Annexe :

-  Un proposition vivant pour chaque jour du mois pour

 FONDER L'AVENIR 
Il y a des pistes humaines et pratiques pour sortir d'une crise croissante

Nous nous trouvons devant des défis existentiels : destructions environnementales, crises économiques, fossés sociaux, jeunesse désorientée, criminalité, guerres et augmentation des flux migratoires, sont seulement des signes extérieurs d'un appauvrissement culturel. Encore trop peu de personnes assument leurs responsabilités envers la communauté humaine et envers la nature.

Un changement de valeurs culturelles est pressement nécessaire!

Mais une action pleine d'amour conscience et responsable ne pourra simplement pas être imposée "d'en haut". La société a besoin d'initiateurs crédibles pour créer de nouvelles conditions culturelles, politiques et économiques. Le travail de développement pour cela devrait commencer chez chacun de manière individuelle!

Les 31 suggestions brièvement résumées suivantes mais proche de la vie pour l'amélioration les conditions de vie naturelle et humaines sont déjà pratiquées par beaucoup d'êtres humains dans le monde. Vous y trouverez peut-être de nouvelles propositions. Chacun est invité à développer encore plus d'idées et à surtout les réaliser!

1* Perception consciente et reconnaissante de la nature ainsi que des idées et activités qui promeuvent la vie. enrichissent notre sens de la réalité! De nouvelles possibilité d'action personnelles pour l'humain et la nature se montrerons toujours plus souvent par une ouverture intérieure…

2* Enrichissement humain : cherchons le contact avec nos voisins et collègues, même dans des situations où cela nous demande un effort. Nous aurons peut-être bientôt davantage besoin les uns des autres. Travail, idées, jardin, voitures, et beaucoup plus pourront être partagé!

3* Achetons moins, mais toujours des produits fabriqués sainement et justifiés socio-écologiquement, le plus possible de la région! Évitons les achats chez les  groupes purement orientés au profit. Il s'agit là seulement de sortir par succion de profits pour des marchés financiers nuisibles à la vie, spéculatifs. - En tant que consommateur nous avons un pouvoir énorme!

4* En Europe du centre chaque citoyen dispose de 2000 à 2500 m2 de surface pour son alimentation. Part de responsabilité et sécurité peuvent par ex. créés par des cercles de consommateurs qui s'arrangent avec des paysans. La production de céréales, fruits et légumes doivent être privilégiés à la culture du maïs qui appauvrit le sol en humus, et à la surproduction laitière liée.

5* Libérons ensemble le terrain agricole de ses dettes et de la pression spéculative. Des „fermes culturelles“, qui proposent une pédagogie ouverte, des places de travail variées et créatives et bien plus encore, pourraient être créées ! Seul un sol équilibré et riche en humus peut être porteur de plantes, d’animaux, d’enfants et d’adultes en bonne santé et d’une économie saine.

6* Les enfants ont besoin d'être protégés de la "pollution moderne" (le monde électronique, la publicité, une consommation excessive...). Faisons participer nos enfants dès leur plus jeune âge à la vie pratique (travail à la ferme, jardinage, ateliers, etc...) et évitons de les exposer avant 10 ans à un enseignement trop intellectuel, rigidifiant. Leur créativité sera ainsi préservée pour s’adapter à un monde qui change de plus en plus vite.

7* Préférons des lieux de vie, de travail et d’activités sociales proches, accessibles à pied ou à vélo ! Cela réduit notre dépendance à la voiture, qui est un gaspillage d’énergie et pèse lourdement sur l’humanité et l’environnement.

8* Dans notre quartier ou à la ferme, organisons des fêtes pour jeunes et vieux ! Remplaçons l'alcool et autres drogues par notre créativité! Surprendre par de nouvelles recettes, chanter, jouer du théâtre, faire de la musique, danser (et participer aux rangements...) sont des activités propices pour créer des liens.

9* Renforçons les liens dans le couple ou dans nos amitiés en œuvrant pour des idéaux communs, menés à bien ensemble.

10* Nous gaspillons aujourd'hui plus de 50% de l’énergie sans véritable utilité! Une conscience plus attentive aux questions d’énergie et à l'usage de la nature peut changer bien des choses : avec un peu d’imagination, du soleil et des nouvelles technologies, nos maisons peuvent être transformées jusqu'à un bilan énergétique 100% neutre !

11* Privilégions une activité professionnelle socialement et écologiquement saine : cela peut, même en situation de crise, « FONDER L’AVENIR » ! Profitons-en. Nous avons encore la liberté d’une réorientation professionnelle…
12* Les enfants ont besoin de grands-parents ! Les personnes âgées ont leur expérience à partager, mais elles ont aussi parfois besoin d’aide : pas besoin de liens du sang pour s'arranger les uns avec les autres.

