1923 - L'année de Rudolf Steiner

Institut pour une triarticulation sociale
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1922 < .......1923....... > 1924

Replacer dans son contexte

Premier semestre

Ce que Rudolf Steiner a offert à l'humanité au cours de cette vie terrestre n'était pas seulement un enseignement que l'on peut accepter ou rejeter, ni seulement une œuvre que l'on peut construire ou détruire. Les enseignements et les œuvres ont de tout temps été soumis au destin que leur réservaient leurs contemporains. Mais Rudolf Steiner a accompli, par son parcours de vie, l'acte de recevoir l'être spirituel "anthroposophie" des mondes spirituels et de l'incorporer à la sphère terrestre. Un tel être spirituel, qui habite désormais la sphère terrestre, ne peut pas être vaincu par les forces opposées en détruisant l'une ou l'autre de ses formes d'expression terrestres, il ne perd pas son existence parce qu'une décennie aveugle ne veut pas le voir, il ne meurt pas, même si une génération d'humains terrestres ou des parties de ceux-ci devaient lui refuser ou détruire son lieu de travail et de résidence. Car il est d'essence suprasensible et, en tant que tel, il construit sans cesse son corps terrestre à nouveau. Une fois incorporé à la sphère terrestre par l'action d'un être humain, il s'y réalisera toujours à nouveau en tant qu'être immortel, éternellement créateur, guide spirituel, source de force inépuisable, à travers les têtes, les cœurs et les mains des humains de bonne volonté dans cette sphère terrestre.

C'est pourquoi les forces de l'adversaire, spirituelles, élémentaires et humaines, ont certes pu infliger au corps terrestre de cet être des blessures malsaines et douloureuses, elles ont pu détruire la "maison du Verbe" extérieurement, dans le physique, le visible, dans la forme formée par la matière terrestre, mais elles n'ont pas pu atteindre l'esprit qui avait parlé là dans le Verbe dans sa sphère créatrice, elles n'ont pas pu arrêter le Verbe qui était devenu force terrestre. Elles essaieront sans doute encore souvent de le faire, mais devront toujours reconnaître à nouveau que l'on peut certes détruire les formes d'expression corporelles d'un être spirituel, mais que l'on ne peut pas pour autant toucher l'âme et l'esprit dans leur existence et leur activité.

C'est pourquoi il s'agissait pour Rudolf Steiner, en tant que porteur terrestre de cet être spirituel et guide vers sa demeure suprasensible, d'aller à la rencontre de la renaissance de sa forme terrestre par un nouvel acte de création : par la reconstruction du Goetheanum, la maison du Verbe, qui reçut une nouvelle forme terrestre, et par la communion des cœurs humains avec la force créatrice originelle, la pierre angulaire spirituelle que cet être spirituel préservait pour tout l'avenir comme une réalité suprasensible dans l'existence terrestre. Ce n'était donc pas un hasard, mais l'expression d'une loi de vie supérieure, qu'en 1923, la 21e année de vie du mouvement spirituel qu'il avait inauguré, une nouvelle enveloppe, une nouvelle maison lui soit donnée au moment de la naissance-Je , et que dans les cœurs des humains, qui devaient être les porteurs

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de cette impulsion spirituelle, fut immergée la pierre angulaire/de fondation spirituelle qui, au-delà de toutes les transformations des enveloppes extérieures, porte en elle la force de l'essence supra-sensible et donc éternelle de ce mouvement spirituel.

Tournons-nous donc vers les actes et les mesures visibles par lesquels Rudolf Steiner réalisa ces deux tâches au cours des années à venir. C'était l'expression d'une tel savoir de l'indestructibilité et de la force créatrice continue de ce noyau spirituel que Rudolf Steiner, comme nous l'avons décrit dans ce qui précède, quelques heures après que le travail d'une décennie sur l'œuvre merveilleuse de la construction ait été détruit en une nuit, poursuivait immédiatement le lendemain son cycle de conférences sur le "moment de la naissance de la science de la nature dans l'histoire du monde et son développement depuis lors" (GA326) et incitait le même jour ses élèves à un travail artistique par la représentation du Jeu de Noël, le Jeu des Rois. Mais à quelques mètres de ce lieu de travail provisoire se trouvait dehors l'amas de ruines fumantes de l'énorme construction, et lorsque, le soir de ce jour de l'an, les dernières flammes eurent dévoré les derniers restes de bois, seules les formes noircies par la fumée de la terrasse de pierre sur laquelle s'était élevée la construction se dressaient encore au-dessus du sommet de la colline. Il s'agissait maintenant, tandis que le travail spirituel se poursuivait, de préserver et de garder d'abord ce qui avait été conservé comme bâtiments, la menuiserie avec la salle de conférence provisoire, l'atelier où se trouvait intacte la statue sauvée du feu. Il s'agissait en même temps de prendre toutes les mesures pour engager la reconstruction du deuxième bâtiment du Goetheanum auprès des autorités par des autorisations, auprès des amis par des actes.

L'organisation de la protection des bâtiments encore existants était un impératif de l'heure. Ces jours-ci, on ne savait pas encore si l'incendie dévastateur était dû à des causes techniques, par exemple un court-circuit de la ligne électrique, ou à un acte sacrilège commis par des adversaires malveillants. Le fanal de cet incendie, visible de loin et dont la presse de toute l'Europe a donné un écho retentissant, a provoqué de fortes émotions chez les humains : les voix de la tristesse, de l'amertume, de la souffrance, de la volonté inébranlable de construire dans d'innombrables cœurs humains, mais aussi les voix de la haine, de la volonté d'anéantissement, de la résistance malveillante. Tout ce qui se passe d'extraordinaire sous l'effet d'un puissant mouvement spirituel fait toujours appel aux deux pôles du monde de l'âme humaine, l'amour et la haine. Maintenant aussi, l'amour doit être éveillé pour pouvoir rencontrer la haine et s'y opposer. - Celui qui éduque à la bonté ne doit pas la considérer comme un acquis. Oui, les symptômes de l'époque montraient à quel point les forces de la haine et le type des "mauvais compagnons" que Goethe oppose à Faust étaient encore puissants. Même s'ils menacent et grondent parfois à distance, ils sont proches sans être appelés à l'heure décisive. Sur la base des 'avertissements' de

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Rudolf Steiner au cours des années précédentes, quelques personnes s'étaient déjà réunies pour surveiller le chantier la nuit. Chaque jour de la semaine, l'un d'entre nous avait fait le tour du bâtiment pendant la nuit afin de pouvoir donner l'alerte en cas de danger. Cela s'était avéré efficace la nuit de l'incendie, car le foyer d'incendie avait été immédiatement découvert, les pompiers alertés et tout ce qui était humainement possible mis en œuvre. Mais on croyait encore à l'époque qu'une mauvaise parole ne devenait pas une mauvaise action, on était parti de l'idée justifiée qu'il fallait seulement veiller à ce que les éléments ou les accidents de nature technique ne causent pas de dommages et qu'ils puissent être empêchés de le faire en cas d'urgence. Mais maintenant, il fallait s'opposer non seulement à la nature et aux éléments, mais aussi à la passion humaine qui s'était enflammée, et il fallait assurer la protection de ce qui existait encore, afin de le sauver jusque dans des temps plus calmes. C'est pourquoi j'ai proposé ces jours-là à Rudolf Steiner la création d'une "garde" qui, après avoir obtenu son accord, fut immédiatement organisée et se composa d'abord d'une trentaine de jeunes gens qui surveillaient jour et nuit les bâtiments et les valeurs encore existants.

L'esprit de communauté sociale et de camaraderie qui, dans l'entourage de Rudolf Steiner, permettait à chacun d'assumer sans plus toute sorte de service pour la cause commune, s'exprimait ici à nouveau de manière symptomatique. Si des étudiants, des scientifiques et des artistes acceptaient tout naturellement de monter la garde de jour comme de nuit, par tous les temps, c'était parce qu'ils étaient conscients que ce service rendu à l'ensemble était aussi précieux que toute autre participation à l'œuvre commune. Au lieu de lire ou d'écrire des livres, d'apprendre ou de créer, on se mettait en veille pour un certain temps. Cette époque de la fondation et de la mise en œuvre de l'organisation de la garde au Goetheanum me laisse encore aujourd'hui des impressions très fortes. Souvent, Rudolf Steiner réunissait les gardiens autour de lui pour une brève allocution, les remerciait pour leur service et leur serrait la main, puis il prononçait quelques mots sur les phénomènes de l'époque et les exigences qu'elle pose. Dans son livre de souvenirs "Heiliges Vermächtnis (testament saint)", Fred Poeppig, qui faisait également partie de ce cercle de gardiens, a relaté ces réunions de manière belle et claire, comme lorsque Rudolf Steiner dit aux gardiens/veilleurs :

« Vous ne devriez pas seulement monter la garde extérieure de nos bâtiments ici, vous devriez vous sentir responsables en tant que gardiens de la culture...".

Il planta alors dans notre âme deux mots qu'il répéta souvent : ‘Veiller - et avoir une attitude/mentalité de fer’ ! »

C'est à la vigilance, à l'intérieur comme à l'extérieur, que conduisait toute son œuvre. C'est pourquoi nous savions que nous n'étions pas seulement des gardiens ou des pompiers, mais que nous étions au service de cette œuvre. Ce sera toujours un signe de la santé intérieure d'un mouvement spirituel que de savoir si, à l'avenir aussi, chacun

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sera prêt à assumer volontiers toute tâche de ce genre, même si elle n'est pas prévue dans son autre mode de vie.

Il fut aussi très instructif de voir, à travers un autre exemple, comment Rudolf Steiner se positionnait par rapport à ce qui est au service de la collectivité et à ce qui ne peut être fait que par l'initiative et la responsabilité de l'individu. Cette "garde" lui avait été proposée et il l'avait approuvée parce qu'elle servait l'intérêt général. Or, à cette époque, quelqu'un qui ne le connaissait manifestement pas depuis assez longtemps lui demanda s'il pouvait le surveiller personnellement dans sa maison. Il a refusé sèchement cela. L'auteur de la question n'avait pas pensé qu'un tel service personnel ne pouvait être rendu que sous sa propre responsabilité et qu'il ne fallait pas, par une question préalable, faire porter la responsabilité à celui à qui le service était destiné. Certains d'entre nous savaient que Rudolf Steiner refuserait catégoriquement toute question de ce genre, et comme nous savions en même temps qu'il était alors menacé personnellement, nous sommes tout simplement allés surveiller sa maison sans poser de questions. Nous faisions cela deux par deux chaque nuit, et c'est ainsi qu'il devait inévitablement nous rencontrer un soir en rentrant à la maison. Les premières fois, il n'a pas du tout fait attention à nous, il est passé à côté de nous comme si nous n'étions pas là. Ce n'est qu'au bout de plusieurs semaines, lorsqu'il nous a de nouveau croisés dans une pièce à une heure tardive, qu'il nous a salués chaleureusement, comme si notre présence allait de soi. Plus tard, j'ai appris de lui que cela lui convenait, mais uniquement parce que nous l'avions fait de notre propre chef et que nous l'avions appliqué de manière conséquente.

Au bout d'un certain temps, lorsque les vagues de l'agitation extérieure se sont apaisées dans le monde, ce service a bien sûr été immédiatement cessé. Car lorsque les relations avec l'environnement devinrent si cordiales que de larges cercles de la population s'engagèrent d'eux-mêmes comme forces de protection et d'aide pour l'œuvre sur la colline, en raison du destin commun et du grand respect sans cesse croissant pour l'œuvre inébranlable de Rudolf Steiner - il faut ici remercier tout particulièrement la commune de Dornach et son généreux et serviable maire, le Dr. Bernhard Krauß -, cette garde du bâtiment avait aussi achevé sa tâche et ceux qui y avaient travaillé pouvaient à présent se consacrer entièrement à leurs autres domaines d'activité.

Comme nous l'avons déjà mentionné plus haut, le bâtiment de la menuiserie avec sa salle provisoire et l'atelier de Rudolf Steiner, où se trouvait la statue qui n'était pas encore achevée à l'époque, ainsi que son local de travail avaient heureusement été épargnés par l'incendie, de sorte que l'on put continuer à y travailler immédiatement.

Les lieux de travail de l'administration du Goetheanum étaient alors installés dans plusieurs maisons entourant le bâtiment, de sorte que leur activité ne devait pas non plus être interrompue. Le secrétariat, qui devait s'occuper de l'organisation de l'entreprise et de la correspondance, se trouvait encore à l'époque dans la

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Maison Friedwart", où j'ai pu effectuer ce travail pendant de nombreuses années avec Madame M. Metzener, jusqu'à ce que nous déménagions dans le nouveau bâtiment du Goetheanum, où Rudolf Steiner avait prévu des locaux spéciaux pour cela. Le bureau de construction se trouvait à nouveau dans un autre bâtiment, la "maison des vitraux(Glahaus)" déjà mentionnée, où E. Aisenpreis, E. Binder, S. Ruschmann et d'autres collaborateurs s'occupaient de l'administration technique de la construction. Le "bureau des congrès", créé plus tard notamment pour l'organisation des congrès, a ensuite été repris par le Dr. O. Fränkl. Le "service d'ordre" restant, encadré par W. Moldenhauer et quelques amis, a contribué pendant toutes les décennies à maintenir vivante la bonne tradition de l'époque de la fondation de la Bauwache (garde de l'édifice) et a pu se consacrer à nouveau à la belle tâche d'aider le flux de visiteurs lors des congrès qui avaient à nouveau lieu et de contribuer à l'harmonie extérieure et à la bonne réussite des congrès.

Au cours de ces premières semaines de l'année 1923, il fallut tout d'abord clarifier les causes de l'incendie au cours de nombreuses négociations avec les autorités compétentes, prendre les décisions concernant l'assurance et entamer les premières démarches pour rendre certaine la reconstruction. Grâce à des enquêtes approfondies, les autorités ont constaté que l'incendie n'était dû ni à une faute personnelle, ni à des défauts techniques (court-circuit de la ligne électrique, etc.) et ont accordé la totalité de la somme assurée. Celle-ci ne couvrait cependant qu'une infime partie des énormes dégâts occasionnés, car la construction de l'édifice s'était élevée à plus de sept millions de francs, qui, comme nous l'avons déjà expliqué, avaient été exclusivement apportés par les dons des membres. Ce n'est donc pas seulement toute une décennie de travail bénévole et une valeur artistique inestimable qui ont été détruites, mais aussi un très grand dommage matériel. Le fait que Rudolf Steiner se soit tourné directement vers la reconstruction sans se laisser abattre par ces graves dommages, et ce à une époque où les conditions extérieures, tant spirituelles que matérielles, ne cessaient de s'aggraver dans l'environnement, montre la certitude intérieure qu'une telle œuvre née de l'Esprit possède, même dans les temps les plus difficiles, la force portante de se renouveler de manière éternellement vivante et de réaliser malgré tout son propre chemin de destin, même en présence des plus grands obstacles extérieurs.

C'était un symbole de son immense force de concentration et de sa capacité unique à élever l'action spirituelle au-dessus des vagues du destin extérieur que, pendant ces semaines qui étaient remplies pendant la journée par de nombreuses démarches administratives et organisationnelles difficiles et éprouvantes et qui mobilisaient ses forces très fortement sollicitées par les événements, il ait pu se rendre quand même les soirs dans la salle de conférence de la menuiserie, devant les membres et, avec le même calme serein qui avait caractérisé son action pendant toutes ces décennies, il leur parlait dans un flux ininterrompu de dons spirituels des résultats de la recherche en science

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de l'esprit. C'est ainsi que nous l'avons vu, ébranlé par la force des coups du sort et souvent accablé par l'ampleur des problèmes et des tâches qu'ils soulevaient, monter soir après soir au pupitre de Dornach et parler, indépendamment des turbulences de la situation extérieure, dans une sérénité énergisante, de science de la nature, d'histoire de l'esprit, de philosophie et de christologie, de formation spirituelle et de tâches temporelles à accomplir.

Ces conférences de Dornach, tenues dans les premières semaines de janvier après l'incendie, ont donné une image de l'évolution de la vie spirituelle et religieuse depuis le 4e siècle après Jésus-Christ, de la détresse psychique qui a rempli l'humanité depuis le 4e siècle, jusqu'à sa rédemption par l'expérience du Christ, que le 20e siècle doit nous apporter. Il a parlé des combats spirituels de Giordano Bruno, de Jakob Böhme et de Baco de Verulam, et de la résolution des énigmes de la vie apparues depuis le Moyen-Âge par une compréhension des pendants entre l'être prénatal, l'être terrestre et l'être post-mortem des humains. Il a illustré les voies par lesquelles le vrai, le beau et le bon peuvent être redécouverts dans la nature et dans l'humain par une exploration de la structure de force suprasensible de l'humain, qui le met en harmonie créative avec les règnes élémentaires et les entités du cosmos par le biais de son être physique, éthérique, astral et Je. Il a éclairé les chemins d'évolution de l'humain à travers la chute et l'élévation du péché, à travers un réveil du sommeil des sens des siècles passés vers l'éveil lumineux de la conscience de l'esprit que notre époque exige inexorablement. Avec une parole des jeux de Noël "Stichl, lève-toi !", il a appelé les humains à contribuer à ce que le sommeil spirituel confus et onirique de l'humanité soit dissipé et à ce que les temps difficiles soient maîtrisés. Il s'agissait désormais plus que jamais de regarder en face le démoniaque dans la pensée et l'action de l'environnement et de contrer le déferlement du mal à partir de la force de rayonnement d'un centre de force construit dans l'exercice spirituel.

Après avoir ainsi assuré la continuité spirituelle et pratique de l'activité à Dornach, Rudolf Steiner partit en voyage à la fin du mois de janvier afin de résoudre en tous lieux les problèmes posés par la nouvelle situation du destin et d'établir clairement le nouveau point de départ sur lequel il faudrait désormais construire. Comme pour l'humain individuel, de tels événements du destin sont aussi pour un mouvement spirituel l'occasion d'une rétrospective et d'une prévision. C'est pourquoi Rudolf Steiner a fait des conférences et des discours qu'il a tenus fin janvier à Dornach et à Stuttgart une rétrospective décisive et clarifiante. Car s'il invitait les humains qui voulaient aider à regarder en face les forces adverses dans le monde et à s'y opposer, il faisait précéder chaque fois de manière conséquente l'appel encore plus intense à ce que chacun et la communauté s'examinent d'abord eux-mêmes pour voir où pourraient s'être introduites par effraction les forces d'entrave ou les actions déviantes dans leurs propres

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rangs et entraveraient le développement. C'est pourquoi Rudolf Steiner a prononcé à cette époque les paroles les plus sérieuses, les plus dures et les plus inconditionnelles de l'"examen de conscience" à l'intention des membres et les a invités avec amour, mais aussi avec une implacable cohérence, à une rétrospective sans illusions. On ne peut pas vraiment comprendre beaucoup de choses dans l'évolution du mouvement avant et après l'année 1923 si l'on n'accorde pas à cette rétrospective, à laquelle Rudolf Steiner lui-même invitait et contribuait alors avec tant d'insistance, l'attention qui lui revient. Les conférences et les discours qu'il donna le 26 janvier à Stuttgart sous le titre "Paroles de douleur, de recherche de conscience, paroles pour la prise de conscience de la responsabilité", le 30 janvier sur "La formation du jugement sur la base des faits", les 6 et 13 février sur "Les trois phases du travail anthroposophique" et les 27 et 28 février à l'occasion de l'assemblée des délégués à Stuttgart, servirent avant tout à cela.

Dans cette rétrospective, Rudolf Steiner, en décrivant en détail les événements des dernières années, est parti du fait que le rythme de l'évolution de ce mouvement spirituel avait été, à maints égards, tout à fait différent depuis son début en 1902 jusqu'à 1919 environ, et qu'au cours des années 1919 à 1922, toute une série d'éléments nouveaux avaient influencé ce développement, ce qui avait entraîné un changement considérable de la situation interne et externe du mouvement, apportant aussi bien des enrichissements positifs que de graves dangers, des difficultés et des dérives diverses.

Alors que Rudolf Steiner, dans sa propre activité, était toujours parti du noyau central de la recherche spirituelle-scientifique, l'anthroposophie, et que c'est à partir de là qu'il avait transformé et fécondé les différents domaines de travail, et que ce type d'activité avait entièrement déterminé la ligne de conduite intérieure et extérieure du Mouvement, de nombreuses nouvelles forces étaient devenues actives dans le Mouvement - en particulier depuis 1919 - qui, certes de bonne volonté, ont apporté dans le Mouvement, pour ainsi dire de la périphérie, leurs méthodes de pensée scientifiques, leurs intérêts de vie pratiques et leurs domaines de travail acquis dans le monde extérieur, sans avoir d'abord suffisamment transformé et réincarné leurs contenus à partir du noyau essentiel de l'anthroposophie. C'est ainsi que de nombreux corps étrangers spirituels sont entrés dans l'organisme du mouvement et que beaucoup de choses qui voulaient s'activer dans cet organisme n'ont pas pu renaître de l'essence de l'anthroposophie par catharsis et transformation. Rudolf Steiner avait déjà rappelé l'année précédente, lors de la rétrospective après le Congrès de Vienne, "que le mouvement anthroposophique a agi dès le début à partir de l'ésotérisme". En raison de la forte croissance du mouvement et de l'afflux de nombreux humains ayant des intérêts particuliers pour certaines disciplines scientifiques ou sociales ou pour certaines professions de la vie, beaucoup de choses étaient venues de l'extérieur, ce qui, selon la façon dont cela se rattachait avec le courant central

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de l'anthroposophie ou non, pouvait apporter un enrichissement ou, au contraire, une distraction et une fragmentation. C'est pourquoi Rudolf Steiner a dit dans cette conférence à Stuttgart du 25 janvier 1923 :

"Depuis 1919, dans le sillage du mouvement anthroposophique, il s'est produit bien des choses d'une autre manière que si l'anthroposophie avait progressé dans la même sorte de mouvement, dans la même essence de mouvement qu'elle a observée jusqu'en 1918. Il ne fait aucun doute que l'anthroposophie est appelée à agir dans les domaines les plus divers de la vie, y compris bien sûr dans tous ceux qui, en lien avec elle, ont été cultivés de manière fructueuse depuis 1919 par différents amis de l'anthroposophie. Mais les événements extérieurs ont conduit d'une certaine manière à ce que les choses ne soient pas directement extraites de l'anthroposophie, mais qu'elles soient en quelque sorte fondées et cultivées à côté de l'anthroposophie - bien que pas du tout dans le sens anthroposophique. Et c'est ainsi que nous avons vu, depuis 1919, diverses choses qui ont été cultivées - non pas anthroposophiquement, mais à côté de l'anthroposophie - dans un autre type de mouvement que celui qui avait suivi de manière élémentaire la poursuite du mouvement anthroposophique jusqu'en 1918".

