « La grande réinitialisation », a besoin d’être guidée d’en haut. Précisément les lockdowns [confinements stricts] de la pandémie du covid-19 peuvent ici donner l’instigation la plus déterminante pour en arriver à un « persönlich Neustart » [nouveau démarrage personnel] vers une normalité nouvelle et en vue de modifier des habitudes de consommation. Les entreprises ont besoin d’instigations par la politique pour que leur Neustart réussisse au niveau-micro social et deviennent ainsi plus « résilientes », c’est-à-dire qu’elles se montrent à la hauteur des exigences toujours plus fortes de la numérisation. Les états à leur tour ont besoin d’une direction d’en haut, afin d’en recevoir des instigations en vue d’organiser leur politique économique de sorte qu’ils collaborent de manière solidaire entre eux en vue de relever les défis sociaux et écologiques. Pour cela il faut un organe supra-ordonné, qui puise articuler et aussi imposer les buts de la communauté. C’est précisément en cela que l’ordre politique global du passé a échoué.

Le courant conservateur, plus à droite, du catholicisme a toujours insisté sur la liberté de l’individu et posé en cela la fonction socialement éthique de l’eucharistie. Au travers elle, la vertu unissante de Dieu afflue dans la communauté. La solidarité ne doit plus être atteinte au moyen de l’inimitié à l’égard d’un tiers, mais au moyen de « l’union en Dieu ». C’est pour cette raison que le pape Jean-Paul II a conféré à son encyclique Sollicitudo rei socialis une fonction sociale et éthique importante (51). Le courant progressif, plus à gauche, du catholicisme — auquel Schwab appartient manifestement et que le pape François défend — est en quête d’un moyen d’intervention plus fort. La pandémie survient à l’instar d’un cadeau divin. (52) Car à présent une autorité de santé mondiale peut être dotée de compétences et de pouvoirs pour articuler des objectifs solidaires et les transmettre aux autorités de santé nationales. Si cela ne devait pas suffire, la pression du FMI pourrait aussi être exercée sur des états individuels. La guerre contre le virus engendre une force formatrice de communauté. En correspondance à cela, les auteurs de « La grande réinitialisation », Schwab et Malleret, citent l’ancien secrétaire général de l’OTAN, Javier Solana : « Si ce que nous sommes précisément en train de traverser peut être caractérisé comme une guerre, ce n’est pas, çà coup sûr, une guerre typique. Car ici en l’occurrence, l’humanité à un même ennemi égal.  (53)» Cela contredit déjà l’interprétation conservatrice de la doctrine sociale catholique, car une solidarité est ici de nouveau atteinte/obtenue au moyen d’une adversité à l’encontre d’un tiers.

Une dissension intervient encore plus profondément entre les deux courants et elle est engendrée du fait que le courant de gauche semble être entré dans un pacte avec les courants de l’ouest — en étant même obligé finalement de faire avec le transhumanisme. Celui-ci aspire à une « amélioration de l’être humain par la technique. Son objectif c’est « l’être humain 2.0 », en surmontant largement ses limitations corporelles et en allongeant la durée de la vie dans une ampleur qui est aujourd’hui encore inimaginable (54). Le but de l’allongement de la durée de la vie requiert pourtant que la croissance de la population mondiale soit stoppée, ou selon le cas inversée. Des fondations fortement financées, telles que précisément la fondation Gates, la fondation Rockfeller et la fondation Ford, sont très actives dans le domaine du contrôle de la population — en particulier en Asie, Afrique et Amérique latine — à l’occasion de quoi leur activité la plus inoffensive représente la distribution de moyens anticonceptionnels. (55) Or c’est exactement dans cette activité que le courant de droite du catholicisme voit une intervention inadmissible dans l’œuvre de Dieu.


