triarticulation

Institut pour une triarticulation sociale
(contenu spécifique au site français)
Conditions d'utilisation.

Accueil

 

Deutsch English Dutch Skandinavisk Français Italiano Español Português (Brasileiro) Russisch
Recherche
 contact   BLOG  impressum 
retour sommaire
traduction BP au 11/10/2020


 III. Point de départ spirituel


Avant de poursuivre l’historique du mouvement de la triarticulation sociale en 1919, il convient de mentionner les trois conférences internes de Rudolf Steiner à Zurich, L’aspect intérieur de l’énigme sociale ( 26 ) (des 4 et 11 février et du 9 mars). Les deux premières eurent donc eu lieu en même temps que les quatre conférences publiques, d’importance mondiale, des 3, 5, 10 et 12 février à Zurich (dans l’auditorium de l’école Hirschengraben), qui traitaient du thème des Éléments fondamentaux pour la solution du problème social et furent ensuite publiées sous forme de livre en avril, en Suisse et en Allemagne, et bientôt aussi en Autriche.
Les conférences publiques, qui firent sensation, relevaient principalement des sciences sociales, mais furent également comprises politiquement en cette période révolutionnaire. Elles avaient leur origine dans un sérieux profondément ésotérique et un sens de la responsabilité pour toute l’évolution de l’humanité, comme le montrent les phrases citées ci-dessous. On sent ici la signification de l’heure du destin où Rudolf Steiner décida, dans une tentative de grande envergure, de faire appel à la compréhension de l’humanité. En fait, les personnes ouvertes d’esprit de l’époque, parmi lesquelles de très nombreux étudiants, étaient très enthousiastes quant à la force et à l’ampleur des idées avancées, qui étaient involontairement perçues comme une vision d’avenir pour la vie sociale humaine. Cependant, personne ne se rendit compte que cela permettrait de développer les objectifs de l’humanité qui devaient aider les impulsions chrétiennes à faire une percée, parce qu’elles étaient issues de l’essence vivante de la volonté du Christ lui-même. Au contraire, on tenta de vivre l’importance du moment selon son ressenti.
La nécessité de résoudre la question sociale n’a jamais été aussi brûlante que dans notre siècle, car les circonstances étaient différentes, notamment au moment de la venue du Christ sur la Terre. Surtout, la vie économique suivait un cours relativement simple, fait de commerce agricole et d’artisanat, alors que l’industrialisation moderne vient à peine de faire ressortir toute l’étendue des contrastes sociaux. Malgré cela, les impulsions pour un organisme social tripartite (triarticulé pour être précis -FG) se trouvent déjà dans les Évangiles. Par sa parole : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu », le Christ distingue clairement le domaine de l’État et la domaine de l’esprit. La doctrine chrétienne est fondée sur l’amour du prochain, qui permettra de dépasser progressivement le commandement de Moïse : « œil pour œil, dent pour dent ». L’idée de charité devra s’affirmer non seulement dans les relations entre les peuples, mais aussi dans la vie quotidienne, et créer des bases morales totalement nouvelles même dans la sphère économique et sociale. Une fois qu’on aura compris que l’on peut remplacer les pratiques commerciales égoïstes par un comportement humain, on comprendra la parabole des ouvriers de la vigne (Matthieu 20), où le don de l’amour récompense les ouvriers de manière égale, même s’ils n’ont pas tous travaillé le même temps. Outre le sens profond de cette parabole, où la vigne représente le Royaume des cieux, on peut en tirer comme leçon qu’il ne faudrait jamais payer les heures de travail, comme c’est le cas actuellement dans la sphère économique. Car la coopération d’une communauté de personnes exige une attitude complètement différente de celle que l’on obtient en payant les heures de travail. Rudolf Steiner souhaite que la compensation des frais de subsistance soit totalement séparée de la performance de l’individu. Il montre ainsi la voie pour introduire des éléments chrétiens dans la vie quotidienne.
De la triple tentation du Christ, il ressort clairement que les conditions du début de notre ère ne nous permettaient pas encore de résoudre complètement le problème social. Ainsi, le Christ répond à la demande de Satan de transformer les pierres en pain : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. » Le temps n’était pas encore venu de donner des indications concrètes pour le domaine de l’économie. Le Seigneur conclut les tentations par ces mots : « Retire-toi, Satan. » Si le Christ venait sur terre aujourd’hui, il serait un homme moderne, parlant et agissant entièrement à partir du présent. Rudolf Steiner dit du Ressuscité qu’il est celui qui est avec nous pour l’éternité et qui se révélera de plus en plus clairement à l’avenir. Il a certainement reçu de lui des impulsions qu’il a pu transformer en mots et en concepts que nous sommes aptes à comprendre. Pour cette raison, l’idée de la triarticulation n’est pas une invention née ou élaborée à partir des circonstances d’une période révolutionnaire. Elle est profondément ancrée dans la nature même de l’homme, qui est appelé à mettre en place ses institutions terrestres en fonction de sa propre situation, c’est-à-dire selon les besoins de son corps, de son âme et de son esprit, afin de parvenir à une coopération harmonieuse au sein de la communauté. La triarticulation sera et devra être réalisée. Elle n’est pas limitée dans le temps. Mais de grandes souffrances seront épargnées à l’humanité si celle-ci ne continue pas à rejeter les connaissances tirées de l’esprit, comme elle l’a fait en 1919. À l’époque, elle aurait pu empêcher le national-socialisme. Que faudra-t-il faire à l’avenir pour que de telles idées arrivent à maturité ? Écoutons les mots de Rudolf Steiner tirés des conférences mentionnées ci-dessus :