Il utilisa ici la belle comparaison de la mère et de ses filles et souligna le danger que les filles oublient leur mère dans la poursuite de leurs propres objectifs. Tous ces mouvements de filles, le travail scientifique spécialisé, la pédagogie, le mouvement de la triarticulation, le mouvement pour le renouveau religieux, le mouvement de la jeunesse, etc. étaient nés de la mère "anthroposophie", mais dans le zèle de la réalisation de leurs propres intérêts, ils couraient parfois le risque d'oublier ou de négliger leur origine, la source de vie d'où ils provenaient et recevaient la vie. En s'isolant de cette source de vie, ils ont emprunté des voies qui les ont menés à s'isoler de l'ensemble du courant spirituel et à perdre ainsi leur véritable nature et leur mission :

"Car nous ne devons pas devenir un cercle de pédagogues, un cercle de rénovateurs religieux, un cercle de scientifiques, un cercle de jeunes, de vieux et de moyens, nous devons être une communauté anthroposophique consciente de ce dont elle s'inspire et dont elle alimente au fond ses mouvements-filles. Nous devons en être fortement conscients !...

Puissiez-vous entendre avec le sérieux qui convient ce que j'ai dû vous dire aujourd'hui avec un cœur profondément meurtri. Puisse-t-il s'agir en vous d'une force de travail, d'une volonté de travailler, d'une volonté de s'unir précisément dans le domaine du mouvement anthroposophique. Il ne faut offenser personne en lui disant qu'il est un excellent membre du travail du Jour à venir, de l'école Waldorf, ou qu'il travaille de manière remarquable dans le domaine du renouveau religieux ou dans un autre domaine. Mais tous ceux-là - en plus de ceux qui ne sont pas entrés dans un domaine particulier - et aussi ceux qui sont vieux et jeunes et au milieu, tous, tous devraient prendre conscience de la mère : la Société anthroposophique elle-même, d'où tout cela doit jaillir et dans laquelle tous les spécialistes individuels doivent collaborer. Trop de spécialistes, sans que cela ait été remarqué de la bonne manière, sont devenus grands parmi nous ; certains sont si grands qu'ils sont déjà petits à nouveau, parce qu'ils ont trop oublié la Mère".

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Ces paroles étaient des vérités fondamentales et des avertissements que Rudolf Steiner a donnés au mouvement qu'il a inauguré pour tout l'avenir, car il y aura toujours le danger que se forme, à partir d'arrangements extérieurs, de concessions, de compromis et d'intérêts particuliers, un cercle de pédagogues, de rénovateurs religieux, de scientifiques, d'agriculteurs, de médecins, de personnes voulant être actives socialement, de jeunes et de vieux, etc. qui oublie la mère, qui oublie la source commune, le mouvement anthroposophique, qui le néglige ou même le renie par commodité ou par intérêt personnel. Ces "paroles de douleur et d'examen de conscience", ces "paroles pour la prise de conscience de la responsabilité", Rudolf Steiner a demandé de les inscrire profondément dans son cœur pour toujours. Il soulignait :

"L'ensemble de ce qui est aujourd'hui lié à l'anthroposophie ne peut exister sans la Société anthroposophique, il a besoin de la Société anthroposophique comme réceptacle. On peut être un excellent professeur d'école Waldorf, un excellent pédagogue, on peut aussi être un excellent propagateur de l'anthroposophie par la parole et par l'écrit, mais on peut soustraire son activité à l'entretien et au soin de la Société anthroposophique, ou plus généralement à l'action de l'anthroposophie d'humain à humain... Nous avons eu des gens énergiques et enthousiastes dans le domaine du mouvement de la triarticulation : en travaillant dans le domaine du mouvement de tri articulation, ils ont de plus en plus retiré leur activité de la Société anthroposophique proprement dite. Et maintenant, nous sommes menacés par le fait que dans le domaine du renouveau religieux, des personnalités éminentes agissent d'une manière peut-être tout à fait brillante, et il pourrait se produire à nouveau, et maintenant dans un domaine particulièrement important, qu'à la Société anthroposophique, les forces soient à nouveau retirées ...

On peut à son tour être un excellent scientifique au sein de la Société anthroposophique et ne pas tenir compte de ses conditions de base en tant que telles. En tant que scientifique, on peut parfaitement transposer les enseignements anthroposophiques à la chimie, à la physique, etc. et on peut être un aussi mauvais anthroposophe que possible ... De sorte que ces scientifiques parlent encore avec cette approche, avec ce sous-entendu qu'ils apportent de la chimie, de la physique, etc., où il y a certes encore quelque chose de l'humain en général, qui est chimique, physique, biologique ou juridique, mais qui est quand même très éloigné de l'humain en général. - Mais ce dont nous avons besoin, c'est que la mère ne soit pas oubliée. Car si la Société anthroposophique n'avait pas cultivé l'anthroposophie pendant une décennie et demie à partir du centre, l'anthroposophie en tant que telle - les scientifiques n'auraient pas pu s'installer sur son sol. L'anthroposophie leur a donné ce dont ils avaient besoin. Ils devraient se souvenir qu'ils doivent à leur tour rendre, par leur collaboration à la Société anthroposophique, ce qu'ils ont trouvé pour la science à partir de l'anthroposophie".

Depuis quelque temps, il avait souvent constaté que des conférences scientifiques étaient tenues par certains participants, alors qu'elles auraient pu être présentées avec succès dans n'importe quelle autre université ou haute école, dont

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les contenus ne sont pas nés de l'anthroposophie à neuf à partir du fond, qui ne mènent pas de l'anthroposophie à la science, mais ajoutent aux connaissances scientifiques extérieures un appendice plus ou moins anthroposophique ; qui évitaient craintivement de placer les connaissances et la terminologie de la science de l'esprit au point de départ de leurs considérations, mais qui croyaient devoir parler à partir du langage courant des amphithéâtres et du vocabulaire du monde extérieur, afin de satisfaire les deux parties, mais qui, en fin de compte, laissaient ainsi les deux parties insatisfaites et ne les encourageaient pas. A cet égard, Rudolf Steiner a dit :

"on entend souvent des scientifiques de la Société anthroposophique dire : nous effrayons les non-anthroposophes lorsque nous leur parlons sans plus du corps éthérique ou astral. - Mais nous restons stériles si nous critiquons les non-anthroposophes sur leur terrain en ne nous servant que des jugements qui peuvent aussi se développer sur ce terrain. On peut parler de corps éthérique et de corps astral si on dit pourquoi on fait ceci". …

"Une autre chose qui nous pose de grandes difficultés, c'est que l'impulsivité du mouvement anthroposophique n'est pas évaluée partout de manière correcte. On peut tout simplement entendre ici ou là des jugements qui renient totalement le mouvement anthroposophique en le mettant en parallèle avec ce qui doit être remplacé par lui pour l'évolution de l'humanité. Il m'est encore arrivé ces derniers jours que quelqu'un m'a dit : si l'on présente à telle ou telle personne ce que donne l'anthroposophie, même les praticiens les plus forts l'acceptent, il suffit de ne pas leur parler d'anthroposophie ou de triarticulation, il faut les renier. Vous voyez, c'est quelque chose qui a été pratiqué par certains depuis de nombreuses années. C'est la chose la plus fausse que nous puissions faire. Nous devons nous présenter partout dans le monde sous le signe de la pleine vérité, quel que soit le domaine, en tant que représentants de l'essence anthroposophique, et nous devons être conscients que, dans la mesure où nous ne pouvons pas le faire, nous ne pouvons pas promouvoir le mouvement anthroposophique. Toute prise de position déguisée en faveur du mouvement anthroposophique ne conduit finalement à aucun salut".

De tels opportunismes et de telles erreurs apparaîtront bien toujours ici et là chez certains humains et seront défendus par eux, mais tôt ou tard, ils conduiront toujours à la stérilité et à la dérive. C'est contre cela que Rudolf Steiner voulait mettre en garde et préserver une fois pour toutes le mouvement spirituel et ceux qui s'en sentent responsables.

Par une telle tendance à s'adapter aux phénomènes du temps ou par les aspirations personnelles de quelques collaborateurs, beaucoup de choses trop actives, trop actives, beaucoup d'"aménagements précipités", comme il les appelait, avaient été introduites dans le Mouvement depuis l'année 1919. On avait commencé des choses que l'on n'a pas menées à terme, que l'on n'a pas poursuivies, mais que l'on a soudainement abandonnées pour longtemps ou pour des années, pour les reprendre plus tard avec la même précipitation. Il y a des humains qui n'arrivent jamais à trouver le bon équilibre entre l'inaction et la précipitation

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Mais succombaient plutôt à l'un ou l'autre extrême. Il manquait à certains collaborateurs la démarche constante et continue de la progression, qui seule peut correspondre au noyau ésotérique d'un mouvement spirituel. Rudolf Steiner a tiré la conclusion suivante pour de tels efforts :

C'est ainsi que les difficultés se sont multipliées à cause de ce que j'appellerais les aménagements extraordinairement précipités qui ont été pris depuis l'année 1919, notamment - il faut toujours le souligner - à cause du fait que des personnalités ont fondé toutes sortes de choses et n'ont plus collaboré ensuite à ce qu'elles avaient elles-mêmes fondé".

Dans sa rétrospective et ses perspectives, Rudolf Steiner opposait à ces dérives inconséquentes d'efforts souvent motivés par la bonne volonté mais par un excès de force débridé, le noyau du mouvement à partir duquel, même en ces temps mouvementés, le courant ésotérique "purement anthroposophique" avait été cultivé et réalisé de manière conséquente, en progressant continuellement et tranquillement.

Dans ce contexte, il a décrit comment le bâtiment du Goetheanum s'était révélé pour lui un instrument fin qui indiquait infailliblement si ce qu'un orateur apportait de l'extérieur s'accordait avec les formes artistiques et organiques de cet environnement ou si, inorganique et étranger, il ne parvenait pas à s'intégrer à cette harmonie (cf. p. 410). Dans sa rétrospective, il dit par exemple de ce premier cours universitaire de l'année 1920 :

"La première série de conférences dans son ensemble se révèle comme quelque chose qui n'était pas tout à fait organiquement issu de la même idée que la construction elle-même. C'était comme quelque chose d'introduit dans l'édifice purement anthroposophique ... Les personnalités scientifiquement formées sont devenues des membres de la société. La science a été leur chemin de vie et leur éducation. L'anthroposophie est devenue leur affaire de cœur. Ils s'en sont inspirés pour leur science. C'est ainsi que nous avons reçu des explications scientifiques de personnalités à la pensée anthroposophique, avant que les différents domaines de la connaissance ne soient nés de l'anthroposophie" ...-.

Et encore : "J'ai décrit dans l'hebdomadaire "Das Goetheanum" comment, par exemple pour l'art eurythmique, les lignes du Goetheanum se sont prolongées dans le mouvement de l'humain. Mais cela devait être le cas pour tout au Goetheanum selon les intentions initiales ; - je laissai donc mon regard spirituel errer sur la manière dont cette architecture intérieure, cette sculpture et cette peinture correspondaient à ce que les orateurs disaient du haut de l'estrade. Et là, j'ai trouvé que tout ce qui était, dans le meilleur sens du terme, un tableau anthroposophique, où l'on parlait de l'anthroposophie au sens le plus étroit, s'accordait merveilleusement bien avec le style architectural. Mais pour toute une série de conférences, on avait le sentiment que celles-ci ne pourraient être tenues que lorsque le Goetheanum serait parvenu à ériger toute une série de bâtiments annexes, dont le style architectural serait à son tour adapté à ces études et considérations spéciales. Le Goetheanum, au cours de ses presque dix ans de destin, a vraiment vécu le destin de la Société anthroposophique ; et il a été facile de remarquer, en ressentant l'harmonie ou la disharmonie du style de construction avec ce qui a été fait à l'intérieur, comment quelque chose d'inorganique est en fait entré dans le courant même du mouvement spirituel anthroposophique".

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Il a ensuite évoqué l'activité de Mme Marie Steiner et d'Albert Steffens, qui ont donné à ces manifestations ce qui est issu de ce noyau essentiel et en lien organique avec lui, comme un exemple de la manière dont on agit au meilleur sens du terme à partir de l'essence et de la source de l'anthroposophie :

"Les manifestations de ce type comprenaient toujours des représentations d'eurythmie. On se rendait compte à cette occasion que l'édifice exigeait que les connaissances qui y étaient présentées soient transformées en un tout par l'art. L'intérieur du Goetheanum ne semblait pas tolérer un cycle de conférences qui ne serait pas complété par des éléments artistiques. Je crois que l'on ressentait comme une nécessité le fait que Madame Marie Steiner, du haut de l'orgue, insère son art de la récitation et de la déclamation dans les conférences.

Personnellement, j'ai toujours eu le plus grand plaisir à entendre Albert Steffen du haut de la tribune du Goetheanum. Ce qu'il dit veut toujours être ressenti sous des formes plastiques. Il est comme un sculpteur de la langue, un sculpteur qui taille le bois. Je percevais une harmonie entre les formes de construction et ses sculptures linguistiques, qu'il plaçait dans la construction de manière à la fois réfléchie et sûre."

Il y avait déjà là le noyau et le germe à partir desquels, à la fin de cette année riche en décisions, la nouvelle constitution saine et organique de ce mouvement spirituel et de la Société anthroposophique universelle pouvait naître.

Dans une vue d'ensemble de tous les phénomènes positifs et négatifs, rectilignes et aberrants, tels que le cours du destin de tout mouvement spirituel en expansion doit nécessairement les apporter, Rudolf Steiner décrivit encore une fois en images vivantes, dans une conférence du 6 février 1923, "les trois phases du travail anthroposophique", telles qu'elles s'étaient développées jusqu'alors. Les événements décrits jusqu'ici depuis 1902 permettront de comprendre facilement ce qui est à nouveau évoqué dans ce contexte. Dans cette conférence, il a caractérisé comme première phase l'époque de 1902-1909, où, à côté du développement et de l'élaboration de l'anthroposophie, de la propre recherche spirituelle-scientifique, la tâche a aussi été accomplie "d'abord d'opposer à ce qui existait dans la Société théosophique - et c'était la réception traditionnelle de sagesses orientales très anciennes - la spiritualité de la civilisation occidentale centrée sur le Mystère du Golgotha". Nous avons décrit cette phase en détail dans ce qui précède. Rudolf Steiner a dit de la deuxième époque, qui pouvait alors s'appuyer sur la substance fondamentale de la précédente, sur les connaissances du monde spirituel, du destin et de la réincarnation, sur les vérités et les intuitions religieuses, sur les premières impulsions artistiques et sociales :

"Cette deuxième phase du mouvement anthroposophique avait donc comme prémisses les enseignements les plus importants sur le destin et les vies terrestres répétées, elle avait le mystère du Golgotha sous un éclairage spirituel qui était en accord avec la civilisation du présent. Il avait en outre une interprétation des évangiles qui permettait à la tradition d'apparaître à nouveau en accord avec ce que l'on peut encore saisir aujourd'hui par le

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Christ vivant, présent et agissant. Dans la deuxième phase, qui a duré jusqu'en 1916 ou 1917, on devait d'abord, je dirais, observer tout ce qui est la civilisation scientifique et pratique extérieure du présent. Il fallait montrer comment l'anthroposophie pouvait être harmonisée avec ce qui est aujourd'hui scientifique, ce qui est aujourd'hui artistique, bien sûr dans un sens plus profond, et ce qui est aujourd'hui la vie pratique...

Un autre aspect de cette phase a été le développement de l'artistique. C'est à peu près au milieu de cette phase qu'est apparue l'intention de mettre en scène le Goetheanum, le bâtiment de Dornach. Ce qui a été donné artistiquement dans les Mystères s'est étendu à l'architecture, à la sculpture et à la peinture. S'y est ajouté l'eurythmique, dont j'ai souvent pu caractériser l'essence. Et tout cela a jailli en quelque sorte de la source qui venait d'être ouverte par les chemins que j'ai esquissés dans le livre "Comment acquérir des connaissances des mondes supérieurs", mais suffisamment pour que quiconque le veuille puisse se faire une idée de la manière dont on doit suivre de tels chemins".

Lorsque, au cours de la troisième phase, de 1916 à 1922, ces connaissances tirées de la "pure anthroposophie", de la recherche spirituelle-scientifique, furent diffusées par lui dans l'environnement et transposées dans la pratique de la vie, alors, à côté des nombreuses personnes qui, à partir du noyau central, développaient organiquement cette action dans l'environnement, apparurent dans les dernières années de cette époque quelques autres éléments dans le mouvement qui n'avaient pas encore trouvé ce lien organique avec le tout et le juste équilibre entre compréhension et action. Rudolf Steiner disait à ce propos :

"Il était maintenant arrivé qu'un certain nombre de personnalités voulaient faire ceci ou cela, voulaient le faire d'elles-mêmes et le faisaient... de sorte qu'au sein du mouvement anthroposophique, toutes sortes de communautés autres que celle qui est anthroposophique à l'origine se sont créées".

Reconnaître ces éléments inorganiques et les éviter à l'avenir n'est possible, selon lui,

"si ceux qui y travaillent, par exemple comme scientifiques, se souviennent qu'ils ne doivent pas oublier l'anthroposophie au-dessus de la science, mais qu'ils doivent justement couronner la phase la plus récente de la science par l'anthroposophie... Ceux qui travaillent comme enseignants ont une tâche similaire. Et en particulier, ceux qui sont actifs en tant que praticiens auraient une tâche similaire... Combien d'oppositions, par exemple, le mouvement de la triarticulation a apporté au mouvement anthroposophique parce que le mouvement de triarticulation n'a pas su se placer sur le terrain anthroposophique... Il en va de même dans d'autres domaines. Ce dont nous devons tenir compte, c'est que l'anthroposophie est la mère de ce mouvement... Il ne peut y avoir séparément un mouvement d'école Waldorf, un mouvement pour la vie spirituelle libre, un mouvement pour le renouveau religieux... mais tout cela ne peut s'épanouir que si cela se sent à l'intérieur du mouvement mère, le mouvement anthroposophique. Je sais qu'en fin de compte, c'est quand même ce qui est dit dans tous les cœurs pour tous ceux qui veulent sincèrement le mouvement anthroposophique" !

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Si, dans cette phase, certains cercles avaient "oublié l'anthroposophie dans un certain sens par rapport à toutes sortes de mouvements individuels", comme il l'a dit, il était maintenant nécessaire de le reconnaître, de l'éviter à l'avenir et de retrouver de tous côtés la totalité de l'organisme global de ce mouvement spirituel. La plupart des membres et des collaborateurs avaient parfaitement reconnu et respecté cette tâche d'action organique et constante à partir des lois spirituelles de la totalité. Mais il se trouve aussi de temps en temps dans chaque mouvement des individus qui, soit par des forces de volonté indomptées, soit par une dose d'ambition encore apportée avec, soit par une disposition au compromis, soit par un manque de compréhension du sens et de la signification de l'ensemble et de l'unité d'un tel mouvement spirituel, soit par une disposition et un penchant sentimental unilatéral, ne peuvent pas encore trouver le juste équilibre et la collaboration des forces et des tâches et peuvent ainsi provoquer toutes sortes de perturbations et de partialités dans le cours du destin de l'ensemble.

Rudolf Steiner avait observé ces développements pendant un certain temps et les avait laissés se développer librement, afin que ceux qui y aspiraient apprennent eux-mêmes, en tant qu'humains libres, ce qui en résulterait. Mais le temps était venu de réveiller au maximum les forces de la conscience et de se concentrer à nouveau entièrement sur le noyau essentiel de ce mouvement spirituel. Dans ce contexte, il parla de la nécessité de se consacrer désormais entièrement à ce qui est central dans l'anthroposophie, car ce sont précisément ces contenus de l'anthroposophie qui "se présentent comme un besoin de l'âme d'un nombre toujours croissant d'humains" :

"Cela exige que je réponde aux exigences accrues de l'entretien du besoin anthroposophique plus que cela n'a pu être le cas depuis que des institutions pratiques de diverses sortes se sont formées par les objectifs des amis de notre cause ... Pour un délai relativement court, j'ai dû répondre aux souhaits des amis. Mais de même, je dois maintenant me placer du point de vue que je n'ai la permission d'agir qu'à l'intérieur de ce centre de la vie anthroposophique avec ses effets artistiques et pédagogiques".

Rudolf Steiner a pu rappeler ici que, même dans les époques les plus tumultueuses de ces années, il avait continuellement poursuivi "la représentation directe du monde spirituel". Et comme nous le savons par les événements et les étapes de développement des années passées, c'est justement dans ces temps les plus difficiles des années de guerre et d'après-guerre qu'il avait poussé au plus haut point l'exploration et la représentation des faits spirituels et les avait transmis à l'environnement par la parole et par l'action. Cette substance et cette force spirituelles étaient là, et si le mouvement lui-même s'y consacrait de manière concentrée et sans se disperser, il était à la longue à la hauteur de toute opposition.