Direction et communion

Il est surprenant que Rudolf Steiner avait déjà prévu ce développement en détail dans l’année 1917. Il avait prédit qu’un courant matérialiste déterminé agirait depuis l’ouest qui mettrait à la place de la triade « Dieu, vertu et immortalité », la triade « or, santé et allongement de la durée de vie » à partir d’intérêts de groupes égoïstes » (56). C’est précisément sur la dépendance financière et de santé dans une acception matérialiste que les êtres humains devraient être rendus dociles afin de servir les intérêts de ces groupes. Dans cette observation de Steiner à l’époque il n’y avait pas grand-chose de ce qu’articulent aujourd’hui les porteurs de la dignité catholique critiques du pape. Seulement que cette foi que l’on puisse guider des humains du fait qu’on les laisse avoir part à l’esprit de Dieu par l’eucharistie. Par contre, Rudolf Steiner, lui, indiqua une voie sur la manière dont par la rédemption du penser, procédant à partir de son attachement corporel, un attachement/un lien individuel avec l’esprit vivant est possible. Dès 1884, il formulait déjà en effet : « Le perception intuitive immédiate de l’idée dans la réalité est la vraie communion de l’être humain. Le penser occupe la même signification et importance vis-à-vis de l’idée que l’œil vis-à-vis de la lumière, l’oreille vis-à-vis du son. C’est un organe de saisissement et de compréhension (57). » Il a poursuivi et organisé ces pensées dans l’ensemble de l’œuvre de sa vie. Il faut dire aussi que plus les êtres humains empruntent ce cheminement personnel, plus l’Église perd son monopole d’administration des vérités de la foi. L’être humain libre ne croit pas parce que son intuition lui prescrit quelque chose, mais au contraire parce que son sentiment de la vérité, au travers de la vertu du penser, est si renforcé qu’il sait lui-même [dans une présence réelle de l’esprit vécue dans l’acte du connaître, ndtDK] pourquoi il peut croire quelque chose ou pas. Il décrit ainsi un cheminement de la spiritualisation du penser. Et c’est seulement sur ce chemin qu’une configuration saine de la vie sociale peut se donner.

Dans son ouvrage paru en 1917, Des énigmes de l’âme, Rudolf Steiner développa, en confrontation à la pensée du grand connaisseur d’Aristote, Franz Brentano, qui venait juste de mourir à l’époque, l’idée d’une Dreigliederung/tri-articulation de l’organisme humain (58). Celle-ci aussi est une « perception vivante de l’idée dans la réalité ». Brentano fut consacré prête catholique, mais renonça à son sacerdoce parce qu’il ne pouvait pas accepter l’infaillibilité papale. Il avait accueilli ce défi, à savoir que l’âme humaine, dans une activité libre et individuelle, devait trouver une nouvelle relation avec l’esprit, mais il ne fut pas en mesure d’édifier le pont qui mène au monde spirituel. C’est dans une lutte remplie d’affection et d’admiration pour les idées de Franz Brentano que Rudolf Steiner posa dans le même temps les fondements pour l’idée de la Dreigliederung/tri-articulation de l’organisme social. On peut comprendre cela foncièrement au sens d’une parole du Christ : « Lorsque deux ou plus sont réuni(e)s en mon Nom je serai parmi eux » (Matth. 18, 20). Car l’âme spirituelle de Brentano, qui continue de vivre après la mort de son corps terrestre, aura suivi les efforts de Steiner avec un grand intérêt. La libre vie de l’esprit se développe dans un dialogue avec les idées, autour desquelles d’autres esprits ont déjà durement lutté pour les approcher. Et dans ce processus, ce qui importe, ce ne sont pas seulement ceux qui sont directement incarnés dans un corps terrestre. Au contraire : la relation avec les défunts dans ce contexte des idées deviendra toujours plus importante à l’avenir pour le développement d’une libre vie de l’esprit (59). Carrément dans une époque où la séparation des êtres humains incarnés ne cesse de croître chaque jour et qu’une authentique vie de l’esprit semble reculer et s’éloigner de plus en plus, il est important de placer de telles idées devant les yeux de l’âme. Tout être humain qui se confronte avec amour aux idées des autres construit un pont dans le monde spirituel. Il prépare ainsi une base de collaboration avec les entités spirituelles associées à l’entité-Christ dans la vie de la Terre. Ce terrain fécond grandit, d’autant plus que des êtres humains — les défunts inclus ! — se retrouvent. C’est précisément cela qui engendre l’effet que se promettent d’obtenir dans l’eucharistie les porteurs de valeur catholiques de droite : à savoir que de plus en plus d’êtres humains découvrent une orientation spirituelle qui prédispose à une collaboration solidaire.