13* Mettons un terme à la sur-construction de nos paysages ! Nos exigences d’espace sont-elles généralisables à tous ? Par exemple, si notre logement est trop grand, divisons-le : nos finances, notre vie sociale et la charge écologique s’en porteront mieux.

14* Les weekends et vacances peuvent être consacrés au jardinage, à la marche, à des séminaires, etc… L’avion, source de nuisances pour l’environnement, ne devrait être pris que si le gain culturel est manifeste – aussi pour les personnes habitant le lieu de destination.

15* Une diminution de la consommation de viande atténue la faim dans le monde. Nous importons des quantités considérables de viande et de fourrage animalier des pays pauvres où s’étendent les déserts agricoles.
16* Des sécurités sociales et économiques pourrons être construites activement associativement avec le voisinage et le cercle d’amis  Dans une économie saine sera travaillé les uns pour les autres. Les rapports économiques peuvent aussi être organiser en coopératives ainsi les bénéfices ne pourrons pas être sucés par des spéculateurs. La dépendance de l’état diminuera !

17* Le payement de prix traçables et corrects renforce tous les participants! Par un achat „bon marché“ seront en règle général exploités humains et nature. - Comme exercice de conscience on pourrait chaque jour intérieurement poursuivre une consommation à rebours dans sa chaine de création...

18* La plupart des banques, assurances et caisses de pension font de la spéculation avec notre argent (avec des actions, devises, biens immobiliers, nourriture etc.).… Nous pouvons retirer notre confiance et argent à ces institutions. La spéculation est improductive et hostile à la vie!

19* Nous pouvons investir dans des projets écologiques, comme l’agriculture biologique, la transformation en maisons passives, le développement de techniques écologiques, de projets sociaux, etc… N’en attendons pas des rendements en argent  : des rapports plus sûr sont la rente.

20* Prêter de l’argent dans le cadre privé crée de nouvelles possibilités et de la confiance ! Des amis du débiteur pourront se porter garants pour la sécurité. Pensons aussi aux banques alternatives.

21* Pour le futur, mon argent „travaille“ au mieux quand je l’offre ou le mets dans une fondation ! Des projets de formation et de culture, surtout pour la jeunesse, en lien avec la protection de la nature, garantissent un futur des plus productif ! On peut investir dans le jardinage, les projets forestiers et agricoles, le théâtre, la musique, des formations sociales… Soutenir des projets partenaires dans les pays pauvres donne de l’espoir global pour le futur.

22* L’utilisation de monnaie alternative, parallèlement à l’argent officiel, non seulement renforce l’économie locale et réelle, mais aussi valorise les ressources des voisins et améliore la conscience des relations ! Les monnaies alternatives ont l’avantage, en cas de crise monétaire globale, de représenter une solution réelle et éprouvée.

23* Ce n’est pas toujours facile de trouver des sources d‘information sûres et ouvertes sur l’avenir, mais elles existent ! Les médias de masse devraient être évités ou utilisés avec beaucoup de sens critique, tant qu’ils prônent ouvertement ou insidieusement ce système de croissance destructeur au profit du monde de la finance, du lobby de l’économie et de la politique.

24* Ne nous fions pas seulement aux médias électroniques. Ils ne sont pas nécessairement indépendants, leur usage crée des dépendances, consomme une énergie et des ressources gigantesques et cause des radiations dangereuses. Ces médias aussi peuvent disparaître.

25* L’esprit, l‘âme et le corps peuvent se développer et se soigner considérablement grâce à une transformation consciente de vie.  Les méthodes de guérison alternatives jouissent d’une confiance croissante, même dans le domaine de la médecine conventionnelle. Devenons indépendants face à l’industrie pharmaceutique qui manipule régulièrement l’opinion publique.

26* Notre horizon personnel peut être élargi par l’observation et par l’écoute attentive et profonde de la nature et des relations sociales ! Pour dépasser les idées et opinions manipulées et sclérosées, il est utile de poser toujours à nouveau des questions profondes aux gens et surtout à soi-même ! Ainsi peuvent être trouvées de nouvelles « raisons ».

27* Il y a des exercices de concentration et de méditation qui renforcent la créativité pratique envers l’être humain et la nature - non pour planer, mais pour aller chercher le ciel et l’amener sur la terre!

28* Il faut d’urgence élever le niveau de culture générale! Des groupes de discussion, de lecture, de jardinage, de musique, de théâtre, des conférences et autres peuvent être organisés à beaucoup d’endroits. Contrairement aux ressources naturelles, nos capacités humaines sont inépuisables !