Rudolf Steiner avait déjà réfléchi à l'attitude à adopter face à l'adversité l'année précédente, lorsque les conditions des années 1919-22 avaient entraîné une augmentation constante des attaques et que toujours de nouveau, en partie aussi

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de ses propres rangs, a été contraint de s'opposer à ces attaques perpétuelles par une telle défense justement, a déclaré que ce serait la plus grande erreur s'il s'y laissait prendre. Car c'est précisément la tendance cachée, mais consciente, des forces maléfiques à l'œuvre derrière cette opposition, de vouloir entraîner le chercheur de l'esprit dans des affrontements négatifs permanents, des défenses et des défenses, afin de l'empêcher de faire de la recherche spirituelle, du travail positif et fructueux. Lui-même ne tomberait pas dans ces pièges, mais poursuivrait imperturbablement son propre chemin. Bien sûr, il y a des moments décisifs où il s'agit d'ôter de toutes ses forces le masque de cette opposition et de rendre visible ce qui se cache derrière. Il faut alors le faire avec clarté et cohérence, mais au niveau spirituel. Mais il ne s'est jamais laissé contraindre à l'entraîner continuellement dans cette sphère de défense et d'attaque.

En effet, face à un certain type d'adversaires de bas niveau, Rudolf Steiner a utilisé une fois, alors qu'il devait être poussé à une confrontation procédurale avec de telles personnes, une comparaison drastique mais pertinente : un humain qui, lors d'une promenade, entre par mégarde en contact avec un objet naturellement sale, par exemple un cochon, ne va pas pour autant poursuivre le cochon, car il ne peut pas être autrement que sale par nature. Il faut l'accepter comme un fait et éviter tout contact ultérieur dans la mesure du possible.

Et en ce qui concerne le reste de l'opposition, il dit encore une fois dans sa conférence de février 1923 :

"Une grande partie des opposants est en fait constituée de telle sorte qu'elle vit dans des contextes de vie très précis. Elle a par exemple étudié ici ou là telle ou telle chose ; il est d'usage de penser de telle ou telle manière sur telle ou telle chose ; du fait qu'elle doit penser de telle ou telle manière, elle doit devenir un adversaire de l'anthroposophie. Elle ne sait pas du tout pourquoi elle doit le devenir, mais elle doit le devenir parce qu'elle est inconsciemment attachée à ce qui l'a élevé, à ce qu'elle a vécu ; c'est ainsi qu'il en est intérieurement. - Extérieurement, il est évident que pour la prospérité ou la ruine de ce qui a été fondé avec la société anthroposophique, de tels adversaires doivent être écartés du champ de la manière correspondante.

Mais les personnalités dirigeantes de l'opposition savent très bien ce qu'elles veulent. Car parmi eux se trouvent ceux qui connaissent bien les lois de la recherche spirituelle - même si c'est d'un autre point de vue que celui de l'anthroposophie - et qui savent que le meilleur moyen est de bombarder continuellement celui qui a besoin de calme pour faire des recherches spirituelles d'écrits et d'objections adverses, afin qu'il soit détourné de sa recherche spirituelle. Car ils savent très bien que la réfutation permanente des adversaires ne peut pas s'accorder avec la recherche spirituelle. Ils veulent vous jeter des bâtons dans les roues en vous opposant ces choses. Ces gens, qui savent en fait ce qui est important, ne se soucient pas tant de ce qui est écrit dans les livres de leurs adversaires, mais que ces livres soient jetés à la tête du chercheur de l'esprit. Et ils tiennent particulièrement à ce que, par le biais de

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ruses et de moyens similaires, ils le contraignent à se défendre lui-même. Ces choses doivent tout de même être considérées en toute objectivité".

A cet égard aussi, Rudolf Steiner invitait donc à reconnaître et à éviter le manque de discernement et donc les réactions erronées qui s'étaient produites en maints endroits au cours des années précédentes.

Lorsque, lors d'un débat sur cette question, quelqu'un fit remarquer le danger de destruction du mouvement par l'opposition, il répondit :

"On a dit que le mouvement anthroposophique pouvait être détruit par les opposants. Il ne peut pas l'être. Les adversaires peuvent constituer le plus grand danger pour la société anthroposophique, pour moi-même personnellement, etc. etc. Mais le mouvement anthroposophique, il ne pourra lui être fait aucun mal, il pourra tout au plus être arrêté par les adversaires".

Il savait que l'essence "anthroposophie" était suffisamment liée aux forces de la sphère terrestre pour que les adversaires puissent certes l'entraver et la combattre, mais jamais l'empêcher de progresser vers l'avenir.

Après avoir effectué, lors de ces conférences de fin janvier à février 1923, avec amour et sérieux, sans compromis et de manière conséquente, une sorte de nettoyage général de la sphère des forces au sein du mouvement et vis-à-vis de l'opposition, il pouvait maintenant se consacrer entièrement aux grands actes qui ouvraient une nouvelle ère de l'évolution et qui étaient prédestinés à l'année 1923. Avant les impulsions annonçant les futures tâches ésotériques du mouvement qu'il donna à Dornach à Pâques et à Noël 1923, il introduisit ces nouvelles étapes de développement dans les conférences du soir de Dornach de février et mars 1923, dans lesquelles il parla d'abord des transformations historiques de l'activité spirituelle des anciens lieux de mystères aux centres de travail spirituels actuels ; sur les impulsions morales qui, en tant qu'actes d'entités spirituelles, se répercutent dans cette évolution et jusque dans l'organisation psycho-corporelle de l'être humain ; sur le renversement de la situation spirituelle de l'être humain vis-à-vis de l'univers depuis le tournant du siècle et sur la création d'un nouveau monde au XXe siècle, la création d'une nouvelle unité entre la science, l'art et la religion. Il est caractéristique qu'à cette époque, consacrée à la création d'une nouvelle harmonie de la vie communautaire, Rudolf Steiner se soit particulièrement tourné, dans la thématique de ses conférences, vers les lois spirituelles de la musicalité. Ainsi, dans les conférences des 7 et 8 mars à Stuttgart, il donna deux conférences fondamentales pour l'essence et l'exercice de la musicalité sur "L'expérience sonore de l'humain" et mena ensuite ces réflexions jusqu'aux sources ésotériques de l'harmonie et de la musicalité dans l'organisme global de l'univers dans la conférence de Dornach du 16 mars sur "Le monde des hiérarchies et le monde des sons".

Même pour celui qui a pu observer l'inépuisable diversité du savoir et du savoir-faire de Rudolf Steiner dans tant de domaines, c'est à nouveau une expérience d'émerveillement que de voir comment, dans ces conférences, il dominait de la base l'essence, l'histoire,

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la thématique et la technique de la création musicale et maintenant aussi pour la musique, donnait le matériel de connaissance pour les récepteurs et les interprètes dans ce domaine. Il a tout d'abord donné un aperçu des étapes concrètes de l'évolution de l'expérience sonore humaine au cours de l'histoire*, par exemple des transformations structurelles de l'humanité par le passage de l'expérience de la quinte à celle de la tierce, à la sensation de l'octave. Il a ensuite expliqué comment, au cours de l'évolution, de telles métamorphoses de l'expérience musicale étaient liées à la formation de l'organisation spirituelle et de la conscience-Je de l'humanité et a aussi caractérisé les influences sur l'humain nerveux, l'humain rythmique et l'humain des membres. Il expliqua leur importance dans la pédagogie pour les différentes classes d'âge, les bienfaits des ambiances majeures et mineures pour les forces de l'âme de l'humain en devenir, et montra aussi aux musiciens créatifs la voie à suivre pour trouver à notre époque, grâce à la formation des forces de l'imagination, de l'inspiration et de l'intuition, l'accès aux sphères spirituellement productives du musical, à la source originelle de la composition.

Dans sa conférence de Dornach du 16 mars, il a aussi rappelé comment, aux premiers stades de l'évolution de l'humanité, "l'expérience musicale coïncidait avec une expérience directement religieuse", qu'à l'époque, il y avait encore une conscience de la manière dont l'action de la divinité, des hiérarchies , s'exprimait dans l'expérience de la septième, de la quinte, de la tierce, etc. comment les humains vivaient alors encore les "acclamations cosmiques des dieux" et les "lamentations cosmiques des dieux", comment cette activité hiérarchique dans les sphères cosmiques s'est imprimée dans l'organisation humaine au cours des âges. Et comment l'humain, qui a de plus en plus perdu cette expérience au cours du siècle dernier et qui risque donc de devenir improductif dans le domaine musical, peut à nouveau se relier consciemment à ces sphères par la connaissance et la formation spirituelles. Ici aussi, nous ne pouvons que renvoyer le lecteur à l'étude personnelle de toutes les idées créatives contenues dans ces conférences et dans celles consacrées au même thème (voir aussi p. 83, 264, 267). De telles suggestions de Rudolf Steiner sont aujourd'hui déjà à l'origine d'un grand nombre d'élèves musiciens qui ont offert à notre époque une multitude de compositions de grande valeur.

En plus de ces conférences menant à la sphère lumineuse du musical, il a aussi parlé à Dornach, ces dernières semaines, du pôle opposé de telle

* Rudolf Steiner : "Das Ton-Erlebnis des Menschen" (L'expérience sonore de l'homme), "Das moralische Erleben der Farben- und Tonwelt" (L'expérience morale du monde des couleurs et des sons), "Die Welt der Hierarchien und die Welt der Töne" (Le monde des hiérarchies et le monde des sons) ; voir aussi : Dr G. Wachsmuth : "Die ätherische Welt in Wissenschaft, Kunst und Religion" (Le monde éthérique dans la science, l'art et la religion) chap. X, "Mysterien- und Geistesgeschichte" (Histoire des mystères et de l'esprit) chap. IX ; Walter Blume : "Musikalische Betrachtungen im geisteswissenschaftlichen Sinne (Considérations musicales dans le sens spirituel-scientifique)" ; Prof. Hermann Beckh : "Das geistige Wesen der Tonarten (L'être spirituel des sortes de son )" ; Dr. H. E. Lauer : "Die Entwicklung der Musik im Wandel der Tonsysteme (L'évolution de la musique dans la transformation des systèmes de son)" ; H. Ziemann : "Polaritäten-Metamorphose in der Tonskalen-Bildung (Métamorphoses de polarité dans la formation d'échelles de sons)", Gäa-Sophia, vol. II ; Erich Schwebsch : "Anton Bruckner. Ein Beitrag zur Erkenntnis von Entwicklungen in dcr Musik (Une contribution à la connaissance de l'évolution de la musique)" ; A. G. Huber : "Auf den Geisteswege von (Sur le chemin spirituel de) Joh. Seb. Bach et L. van Beethoven" ; entre autres.

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harmonie dans le cosmos, sur les phénomènes de décadence et de destruction dans l'organisme de l'humain et dans les règnes de la nature. Il illustra comment, par la matérialisation du langage, l'humain s'isole de plus en plus des puissances spirituelles qui étaient et sont toujours actives dans le langage. Il a aussi décrit la nature de la dysharmonie dans les règnes inférieurs de la nature, a parlé par exemple des effets des plantes toxiques, de leur influence sur l'organisation humaine et dans l'art de la guérison, et a ensuite mené cette vue d'ensemble jusqu'à la compréhension du danger qui menace l'ensemble de l'organisme de la Terre dans son évolution future par l'intellectualisme étranger à l'esprit de l'homme terrestre actuel. L'aperçu de l'imbrication intime de tous ces phénomènes, des actes des dieux et des humains, a donné à celui qui a écouté ces conférences et les a assimilées une conscience de responsabilité qui s'est orientée avec la même intensité vers l'intérieur et l'extérieur.

Fin mars, Rudolf Steiner se rendit une nouvelle fois de Dornach à Stuttgart pour participer, du 25 au 29 mars, à un "congrès artistique et pédagogique" de l'école Waldorf libre, auquel il contribua lui-même par deux conférences du soir sur "Pédagogie et Art" et "Pédagogie et Morale", et par des mots d'introduction à une soirée de récitation de Mme Marie Steiner, ainsi qu'à une représentation d'eurythmie pour adultes et à une représentation d'eurythmie pour enfants.

Comme symptôme caractéristique pour rappeler les conditions extérieures de l'époque, il convient de mentionner qu'à cette époque, le glissement de l'environnement dans le chaos économique était déjà si avancé qu'un billet d'entrée pour de telles manifestations devait être estimé à 5000 marks, un billet d'entrée pour une représentation artistique à 300-1000 marks. Peu de temps après, en juin 1923, un cours d'eurythmie coûtait déjà 60 000 marks, et ainsi de suite, et la chute dans l'abîme était évidente. L'humanité se trouvait alors à un stade où la dysharmonie, le chaos et l'incapacité à maîtriser la vie devenaient les dominantes de l'époque.

C'est pourquoi il était tout à fait judicieux et opportun que Rudolf Steiner, à Pâques 1923 à Dornach, ramène la conscience des humains qui voulaient entendre à ce noyau ésotérique et la concentre là où elle pouvait se renforcer et se consolider à la source originelle, et qu'au lieu de se perdre dans le chaos d'un environnement fragmenté, ils pouvaient recevoir cette "communion spirituelle" avec les puissances créatrices qui avaient construit et guidé avec sagesse le monde cosmique et terrestre, jusqu'à ce que l'humain s'isole d'elles dans son aveuglement. Il avait parlé de cette communion spirituelle comme d'un acte ésotérique de l'humain se formant lui-même et se reconnectant avec le monde spirituel par ses propres forces lors de sa dernière conférence dans le premier bâtiment du Goetheanum à Noël dernier (voir page 502). Or, à Pâques, l'idée de la résurrection devait être vécue, non seulement par tradition, comme consolation de la foi, ou par habitude de fêtes annuelles qui laissaient intacte la vie du reste de l'année, mais comme

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une pensée de la résurrection qui s'enracine dans la connaissance de la sagesse du divin et de son œuvre vivante, la nature et l'humo, et qui peut donner l'impulsion à une action conforme à l'esprit. Les conférences de Pâques de Dornach de l'année 1923 étaient consacrées au thème : "Le cycle annuel et les quatre grandes périodes de fête de l'année".

Ces conférences, qui ont fait passer l'inauguration du culte spirituel des saisons de fête au Goetheanum à un nouveau stade de développement, partaient de la considération du cours de l'année comme un puissant "processus de respiration de la terre", spirituel et organiquement vivant, et ont conduit, à partir de cette compréhension, à un culte des fêtes annuelles qui donnera la force intérieure et la direction spirituelle à la structure sociale fondée sur l'esprit du cours de la vie future, afin d'introduire peu à peu, dans la dysharmonie de l'environnement, l'harmonie et l'objectif de la direction spirituelle du monde. Nous ne pouvons ici qu'évoquer en quelques points la substance de la connaissance et l'action ésotérique de ces conférences de Pâques de Dornach, mais elles sont aussi devenues accessibles à l'étude depuis lors. Rudolf Steiner partait à nouveau de processus naturels observables pour ensuite dévoiler le spirituel qui se manifeste en eux. Goethe avait déjà parlé de manière allusive d'une "respiration de la terre" et Rudolf Steiner s'est penché concrètement sur les rythmes et les forces qui se manifestent dans cet énorme processus de respiration. Nous avons déjà mentionné les premiers pas de connaissance sur ce chemin dans ce qui précède (voir page 348) et c'est pourquoi nous abordons ici directement les processus dans le monde élémentaire et cosmique-spirituel que les humains, dans la sagesse originelle des époques passées, associaient aux saisons de consécration et de fête au cours de l'année. Les solstices d'été et d'hiver n'étaient pas seulement pour eux un problème astronomique extérieur, mais ils connaissaient les subtiles transformations matérielles, psychiques et spirituelles qui s'opèrent dans la nature et dans l'humain à ces moments de l'année. La recherche spirituelle d'aujourd'hui peut à nouveau accéder à ces subtils changements dans la structure de l'âme. Alors qu'en été, la terre a rayonné ses forces dans l'environnement, les a expirées, et a ainsi provoqué la plénitude des phénomènes végétatifs, en hiver, elle les retire à nouveau dans la terre protectrice, les concentre à l'intérieur et retient son souffle au plus profond de l'hiver, avant de recommencer au printemps le processus d'expiration, le rayonnement*. Rudolf Steiner décrivit alors l'intuition pleine de sagesse qui, en ces temps plus clairvoyants, avait conduit à placer la fête de la Nativité précisément à la saison où la terre retient pour ainsi dire son souffle, où elle est concentrée dans son être propre :

C'est le moment où l'on place à juste titre la naissance de Jésus, parce que la Terre est alors en quelque sorte en possession intérieure de toute la force de son âme. Et en naissant à ce moment-là, Jésus est né d'une force terrestre qui a fait naître tout le psychisme/ce qui est d'âme de la Terre

* Rudolf Steiner : "Le cycle annuel et les quatre grandes périodes de fête de l'année" ; voir aussi à ce sujet : G. Wachsmuth : "Les forces éthériques de l'image dans le cosmos, la terre et l'homme".

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porte en elle. Et c'est un sens profond qu'ont, à l'époque du mystère du Golgotha, les initiés qui étaient encore dignes de l'ancienne initiation, un sens profond que ces initiés ont lié à la vision qui fait tomber la naissance de Jésus dans ce moment d'inspiration terrestre, de retenue du souffle terrestre".

A l'époque de l'apparition du Christ, "une grande métamorphose spirituelle et d'âme traversa tout l'univers des mystères" et transforma les anciens cultes, célébrations et actes de consécration. Alors qu'à l'époque précédente, le moment propice pour la liaison cultuelle avec les puissances essentielles du monde se lisait dans les constellations du soleil, de la lune et des étoiles, à l'horloge universelle, on savait désormais que ces puissances et forces créatrices étaient également liées à la Terre elle-même, et les périodes de fête du cœur de l'hiver et du printemps devinrent, à partir de la vision de processus spirituels réels, la célébration annuelle de la naissance du Christ à Noël et de la résurrection à Pâques. On reconnaissait "la signification cosmique de la naissance de Jésus", on savait que "si Jésus naît, il naît à une époque où la terre ne parle en quelque sorte pas avec les cieux, où la terre est entièrement repliée sur elle-même avec son essence". Mais lorsque, à l'époque de l'équinoxe de printemps, avec l'ascension de l'orbite solaire, "les forces de l'âme de la terre se déversent dans le cosmos", lorsqu'elles se préparent "à recevoir ce qui est solaire", c'est le temps de la résurrection, de la fête de Pâques. Lorsqu'en juin, au solstice d'été, les forces terrestres sont entièrement expirées dans l'immensité, lorsque "l'âme de la terre est imprégnée de la force du soleil, de la force des étoiles", c'est le temps de la consécration de la fête de la Saint-Jean. Et l'inspiration, la concentration des forces terrestres en automne conduit à nouveau à ce moment du cycle annuel où la conscience de l'humain s'associe chaque année à l'événement de la naissance de l'enfant Jésus sur terre.

En raison des changements qui se sont produits dans le domaine des mystères et de la connaissance de l'esprit au cours du dernier tiers du siècle dernier et que nous avons présentés dans ce qui précède à l'aide des conférences de Rudolf Steiner (cf. pages 335, 385/86), la tâche de reconnaître et de réaliser l'aspect contemporain de l'introduction d'une nouvelle fête annuelle, l'inauguration de la fête de Saint-Michel à l'automne, cette fête qui inscrit et consacre chaque année la défaite du dragon par l'archange Michel dans les grands rythmes du cours de l'année comme un événement touchant le cosmos, la Terre et l'humain. - Rudolf Steiner a ensuite décrit en détail comment, dans la polarité de l'été et de l'hiver, l'union avec la force du Christ à Noël s'oppose à la menace de domination des puissances ahrimaniennes hostiles au Christ qui, en été, c'est-à-dire dans ces périodes du cycle annuel où la terre s'abandonne entièrement au naturel et au végétal, déploient aussi pour l'humain leur surpuissance menaçante. Lorsque cette sagesse originelle parlait du combat de Michel contre le dragon, elle faisait allusion à la victoire que cette entité de Michel avait remportée autrefois sur

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les hordes ahrimaniennes. Dans des conférences antérieures, Rudolf Steiner avait présenté cet événement dans les mondes spirituels, qui s'était déroulé avant le tournant du siècle, et il montrait maintenant comment, dans le grand rythme du cours de l'année, dans le processus de respiration de la Terre, l'heure d'automne est l'heure juste pour diriger la conscience dans une consécration festive sur cet acte de Michaël. Car c'est cette puissance mondiale qui vainc les puissances ahrimaniennes surpuissantes pendant l'été et qui est en même temps appelée à préparer la liaison avec la force du Christ que l'humain fait ensuite resplendir en lui au temps de Noël et de Pâques. C'est donc surtout à l'automne que la force du Christ vient au secours de l'humain, que la Terre doit être purifiée des forces contraires et que l'espoir de vivre le Christ doit s'affermir en l'humain. C'est pourquoi le fait que la période autour du 29 septembre, à l'équinoxe d'automne, soit depuis toujours consacrée au nom de Michel, est à nouveau un signe de la teneur spirituelle de l'ancienne sagesse. Rudolf Steiner a résumé ce rythme sacré du cours de l'année, qu'il a expliqué en détail jusque dans tous ses événements naturels et spirituels, par les mots suivants :

"Jusqu'à présent, la Saint-Michel/le jour de Michel est une fête paysanne - vous savez quel sens j'y attache - une fête d'humains simples. Elle est appelée à devenir de plus en plus la fête complémentaire de la fête de Pâques, à partir de la reconnaissance de tout le sens de la respiration annuelle terrestre et cosmique. Car c'est ainsi que l'humanité, qui comprendra à son tour la vie terrestre dans le sens spirituel, devra un jour penser.