Une libre vie de l’esprit ne peut pas œuvrer au moyen de la contrainte. C’est pourquoi elle ne doit pas intervenir non plus directement dans la vie juridique démocratique. Diriger par le moyen de la contrainte [et même par la suggestion subliminale, ndtDK] appelle aussitôt des contre-forces spirituelles. Les élites dirigeantes qui se réunissent dans le WEF, ne savent pas le plus souvent avec quelles forces elles se relient. Leur penser s’est séparé de leur sentir et de leur vouloir. Ce qu’elles promettent ne s’accorde pas avec ce qu’elles font ni ce qu’elles ressentent avec leurs paroles. L’apologie du corps physique et de la santé au sens matériel mène en réalité à la maladie et à la mort. L’union de l’être humain et de la machine n’arrêtera jamais cela. Néanmoins, Steiner voyait aussi dans ce lien une nécessité (60). D’une manière analogue à Schwab aujourd’hui, il reconnut qu’elle devait arriver. Mais aussi, que cette union peut être métamorphosée en quelque chose de salutaire, si les deux, l’être humain et la machine peuvent être placés au service des forces du Christ (61).

Notes

1 - Klaus Schwab & Thierry Malleret : COVID-19 : La grande réinitialisation - Klaus Schwab, Thierry Malleret - EAN : 9782940631131 - 316 pages - Éditeur : Forum Publishing - la pagination citée dans les présentes notes l'est dans l'édition allemande probablement.

2 - J’ai traité l’ouvrage et les arrières-plans du WEF aussi dans la vidéo 5 (en cours de traduction) : http://www.triarticulation.fr/Institut/FG/Articles/2020-00-000.html

3 - L’activiste environnementale renommé, Vandana Shiva s’est exprimée d’une manière critique sur les plans du WEF.
Voir https://childrenshealthdefense.org/defender/world-economic-forums-great-reset-plan-for-big-food-benefits-industry-not-people/

4 - QAnon est un groupe d’orientation extrême-droite qui répand aux USA depuis 2017 des théories de conjuration et qui voit en Donald Trump un champion contre le mal. Pendant la pandémie de la corona, ce groupe a rencontré de plus en plus de disciples en Europe.

5 - https://veritasliberabitvos.info/

6 - www.katholisch.de/artikel/25438-erzbischof-vigano-vom-nuntius-zum-verschwoerungstheoretiker

7 - Voir https://de.wikipedia.org/wiki/Kongregation_f%C3%BCr_die-Glaugbenslehre [Le pape « émérite », son ex-sainteté Joseph Aloisius Ratzinger, occupa lui-même cette fonction du temps de sa sainteté Jean-Paul II. Ndt]

8 -  https://katholisches.info/2020/11/02/deep-state-und-deep-church-der-offene-brief-von-erzbischof-vigano-an-uspraesident.trump/

9 - À l’endroit cité précédemment, soulignement en caractères italiques dans l’original.

10 -  www.vaticannews.va/en/pope/news/2020-08/healing-the-world-an-opportunity-to-build-something-différent.html

11 - www.catholicnewsagency.com/news/pope-proposes-considering-a-universal-basic-wage-80107

12 -  www.lifesitenews.com/news/pope-francis-calls-for-new-supranational-authorities-to-enforce-UN-goals

13 -  Klaus Schwab & Thierry Malleret : op. Cit., p.21.

14 -  www.weforum.org/communities.strategic-partnership-b5537725-fac7-4f8a9a4f-c89072b96a0d — mise entre guillemets de Stephan Eisenhut

15 - www.weforum.org/organiszations/johnson-johnson

16 - https://de.wikipedia.org/wiki/Johnson_%26_Johnson — Voir aussi www.spiegel.de/wirtschaft/unternehmen/opiod-epidemiejohnson-johnson-in-den-usa-zumillionenstrafe-verurteilt-a-12833786.html [Le passage en caractère « time new roman » est tiré de la version du wiki français à la référence suivante: https://fr.wikipedia.org/wiki/Johnson_%26_Johnson#Dissimulation_du_risque_d'addiction — les termes soulignés renvoient directement par un double « clic » aux rubriques du wiki en français ; il y a d’ailleurs quelques différences, qui ne sont pas de mon fait, à observer entre les deux versions allemande et française de wiki, pour lesquelles je ne veux pas ici être tenu pour responsable ! ; Par ailleurs, si l’on compare le vœu « immaculé » exprimé par la société en question dans le site du WEF à ce jugement, on observe qu’il y a un espèce de retour à la virginité mariale de celle-ci, comme à l’instar d’un « miracle papal ». ndtDK]