29* Des liens avec d’autres groupes autour du monde, l’échanged’expériences et de connaissances peuvent apporter de meilleures conditions de vie ! Dans les pays pauvres, les famines, la croissance démographique, les dégâts écologiques et la perte d’espoir peuvent être surmontés grâce à de nouvelles formes de société décentralisées, plus sociales et écologiques.

30* La force d’initiative positive de chacun, dans n’importe quel domaine, est nécessaire pour faire bouger « la masse »et même la politique !

31* Pendant toutes ces activités, n’oublions pas la joie et l’amour envers l’être humain et la nature !

Si l'on appliquait les suggestions mentionnées ci-dessus au niveau de son quartier ou de son village, cela reviendrait à voir ces derniers comme un éco-système où chaque domaine serait lié aux autres, formant ainsi un tout cohérent, tel un organisme vivant. Utopique ? Beaucoup ont déjà commencé à amener ces changements dans leur quartier. Nous avons tous la capacité d'y arriver avec les compétences qui nous sont données.

Si nous ne voulons pas perdre la liberté qui nous reste entre les conditions chaotique grandissantes d'un côté et le diktat croissant de l'économie financière et de l'état de l'autre côté, ne nous reste rien d'autre que de devenir actifs...

 

Biographie de l’auteur

Je n’avais pas prévu d’écrire ma biographie. Mais des amis ont insisté pour que je le fasse parce que cela éviterait de prendre pour des théories fumeuses et idéalistes les problèmes que j’expose dans ce livre et les solutions que je préconise. Le lecteur comprendra ainsi que, sur la base de mes expériences, on peut vraiment considérer ces conclusions comme des préconisations réalistes.

Quand mes parents se sont rencontrés, mon père était infirmier et ma mère infirmière dans un hôpital de Brême. Ma mère est née en banlieue dans une famille de paysans et mon père, dans une grande famille de la ville. Je suis né le 14 septembre 1956 dans des conditions particulièrement précaires : je suis l’ainé de quatre enfants, les destructions de la guerre étaient encore bien présentes et l’essor économique n’en était encore qu’à ses balbutiements. Au début, nous habitions un appartement d’une pièce et, après avoir déménagé plusieurs fois, nous avons fini par habiter à 6 un appartement de 4 pièces.
Après la naissance de son quatrième enfant, ma mère est tombée gravement malade : elle s’est mise à faire des crises d’épilepsie à répétition, ce qui m’a contraint entre 8 et 12 ans à prendre de plus en plus de responsabilités. C’est moi qui étais chargé de langer ma petite sœur, mais je devais aussi faire le ménage et m’occuper de ma mère. Mon père travaillait dur et il était souvent débordé, ce qui se répercutait sur le climat familial. Un jour, j’avais 9 ans, j’en ai eu assez ; j’ai pris mon vélo, ma tente et quelques provisions et j’ai fugué en direction de Bergen. La lecture de cartes routières et l’entretien du vélo n’avaient plus de secrets pour moi. Mais quelques jours plus tard, je suis rentré à la maison, le ventre vide. Nous passâmes les vacances dans la famille à la campagne et les premiers mois de la rentrée scolaire qui suivit, entre Brême et Stuttgart. J’ai très vite pris conscience de la polarité naturelle, culturelle et sociale entre la campagne et la ville. Parmi mes oncles et tantes qui habitaient en ville, il y avait celui qui travaillait à la banque, le présentateur radio, l’actrice de théâtre, l’ingénieur électronicien, le marin, et la coiffeuse. Je ressentais là les effluves du lointain monde. Dans les réunions de famille, on discutait beaucoup, on chantait et on s’embarquait dans des discussions sur l’anthroposophie avec le grand-père, qui supportait cela très tranquillement. Même si, à l’époque, je ne comprenais pas tout de ces plaisanteries critiques, elles ont laissé en mon for intérieur quelques questions, d’autant plus que mon grand-père avait une culture générale très étendue et que, à côté de son poste de directeur dans l’industrie, il soignait son jardin conformément aux préceptes de la biodynamie. Dans ma famille qui habitait à la campagne, on se mettait au travail plus énergiquement. Dans les fermes, il y avait des animaux et des machines, et il y avait toujours quelque chose en cours de construction. Ils avaient des cultures très diversifiées, qu’ils transformaient en conserves, ou en produits fumés ou secs. J’avais partout l’occasion de donner un coup de main. Un jour, je ratissais avec mon grand-père le foin qui restait après que mon oncle eut fini son travail. Je n’ai jamais oublié ce que mon grand-père m’a dit ce jour-là : « Tu vois, il reste encore cinq balles de foin. C’est le bénéfice pour la ferme. Ce que ton oncle vient de faire là, cela rembourse les frais. » A la campagne, c’était rude, mais chaleureux. Il arrivait aussi qu’on boive trop d’alcool.