Pendant l'expiration de l'été, la terre est ahrimanisée. Malheur si la naissance de Jésus tombait dans cette terre ahrimanisée ! Avant que le cycle ne soit à nouveau achevé et que le mois de décembre ne s'approche, ce qui permettra à l'impulsion du Christ de naître dans la terre pénétrée, la terre doit être purifiée du dragon, des forces ahrimaniennes, par des forces spirituelles. Et la force de Michael doit s'unir à ce qui afflue en tant que respiration terrestre depuis la période de septembre jusqu'à la période de décembre, la force de Michael purificatrice, celle qui vainc le mauvais ahrimanien, doit s'unir à elle, afin que la fête de Noël puisse s'approcher de la bonne manière, et que la naissance de l'impulsion du Christ puisse s'accomplir de la bonne manière, laquelle continuera ensuite à mûrir jusqu'à la période de Pâques".

Ainsi, la force de Michael est au service de la force du Christ. Et l'humain d'aujourd'hui peut, par le service de consécration humaine dans le culte des fêtes annuelles, se mettre consciemment, chacun par ses propres moyens, au service des puissances spirituelles dirigeantes qui façonnent le destin terrestre et le destin humain.

Après ces exposés sur Pâques, Rudolf Steiner a abordé l'histoire des cultes qui étaient liés aux fêtes annuelles dans les époques précédentes. Il a dévoilé le sens qui, dans les temps les plus reculés, sous-tendait ces coutumes populaires tirées des secrets de la nature, comme le lancer de runes, les devinettes, la fonte de plomb, etc. à l'époque de l'automne et de l'hiver, des coutumes qui provenaient naturellement d'un tout autre niveau de conscience que celui d'aujourd'hui. Il a ensuite parlé de la sagesse transmise lors de l'initiation aux mystères chthoniens de l'Antiquité, qui était encore au courant des secrets de l'hiver, qui savait encore comment, en cette période hivernale

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le monde végétal s'enrichit de forces curatives, et qui a développé une science de la guérison à partir de là. Il décrivit les enseignements et les actes des initiés de l'époque, car la polarité des secrets souterrains et aériens était révélée dans la nature lors de ces fêtes annuelles de l'hiver et de l'été. Cette connaissance des mystères s'est transformée de fond en comble lorsque, avec l'apparition du Christ, ces initiés ont pris conscience que "le Christ s'est uni à l'humanité après la résurrection, qu'il ne vit plus seulement dans les hauteurs extraterrestres, mais qu'il vit au sein de l'existence terrestre, qu'il vit dans l'évolution, dans le courant d'évolution de l'humanité". Avec cela, tout le rapport de l'humain avec le monde spirituel, avec la nature, avec le sens des fêtes annuelles devait s'élever conformément au sens à un nouveau niveau. Et c'est un pas de plus vers les mystères de l'ordre spirituel qui nous entoure et qui nous habite que la fête de Michel vient compléter le rythme sacré des fêtes annuelles. Elle ouvre la voie à une nouvelle expérience des mystères de la naissance, de l'ensevelissement/mise au tombeau et de la résurrection. De même que l'humain, à la suite des disciples du Christ, apprend à contempler la résurrection, il doit intégrer dans sa volonté la force michaélique qui vainc le dragon :

"Dans la pensée festive du solstice d'automne, l'âme doit sentir sa force, en ce sens qu'il n'est pas fait appel à sa vue, mais à sa volonté : Accepte la pensée de Michael qui vainc les forces ahrimaniennes, cette pensée qui te rend fort pour acquérir la connaissance spirituelle ici sur terre, afin que tu puisses vaincre les forces de mort. - De même que la pensée pascale s'adresse à la contemplation, cette pensée s'adresse aux forces de la volonté : accueillir la force de Michael, c'est-à-dire accueillir la force de la connaissance spirituelle dans les forces de la volonté…

Les êtres humains doivent à leur tour apprendre à penser le spirituel avec le cours de la nature. Aujourd'hui, il n'est pas seulement permis à l'humain de faire des réflexions ésotériques, il est nécessaire pour l'humain de pouvoir faire à nouveau de l'ésotérisme...

Lorsque l'on comprendra penser avec le cours de l'année, alors se mêleront aux pensées les forces qui permettront à l'humain d'entrer en dialogue avec les forces spirituelles divines qui se révèlent à partir des étoiles. C'est dans les étoiles que les humains ont cherché la force de fonder des fêtes qui ont une validité humaine intérieure. Les humains doivent fonder les fêtes à partir de leur force ésotérique intérieure."

Nous voyons comment Rudolf Steiner, après l'époque du plus grand rayonnement dans l'étendue de l'environnement, dans tous les domaines de la vie et du travail de l'époque, tel que le destin de ce mouvement spirituel l'avait apporté ces dernières années, a maintenant concentré la conscience des humains qui travaillent avec lui sur le pôle intérieur de l'évolution humaine, sur le service de consécration de l'humain que chacun peut accomplir en lui-même, sur la formation de la capacité de l'humain à "pouvoir à son tour faire de l'ésotérisme". Car cette source de force intérieure devait être rassemblée et enrichie, afin que les humains, ainsi armés, puissent affronter les lourdes tâches et les détresses des temps à venir, invincibles au service de la force michaélique.

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Après que cet acte ésotérique de préparation fut accompli à Dornach, Rudolf Steiner reprit ses multiples activités de conférences et de voyages qui, en cette année, devaient être consacrées à la préparation d'une nouvelle impulsion aussi à nouveau à l'environnement dans les pays et les domaines d'activité d'Europe. Il tint tout d'abord des conférences dans une série de villes suisses, qui servirent à orienter un cercle plus large sur les objectifs de la reconstruction du Goetheanum, et visita ensuite au cours de cette année six pays d'Europe pour y répandre les nouvelles impulsions, une activité qu'il poursuivit de la manière la plus intensive l'année suivante. Du 5 au 12 avril 1923, il s'exprima à Berne, Bâle, Zurich, Winterthur et Saint-Gall sur le thème "Que voulait le Goetheanum et que doit être l'anthroposophie ? Il s'agissait en effet tout d'abord de fournir des explications sur les voies et les objectifs visés par la construction du nouveau bâtiment du Goetheanum et de son école supérieure/université. Il s'agissait de transmettre les directives à la volonté d'aide enthousiaste de larges cercles, mais aussi de pousser les opposants, également actifs, "sur les deux bords du chemin" et de les convaincre de l'inutilité de leur action éternellement inhibitrice. - Il est peut-être possible de mentionner à nouveau une expérience personnelle de cette tournée de conférences, car elle peut illustrer l'ambiance et la situation. Comme il était encore possible, ces derniers mois, que la dernière flambée des esprits de certaines personnes, excitées par la violence des événements de la Saint-Sylvestre, puisse devenir un danger personnel pour Rudolf Steiner, je décidai de l'accompagner dans ce voyage afin d'aider éventuellement à écarter un tel danger, mais je le fis en me basant sur l'expérience décrite précédemment, et de nouveau sans lui faire porter la responsabilité par des questions préalables. Et une fois de plus, j'ai pu constater que c'était la bonne voie, car lorsque je suis monté dans le même coupé de chemin de fer au moment du départ, il l'a accepté cordialement comme une évidence, sans demander aucunement les raisons de ce voyage, et c'est ainsi que ce qui n'était qu'un essai est devenu une coutume qu'il a respectée de manière conséquente, même dans les années à venir. En effet, lorsque, quelque temps plus tard, après que les vagues d'excitation se furent apaisées et que le voyage put à nouveau être considéré comme totalement sans danger, je pris la décision intérieure de cesser de voyager, il vint, sans que j'aie dit un mot de cette décision, m'aborda dans la menuiserie, me dit qu'il voyageait à telle et telle heure, me donna le lieu de départ et la destination, et lorsque j'objectai timidement que j'avais en fait l'intention de rester là cette fois-ci, il se contenta de dire "Non, non, vous voyagez avec moi". Et c'est ainsi que j'ai pu continuer à l'accompagner dans ses voyages jusqu'à la fin de sa vie, un des plus beaux cadeaux qui m'a donné si souvent l'occasion de recevoir des informations essentielles par des questions et des réponses, dans le train, le bateau, à l'hôtel, lors de promenades, et de vivre la grande personnalité de Rudolf Steiner au quotidien dans sa bonté humaine et sa pratique exemplaire de la vie. Lors de ce voyage en avril 1923, il m'a

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rendu attentif, pendant le trajet ou, ce qu'il faisait volontiers, après la conférence, en discutant autour d'une tasse de café, à certaines particularités de ce qui était présenté, comme par exemple le fait que, bien que le thème de la conférence soit le même dans toutes les villes, il pouvait le compléter par différentes nuances à Berne, Zurich ou Saint-Gall.

Ainsi, les conférences à Saint-Gall étaient toujours imprégnées d'un élément spirituel particulier, qui résultait de l'atmosphère historique qui s'y trouvait encore du temps du christianisme européen primitif *. Comme nous l'avons déjà mentionné, une telle orientation de ses conférences en rapport avec la structure spirituelle et historique particulière de certaines régions du monde avait aussi été observée lors de ses conférences dans différents pays. Nous l'illustrerons encore par la suite à l'aide de divers exemples. On a pu voir à chaque fois comment il a fait appel aux forces spirituelles latentes en tous lieux, afin de les amener à la tâche commune de notre époque. C'est ainsi que les nombreuses et lointaines conférences de Rudolf Steiner au cours de ces années sont devenues pour moi, de ce point de vue aussi, une source d'inspiration précieuse pour l'histoire de la pensée. A l'occasion de la conférence à Saint-Gall, nous avons visité pendant la journée la bibliothèque du monastère et ses trésors uniques, et Rudolf Steiner nous a fait de nombreux cadeaux en nous faisant profiter de ses connaissances historiques inépuisables.

Ce voyage-conférence d'avril 1923 contribua aussi largement à clarifier et à écarter certains arguments des opposants qui, par malentendu, s'étaient encore opposés à la reconstruction de Dornach. Lors des négociations avec les autorités et les associations au cours des mois suivants, qui ont permis d'éliminer complètement les derniers obstacles à la reconstruction, cette prise de conscience a été d'une grande valeur. Lorsque, par exemple, quelques mois plus tard, je dus mener moi-même une négociation à ce sujet avec un représentant de la partie adverse à Bâle, parce que Rudolf Steiner venait de s'absenter, il me donna comme directive de négocier : "nous pouvons négocier la hauteur du bâtiment (il s'agissait de savoir si le nouveau bâtiment devait être aussi haut ou plus haut que le premier), mais nous ne négocions pas les formes artistiques, nous restons fermes sur ce point". Et il en fut ainsi. Le nouveau bâtiment fut construit dans les cinq années qui suivirent exactement selon le modèle que Rudolf Steiner avait modelé de sa propre main de son vivant. Nous y reviendrons plus tard.

Une fois ces étapes franchies pour le développement futur de l'ensemble du travail, Rudolf Steiner, à l'initiative d'un groupe d'enseignants suisses, donna à Pâques, du 15 au 22 avril, une conférence sur le thème de l'éducation, avant de poursuivre ses voyages maintenant vers l'est,

* voir aussi à ce sujet : Friedrich Häusler : "Die Geburt der Eidgenossenschaft aus der geistigen Urschweiz (La naissance de la Confédération de la Suisse originelle spirituelle)" ; C. Englert-Faye : "Du mythe à l'idée de la Suisse" ; Maria Schindler : "Columba" ; Fiona Macleod : "Jonas", entre autres.

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un cours pédagogique de huit conférences à Dornach, publié depuis sous le titre "Die pädagogische Praxis vom Gesichtspunkte geisteswissenschaftlicher Menschenerkenntnis" (La pratique pédagogique du point de vue de la connaissance de l'humain dans la science de l'esprit), dans lequel il présentait à un cercle plus large d'intéressés la pédagogie qu'il avait fondée et qui avait déjà fait ses preuves dans la pratique. Ce qu'un enseignant encore éloigné de l'anthroposophie a écrit dans le "Berner Schulblatt (Feuille bernoise des écoles)" à propos de son expérience lors de ce cours pédagogique au Goetheanum est aussi caractéristique :

"Chaque matin, lorsque nous écoutions à nouveau le Dr Steiner lui-même, nous nous sentions un peu plus proches de lui, nous comprenions toujours mieux ce qu'il avait à dire, comment il devait le dire. Et puis nous, les nouveaux, nous nous retrouvions ensemble, et chaque jour nous devions demander avec plus d'insistance : pourquoi n'y a-t-il pas beaucoup plus de collègues ici ? Il n'est pas vrai que l'anthroposophie enferme, qu'elle cultive l'étroitesse d'esprit, qu'elle passe à côté de la vie ; il n'est pas vrai qu'elle flotte dans l'air avec sa doctrine du suprasensible ; car pas à pas, le Dr Steiner montrait l'application à la vie, qui éclairait comme un projecteur dans les détails et révélait leur lien avec des questions profondes de la vie et de l'être…

Je suis venu ici pour chercher une stimulation et un profit pour mon travail scolaire, c'est ce que j'ai trouvé en grande partie ; à ce profit s'ajoute de façon inespérée une richesse encore plus grande pour le cœur et l'âme, et de là doit émaner à nouveau une richesse pour ma classe, pour mes compagnons de route...

Ces dernières semaines, depuis que nous avons repris notre travail scolaire, bien des choses se sont déjà éclaircies, et la conviction que le Dr. Steiner a beaucoup à nous offrir, à nous enseignants actuels, est devenue plus grande et plus pure. Je m'étonne qu'on n'ait pas encore demandé au Dr Steiner de donner un cours à Berne, comme Scharrelmann et comme Kühnel maintenant. Nous irons volontiers et accepterons avec reconnaissance ce que Kühnel nous offrira ; mais nous qui connaissons maintenant le Dr Steiner, nous aimerions qu'il soit lui aussi appelé à donner un cours à Berne. Nous ne voulons pas être unilatéraux, mais accepter partout avec reconnaissance ce qui est bon, quel que soit le nom de la source, si seulement elle est une source pure. Avoir vécu cela en soi comme une conviction, c'est peut-être encore le plus grand".

Quiconque a abordé l'œuvre de Rudolf Steiner sans préjugés a pu acquérir cette conviction d'un profond enrichissement dans le domaine des tâches humaines, matérielles et professionnelles.

Fin avril 1923, il se mit en route pour des voyages qui le menèrent d'abord en Allemagne, en Autriche et en Norvège. A Stuttgart, les 24 et 25 avril, il introduisit deux représentations d'eurythmie, et le 2 mai, il s'adressa aux membres sur le thème "Le logos individualisé et l'art d'extraire l'esprit de la parole". C'est justement à cette époque qu'il a fait prendre conscience à plusieurs reprises des forces spirituelles intérieures de la parole, de la langue, comme lors des conférences de Dornach des 6 et 13 avril sur "La spiritualité de la langue et la voix de la conscience" et "La récupération de la source vivante de la parole par l'impulsion du Christ". C'est aussi à ce thème que furent consacrées les conférences du 25 au 30 avril en Autriche, où il parla à Prague des forces suprasensibles de l'humain qui se développent dans le processus de la marche, de la parole et de la pensée. Les conférences publiques

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à Prague portèrent pour thème : "L'éternité de l'âme à la lumière de l'anthroposophie" et "Développement humain et éducation humaine".

Après être revenu brièvement d'Autriche à Dornach pendant les jours de Pentecôte et nous avoir offert une conférence sur "La révélation de l'Ascension et le mystère de la Pentecôte", il partit à la mi-mai pour la Norvège afin de représenter la nouvelle impulsion qui devait désormais émaner du Goetheanum et fonder le travail des amis locaux sur cette nouvelle base, conformément à cet objectif. Une série de conférences publiques à Christiania développa la connaissance spirituelle-scientifique de "l'être humain, le destin de l'humain et l'évolution du monde". Dans le cercle de ses collaborateurs, il a parlé de la "Pentecôte mondiale, le message de l'anthroposophie" et a participé le 17 mai à la fondation de la société anthroposophique en Norvège. Dans de nombreux pays, il a reconstitué cette année les groupes nationaux en préparation de la refondation de la Société anthroposophique universelle lors du congrès de Noël 1923 à Dornach, leur montrant ainsi la voie pour être prêts à l'action décisive de la prochaine période de Noël.

Sur le chemin du retour de Norvège, il donna une conférence à Berlin sur "Les énigmes de l'humain intérieur". De retour à Dornach, il reprit les thèmes de conférences commencés au printemps, qui se tournaient surtout vers la mission spirituelle des forces créatrices données à l'humain dans le langage. Du 27 mai au 9 juin, il donna cette importante série de conférences sur "L'artistique dans sa mission mondiale", avec le sous-titre "Le génie du langage et le monde de l'apparence rayonnante se révélant dans la couleur". Dans ces conférences, il est parti des débuts historiques de l'art à l'aube de l'humanité et a décrit les premières sources d'inspiration de l'art de la construction, dans lequel s'exprimait encore à l'époque la conscience de la vie après la mort, par exemple dans l'art des tombeaux, tandis que la connaissance de la vie prénatale de l'humain se révélait jusque dans la conception des enveloppes extérieures, par exemple dans l'art du vêtement. Il représentait l'expérience des forces plastiques de l'image dans la tête de l'humain antérieur, telle qu'elle se manifestait dans l'art de la sculpture. Dans ces considérations, il a parcouru l'histoire des arts depuis le langage en tant qu'"art originel", en passant par la révélation de l'esprit et du non-esprit dans la peinture, la sculpture et l'architecture, jusqu'à la tâche de notre époque qui consiste à agir, par la récupération consciente des forces spirituelles, pour que l'art puisse s'intégrer de manière créative à l'unité à créer entre science, art et religion. Ainsi, à la spiritualisation de l'expérience de la nature suggérée dans les conférences de Pâques, qui peut conduire jusqu'au culte des fêtes annuelles, il ajoute maintenant la compréhension de la "mission universelle des arts", qui sont appelés à coopérer à cette œuvre comme les meilleurs auxiliaires.

Il plaça ces objectifs de connaissance de l'esprit, de création artistique et de reconstruction sociale dans le cercle de tâches du mouvement spirituel-scientifique

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qui leur avait préparé le chemin depuis le tournant du siècle,en ce qu'il donna dans les conférences de Dornach du 10 au 17 juin, un aperçu complet de "l'histoire et des conditions du mouvement anthroposophique par rapport à la Société anthroposophique". Comme nous ne pouvons pas présenter ici à nouveau en détail ces considérations très détaillées sur l'histoire du mouvement, nous devons renvoyer à l'étude de ces textes. Ici, la formation du corps communautaire et de la conscience-Je de cet organisme social a été présentée une fois de plus dans ses phases de développement et ses étapes, avec toutes les maladies infantiles, les processus de maturation, les phénomènes concomitants qui favorisent et entravent toute croissance vivante, en observant sérieusement, en avertissant avec amour, en éveillant la connaissance de soi, en montrant sans illusion ce qui est erroné, en stimulant ce qui est bon et fort et en le préparant à de nouvelles actions. C'était justement le moment de la rétrospective et de l'anticipation de cette année, où tout ce qui s'était avéré être lié au passé et inorganique a été rejeté, et tout ce qui s'était avéré être sain, créatif et organiquement lié au centre de l'anthroposophie a été amené à un nouvel ordre et à un enrichissement de la responsabilité à partir de l'ésotérisme de ce mouvement spirituel.

Les négociations administratives concernant l'incendie, l'assurance et la reconstruction ayant maintenant été menées à bien à la mi-juin, l'assemblée des membres du 10 juin et l'assemblée générale de l'Association du Goetheanum du 17 juin clarifièrent, par une rétrospective et une prévision, les bases de la reconstruction du bâtiment du Goetheanum et décidèrent à l'unanimité de sa reconstruction. A cette occasion, Rudolf Steiner parla encore une fois avec force de ce qui, dans tous les coups du sort présents et futurs, doit toujours vivre dans la conscience d'un tel mouvement, fort intérieurement, luttant contre des forces contraires, mais sûr de l'aide spirituelle lorsqu'il est bien disposé :

"Ce qui s'est exprimé d'une manière évidente pour nous lorsque nous étions sous l'impression immédiate de l'incendie du Goetheanum, à savoir que nous ne voulions absolument pas abandonner la continuité du travail de notre vie de l'esprit, doit toujours nous animer. Et il est particulièrement important que nous sachions effectivement nous comporter dans le sens de ce que j'ai dit hier : travailler à partir du centre du spirituel, et ne pas se laisser troubler dans ce travail et cet état d'esprit proprement intérieurs, issus du centre, même par les impressions les plus douloureuses, mais aussi par les impressions exaltantes du monde extérieur. C'est de cela que dépend la perspective réelle du mouvement anthroposophique. Elle ne dépend pas du nombre et de la nature des coups du sort qui viennent de l'extérieur. Ceux-ci doivent être acceptés avec l'état d'esprit qui découle naturellement de la vision anthroposophique de la vie. Mais que, malgré tous les coups du sort, même les plus favorables, l'énergie intérieure ne faiblisse pas dans l'élaboration du centre de la vie spirituelle, c'est de cela que dépend ce qui doit et peut être atteint par le mouvement anthroposophique... Je voudrais seulement faire remarquer que dans

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un mouvement spirituel tel que l'anthroposophie, doit vraiment devenir sérieux s'il veut trouver la bonne voie, que le succès et l'échec ne signifient en fait rien, que seul ce qui provient de la force intérieure et des impulsions intérieures de la chose elle-même a une signification...

J'aurais pu imaginer qu'à l'époque où ce terrible malheur nous a frappés, il y aurait eu des âmes, même parmi les anthroposophes, qui auraient dit : Oui, pourquoi les bonnes puissances spirituelles ne nous ont-elles pas protégés dans ce cas ? Une telle pensée se rattache justement à l'extérieur, elle ne se rattache pas à ce qui vient imperturbablement de l'extérieur, simplement du centre intérieur de la chose. Si l'on veut prendre au sérieux le fait que les sentiments, les pensées, notamment les impulsions de la conscience, sont des réalités, alors il faut croire en elles-mêmes, en ces impulsions de la conscience, en ces pensées, en ces sensations, non pas aux aides qu'elles peuvent avoir de l'extérieur, mais à leur propre force. Il faut alors être sûr que ce que l'on puise dans de telles impulsions, malgré tout échec extérieur apparent, atteindra son but juste, le but qui lui a été prescrit dans le monde spirituel...