17 -  Klaus Schwab & Thierry Malleret, op. cit., p.20. [l’argent héliporté, est de la « monnaie hélicoptère», voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Monnaie_h%C3%A9licopt%C3%A8re/ ndtDK]

18 - À l’endroit cité précédemment, p.77.

19 - À l’endroit cité précédemment, p.78.

20 - À l’endroit cité précédemment, p.85.

21 - www.imf.org/en/About/FAQ/imf-response-to-covid-19

22 - https://deutsche-wirtschaft-nachrichten.de/505706/IWF-an-Weissrussland-Kredite-gibt-es-nur-bei-Ausgangssperren-undlockdown

23 - Ida Auken (membre du Parlement danois) : Welcome to 2030. I own nothing, have no privacy, and life has never been better [Bienvenue à 2030. Je ne possède rien, je n’ai plus d’intimité et la vie n’a jamais été meilleure] - www.weforum.org/agenda/2016/11/shoping-i-can-t-really-remember-what-that-is/

24 - Klaus Schwab & Thierry Malleret, op. cit., p.245.

25 - À l’endroit cité précédemment, p.249.

26 - Dans cette mesure, le néolibéralisme n’est donc pas non plus surmonté, comme l’affirme Schwab, mais carrément catapulté au sommet.

27 - Voir Stephan Eisenhut : Équité du prix — Dans la doctrine sociale catholique et dans l’idée du Dreigliederung de l’organisme social - Au sujet de la composition du « Cours d’économie politique » dans : Die Drei 6/2013, pp.43 et suiv. [Traduction française : http://www.triarticulation.fr/Institut/FG/Articles/SE08.html]

28 - Voir la note 8.

29 - https://www.srf.ch/kultur/gesellschaft-religion/digitale-identitaet-die-blockchain-weiss-alles-kommt-die-totale-ueberwachung

30 - Ebenda.

31 - Klaus Schwab & Thierry Malleret, op. cit., p.197. Pour préciser, ils écrivent : « pourrait inaugurer », mais ils affirment par ailleurs en même temps l’avoir démontré sans aucun doute là-dessus.

32  - À l’endroit cité précédemment, p.187.

33 - À l’endroit cité précédemment, p.202.

34 - Ebenda.

35 - Voir la note 8.

36 - www.stern.de/digital/bill-gates-wird-wegen-corona-zur-zielscheibe-von-verschoerungstheoretiker-9230422.html

37 - www.youtube.com/watch?v=fg8bSv1TQow — à la minute 17,27

38 - www.youtube.com/watch?v=fg8bSv1TQow à 20 s.

39 - Paul Schreyer : Chronik einer angekündigten Krise — Wie ein Virus die Welt verändern konnte [Chronique d’une crise annoncée — Comment un virus a pu transformer le monde] Francfir-sur-le-Main 2020, pp.93 et suiv.

40 - Ebenda.41 Voir la contribution essentielle de Johannes Mosmann sous : www.dreigliederung.de/essays/2020-10-johannes-Mosmanncorona-virus-mit-kuenstlicher-intelligenz-gegen-den-freien-geist-google-ki-fakes-news-eu-kommission - http://www.triarticulation.fr/Institut/FG/Articles/2020-10-001.html

42 - www.weforum.org/organizations/nbcuniversal-inc NBC

43 - Paul Schreyer : op. Cit., p.99,.

44 Www.weforum.org/organizations/edelman — Edelman est listée dans le partenariat.

45 « And think about what we know about incentivising the kind of behaviour thet we want to see » [Et pensent au sujet de ce que savons sur une motivation de la sorte de comportement que nous voulons voir] — Voir. www.youtube.com/watch? v=LBuP40H4Tko de al minute 20.36 à la minute 25.35

46 - www.centerforhealthsecurity.org/event201/recommendations.html — cité par Paul Schreyer : op.cit., p.99.