« Ainsi, nous avons distingué à la lumière de la science de l'esprit les trois domaines : la vie de l'esprit, indiquant la vie suprasensible avant la naissance ; la vie de l’État proprement dite, liée aux impulsions qui naissent et agissent entre la naissance et la mort ; et la véritable vie de l’économie, pointant vers les expériences que nous ferons lorsque nous aurons franchi le portail de la mort. De même que l'être humain est en vérité terrestre et en même temps supraterrestre, qu'il porte en lui les fruits de sa vie prénatale et développe en lui les germes – si je peux utiliser cette image – de ses expériences dans la vie après la mort, de même que l'être humain est tripartite et que, en plus de ces deux reflets de la vie surnaturelle, il fait l’expérience de sa vie terrestre entre la naissance et la mort, de même il est vrai que l'organisme social, dans lequel l'homme se trouve, doit également s'articuler en trois s'il doit servir comme fondement de l'épanouissement de l'âme humaine dans sa totalité.
Pour celui qui, grâce à la science de l'esprit, connaît la place de l'homme dans le cosmos, il y a beaucoup de raisons plus profondes encore en faveur d'une structure triarticulée de l'organisme social. L'homme ne peut que s'étioler, pour ainsi dire, si tout n'est déterminé que par une vie sociale extérieure, chaotique et mélangée anarchiquement. Cet étiolement dans la vie moderne a conduit à l'effroyable catastrophe de ces quatre dernières années. Ce que l'être humain doit faire par l’approfondissement des connaissances de la science de l'esprit, c'est concevoir, c'est prendre conscience que l'être humain avec sa nature humaine dans sa totalité se trouve au sein de l'humanité et du monde en général. C'est en même temps la reconnaissance correcte du Christ pour notre époque et pour l'avenir proche. C'est ce qui se révèle en quelque sorte lorsque nous voulons écouter le Christ. Comme je l’ai souvent souligné, le Christ a dit lui-même : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ». Cela signifie que le Christ n'a pas seulement parlé durant son passage sur terre, mais qu'il continue de nous adresser sa parole et que nous devons continuer de l'entendre. Nous ne devons pas nous contenter de lire les Évangiles, que nous devrions d’ailleurs lire tous les jours, mais nous devons écouter ce qu'il révèle de manière vivante par sa présence continuelle parmi nous. À notre époque, le Christ a à nous révéler ceci : changez votre esprit, comme le disait son prédécesseur, Jean-Baptiste. Changez à nouveau votre esprit afin qu'il vous révèle votre triple nature humaine, qui exige que le milieu dans lequel vous vivez, c'est-à-dire la vie terrestre, soit lui aussi triarticulé. » ( 27 ).
Nous sommes dans une crise de l’esprit qui nous empêche de trouver les bons chemins. La foi religieuse a dégénéré et doit céder la place à une connaissance toujours plus consciente de l’esprit. C’est la cause profonde du déclin de la culture et des troubles de ce siècle. La phrase importante de Rudolf Steiner est la suivante : « L’humanité, par rapport à sa conscience du Christ, est entrée dans une crise. En effet, elle est en crise du fait de la disparition du rapport correct entre les hommes et du juste sens de la communauté. Il est nécessaire que les hommes se posent la question : comment retrouver correctement l’impulsion du Christ ? » ( 27 ).
C’est dans ce contexte qu’il faut voir le travail de Rudolf Steiner sur l’idée de la triarticulation, qui a commencé par son Appel au peuple allemand et au monde de la culture et qui semble complètement tourné vers l’extérieur. En réalité, il s’agissait d’un acte de sacrifice pour le salut de toute l’humanité, comparable à la mission désintéressée de Jean-Baptiste, qui s’est sacrifié pour montrer aux gens la nouvelle voie vers le Christ. Rudolf Steiner tenta de provoquer un changement d’esprit dans le monde moderne, en tant qu’individu contre une humanité dominée par le « prince usurpateur de ce monde ».
Le mouvement de la triarticulation était une lutte de destin soutenue par le courage de Michaël dans le but d’amener l’Esprit du Christ à s’exercer jusque dans le monde terrestre. Il continuera à agir avec la diffusion de la science de l’esprit anthroposophique. Celle-ci mettra un terme à l’égoïsme de l’humanité errante et à la discorde entre les peuples. Un nouveau sens de la communauté doit émerger, qui conduira à un ordre social véritablement chrétien.

( 26 ) - Conférence du 14 septembre 1919 in : L’aspect intérieur de l’énigme sociale. GA 193, Dornach 1972.
( 27 ) - Conférence du 11 février 1919 in : L’aspect intérieur de l’énigme sociale.