Le succès est assuré pour ce qui est voulu de l'intérieur, mais on ne peut alors parler de succès que dans le sens où l'on entend ce qui est dans le sens des impulsions intérieures, des pensées, des intentions de la conscience elle-même. Les choses qui s'accomplissent dans le monde extérieur s'accomplissent en général d'une manière qui ne devient souvent explicable qu'après des décennies, peut-être même après un temps encore plus long".

Rudolf Steiner lui-même a donné l'exemple de la force intérieure et du comportement juste dans les moments d'épreuves extérieures tragiques. Sa vie fut en effet, pour tous ceux qui purent la contempler dans la plénitude de son destin et sa cohérence intérieure, un signe que les puissances spirituelles éprouvent le plus durement celui qui est fort et que chaque épreuve de droiture donne lieu à l'accroissement de nouvelles forces et capacités. La question pusillanime de certains humains, qu'il laisse entendre dans les mots ci-dessus, à savoir pourquoi les puissances spirituelles permettent de tels coups du sort, ne pouvait donc naître que de la non-reconnaissance de la conduite spirituelle du destin. C'est pourquoi il convient de mentionner ici une réponse que Rudolf Steiner a donnée un jour lors d'un entretien personnel, lorsque je lui ai raconté que quelques contemporains incompréhensifs de son entourage lui avaient demandé pourquoi, malgré son don de clairvoyance, il n'avait pas lui-même empêché un tel coup du sort. Il m'a répondu que les personnes qui argumentaient ainsi n'avaient manifestement pas saisi l'essence de la guidance spirituelle, ni celle de la clairvoyance. Premièrement, celui qui travaille dans le sens des bonnes forces spirituelles n'est jamais autorisé à détourner un coup du sort de lui-même, même s'il le prévoit. Mais même dans cette hypothèse, l'idée que ces personnes se font de l'essence de la clairvoyance est totalement erronée. Ces personnes auraient l'idée, étrangère à la réalité, que le clairvoyant doit toujours voir simultanément devant lui tous les événements présents et futurs du destin et qu'il peut les arranger à son gré de manière favorable pour lui. Mais, outre l'inexactitude morale d'une telle pensée, ils ne tiennent pas compte du fait que le clairvoyant doit lui aussi diriger volontairement son regard sur un événement présent ou futur pour le voir. Ce ne serait pas quelque peu

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tous les événements suprasensibles se présentant constamment d'eux-mêmes devant l'œil de l'esprit, celui-ci doit être dirigé vers eux, comme l'œil physique doit être dirigé vers le visible sensoriel pour le percevoir. Il utilisait la comparaison suivante : si vous allez par exemple le soir dans votre chambre et que vous ne regardez pas sous votre lit et que vous ne percevez pas, du fait de cette absence de regard, qu'un cambrioleur se trouve sous votre lit, cela ne prouve pas que vous n'avez pas de bons yeux - vous pouvez même avoir les meilleurs et les plus aiguisés - mais vous n'avez justement pas regardé là, mais ailleurs, et vous ne l'avez donc pas perçu. Mais il en va naturellement de même pour la perception extrasensorielle, le regard doit être volontairement dirigé vers l'objet pour le voir. Mais le clairvoyant qui suit les lois spirituelles ne dirigera pas son regard sur ce qui le concerne lui-même ou pourrait être dirigé contre lui, mais il concentrera toute sa force et sa vision sur ce qui concerne la généralité et cherchera et regardera avant tout ce qui est nécessaire à la poursuite de la recherche spirituelle. Pour toutes ces raisons, il doit laisser les coups du destin l'atteindre et, sans se laisser décourager, diriger sa force de vision vers ce qui serait l'affaire et la tâche de la collectivité.

Celui qui avance de manière conséquente sur ce chemin se tient au-dessus des vagues du destin personnel et est ainsi inséré dans le courant spirituel qui ne peut être entravé par le succès ou l'échec local et temporel. C'est aussi ce que Rudolf Steiner a illustré en paroles et en actes : celui qui travaille à partir du noyau central d'un tel mouvement spirituel est invincible dans sa force de rayonnement et sa continuité, malgré le ressac, les marées hautes et basses, le flux et le reflux et la confusion de l'environnement périphérique.

En même temps que les conférences sur "L'artistique dans sa mission mondiale" en juin 1923, qui servaient à la prise de conscience de la situation historique mondiale actuelle et de la nouvelle sphère d'activité des arts qui en résulte, la formation pratique des artistes fut intensivement encouragée, afin de pouvoir réaliser au Goetheanum nouvellement construit la formation artistique qui, sous la direction de Rudolf Steiner et de Madame Marie Steiner, menait constamment à de nouvelles étapes de développement. En référence à ce qui a été dit précédemment sur l'essence des fêtes annuelles, la représentation d'eurythmie de la Saint-Jean 1923, par exemple, a déjà été plongée dans l'élément spirituel de "l'ambiance de la Saint-Jean". Le travail de peinture et de sculpture fut aussi poursuivi de manière continue, dans la mesure où cela était possible dans les locaux provisoires. Les peintres ont cependant subi une lourde perte ces jours-ci avec le décès de Hermann Linde, qui faisait partie du cercle des artistes qui avaient peint la grande coupole du premier bâtiment du Goetheanum avec des motifs de l'histoire de l'évolution de la Terre. Lors de l'incinération de Hermann Linde, le 29 juillet, Rudolf Steiner a prononcé les paroles de commémoration de l'action, impérissable dans l'esprit, de ce collaborateur éminent et compréhensif.

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Mais les motifs et les esquisses des peintures conçues par Rudolf Steiner et exécutées par les collaborateurs avec la plus grande sensibilité à l'égard du nouvel art pictural étaient encore conservés et les collaborateurs recevaient toujours de nouvelles impulsions grâce à la visite de Rudolf Steiner dans les ateliers ou grâce à l'action exemplaire de Rudolf Steiner lorsqu'il prenait lui-même les pinceaux et les couleurs et qu'il leur montrait par des exemples l'essence de la peinture à partir de l'élément de la couleur.

La formation artistique des peintres a ensuite été poursuivie systématiquement par ses élèves, par le biais de cours et d'expositions lors des congrès, à l'initiative de Mieta Pyle-Waller, Marie Stralcosch-Giesler, Hilde Boos-Hamburger, Louise van Blommestein, W. Nedella et Carl Bessenich. Mais nous ne pouvons malheureusement pas citer ici tous ces précieux auxiliaires. - Les nouvelles directives dans le domaine de la sculpture et de la taille ont également été développées dans l'"école de sculpture" du Goetheanum sous la direction d'Oswald Dubach et de F. Kemper et transmises par l'enseignement à d'autres artistes venus plus tard. - C'est ainsi que, dans toutes les sphères de la création artistique que Rudolf Steiner a ouvertes ces années-là, sont nées les impulsions pour transmettre aux générations futures d'artistes, par un enseignement approfondi, ce qu'ils avaient reçu.

Au printemps 1923, la fidèle troupe des ouvriers du bâtiment et des artisans reçut à nouveau ses conférences régulières et ses heures de discussion sous la direction de Rudolf Steiner. Ils s'occupèrent alors de démolir la terrasse en béton de l'ancien bâtiment, trop petite pour le nouveau bâtiment plus grand, et de procéder au nivellement et aux travaux préparatoires pour le nouveau bâtiment. Le premier bâtiment avait un volume de 66 000 mètres cubes, le nouveau devait avoir un volume d'environ 106 000 mètres cubes. Rudolf Steiner souligna lui-même que le nouveau bâtiment, d'un genre si différent, devait être construit dans l'élément dur du béton armé et qu'il devait désormais s'intégrer encore plus fortement, par son monde de formes, aux rythmes et aux lignes caractéristiques du paysage environnant, grâce à l'expérience de nombreuses années. Dans ce cercle de personnes reliées entre elles de manière encore plus solide et enthousiaste par les graves événements de la Saint-Sylvestre, par les dons spirituels de Rudolf Steiner au printemps et par l'objectif clair pour l'avenir, les fondations extérieures et intérieures de la deuxième construction du Goetheanum sur la colline de Dornach se développèrent.


2ème semestre

Du 20 au 23 juillet eut lieu l'importante assemblée qui prit les décisions définitives concernant la réalisation de la reconstruction et ses fondements pratiques. Ce congrès des membres de tous les pays fut ouvert par Albert Steffen avec des mots qui représentaient, dans une vue d'ensemble artistique, les courants d'esprit de l'Est, du Centre et de l'Ouest, du Nord et du Sud, dans leurs relations avec l'œuvre à réaliser ici. Le Dr Wachsmuth a présenté un rapport sur les mesures prises jusqu'à présent et celles à venir.

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Le deuxième bâtiment du Goetheanum vu de l'ouest

Cage d'escalier sud du deuxième bâtiment du Goetheanum


Le deuxième bâtiment du Goetheanum vu du sud-ouest


Le deuxième bâtiment du Goetheanum dans le paysage jurassien

pour la réalisation pratique et les dons généreux déjà versés ou souscrits par les différents pays pour cette œuvre. Et après que les décisions prises les 10 et 17 juin aient été confirmées à l'unanimité, à savoir d'assurer et de réaliser la reconstruction en commun et de toutes nos forces, et de demander à Rudolf Steiner d'assumer à nouveau la conception et la direction du nouveau bâtiment entièrement selon ses propres projets et directives, il a lui-même conclu l'assemblée par les mots :

Ce sera sans aucun doute une réunion mémorable si la construction d'un nouveau Goetheanum peut en résulter. Et ce serait beau si ce nouveau Goetheanum pouvait devenir tel qu'il puisse à nouveau rayonner vers nous dans ses formes ce qui doit être dit à l'humanité par la parole sur le terrain de l'anthroposophie. Vous aurez ainsi fait beaucoup pour l'anthroposophie.

Je peux parler impersonnellement de toutes ces choses en ce moment, cela ne dépend vraiment pas de moi, je ne veux pas non plus parler de la décision qui a été prise de me laisser prendre les dispositions internes concernant la construction, car si j'ai demandé, si je dois réaliser la construction, de pouvoir la réaliser dans ces conditions, c'est parce que je ne peux assumer la responsabilité de la construction que dans cette condition. Et tout cela reste dans le cadre de l'objectif.

Il faut reconnaître que l'on a accédé à cette demande avec compréhension. Ce qui en résultera profitera déjà au mouvement anthroposophique en tant que tel. Et c'est ainsi qu'à la fin de ce congrès, en saluant chaleureusement les amis venus ici, je ne veux être que l'interprète de la compréhension anthroposophique, et la répercussion de cette compréhension anthroposophique ne manquera pas de se faire sentir pour ceux qui ont cette compréhension. En vérité, on voit bien, du point de vue de l'esprit, le lourd sacrifice que font nos amis pour la reconstruction du Goetheanum. Mais le sentiment s'est justement répandu dans nos rangs que le vouloir de ce qui se tient comme idéal devant l'œil de l'âme ne peut pas être réalisé sans de tels grands sacrifices.

Le Goetheanum ne sera vraiment béni que si ceux qui font les sacrifices le veulent vraiment et si ces sacrifices proviennent d'un vouloir sacré. Mais la beauté, le beau sérieux de ce vouloir peut déjà être exprimé par l'interprète de l'anthroposophie comme un cordial salut d'adieu. Et je peux vous en assurer : On reconstruira le Goetheanum de son mieux, maintenant que les sacrifices ont été faits".

C'est ainsi qu'est née de cette réunion mémorable la grande œuvre de la deuxième construction du Goetheanum, décision et acte responsable de tous les membres de ce mouvement spirituel.

Durant ces mois, Rudolf Steiner reprit ses activités de voyage en Europe. A la mi-juillet, il se rendit à Stuttgart pour y poursuivre le travail scientifique-spirituel par des conférences aux membres, cette fois-ci par des réflexions sur les "axiomes" des quatre niveaux d'existence des mondes physique, éthérique, astral et je, auxquels l'humain est relié par ses quatre membres essentiels et auxquels il doit se réveille à la conscience de son propre être-là.

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Du 11 au 14 juillet, il a donné quatre conférences aux théologiens de la communauté des chrétiens afin de les former pour la suite de leur travail. Là aussi, l'unité entre la connaissance, l'art et la religion a été établie par des représentations d'eurythmie.

Après avoir préparé et expliqué au printemps dans plusieurs pays d'Europe centrale et du Nord la nouvelle impulsion qui devait être donnée cette année au travail spirituel dans le monde entier, il se rendit début août en Angleterre pour consolider et compléter ce qui avait été mis en place au cours des dernières décennies et le préparer au nouveau cycle de tâches . Il s'est tout d'abord rendu à Ilkley pour poursuivre le travail pédagogique des années précédentes, où s'est tenu du 4 au 17 août un congrès de l'"Educational Union for the Realization of spiritual Values in Education" sous la direction de la célèbre pédagogue Mme Margaret McMillan. Quatre conférences de Rudolf Steiner sur "La vie spirituelle contemporaine et l'éducation" étaient au centre de ce congrès. Depuis, cet important cours de pédagogie a aussi été rendu accessible aux étudiants sous forme de livre. De nombreuses personnalités de la pratique éducative européenne, et plus particulièrement anglaise, ont participé à ce cours et, entre les conférences, des discussions animées ont donné une image des fortes impulsions que la pédagogie a reçues du patrimoine spirituel de l'anthroposophie. En complément de ce congrès pédagogique à Ilkley, Rudolf Steiner a aussi parlé de sa méthodologie d'éducation devant un public nombreux lors d'un séminaire d'enseignants (Training College). Il faut d'ailleurs mentionner que cette réunion était présidée par un haut dignitaire ecclésiastique de la High Church anglaise, l'archidiacre de Halifax, qui a ainsi fait preuve de plus d'objectivité et d'intérêt pour de nouvelles impulsions spirituelles que certains représentants subalternes du clergé européen. C'est là que l'ouverture et la disposition objective à la compréhension, y compris de la part de l'Eglise, ont été mises en avant de manière belle et digne. Nous rappelons les symptômes similaires que nous avons pu constater lors de la conférence de l'année dernière à l'Université d'Oxford et les phénomènes de bonne volonté qui se sont manifestés ici et là dans le cercle des théologiens de certains autres pays au cours des dernières années. La haute valeur éthique inhérente à la pédagogie de Rudolf Steiner pouvait être perçue et approuvée par tous ceux qui avaient l'esprit ouvert.

D'Ilkley, le voyage s'est poursuivi jusqu'à Penmaenmawr, un endroit magnifiquement situé sur la côte du Pays de Galles, où un grand nombre de visiteurs venus de nombreux pays se sont réunis pour un "cours d'été". Ce cours d'été avait été organisé notamment à l'initiative de D.N. Dunlop, décédé depuis lors. Ici, à Penmaenmawr, nous avons vécu deux semaines de travail intensif et d'études intéressantes de la nature et de l'histoire dans ce paysage consacré par d'anciens sites druidiques. De tels "cours d'été" avaient leur propre

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atmosphère de travail spirituel et de vie communautaire. Les participants étaient unis non seulement pendant les conférences, mais aussi pendant la journée, lors des repas pris en commun dans les hôtels de la petite localité, lors des excursions dans le paysage dominé par une austérité et une beauté étranges, avec ses falaises abruptes, la mer déchaînée, les hauteurs isolées avec leurs anciens lieux de culte et les symboles étranges d'une haute culture spirituelle remontant aux débuts de l'histoire de l'humanité. Ainsi, on était constamment ensemble pendant la journée et on se retrouvait aussi humainement dans une expérience commune. Ce petit lieu situé sur la rude côte ne disposait que d'une petite salle construite en planches peu étanches, et les participants n'oublieront sans doute jamais comment, pendant une conférence ou une représentation d'eurythmie, les tempêtes venues de la mer s'infiltraient souvent par les joints, froissaient les rideaux d'eurythmie, et comment certaines personnes assises dans la salle étaient trempées par la pluie à travers le toit non étanche. Mais ce lien assez élémentaire avec la nature s'accordait bien avec l'essence de ce paysage, dans l'atmosphère duquel, comme le disait Rudolf Steiner, les événements de l'histoire et les combats spirituels du passé étaient encore écrits de manière dense dans l'éther. Ainsi, durant ces semaines à Penmaenmawr, beaucoup de choses sérieuses, belles et joyeuses se sont entremêlées. On a vécu, dans les conférences et dans certaines conversations au quartier ou au bord de la mer, l'assimilation commune de la substance spirituelle importante que Rudolf Steiner a transmise dans son cycle de conférences, la beauté de l'eurythmie qui, dans ses représentations, a dû parfois accepter l'intervention des éléments, à tel point que, lors d'un poème traitant de la tempête et des vagues, la nature elle-même a soudain participé, a éteint les lumières dans la salle et a soufflé sur la scène une tempête et une pluie réelles pour les eurythmistes. C'était une étrange imbrication de l'humain et de la nature dans ce "cours d'été" qui nous a tous réjouit et suscite un vécu intensif.

Comme nous l'avons déjà mentionné, les conférences et les paroles de Rudolf Steiner étaient toujours orientées vers la situation concrète, l'essence des humains présents, le caractère du pays, du peuple, la nature spirituelle de l'environnement. Dans un pays, il parlait plus de l'aspect philosophique, dans un autre pays, il partait généralement plus de l'histoire et du mythe, etc. Ici, en Angleterre, il aimait aborder directement le monde des faits, l'aspect factuel des phénomènes occultes, suprasensibles. Nous étions tous étonnés de voir à quel point, dans ces conférences auxquelles assistaient, outre les membres, de nombreux participants non encore familiarisés avec l'anthroposophie, il abordait les phénomènes concrets de l'expérience suprasensible, mais aussi les erreurs et les dérives de certaines aspirations occultes. Ce cycle de 14 conférences, qui s'est déroulé du 18 au 31 août, était intitulé : "Connaissance initiatique" et sous-titré : "L'évolution spirituelle et physique du monde et de l'humanité dans le passé, le présent et l'avenir à la lumière de l'anthroposophie". Il a conduit de manière très concentrée et en même temps d'une immédiateté dépourvue

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d'embellissement dans les domaines de la recherche spirituelle, à ses résultats, aux dangers et aux surmontements, aux erreurs menaçantes et évitables, aux contestations et aux victoires, au champ de bataille des débats spirituels actuels.

Après ces conférences matinales, les participants ont visité en petits et grands groupes, ou individuellement, les dolmens des anciens sites druidiques perchés sur les falaises, dont l'évolution historique, le sens et l'action nous ont été présentés lors des conférences. L'une de ces expériences inoubliables reste le jour où Rudolf Steiner m'a demandé de monter seul avec lui sur le haut plateau rocheux au-dessus de Penmaenmawr pour visiter les cercles druidiques. Malgré ses 62 ans, il gravit la montagne rapidement et avec vigueur. Conformément à l'atmosphère spirituelle du lieu, la conversation s'est concentrée sur les mystères des druides et leur pôle opposé en Europe, le service de Mithra, que le Sud opposait aux mystères du Nord. Au cours de cette promenade, j'ai pu lui raconter une expérience que j'avais vécue quelques années auparavant lors de la découverte d'un ancien site mithraïque au bord du Danube. En montant sans cesse et sans relâche, Rudolf Steiner m'expliqua la grande antithèse du culte des druides et de Mithra, des mystères nordiques et méridionaux de l'Europe, les effets des courants spirituels d'Irlande et du nord de l'Europe, du nord au sud, et d'Italie et du Danube, du sud au nord, qui trouvèrent tous deux leur destin dans le christianisme naissant. Lorsque nous sommes arrivés sur les falaises surplombant Penmaenmawr, le cercle solitaire du plateau entouré de pics rocheux s'étendait devant nous, au milieu duquel se trouvaient les immenses signes de pierre du cercle druidique. Ce fut un moment de la vie dont le souvenir reste toujours vivant, une image singulièrement étrange, lorsque Rudolf Steiner s'avança dans la solitude de ce plateau au milieu du cercle des druides. Il m'invita à viser les sommets des montagnes entourant le plateau par-dessus les pierres saillantes du cercle et décrivit alors avec une intensité de rétrospective, comme si cela se produisait dans l'instant, comment les prêtres druides vivaient autrefois le cosmos spirituel, les entités qui y agissent et leur mission envers les humains en visant les constellations qui défilent à l'horizon au cours de l'année ; comment ils organisaient les fêtes de consécration et les cultes de l'année en fonction de ces rythmes cosmiques et donnaient leurs instructions sacerdotales aux membres de leur communauté ; comment le déroulement des saisons devait se refléter spirituellement dans le culte et physiquement jusque dans le maniement du travail agricole. Il a parlé de l'expérience du soleil et de l'ombre dans la chambre de pierre intérieure de l'ancien sanctuaire et de la propagation des visions et des impulsions qui y sont reçues dans l'immensité du cercle terrestre. Les mots et les images prononcés ici dans la solitude ont été repris plus tard par Rudolf Steiner dans de nombreuses conférences

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et complétées par d'autres résultats de recherche *. Lorsque nous quittâmes le cercle druidique et le plateau silencieux pour retourner à Penmaenmawr, au pied des montagnes, j'eus la certitude intérieure qu'il s'était passé quelque chose de réel, d'extraordinaire, dans la sphère de ce lieu, du fait qu'une personnalité voyante, comme Rudolf Steiner, avait un jour séjourné ici, qu'elle avait pu lire les événements spirituels du passé en un tel lieu et qu'elle pouvait maintenant communiquer ce qu'elle avait vu aux humains qui, à notre époque, veulent emprunter le chemin de formation spirituelle pour l'avenir.