47 - Der Neoliberalisme hat ausgedient [Le néolibéralisme a fait son temps], interview avec Paul Schwab — www.zeit.de/wirtschaft/2020-09/corona-kapitalismus-rezession-wef-neoliberalismus-klaus-schwab?utm_rrer

48 - Pape François : Fratelli tutti, Enzyklika über die Geschwisterlichkeit und die soziale Freundschaft [Tous frères et sœurs, encyclique sur la fraternité et la sororité et de l’amitié sociale]alinéa 168 —

www.vatican.va/content/francesco/de/enciclicals/documents/papa-francesco_20201003_enciclica_fratelli-tutti.html

49 - Voir Stakeholder capitalism, a model I firste proposed a half-century ago, positions private corporations as trustees of society, and is clearly the best response to today’s social and environmental challenges. [Capitalisme dépositaire d’enjeux, un modèle que je proposai le premier voici 50 ans, situations de corporations privées comme confiances de société, et c’est clairement la meilleure réponse aux défis sociaux et environnementaux]. » — www.weforum.org/agenda/2019/12/why-we-need-the-davosmanifesto-for-better-kind-of-capitalism/

50 - www.weforum.org/agenda/202/07/great-reset-must-place-social-justice-centre/

51 - Voir Wolfgang Palaver : Solidarität in einer globalisierten Welt — Sozial-etische Konsequenzen aus der Glogalisierung (Solidarité dans un monde globalisé — Conséquences sociales et éthiques de la globalisation], Alinéas 59-65 —www.uibk.ac.at/theol/leseraum/texte/289.htmpl

52 - Le prince Charles vit — lors de son discours inaugural pour une réunion numérique du WEF — dans la pandémie, une chance pour le reset de l’économie globale — www.theguardian.com/uk-news/2020/jun/03/pandemc-is-chance-to-reset-global--economy-says-prince-charles

53 - Klaus Schwab & Thierry Malleret, op. cit., p.17.

54  - www.wired.com/beyond-the-beyond/2018/08/gartner-getting-transhuman-2018/55

55 - Voir Paul Schreyer : op ; cit., pp.102 et suiv.

56 - Rudolf Steiner : Les entités spirituelles individuelles et leur action dans l’âme de l’être humain (GA 178), Dornach 1982, pp.217 et suiv. in Être spirituel individuel et base universelle unitaire, Dornach, 25 novembre 1917 - conf. 9 du volume - éd. Triades

57 - Du même auteur : Introduction aux œuvres scientifiques de Goethe (GA 1), Dornach 1987, p.126. Soulignement en italique dans l’original.

58 - Du même auteur : Des énigmes de l’âme (GA 21), Dornach 1983, pp.78 et suiv. & pp. 050 et suiv.

59 - GA 178, pp.54 et suiv.  in  Le secret du double - Médecine géographique, St. Gall, 16 novembre 1917 & pp.131 et suiv. in Sir la psychanalyse - Dornach, 10 novembre 1917

60 - À l’endroit cité précédemment, pp.218 et suiv.

(61) - Remarque de F. Germani, comme "éditeur" : bien que cela pourra sembler choquant à certains ici, parce qu'ils ne verront pas directement le rapport avec cette chute ou fin du propos en appelant au rapport au monde de culture "religieuse" (lectorat oblige ?), l'auteur aurait probablement tout aussi bien pu l'orienter sur le concept de propriété développé par R. Steiner qui sous-temps toute sa proposition d'organisation sociale. Il s'agit là de sa proposition de propriété non monayable, comme plein droit, sa vie durant sur Terre, à une fraction réelle ou de signe, du moyen de production archétypique ou du "sol" de l'humanité, comme moyen-support terrestre d'une collaboration à l'autre, autant qu'il se peut libre et alors solidaire, de se plaçer au service du même. Ceci un peu comme ce qui plane à l'arrière plan de ses remarques sur l'oeuvre de Max Stirner : "L'unique et sa propriété". Ceci aussi pour illustrer de manière tout aussi sacrée l'enjeu présent pour celui qui a rompu avec cette expression là de la sacralité.                                                                                                                              Quaztzenheim 27/12/2020