En redescendant vers le bord de mer, nous rencontrâmes à nouveau les amis qui furent étonnés de ne pas voir Rudolf Steiner fatigué après les montées et descentes abruptes qu'il raconta de manière vivante. En effet, durant ces journées remplies de conférences, de présentations artistiques, de discussions et d'excursions, il était d'une fraîcheur que peu de jeunes pouvaient lui égaler. Une autre petite expérience caractéristique de ces journées est rapportée ici, qui montre comment il savait systématiquement s'approprier les langues étrangères. Dans l'hôtel de cette petite ville côtière du Pays de Galles, il existait une étrange coutume qui consistait à éteindre complètement la lumière la nuit, à partir de 12 h environ, pendant quelques heures. Rudolf Steiner, qui manifestement restait debout, lisait et travaillait la nuit pendant de nombreuses heures, m'a donc demandé le lendemain d'aller acheter des bougies. Il m'accompagna dans le petit magasin et écouta attentivement lorsque je fis l'achat de bougies en anglais. Quelques jours plus tard, il m'a dit le matin que je devais à nouveau aller acheter des bougies avec lui, mais que cette fois-ci, il le ferait lui-même en anglais. Et c'est ce qui s'est passé, avec une syntaxe et une prononciation parfaites. Quelques jours plus tard, il m'a croisé dans la rue et m'a dit, rayonnant, qu'il avait désormais acheté les bougies tout seul. Certains amis parlant d'autres langues ont souvent été étonnés de la rapidité avec laquelle il se vivait dans une langue étrangère.

L'expérience suivante a aussi donné un aperçu important de la nature et de la méthodologie de sa vision spirituelle. Depuis des années, il était devenu fréquent que des parents de la Société, auxquels un garçon ou une fille venait de naître, demandent à Rudolf Steiner d'indiquer le nom juste pour l'enfant. Comme cette attribution de nom devait se faire très rapidement entre la naissance et l'enregistrement officiel du nom et le baptême, ces demandes arrivaient le plus souvent par télégramme. Mais lorsque Rudolf Steiner était en voyage, ces télégrammes devaient d'abord être transmis de Dornach au lieu de séjour respectif, ce qui rendait le temps très court. Pendant notre séjour à Penmaenmawr, quelques télégrammes de ce genre sont arrivés avec des demandes de noms et comme l'un d'eux est arrivé le samedi à midi, la réponse n'aurait peut-être pas pu être donnée le dimanche,

* Rudolf Steiner : "Initiations-Erkenntnis (Connaissance d'initiation)" ; voir aussi à ce sujet : Dr.G.Wachsmuth : "Mysterien-und Geistesgeschichte (Mystères et histoire de l'esprit)" chap. VII, avec des illustrations des cercles druidiques de Penmaenmawr.

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j'ai demandé à Rudolf Steiner s'il pouvait me donner le nom à transmettre aux parents par télégramme dans le courant de l'après-midi. Mais il me répondit : "Vous savez bien qu'il faut toujours attendre une nuit avant que je puisse donner le nom de l'enfant. Car je dois d'abord entrer en contact avec son être spirituel". Eh bien, je ne le savais pas, mais c'était pour moi une leçon importante et, à partir de ce moment-là, je ne demandais jamais la réponse avant le lendemain, même si les parents attendaient désespérément. Une scène joyeuse se déroula un jour dans cet hôtel anglais un peu rigidement correct, lorsqu'un midi Rudolf Steiner passa devant ma table dans la salle à manger et me cria : "Pensez Dr. Wachsmuth, en une semaine trois garçons". Bien entendu, aucun des auditeurs assis autour de la table ne put trouver une quelconque signification à ces mots et les hypothèses les plus étranges se développèrent. Ces attributions de noms ont aussi apporté des informations intéressantes. Ainsi, au cours de nombreuses attributions de noms, il a choisi deux fois le nom de Gotthard pour des garçons, par exemple Gotthard Johannes et Gotthart Michael. La deuxième fois que j'ai écrit ce nom sur un bout de papier devant lui, il s'est penché, l'a lu et a dit : "Non, ce garçon doit avoir un t dur : Gotthart". - Un intermède plus joyeux se produisit une fois, lorsqu'il donna à une jeune fille, parmi deux noms, celui de "Lichthild". J'ai immédiatement télégraphié ce nom aux parents, mais l'employé de la poste, qui ne pouvait sans doute pas s'en faire une idée, l'avait transformé en "Lichtbild" et les parents horrifiés ont hésité plusieurs jours sur ce qu'ils devaient faire de ce nom, jusqu'à ce que ma lettre confirmant le télégramme arrive et clarifie l'erreur. - Lorsque les enfants grandissaient, on pouvait souvent constater assez rapidement, d'après le tempérament et la nature de l'enfant, à quel point le nom qui lui avait été donné correspondait à sa nature profonde.

Au cours de ces journées délicieuses au Pays de Galles, nous avons aussi fait des excursions intéressantes vers les autres anciens sites druidiques de la région, notamment sur l'île d'Anglesey, qui ouvre la vue sur l'Irlande, à Carnarvon, vers les anciens châteaux, sites funéraires et lieux de culte des temps anciens. Et là aussi, nous avons fait l'expérience singulière de la façon dont Rudolf Steiner, à partir de sa vision clairvoyante des événements réels qui se sont déroulés sur ces sites à une époque lointaine, nous a parlé de manière si concrète et si claire que les humains de cette époque, leurs pensées, leurs coutumes et leurs actes sont apparus devant nous comme s'ils étaient présents.

Après ces semaines riches en événements au Pays de Galles, nous nous sommes rendus ensemble à Londres où Rudolf Steiner a participé à la reconstitution du groupe national anglais, comme il l'avait déjà fait dans d'autres pays. Sur son conseil, c'est l'ami de longue date Harry Collison qui fut nommé à la tête de ce groupe national, lui qui, comme nous l'avons déjà décrit, avait si généreusement étendu le travail anthroposophique aussi bien là-bas que sur de nombreux autres continents. Au cours de son voyage de retour, Rudolf Steiner a encore exprimé à plusieurs reprises sa grande satisfaction

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sur cette élection/ce choix. Les 2 et 3 septembre, deux conférences particulières ont encore eu lieu à Londres dans la maison du Dr et de Mme Larkins, Harleystreet, devant un cercle de médecins invités, sur le thème "Comment fonder le rationnel dans la thérapie ?". Ces impulsions médicales ont ensuite donné lieu à une activité médicale fructueuse en Angleterre, entre autres à la fondation de l'excellent foyer pour enfants malades et nécessitant des soins de l'âme, sous la direction de Miss Sergeant à Larkfield Hall. Le 2 septembre, Rudolf Steiner a donné une conférence pour les membres sur le thème : "L'humain en tant qu'image d'êtres spirituels et d'activités spirituelles sur terre". L'art a couronné ce congrès à Londres par une représentation d'eurythmie à la "Royal Academy of Dramatic Art".

Début septembre, nous sommes retournés à Dornach, où Rudolf Steiner avait déjà donné le 9 septembre un rapport sur les recherches spirituelles encouragées lors du voyage sur la "culture druidique et la culture wotanique". Après quelques jours favorisant le travail de reconstruction de l'édifice, il se rendit aux congrès de Stuttgart et de Vienne qui se déroulèrent dans la deuxième moitié de septembre. A Stuttgart, il a donné trois conférences sur le thème "L'humain dans le passé, le présent et l'avenir". Il s'est aussi adressé aux membres sur les principes applicables à la nouvelle constitution à venir. Ici aussi, à Stuttgart, certaines constitutions extérieures qui étaient passées au premier plan dans les années 1919 à 1922 ont de nouveau été mises en retrait, conformément à l'évolution qui avait eu lieu depuis lors, et le travail anthroposophique central a de nouveau pris davantage la voix directrice dans le chœur des participants. Le travail artistique, pédagogique et scientifique étroitement lié à cette substance centrale reçut ici aussi de nouvelles forces d'orientation pour le chemin à parcourir. L'art de l'eurythmie a contribué à construire les ponts vers ce domaine de forces qui libère les humains des attaches de l'intellectuel ; dans la pédagogie, dans les laboratoires scientifiques et dans tous les autres domaines de travail, les forces saines ont été libérées de certaines enveloppes extérieures pesantes et guidées vers la réorganisation imminente. Dans les laboratoires de recherche scientifique de Stuttgart, ce qui portait encore trop le sceau de la périphérie, de la polémique stérile ou des anciens courants de pensée fut éliminé, et ce qui était précieux, comme par exemple les expériences scientifiques de Mme L. Kolisko sur "l'efficacité des plus petites entités", publiées en août, fut par la suite attribué à la sphère de travail de l'Institut de biologie du Goetheanum. Une telle clarification a été initiée dans tous les domaines de travail. Le puissant processus de transformation de l'année 1923 plaça chaque individu devant la décision de savoir dans quelle mesure sa méthode de travail voulait et pouvait s'intégrer dans l'organisme global du mouvement à réorganiser. Ce que Rudolf Steiner exigeait particulièrement à cette époque, c'était d'éveiller la "capacité de distinction". Comme il l'a exprimé à plusieurs reprises avec humour, le "maître libre de la capacité de discernement" devait être congédié, et tout un

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chacun devait se demander, en toute conscience, dans quelle mesure la pensée et l'action pouvaient s'unir à la substance centrale du mouvement, qui atteignait maintenant un nouveau stade de développement.

Le 21 septembre, date anniversaire de la pose de la première pierre du Goetheanum, Rudolf Steiner retourna encore une fois à Dornach avant son voyage à Vienne pour prononcer un discours lors de la célébration de la pose de la première pierre du bâtiment, qui avait eu lieu il y a une dizaine d'années. Fin septembre, il se rendit en Autriche pour participer au congrès qui se déroula du 26 septembre au 1er octobre, auquel il contribua par un cycle de conférences sur "L'anthroposophie et l'âme tranquille humaine". Dans l'atmosphère de Vienne, l'élément du "plein d'âme tranquile" était endémique, mais Rudolf Steiner orienta à nouveau les forces du cœur et les forces de connaissance des humains vers leur patrie cosmique, il parla de "l'extension de l'horizon de vie dans l'univers", grâce à laquelle "l'ermitage-monde des humains de notre temps" peut être surmonté et la liaison avec l'élément d'action des forces de Michaël conquise. - Ici, en Autriche, dans le domaine des impulsions historiques qui avaient rayonné dans la sphère européenne depuis la région du Danube, il parla aussi en détail de la polarité des mystères druidiques et mithriaques, déjà évoquée plus haut, et communiqua dans ces importantes conférences viennoises quelques-uns des résultats de recherche spirituelle qui avaient été obtenus et confirmés lors de la visite précédente à Penmaenmawr.

C'est une grande fresque de l'histoire européenne des mystères qui a été réalisée ici. La différenciation des mystères européens entre le Nord et le Sud, qui s'est ensuite unifiée à un niveau supérieur, était un phénomène clairement visible de la direction spirituelle dans le développement de la culture européenne du passé. C'est pourquoi Rudolf Steiner a décrit en détail la différence entre les lieux de mystères le long du Danube et les mystères druidiques du Nord. Les premiers conduisaient davantage à une compréhension de l'essence du macrocosme par une connaissance de soi de l'être humain intérieur ; les autres conduisaient davantage à une compréhension de l'intra-humain, du microcosme, par une vision spirituelle des processus macrocosmiques du monde. Ainsi, la sagesse des mystères, qui était autrefois enseignée dans les régions du Nord et du Sud, se complétait pour former une structure mondiale harmonieuse. En se référant aux conférences de Dornach sur les fêtes annuelles, il montra ensuite comment le bon développement des forces émotionnelles et mentales, lorsqu'elles sont purifiées et consolidées par la connaissance éveillée, apporte dans l'observation du cours de l'année un nouveau niveau de conscience de la nature et de conscience de soi, à partir duquel l'humain acquiert une vue sur les domaines d'où lui viennent les forces d'aide des puissances spirituelles. Il peut alors confirmer leur présence dans la consécration des fêtes annuelles, en particulier dans l'institution d'une fête d'automne, la fête de Saint-Michel. - Outre ce cycle de conférences sur la nature et les forces de l'âme tranquille humaine, il donna à Vienne, les 26 et 29 septembre, encore

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deux conférences publiques sur "La connaissance suprasensible comme défi contemporain" et "L'anthroposophie et l'attitude éthique et religieuse de l'humain".

Il était extrêmement intéressant d'observer à quel point la substance et la forme de ces conférences viennoises de 1923 étaient différentes de celles des conférences du Congrès Ouest-Est de l'année précédente. Alors que les conférences de l'année précédente s'adressaient à des milliers de personnes excitées par la situation actuelle et cherchant de l'aide pour maîtriser les défis de l'environnement et, comme nous l'avons décrit sur la base des faits, englobaient probablement le plus grand domaine de rayonnement dans la sphère de l'action européenne, ces conférences viennoises de l'année 1923 s'adressaient à nouveau au germe le plus intime qui peut se deployer à partir des forces d'âme tranquille humaines dans l'entrainement spirituel, et le conduisaient à la vision de la guidance pleine de sagesse qui peut devenir pour l'humain dans le déroulement historique à partir de la substance ésotérique de l'être-mystère en transformation. Ce grand processus de respiration de l'organisation spirituelle humaine qui, après le rayonnement dans l'immensité, provoque à nouveau consciemment la concentration des forces à l'intérieur dans un rythme sain, est aussi clairement lisible dans l'organisation de telles réunions des collaborateurs de ce mouvement spirituel. - Comme dans les autres pays, ici aussi en Autriche, la refondation du groupe national en vue des objectifs de l'organisme global du mouvement a eu lieu le 1er octobre 1923.

Pendant ce séjour viennois, Rudolf Steiner m'a demandé un matin de l'accompagner lors d'une visite privée qu'il rendait à la poétesse viennoise Rosa Mayreder, dont il s'était intéressé aux travaux d'écriture et d'art pendant sa période viennoise des années 1888/89, et dont il parle dans son autobiographie "Mein Lebensgang (le cours de ma vie)", chap. IX, comment il avait eu avec elle, en dépit des différences de parcours intellectuels, tant de discussions significatives lors de l'élaboration de sa "Philosophie de la liberté", et dans le cercle mondain duquel il avait rencontré Marie Lang, Hugo Wolf et d'autres personnalités importantes. - Environ 35 ans s'étaient écoulés depuis cette époque et Rudolf Steiner avait apparemment décidé soudainement de lui rendre à nouveau visite à l'occasion de ce séjour à Vienne. Nous avons rencontré l'écrivaine dans son appartement et, au cours de la conversation que Rudolf Steiner a eue avec elle, de nombreux souvenirs de cette époque viennoise révolue ont refait surface et le chemin du destin vers la sphère de travail spirituel-scientifique à l'époque actuelle a aussi été évoqué.

Le voyage de retour en commun de Vienne à Dornach, le 4 octobre, est encore très présent dans mon esprit. Pendant le long voyage dans le coupé-lit de l'Arlberg-Express, Rudolf Steiner avait organisé une petite fête pour mon trentième anniversaire, qui tombait tout de suite ce jour-là et lors de telles occasions, l'inépuisable

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bonté et cordialité humaine de son être venait ainsi bien au vécu. Ce jour-là, dans l'étroit coupé, nous restâmes assis pendant des heures autour d'une petite table et, dans un échange vivant, il évoqua bientôt des souvenirs joyeux de sa propre vie, puis répondit à nouveau à des questions profondes de la vie ésotérique, telles qu'elles se posent aujourd'hui à l'individu et à la communauté, et les interpréta à partir de grands contextes. - Ce petit groupe étrange de personnes si différentes dans ce train express de l'Arlberg a dû occuper d'une manière ou d'une autre les autres voyageurs, la silhouette marquante de Rudolf Steiner, vêtu d'une redingote noire, et nous autres, avec notre habitus souvent très gai et mondain, qui alternait entre la gaieté et de longues conversations sérieuses. C'est ainsi que le matin, avant l'arrivée du train en gare de Bâle, l'un de nos amis entendit un voyageur demander au contrôleur des wagons-lits quel genre de gens c'était. Le contrôleur réfléchit un instant et répondit à l'étranger : "C'est une famille religieuse". - Ces longs voyages en train avec Rudolf Steiner ont toujours été pour nous les plus beaux moments de contact personnel et humain avec l'entité de cette grande personnalité, qui pouvait s'adresser à chacun de manière si compréhensive, si chaleureuse et si humainement ouverte.

J'aimerais profiter de cette occasion pour vous en donner un autre exemple. Comme je l'ai déjà mentionné, Rudolf Steiner s'était à l'époque occupé avec beaucoup de gentillesse, d'encouragement et de conseils de mon livre sur "Les forces éthériques formatrices", qui était alors en cours d'élaboration, et m'avait même promis un dessin de sa propre main pour la page de titre. En raison de mes nombreux autres travaux, cela avait pris un peu de retard et je n'osais pas le demander à nouveau. C'est alors qu'un soir, lors d'un tel voyage en train, on frappa soudain à la porte de mon coupé-lit - en raison du peu de temps disponible, ces voyages se faisaient souvent de nuit -, j'étais sur le point de m'endormir, lorsque Rudolf Steiner regarda par la porte et me remit une feuille avec le dessin à la main en couleur pour ma page de titre*, parfaitement exécuté. Malgré tous ses efforts, il avait donc encore trouvé le temps de l'exécuter pendant le voyage de nuit. Ce souvenir artistique a accompagné le livre sur les forces formatrices tout au long de son destin, et il a même eu la gentillesse, dans les mois qui ont suivi, d'en lire le contenu, d'en discuter en détail avec moi, de le corriger et de le compléter. Avec de telles instructions et une telle aide spirituelle, c'était un plaisir d'écrire un livre.

Immédiatement après son retour sur son lieu de travail à Dornach, Rudolf Steiner tint le 5 octobre 1923 la grandiose "Conférence sur Michael", dans laquelle il illustra la signification cosmique et géologique de ce matériau à partir duquel l'épée de Michael peut en quelque sorte être forgée

* D'autres dessins de ce genre sont représentés artistiquement dans la publication : "Rudolf Steiner als illustrierender Künstler (comme artiste illustratif)", avec une préface de Marie Steiner et une introduction d'Emil Schweigler.

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si l'humain ne considère pas les substances terrestres uniquement sous l'angle de leur signification technique extérieure, mais les examine à la lumière de la tâche qui leur est assignée dans l'évolution de l'organisme global de l'existence de la nature et de l'humain. Il a parlé de la mission cosmique du fer. Il partit à nouveau de la transformation des forces naturelles au cours de l'année et donna une image de la métamorphose de l'efficacité des grandes et des plus petites entités de ces substances terrestres, aussi bien dans la nature extérieure que dans l'organisme de l'humain lui-même. Au cours de l'année, les mondes élémentaires et l'humain subissent des influences qui, dans la conscience de penseurs médiévaux tels que Jakob Böhme et Paracelse, étaient encore reconnues comme des processus sulfuriques, mercuriels et salins. Lorsque, par exemple, au cœur de l'été, le fer cosmique s'écrase sur la Terre dans les nombreux essaims de météores, cela ne signifie pas seulement un événement matériel, mais aussi un événement spirituel dans l'univers. Et chaque événement cosmique a à son tour sa contrepartie à l'intérieur de l'humain, dans le sang duquel circulent aussi les forces et les substances du fer. Nous ne pouvons ici qu'évoquer la manière dont Rudolf Steiner, dans ces conférences de Dornach d'octobre 1923, a déduit des destinées des substances dans la nature et dans l'être humain la vision de "ce qui se déroule derrière le voile sensible en termes d'événements mondiaux suprasensibles qui déterminent et orientent". Dans cette conférence, il expliqua aussi comment celui qui regarde dans ce monde suprasensible trouve, dans une sorte de lumière spirituelle, les "tables d'orientation inscrites avec une écriture spirituelle" qui lui révèlent la finalité de ces processus cosmiques en devenir. C'est à partir de cette connaissance qu'il a résumé la tâche assignée à la force et à la substance du fer dans le devenir terrestre par la maxime :

L'épée de Michel.

Ô humain !

Tu le façonnes pour ton service, tu le révèles selon sa substance dans nombre de tes œuvres.

Mais tu ne seras sauvé que lorsque se manifestera à toi

La puissance de son esprit".

Lorsque la période du plein été, au cours de laquelle s'accomplit symboliquement la chute du fer cosmique, passe à la période de l'automne, et que dans la nature les germes et les pousses cèdent la place aux forces du flétrissement et de la mort, c'est le bon moment pour l'humain de s'affermir face à la nature mourante dans la force de la conscience de soi qui s'arrache à la nature et la maîtrise. L'image de Michel terrassant le dragon est alors la véritable expression de l'exigence faite à l'humain de s'opposer de manière victorieuse aux puissances ahrimaniennes qui régnaient au cœur de l'été et aux forces qui maintenant dans la nature

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amènent le processus de mort. C'est pourquoi la fête de la Saint-Michel doit devenir "la fête du vouloir fort".

C'est pourquoi Rudolf Steiner a lancé cette année encore une revendication importante pour les temps à venir : L'inauguration d'une "Fête de Michael" qui, en cette période automnale, présente à la conscience, par une fête de concentration et de consécration maximales, les résultats de la recherche scientifique, des aspirations artistiques et du vouloir social issus de l'esprit de Michael. A l'avenir, l'humain devra vivre avec son âme et son esprit le grand "processus de respiration de la terre", l'expansion et l'expiration des forces terrestres dans l'environnement cosmique au printemps, et la concentration, l'inspiration de ces forces dans le terrestre à l'automne, et en saisir la signification dans l'organisme monde. Cette globalité des événements naturels et spirituels dans le cosmos doit être au centre d'une telle célébration annuelle :

"Au printemps, l'âme humaine s'efforce de suivre l'âme terrestre expirée qui cherche le cosmos, - mais elle n'y parvient pas. Sous l'influence du sentiment de liberté, de la conscience-je, l'âme humaine est devenue impuissante face aux hauteurs du ciel.

Mais lorsque l'automne approche, l'âme humaine peut sentir, si elle le sent bien, comment Michel descend et devient le collaborateur de l'humain en remplacement du Christ à l'automne.

Lorsque les feuilles se fanent, deviennent brunes, lorsqu'elles tombent des arbres, lorsque la nature meurt, alors on peut sentir, dans cette nature automnale, si l'on sait ressentir correctement, comment Michael descend des hauteurs que l'on ne peut plus atteindre avec l'âme humaine, pour devenir, par procuration du Christ qu'il nous apportera à Noël, l'assistant de l'humain à travers les difficultés de l'automne. On sent alors la possibilité d'introduire dans le cours de l'année une fête qui unit les humains par leur volonté et que les humains fondent à leur tour par leur conscience spirituelle. C'est écrit dans le calendrier, mais comme une prophétie, comme une indication : fin septembre

la fête de Michael ...

Si les humains prenaient une telle décision spirituelle de fixer quelque chose qui serait introduit dans la vie sociale à partir des mondes spirituels, cela signifierait quelque chose d'énorme pour cette vie sociale. Je sais que la conscience matérielle considérera cela comme quelque chose de fantastique si des humains quelconques aspirent à une fête de l'automne, à une fête de la Saint-Michel. Mais celui qui regarde vraiment les faits du monde sait que l'effet sur l'équilibre social, l'effet sur le progrès social sera plus fort que toute l'agitation sociale qui parcourt le monde aujourd'hui, c'est le fait, cette décision de volonté : que les humains organisent une fête d'automne comme une affaire purement spirituelle pour montrer qu'ils veulent aspirer, entre la naissance et la mort, à un éveil de l'âme, à une résurrection de l'âme, qui peut ensuite être suivie d'une mort physique de la bonne manière. Vouloir à son tour le spirituel dans le monde physique, c'est de cela qu'il s'agira".

Dans les quatre conférences qui suivirent immédiatement, du 6 au 12 octobre 1923, Rudolf Steiner donna une autre préparation pour les cycles de conférences importants par lesquels il conduisit ensuite, de la mi-octobre à décembre 1923, au congrès décisif de Noël de cette année. Alors que la première

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de ces quatre conférences était consacrée à l'essence de la fête de Michel, les trois conférences suivantes donnaient une image du cours de l'année à travers "l'imagination de Noël", "l'imagination de Pâques" et "l'imagination de la Saint-Jean". Si Rudolf Steiner avait souvent souligné dans les années précédentes que la science de l'esprit ne rejetait pas la matière, mais qu'elle la présentait dans ses origines et ses relations spirituelles, il en a aussi donné la preuve et l'exemple dans ces conférences. Car c'est précisément la représentation des rythmes et des processus de transformation de la sphère terrestre au cours de l'année qui a donné la possibilité de montrer concrètement l'intégration des substances terrestres dans les grandes métamorphoses de l'organisme de la Terre et du monde, et de montrer comment, dans ces processus cosmiques, l'action d'entités spirituelles créatrices se traduit en actes jusque dans les sphères des forces et des substances. Dans les grands tableaux qu'il donna ici des actes des entités spirituelles au cours de l'année, l'image de l'archange Gabriel en tant que figure spirituelle active apparut au temps de l'hiver, celle de Raphaël au temps de Pâques, celle d'Uriel au temps de l'été, celle de Michael au temps de l'automne. - Et c'est à partir d'œuvres d'art telles que la Madone Sixtine de Raphaël qu'il a illustré comment les grands artistes des époques précédentes avaient encore conservé de cette sublime association entre l'entité spirituelle, les éléments naturels et l'humanité un savoir inspiré que la capacité d'imagination, d'inspiration et d'intuition, qu'il s'agit d'acquérir à nouveau, peut nous transmettre à nouveau aujourd'hui. Ces quatre images des archanges guidant les saisons pourront guider les générations futures dans la consécration des fêtes annuelles et leur permettre de s'unir aux puissances spirituelles dans la connaissance et la volonté de donner un sens à la terre.

Lors d'une courte visite qui le conduisit à Stuttgart les 15 et 16 octobre, il donna aux enseignants Waldorf trois autres conférences sur la pédagogie et transmit le 15 octobre avec le thème "L'imagination de Michael. Indicateur kilométrique dans le cours de l'année", la conférence de Dornach du 5 octobre, dans laquelle il avait parlé de la signification cosmique du fer et de l'épée de Michael.

De retour à Dornach, il a offert ici le deuxième des trois cycles de conférences préparatoires à la session de Noël de cette période automnale. Le premier, du 5 au 12 octobre, avait illustré, comme nous l'avons décrit plus haut, l'action des quatre archanges au cours de l'année. Le deuxième, du 19 octobre au 11 novembre, était consacré au thème : "L'humain en tant qu'harmonie de la parole universelle créatrice, formatrice et organisatrice", le troisième, du 23 novembre au 23 décembre, était intitulé : "Formations des mystères". Ces trois cycles conduisirent donc systématiquement la connaissance de la science de l'esprit de la compréhension de l'action des puissances spirituelles dirigeantes, des êtres hiérarchiques, à l'humain en tant qu'être terrestre appelé à recevoir l'acte créateur du Verbe universel et à le réaliser dans le monde des œuvres de la terre, et donnèrent finalement comme fondement de la nouvelle impulsion à inaugurer cette année une représentation de l'être des mystères dans

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l'histoire de l'humanité, dont l'œuvre précédente devait être prise en compte et poursuivie de manière moderne lors de la nouvelle étape d'évolution.

Le deuxième de ces trois cycles, dans lequel "L'humain en tant que résonance du Verbe du monde créateur, formateur et organisateur" a été présenté à la conscience des auditeurs, partait de la structure spirituelle, psychique et corporelle de l'humain en tant que microcosme dans lequel se reflètent les images originelles et les tendances des forces formatrice de l'organisme du monde. Dans ce contexte, Rudolf Steiner a particulièrement insisté sur le fait que l'artistique devait être pris en compte dans cette méthode de connaissance afin de comprendre la concordance entre la structure humaine et le cosmos. Car les puissances créatrices ne sont pas seulement actives dans la formation de la matière, la mathématisation et la dynamisation, mais aussi dans la création artistique. Il a montré quel contenu de vérité, à la fois artistique et représentant le monde organique dans ses archétypes, était transmis par la sagesse inspirée des temps passés, lorsqu'elle parlait par exemple des quatre archétypes de l'aigle, du lion, du taureau et de l'humain. Il a décrit la dette karmique de la race humaine, qui s'est détachée de la direction spirituelle des puissances suprasensibles, et l'équilibre qui a toujours été rétabli par les entités cosmiques afin d'empêcher une évolution unilatérale de l'existence terrestre dans le seul domaine matériel. Dans des présentations très détaillées, que nous ne pouvons bien sûr pas reproduire ici, il décrivit la formation des règnes de la nature à partir des forces du zodiaque et de la dynamique cosmique et montra, à l'aide d'exemples concrets tirés de la succession des étapes du règne animal, comment on peut lire dans la nature non seulement une incarnation du spirituel, mais aussi une spiritualisation de la matière comme tendance d'évolution. Ce que Rudolf Steiner a illustré, par exemple, à l'aide des métamorphoses des plantes, des papillons et du monde des oiseaux, peut constituer la base d'une toute nouvelle considération de la phylogénie et a déjà incité plus d'un naturaliste à emprunter de nouvelles voies dans l'étude et la représentation de la morphologie. Il en résulte aussi un nouveau champ de vision pour les différences existant depuis le début de l'évolution dans la formation cosmique de l'humain et des animaux supérieurs, une vision de la nature dans laquelle il est d'emblée absurde de déduire la forme spirituelle de l'humain de la série animale, une vision du monde dans laquelle les phénomènes eux-mêmes conduisent à la reconnaissance que l'harmonie de l'évolution humaine avec les forces créatrices du Verbe universel est depuis le début la tâche et le but.

De telles réflexions de Rudolf Steiner ne s'arrêtent cependant jamais à l'être spirituel de l'humain, mais conduisent profondément dans la vision concrète de la nature corporelle de l'humain, jusqu'à la sagesse des processus de métabolisme, la dynamique de la circulation vivante des substances et des forces formatrices dans l'humain. Et ce n'est que lorsque la nature du corps a pu être pleinement comprise à partir d'une telle vision du monde qu'il a conduit la conscience

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vers la tâche future de redécouvrir, par une formation exacte de la perception suprasensible, le lien avec le monde élémentaire et le monde hiérarchique des êtres spirituels. C'est ici que s'ouvre aussi le chemin de retour vers une liaison reconnaissante avec la source originelle des impulsions morales dans l'humanité, qui ne restent plus seulement le contenu de la foi ou de la philosophie abstraite, comme au siècle dernier, mais qui sont à nouveau lues dans les actes et les objectifs des puissances de la Création, de la Parole universelle. Participer à la transformation de la forme spirituelle de l'humain vers des niveaux de conscience toujours plus élevés dans ce travail des hiérarchies, telle est la mission d'un centre de mystères contemporain qui s'adresse de manière planifiée aux forces de conscience de notre temps. C'est à partir d'une telle vision du monde, de sa phylogénie et de sa signification dans l'histoire de l'humanité qu'il faut reconnaître le but qui est aujourd'hui assigné au mouvement spirituel qui a trouvé au Goetheanum son centre de recherche et de travail. Dans ces cycles de conférences de l'automne 1923, Rudolf Steiner donna aux humains, dans une vision globale, la possibilité de se décider, par la connaissance et la libre décision, pour le franchissement du seuil, pour le nouveau domaine d'activité de l'époque qui commence avec la période de Noël, pour la participation au lieu de mystère contemporain de l'avenir.

Avant de franchir cette étape, il entreprit encore le dernier voyage à l'étranger de cette année riche en événements et participa, du 13 au 18 novembre, au congrès du mouvement anthroposophique en Hollande, en lien avec la nouvelle continuation du travail dans les différents groupes nationaux. Le cycle de cinq conférences qu'il a donné dans le cadre de ce congrès à La Haye avait pour thème "L'humain suprasensible saisi par l'anthroposophie". Il n'est pas possible, dans ce cadre, d'entrer dans les détails de ces conférences, au cours desquelles il a encore une fois transmis aux amis réunis en Hollande, dans une vue d'ensemble, bien des aspects et des impulsions nouvelles présentées dans les conférences de Dornach. Après avoir parcouru l'histoire de la nature et de l'humanité, ces exposés ont conduit à une référence aux forces de la flamme du sacrifice qui, à des époques antérieures, établissait sur les autels des mystères du passé la liaison cultuelle de l'humain avec les forces ascendantes et descendantes du monde et qui, à notre époque, en tant que flamme spirituelle du sacrifice, annonce à l'intérieur de l'humain l'essence suprasensible de la nature et de l'humain. Tandis que l'impulsion ésotérique de telles aspirations s'allumait à nouveau partout dans les cercles des élèves et des collaborateurs, Rudolf Steiner donnait là aussi de nouvelles impulsions aux personnes actives dans l'éducation et l'art de guérir par des conférences spéciales pour les pédagogues et les médecins. Les 15 et 16 novembre, il donna deux conférences publiques à La Haye sur "L'anthroposophie comme défi contemporain" et "L'anthroposophie comme chemin de vie humain et personnel". Le 18 novembre, la nouvelle constitution du groupe national hollandais a eu lieu ici aussi.

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Le sacrifice que Rudolf Steiner a lui-même consenti en réalisant cette vaste reconstitution prend tout son sens lorsqu'on se remémore le fardeau qu'il a assumé au cours des années suivantes, jusqu'à la maladie physique, pour aider les humains à assumer jusqu'au bout leurs responsabilités spirituelles et terrestres. En 1923, lors de ses nombreux voyages dans l'espace européen, il disposait encore de toutes les forces nécessaires pour faire face à toutes les mesures extérieures, voyages, exposés, conférences, réunions, etc. Mais l'année suivante, la force qui devait être prélevée dans le réservoir de forces physiques pour toutes ces activités a dû être arrachée à la maladie physique, avec l'énergie sans précédent qui était propre à cet humain de 63 ans. Et pourtant, il a poursuivi ces longs voyages de conférences sans faiblir, voire en les intensifiant. Qui, dans son entourage, aurait pu se douter à l'époque du lourd sacrifice que lui réservait le destin pour supporter des charges aussi lourdes dans les dernières années de sa vie ? C'est précisément au cours de ces voyages de 1923 qu'il nous a donné à tous, par son infatigable enthousiasme, sa chaleureuse ouverture d'esprit et son travail incessant jour et nuit, l'exemple d'un humain qui porte lui-même les plus lourdes charges et soulage les autres des leurs. Ce serait une image tout à fait inexacte si l'on pensait que Rudolf Steiner, précisément à cette époque où il inaugurait spirituellement toutes ces nouvelles créations issues du noyau ésotérique du mouvement, aurait toléré dans son entourage l'ambiance d'une quelconque légèreté et solennité du train-train extérieur qui se manifeste facilement en de tels moments chez des humains plus petits. Comme il était joyeux, ouvert et serein lors de ces inoubliables voyages en train, lors des repas et des conversations du soir dans les hôtels des grandes villes d'Europe. En ce mois de novembre 1923, par exemple, lorsque nous étions assis ensemble le soir dans le vénérable hôtel "Oude Doelen" à La Haye, il nous racontait les plus beaux et les plus joyeux épisodes de sa vie bien remplie, et comme il pouvait rire de bon cœur lorsque nous lui racontions sans fard les combats insensés que nous avions menés entre nous la nuit précédente avec les bouches d'incendie de l'hôtel dans nos chambres. Je me souviens encore d'un monsieur qui, lors d'une promenade à cette époque, le suivait sans cesse avec l'amertume cadavérique du vert profond, et comment il se retourna soudain et demanda à l'intéressé en souriant amicalement : "Pourquoi faites-vous toujours cette tête ! Il voulait s'entourer de personnes joyeuses, ouvertes et joyeuses, sérieuses au bon moment, mais aussi joyeuses et proches de la vie, et il a souvent cité avec humour les propos d'un membre italien, la Principessa d'Antuni, qui, dans sa manière originale de s'exprimer, parlait avec horreur des personnes qui font toujours "la tête jusqu'au ventre". Tout cela ne serait que

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pour montrer, même par de petits exemples, quel équilibre de sérieux et de sérénité était toujours présent dans l'atmosphère de ce grand humain.

La période de fin novembre à Noël fut consacrée à Dornach à la préparation des événements décisifs à venir. Rudolf Steiner le fit à travers le troisième des cycles de conférences mentionnés plus haut, qui introduisit la nature des "configurations de mystères" dans l'histoire. En guise d'introduction, il a décrit les chemins que l'humain doit parcourir dans sa vie psychique pour parvenir à percevoir les fondements spirituels du monde. De ce point de vue, il a présenté comment le spirituel a agi au cours de l'évolution en modelant l'âme de l'humain et jusque dans la physiologie, jusque dans les métamorphoses de l'activité de pensée, des forces de mémoire, des impulsions héréditaires ; mais aussi de l'empreinte individuelle dans les gestes, la physionomie et la structure corporelle. Il a aussi donné une description détaillée des relations de cette évolution de l'humain avec les êtres, les substances et les forces de la planète Terre. Et maintenant, dans les conférences du 2 au 23 décembre, il a développé une image grandiose de l'histoire des mystères de la préhistoire, à partir de laquelle nous pouvons à nouveau lire aujourd'hui comment, à des époques antérieures, ce savoir a été acquis, gardé, cultivé par les lieux de mystères de la Terre et développé de degré en degré dans les mystères du Nord et du Sud comme le bien le plus sacré de l'humanité.

Cette présentation d'un chapitre presque totalement inconnu de l'histoire des Mystères et de l'esprit est si vaste et si importante dans ses détails, elle révèle une telle richesse de connaissances sur les méthodes et les étapes de la conduite spirituelle de l'humain et de l'humanité à travers les siècles, que nous ne pouvons mentionner ici que les étapes les plus importantes de cette nouvelle historiographie : "Les mystères éphésiens d'Artémis. Les sites mythiques d'Hybernie. La nature des mystères hyberniens. Les grands mystères d'Hybernia. Les mystères chthoniens et les mystères éleusiniens. Le passage de Platon à Aristote. Le mystère des êtres végétaux, des métaux et des humains. Les mystères des cabires samothraces. Le passage de l'esprit des anciens mystères aux mystères du Moyen Âge. Les aspirations de l'âme humaine au cours du Moyen-Âge. Les mystères rosicruciens".

La tâche de l'institution moderne des mystères, du mouvement spirituel scientifique et de son école supérieure, le Goetheanum à Dornach, est maintenant d'élever à nouveau dans la conscience de l'humain d'aujourd'hui le savoir perdu de la direction spirituelle de l'humain et de l'humanité, issu de l'histoire spirituelle du passé, et d'introduire dans le devenir de l'humanité de l'avenir la nouvelle impulsion qui est adaptée, prédestinée et atteignable au niveau d'évolution actuel. La révélation de l'histoire des mystères donnée au cours de ces semaines a donc été le fondement adéquat pour les décisions qui devaient maintenant être prises à Noël 1923.

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Ceux qui ont assisté aux conférences de novembre à décembre 1923 se souviendront encore du fait qu'ici, sur le lieu de travail de Dornach, l'expérience directe a montré qu'en ce moment décisif, l'histoire future de l'humanité s'écrivait concrètement dans la sphère de conscience et de force de la Terre et des humains prêts à l'accueillir. Grâce à une direction spirituelle planifiée, grâce au destin de ce mouvement qui atteignait maintenant sa 21e année d'activité terrestre, grâce à la formation et à la préparation particulières des humains, la structure et l'enveloppe terrestres dans lesquelles la nouvelle impulsion pouvait s'incarner étaient en quelque sorte créées.

Au cours de ces semaines, les importantes discussions préliminaires eurent lieu dans l'appartement de Rudolf Steiner, au cours desquelles il exposa le plan et l'organisation de la nouvelle fondation du mouvement, de la société, de l'université, de ses tâches ésotériques, des sections à constituer pour la direction du travail de l'université, de la structure, du sens et du but de l'organisme spirituel à créer lors du prochain congrès de Noël. Durant ces semaines, Rudolf Steiner mena à bien ces discussions préliminaires et prit des décisions en collaboration avec Madame Marie Steiner, Albert Steffen, le Dr I. Wegmann et le Dr G. Wachsmuth. Plus tard, au cours de ces discussions, le Dr E. Vreede fut alors encore inclu. Au cours de son exposé sur la structure de base à créer, Rudolf Steiner donna aussi la répartition et les tâches des sections de l'Ecole Supérieure à constituer : la création d'une section anthroposophique générale, d'une section des arts oratoires et artistiques, d'une section des belles sciences, d'une section médicale, d'une section de sciences de la nature, d'une section mathématiques et astronomiques et d'une section des beaux-arts. Il n'est pas possible dans ce cadre d'exposer en détail toutes les connaissances fondamentales, les lois spirituelles et les directives que Rudolf Steiner a révélées dans ces pré-propositions. Car il s'agissait d'une harmonie de toutes les impulsions et de tous les objectifs mûris en lui-même à partir de la compréhension de l'évolution spirituelle du passé, du présent et de l'avenir, qu'il a transmis au germe de cet organisme spirituel qui allait maintenant prendre vie, dans la plus grande concentration.

Après que les conditions préalables et les directives pour les décisions à prendre lors du congrès de Noël dans la sphère de l'organisme global du Mouvement aient été clarifiées, l'invitation à tous les groupes nationaux et aux membres, signée au nom de la Société anthroposophique en Suisse par Albert Steffen et le Dr G. Wachsmuth, a été envoyée à la mi-décembre au Goetheanum, à l'initiative de Rudolf Steiner, pour les inviter à participer à l'assemblée constitutive de la Société anthroposophique universelle lors du congrès de Noël 1923.

Un flot d'amis plus important que prévu se retrouva le 24 décembre 1923 au lieu d'activité central du mouvement à Dornach. Comme

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le nouveau bâtiment du Goetheanum n'en était qu'à ses tout premiers balbutiements sur la colline et que les manifestations devaient donc encore se dérouler dans les locaux provisoires de la menuiserie, consacrés par l'histoire de la création et des souffrances du Mouvement, il a été nécessaire d'agrandir les locaux trop étroits en abattant des murs et en construisant des extensions afin de pouvoir accueillir tous les participants.

Avant d'aborder plus en détail l'acte de consécration de l'acte fondateur, il convient de donner un bref aperçu de la forme générale de cette réunion de Noël. La session était structurée de telle sorte que l'assemblée constitutive et la pose de la première pierre se sont déroulées les 24 et 25 décembre. Le congrès dans son ensemble a été porté par le cycle de conférences de Rudolf Steiner : "L'histoire universelle sous l'éclairage anthroposophique et comme base de la connaissance de l'esprit humain". La consécration par l'art a été apportée par les représentations festives des jeux de Noël et de l'eurythmie, sous la direction de Madame Marie Steiner. Albert Steffen introduisit le congrès de Noël le 24 décembre avec la conférence "Aus der Schick-salsgeschichte des Goetheanum (De l'histoire de destin du Goethéanum)". L'unité de la science, de l'art et de la religion, qui est la mission du Mouvement et de l'Ecole de Science de l'esprit, a été évoquée dans trois conférences sur "l'anthroposophie et la connaissance de la nature", "l'anthroposophie et l'art" et "l'anthroposophie et la religion". Le premier thème a été abordé par le Dr Guenther Wachsmuth sur "L'antériorité terrestre et le destin de l'humanité", le deuxième par Jan Stuten sur "La musique et le monde spirituel" et le troisième par le Dr K. Schubert : "L'anthroposophie, un guide vers le Christ". Dans la deuxième moitié du congrès, les participants se sont réunis à dix heures du matin pour discuter du travail futur et prendre des décisions. Le 1er janvier au soir, Rudolf Steiner prononça les paroles de clôture et de balisage pour l'avenir lors de la neuvième conférence de son cycle historique.

Pour comprendre la signification de ce qui s'est passé durant les jours de Noël de l'année 1923, il est nécessaire de se remémorer brièvement l'histoire précédente. Nous avions décrit la grande solitude dans laquelle Rudolf Steiner avait reçu, au tournant du siècle, les connaissances décisives sur l'être spirituel de l'humain et sur l'événement macrocosmique de l'acte du Christ, et avait cherché les moyens de transmettre ces connaissances aux humains. Comment, à partir de cette solitude du chercheur spirituel, il offrit d'abord à ceux qui étaient ouverts à une telle connaissance la possibilité d'accueillir les nouveaux résultats spirituels à partir de leurs communautés empruntées à la tradition ou à d'autres courants spirituels et de les assimiler de telle manière que finalement, dans les années 1909-1912, la décision de se débarrasser des anciennes enveloppes et de donner un nouveau cadre terrestre au nouveau contenu dut mûrir d'elle-même. Au cours de la première septaine , tant que d'autres contextes traditionnels existaient, il avait adapté son activité à leur organisation extérieure,

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il avait été le secrétaire général de la section allemande de la Société théosophique, à la demande de cette dernière, et avait aussi rempli correctement les fonctions extérieures qui découlaient d'une telle tradition. Lorsque, au cours des deux septaines suivants, une nouvelle enveloppe s'est formée pour l'être vivant en développement de ce mouvement spirituel, il lui a donné la possibilité d'un développement entièrement libre de son être propre, en ce sens que, depuis 1912, il n'exerçait plus de fonctions extérieures pour cette organisation, mais était l'enseignant et le conseiller qui lui donnait son contenu spirituel, tout en étant, comme il l'a souligné expressément à plusieurs reprises, une "personne privée" vis-à-vis de son développement extérieur, dont les conseils pouvaient être acceptés ou refusés, exécutés ou non, en toute liberté. Certains auront peut-être été surpris que nous ne soyons pas entrés plus en détail, dans ce qui précède, dans les détails organisationnels extérieurs de cette époque en ce qui concerne les différentes transformations structurelles de ses comités, fonctionnaires, etc. Mais justement, à cette époque de 1912-1923, Rudolf Steiner n'appartenait pas lui-même à ces institutions, il était leur conseiller quand on le lui demandait, mais pas leur fonctionnaire, comme il le soulignait lui-même. C'est pourquoi ces événements n'entrent pas dans le cadre de cette biographie qui, durant cette période, ne doit s'intéresser qu'à l'activité de Rudolf Steiner en tant qu'enseignant et conseiller. Au cours de ces deux septaines, cet organisme a pu, pour ainsi dire, de son propre destin et de sa propre volonté, traverser toutes les maladies infantiles et les stades de développement changeants propres à de tels êtres vivants. Rudolf Steiner, en l'encadrant avec amour, montrait le chemin, mais laissait aux autres la liberté de suivre ce chemin, droit ou non droit, rapide ou lent, en se précipitant vers l'avant ou en le freinant, avec discernement ou seulement après avoir été instruit par des coups du sort, toujours par leurs propres moyens. C'est ainsi que cet être vivant du mouvement spirituel a pu se déployer en toute liberté et s'examiner lui-même pour savoir si et comment il avait atteint, pas à pas, le stade de développement de la vie où, après trois septaines, la pleine réalisation de sa propre maturité, la naissance je, pouvait s'accomplir organiquement. A ce stade de développement, il n'était plus possible de se contenter de renouer avec les acquis traditionnels, et aussi le rapport de l'enseignant avec la communauté des élèves devait elle aussi être réorganisée. Il ne pouvait plus être, comme au début, un administrateur transformant les acquis, ni, comme plus tard, uniquement un enseignant et un soignant à distance de l'éducation libre. L'engagement du principe spirituel créateur au sein de l'organisme mûr de la communauté devait conduire, conformément à ces grandes lois éternelles de la vie, à une nouvelle forme de vie et de communauté. Or, ce fut l'une des métamorphoses décisives que Rudolf Steiner accomplit à Noël 1923 dans son rapport avec cet organisme spirituel qui avait alors mûri pendant 21 années de sa vie, qu'il s'unit à lui avec tout son être, son existence et son action, de sorte que son devenir devint son devenir, son destin son destin,

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qu'il ne devint plus seulement un administrateur et un conseiller, mais le noyau essentiel de cet organisme agissant sur Terre et dans les mondes spirituels, une unité inséparable à travers tous les coups du sort extérieurs, qui suivra ensemble tous les chemins futurs du destin dans la joie et la souffrance, le combat et la victoire, l'épreuve et la résurrection. C'est la création de la forme de vie sociale d'un mouvement spirituel à partir des lois des mondes spirituels que Rudolf Steiner a accomplie par cet acte à Noël 1923. Et celui qui ne reconnaît pas que cette œuvre est égale et inséparable de ses autres œuvres, de ses livres et de ses écrits, de ses actes dans la connaissance, l'art et la vie religieuse, de ses dons et de ses sacrifices pour toujours, celui-là n'a pas compris la totalité, l'unité, la réalisation conséquente de l'image originelle de sa création. - On ne peut pas, dans la sphère des événements terrestres, affirmer un être et nier son incarnation, on ne peut pas vouloir être pris dans le courant du destin d'une entité spirituelle et pourtant se maintenir en dehors de la forme de vie sociale dans laquelle elle s'incarne sur terre. Car une communauté fondée sur l'esprit s'élève plus haut et s'enracine plus profondément que toute autre communauté sur Terre. C'est pourquoi les créations spirituelles de Rudolf Steiner et ce qu'il a créé à Noël 1923 forment un tout indissociable pour celui qui comprend l'esprit de la totalité.

Rudolf Steiner a accompli cet engagement de tout son être, cette création d'une nouvelle forme de communauté et de vie sociale, cette construction suprasensible indestructible sur Terre, érigée sur le fondement durable des forces du cœur humain, non pas comme une disposition changeante dans l'organisation ou sous la forme d'un conseil, qui ne faisait appel qu'aux forces de la tête ou de la volonté, à l'intellect, au tempérament ou à l'échéance temporelle des êtres humains à un moment donné, mais comme un acte de consécration, une pose de la première pierre dans les forces immortelles et éternellement ressuscitées de l'être humain. Dans la Création de 1923, il donna à cette forme de vie sociale, fondée dans le suprasensible et réalisée sur Terre, à la fois l'essence, la substance, la direction et le but. Comme tout ce qui agit sur terre, elle peut passer par bien des transformations, des épreuves, des combats contre les forces adverses et des résurrections, mais elle est, de par sa nature et son essence, une réalité spirituelle durable, donc indestructible dans son noyau essentiel et appelée à des degrés d'évolution et des actes toujours nouveaux. Ce qui s'est passé le jour de Noël 1923, qui a été vécu par les personnes présentes et qui a ensuite accueilli dans sa sphère d'existence et d'action les cœurs de tous les êtres humains qui se sont librement associés à ce qui s'est passé et à ce qui est en devenir, ne peut donc pas non plus être décrit par écrit. Il faut toujours le chercher à nouveau dans sa patrie suprasensible et maintenir soi-même en éveil le lien, lorsque quelque part la turbulence des événements extérieurs ou les forces des puissances adverses rendent invisible la flamme qui brille sans cesse à l'intérieur

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ou cherchent à étouffer son éclat. C'est pourquoi nous ne pouvons ici qu'évoquer le cours extérieur des événements, laissant à chacun le soin d'aller chercher en lui-même le noyau de l'événement et de le déployer.

C'est dans ce contexte que Rudolf Steiner se présenta le 24 décembre 1923 devant les membres réunis à Dornach et commença par reprendre les paroles qu'Albert Steffen venait de prononcer dans sa conférence d'ouverture sur "L'histoire du destin du Goetheanum". Nous voulons ici laisser parler un rapport que Rudolf Steiner a écrit lui-même immédiatement après. Il rappela l'appel qui avait été lancé à tous les groupes nationaux et amis de par le monde pour qu'ils envoient leurs représentants à Dornach pour la réalisation de cette refondation ou qu'ils y participent eux-mêmes, et il dit en guise d'introduction :

"L'appel a été entendu d'une manière inattendue. Sept à huit cents personnes se sont présentées à la "pose de la première pierre" de la "Société anthroposophique universelle". Ce qu'ils ont fait doit être décrit au fur et à mesure.

L'ouverture et la direction des assemblées m'incombaient. - Et elle fut facile pour mon cœur - cette ouverture. Le poète suisse Albert Steffen était assis à côté de moi. Les anthroposophes réunis le regardaient avec une âme pleine de reconnaissance. C'est sur le sol suisse qu'ils s'étaient réunis pour former la Société anthroposophique universelle. Depuis longtemps, ils doivent à la Suisse un membre dirigeant en la personne d'Albert Steffen, vers lequel ils se tournent avec un véritable enthousiasme. En lui, j'avais devant moi la Suisse dans l'un de ses plus nobles fils ; mon premier mot a été de lui adresser, ainsi qu'à nos amis, le salut le plus cordial - et le second de l'inviter à donner le coup d'envoi de l'assemblée.

Ce fut un début profondément émouvant. Albert Steffen, le merveilleux peintre en mots, le créateur d'images poétiques, prit la parole. On l'entendait et on voyait devant soi, comme des visions, des images puissantes pour l'âme.

La pose de la première pierre du Goetheanum en 1913 était là, devant l'œil de l'âme. Je ne trouve pas les mots pour dire ce que j'ai ressenti dans mon âme lorsque j'ai revu, dans le tableau de Steffen, ce processus auquel j'avais pu participer il y a dix ans.

Le travail au Goetheanum, dans lequel s'activaient des centaines de mains dévouées et où battaient des centaines de cœurs enthousiastes, faisait apparaître à l'esprit des mots artistiquement parfaits.

Et - l'incendie du Goetheanum : toute la tragédie, la douleur de milliers de personnes, elles ont tremblé lorsqu'Albert Steffen nous a parlé.

Et puis - au premier plan d'un tableau supplémentaire : l'essence même de l'anthroposophie transfigurée par l'âme de poète d'Albert Steffen - à l'arrière-plan, ses ennemis, non pas blâmés, mais simplement posés là avec une force créatrice.

"Dix ans de Goetheanum" ; les paroles d'Albert Steffen à ce sujet ont profondément - on l'a senti - pénétré dans le cœur des personnes réunies.

Après ce prélude si digne, il me revint de parler de la forme que devra désormais prendre la Société anthroposophique universelle.

Il fallait dire ce qu'il fallait mettre à la place d'un statut ordinaire. Une description de ce que les humains veulent accomplir dans un contexte de vie purement humain - en tant que société anthroposophique - doit remplacer un tel statut.

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Au Goetheanum, qui ne dispose que de locaux sommairement aménagés en bois depuis l'incendie, on cultive l'anthroposophie. Il convient de dire ce que les directeurs du Goetheanum entendent par ces soins et quels effets ils en attendent pour la civilisation humaine. Ensuite, comment ils conçoivent ces soins dans une université libre de sciences de l'esprit. Il ne s'agit pas d'énoncer des principes auxquels on devrait adhérer, mais de décrire une réalité dans sa spécificité. Ensuite, il faut dire : Celui qui veut apporter sa contribution à ce qui se passe au Goetheanum peut devenir membre. Comme "statut", qui ne doit cependant pas être une "statue", mais la représentation de ce qui peut résulter d'un tel rapport de sociéte purement humain et vivant, est maintenant proposé ceci".

Vient ensuite la lecture des principes et des statuts, dont nous devons laisser l'étude au lecteur lui-même. Ils sont les plus libres qui puissent être donnés à une communauté spirituelle, car ils consistent justement à présenter ce que fera une association d'humains "qui veulent soigner la vie de l'âme dans l'humain individuel et dans la société humaine sur la base d'une vraie connaissance du monde spirituel". Rudolf Steiner décrit ensuite dans son rapport :

"En relation étroite avec l'assemblée d'ouverture du matin du 24 décembre se tenait la festivite du matin du 25, qui portait le nom de : 'Pose de la pierre de fondation de la Société anthroposophique universelle'.

Il ne pouvait s'agir que d'une pose de pierre de fondation idéelle et spirituelle. Le sol dans lequel la "pierre de fondation" a été posée ne pouvait être que les cœurs et les âmes des personnalités réunies dans la Société ; et la pierre de fondation elle-même doit être l'esprit qui jaillit de la conception anthroposophique de la vie. Cette disposition, telle qu'elle est exigée par les signes de l'époque actuelle, est la volonté de trouver, par l'approfondissement humain de l'âme, le chemin vers la contemplation de l'esprit et la vie à partir de l'esprit. Je voudrais tout d'abord placer ici ce avec quoi j'ai essayé de former la "pierre angulaire" sous forme de sentences".

Le 25 décembre suivit donc l'acte de consécration par les paroles de la "pose de la pierre de fondation" que Rudolf Steiner accomplit dans le cœur des humains. Il faut toujours reprendre les mots de cette "pose de la pierre de fondation" dans la concentration et la méditation, afin de maintenir constamment présent à la conscience le lien avec la source vivante de cet acte. Lorsque Rudolf Steiner appelle ici les âmes humaines et les mondes spirituels à coopérer et à prendre soin de ce qui se passe et de cette communauté, cela correspond à la réalité de ce qu'il a réalisé depuis le début du siècle. Construite sur les bases solides de la connaissance, de l'exploration scientifique des domaines sensoriels et suprasensibles, de l'art et de la prestation sociale, et donc érigée à partir des meilleurs éléments constitutifs du monde du travail humain, une pyramide de l'activité terrestre avait pour ainsi dire vu le jour, qui, dans son élévation la plus élevée, touchait à la pyramide du monde créateur hiérarchique et spirituel, dont la pointe était en quelque sorte orientée vers le bas et qui s'élargissait vers le haut, et à partir de laquelle s'élevait la direction des événements spirituels et terrestres de la Terre. Parce qu'il a été a la rencontre de

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ce contact, il était sur les marches solides sculptées par les meilleures forces scientifiques, artistiques et religieuses de notre époque, ce contact ne pouvait plus, comme au siècle précédent, naître de la foi et du mythe, mais de la connaissance et de l'action. C'est pourquoi, lors de l'assemblée constitutive de la veille, il avait pu énoncer le fait suivant lors de la description historique du développement de ce mouvement spirituel :

"L'impulsion pour le mouvement anthroposophique est née non pas d'un arbitraire terrestre, mais de l'obéissance à l'appel qui a retenti depuis le monde spirituel, non pas d'un arbitraire terrestre, mais de la vue des images grandioses qui, depuis le monde spirituel, se sont présentées comme les révélations modernes pour la vie spirituelle de l'humanité ... Nous voulons inscrire dans notre âme comme principe suprême pour le mouvement anthroposophique, qui doit avoir son enveloppe dans la Société anthroposophique, que tout en lui est voulu par l'esprit, qu'il veut être un accomplissement de ce que les signes des temps disent en lettres lumineuses au cœur des humains".

Et c'est pourquoi il pouvait maintenant laisser les paroles de cet acte de consécration s'achever par une prière adressée aux puissances auxiliaires du monde spirituel, "afin que devienne bon ce que nous fondons par le cœur, ce que nous voulons conduire avec détermination par la tête".

Comme nous l'avons dit, de tels événements ne sont pas soumis à notre interprétation, mais ne sont accessibles qu'à notre vécu, et c'est pourquoi le lien avec l'événement de la session de Noël 1923 doit naître dans l'âme de chacun de ceux qui se savent liés à lui. En décrivant le déroulement des événements, nous ne pouvons que mentionner ici les différentes étapes ultérieures qui consistèrent à présenter et à décider les principes reconnus par Rudolf Steiner comme les conditions préalables d'une activité saine et conforme à l'esprit, la direction de la Société, la fondation de l'Ecole supérieure et de ses sections, ainsi que la structure et le mode de fonctionnement de l'organisme de cette Communauté, tels qu'ils sont définis dans les statuts. Au cours de la deuxième moitié de la réunion, des débats animés, des rapports et des suggestions issus du travail de tous les pays ont permis de dresser un tableau vivant de ce qui a déjà été fait et de ce qu'il faut maintenant entreprendre et accomplir comme travail de construction sur la nouvelle base. Au cours de ces débats communs, Rudolf Steiner donna encore plusieurs fois des explications sur le sens et le but de la consécration donnée lors de la pose de la pierre de fondation, explications qui conduisirent au cœur de la communauté de destin qui commençait. Pour le travail ésotérique de l'École Supérieure, il a ensuite donné d'autres directives lors du début des travaux en janvier/février de l'année prochaine, nous y reviendrons. Ce que les participants ont reçu de ces événements de la réunion de Noël, c'est l'expérience de nouvelles possibilités illimitées d'action planifiée à partir d'une loi spirituelle, une impulsion qui s'est poursuivie par la suite à travers toutes les transformations et les obstacles à surmonter

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s'est avéré une force invincible qui, aujourd'hui encore et pour l'avenir, guide et porte la marche du destin de ce mouvement.

Rudolf Steiner a donné la classification historique mondiale et la vision de la nécessité qui peut être déduite du cours de l'histoire jusqu'à présent dans le cycle de neuf conférences sur "L'histoire mondiale dans l'éclairage anthroposophique et comme base de la connaissance de l'esprit humain", dont il a parlé les soirs du 24 décembre 1923 au 1er janvier 1924. Comme nous l'avons souligné au début de cette biographie, Rudolf Steiner a toujours maintenu de manière organique un lien vivant entre la nouveauté et le courant spirituel éprouvé du passé et c'est pourquoi, depuis le tournant du siècle, il a toujours rappelé dans ses conférences les grandes lignes de développement et les actes spirituels du passé. Il est maintenant très instructif d'observer les différents points de vue à partir desquels il a éclairé, hier et aujourd'hui, la réalité du passé déjà acquis par l'humanité. Dans son ouvrage "Les énigmes de la philosophie", qu'il a écrit au tournant du siècle, il a d'abord, comme nous l'avons montré à la page 1, retracé l'histoire de la pensée humaine au cours des siècles passés. Ce qu'il donnait maintenant, au seuil de l'entrée de ce mouvement spirituel dans une nouvelle phase de développement, n'était plus seulement axé sur le développement historique de la pensée humaine, mais sur la conduite spirituelle planifiée de l'humanité dans le passé jusqu'à l'époque actuelle. Il s'agissait d'une histoire des mystères et de l'esprit qui, à partir des faits de l'évolution à étudier de manière sensorielle et suprasensible, mettait en lumière les événements et les phénomènes qui apportaient la preuve d'une telle conduite de l'humain à partir des mondes spirituels.

C'est pourquoi ce cycle de conférences est allé encore plus loin que l'ouvrage du tournant du siècle dans la préhistoire, expliquant tout d'abord la naissance et le développement, dans les plus anciens lieux de mystères, de la "mémoire localisée", de la "mémoire rythmée" et de la "mémoire temporelle" de l'humain primitif, pour passer ensuite à la formation aux mystères, dans la préhistoire atlantique/atlantéenne, asiatique ancienne et européenne. Il a ensuite présenté les développements du courant des mystères du sud, tels qu'ils sont apparus dans la période culturelle de l'Égypte ancienne et de la Grèce, que l'on peut lire par exemple dans les symptômes de l'épopée de Gilgamesh, du service d'Artémis à Éphèse, des mystères chthoniens, éphésiens et samothraces, jusqu'à la nouvelle situation de l'esprit qui a été inaugurée à l'époque d'Aristote. Il décrivit l'impulsion puissante qui jaillit des mystères d'Hybernie et de l'Europe du Nord pour donner naissance à cet événement spirituel, et comment s'effectuèrent ensuite la synthèse et la renaissance de ces courants de développement issus de l'esprit et de la force de l'événement du Christ, ses irradiations dans les premiers siècles post-chrétiens, au Moyen Âge, dans les symptômes du développement religieux extérieur et des mystères et actes plus cachés d'un véritable rosicrucianisme.

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De cette vaste vue d'ensemble du sens et du plan de l'histoire de l'esprit, que nous ne pouvons ici qu'esquisser en quelques traits, il a ensuite conduit les auditeurs, dans le dernier exposé, à l'événement décisif du XXe siècle, à savoir la disparition de la direction spirituelle. Le fait que l'humanité, après avoir perdu la connaissance de la guidance spirituelle au cours des derniers siècles, se trouve aujourd'hui, par nécessité évolutive, à nouveau placée au seuil du monde spirituel et qu'elle doit désormais entrer dans cette sphère de manière consciente et volontaire, afin de conduire les siècles à venir du chaos à l'ordre, de la pensée sensorielle déviante à l'harmonie avec le plan universel reconnaissable dans le suprasensible. - Les mots avec lesquels Rudolf Steiner a conclu ce cycle de conférences étaient, après une référence aux événements de la réunion de Noël, un appel au courage et à la vigilance. Il a exprimé ce que lui-même, le Goetheanum, la Société, allaient maintenant commencer et réaliser de toutes leurs forces et a appelé les amis à collaborer en tout lieu :

"Nous avons posé la pierre de fondation ici. C'est sur cette pierre que doit être érigé l'édifice dont les pierres individuelles seront les travaux que les individus de tous nos groupes accomplissent maintenant dans le vaste monde. C'est sur ces travaux que nous voulons maintenant jeter un regard en esprit et prendre conscience de la responsabilité dont il a été question aujourd'hui".

Il a rappelé la responsabilité qui découle du fait que l'humanité se trouve aujourd'hui devant le gardien du seuil et, pour conclure, il a donné une nouvelle fois la consécration de la "pose de la pierre de fondation" à tous ceux qui voulaient maintenant se mettre au travail, comme une clé pour entrer dans cette nouvelle sphère d'activité. C'est ainsi qu'a été franchie l'étape décisive, ésotériquement fondée, riche de destin et porteuse d'avenir du Congrès de Noël 1923.

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1922 < .......1923....... > 1924

Replacer dans son contexte