Mes deux frères et moi, par tous les temps nous parcourions à vélo les quelques kilomètres de chemins de terre qui nous amenaient à l’école du village de Langwedel. La plupart des enseignants étaient assez âgés et très rigides, mais ils faisaient leur travail avec cœur et toujours dans une grande proximité avec la vie. On faisait des sorties nature, ou bien on allait rendre visite à toutes sortes d’artisans, âgés le plus souvent, dans leurs ateliers de toujours. J’ai encore dans le nez les odeurs que j’ai découvertes chez le cordonnier, dans l’ancien moulin à vent toujours en activité du très vieux meunier, chez le menuisier ou l’apiculteur.
Après quatre ans de maladie, ma mère décida d’aller voir un nouveau médecin qui lui supprima petit à petit tous ses médicaments. C’est ainsi qu’elle se réveilla de son état de transe permanente et put reprendre une vie normale.

Quand j’eus 12 ans, nous déménageâmes à Schneverdingen, dans la lande de Lunebourg. Notre petite ville était entourée de terrains de manœuvres militaires, ce qui nous a valu plus d’une fois de « trouver » des munitions ou des grenades. Cela nous permettait de nous fabriquer des engins incendiaires, voire de petites bombes, avec lesquels nous nous amusions à des jeux dangereux.
La période de ma puberté n’a pas dû être facile pour mes proches. Je me rebellais contre tout et chacun, surtout contre moi-même. Après cette longue période où j’ai dû endosser des responsabilités qui n’étaient pas de mon âge, il n’était plus question que mon père me traite comme un enfant. Je trouvais que mes voisins avaient l’esprit borné, le cours de religion me paraissait un modèle d’hypocrisie et l’école était trop théorique. Avec des amis plus âgés, je fumais, je buvais de l’alcool et, à l’occasion, je me roulais un joint. Parfois, nous allions dans des boîtes de nuit alternatives à Hambourg ou dans le célèbre squatt de la Ekhofstraße qui était placé sous surveillance policière renforcée. J’essayais de me relier à la vie, mais je ne trouvais pas de réponses. Par bonheur, mon prof d’alors, qui était très jeune et très critique également vis-à-vis de la société, se montrait compatissant à mon égard. Je me procurais mon argent de poche pour mon mode de vie malsain en faisant des petits boulots.

A 16 ans, je suis parti à Brême m’installer dans un foyer de jeunes travailleurs pour commencer une formation de technicien de télécommunications à la Poste. J’ai eu l’occasion de développer mes talents pratiques dans des ateliers d’apprentissage variés. Nous apprenions à travailler le métal, le plastique, la maçonnerie, l’électronique, l’électricité, la planification et le dessin industriel dans tous ces domaines. En dehors de ma formation, je passais mon temps à faire la fête avec des amis extérieurs au travail et je ne me privais ni de cigarettes, ni d’alcool, ni de femmes, ni de voyages etc. A 18 ans, ce fut l’époque des grosses voitures. Je les achetais à petit prix, je les réparais et les revendais en me faisant un bénéfice. Dès ma sortie de l’apprentissage, j’ai eu un bon salaire et je me suis mis à sortir encore plus, à faire des voyages encore plus beaux et des fêtes plus incroyables. Je menais la vie de patachon que la publicité fait miroiter aux yeux de tout le monde. Et pourtant, je n’arrivais pas à me débarrasser d’une impression qui m’obsédait : cela ne pouvait pas être le but de la vie. Un grave accident de moto, qui m’a fait faire l’expérience limite, m’a ouvert aux questions spirituelles. Je suis allé à la rencontre de différentes communautés religieuses de l’Ouest et de l’Est pour apprendre à mieux les connaître. Mais à chaque fois, je constatais que les membres des différentes communautés renonçaient à leur « moi » au nom d’un chef, ou bien qu’ils n’appliquaient pas dans le concret ce qu’ils prêchaient. Il en va de même pour les cercles alternatifs, où j’ai toujours remarqué une différence entre les mots et les actes. Entre-temps, je trouvais de plus en plus intéressantes mes discussions avec mon grand-père anthroposophe. Nous parlions beaucoup de développement personnel et social. C’était toujours les mêmes questions qui revenaient dans nos longues discussions : « Qui suis-je ? », « D’où viens-je ? », « Quelle est ma mission? », « Quel est le but de l’humanité ? ».
Pour mes 21 ans, mon grand-père m’offrit la Philosophie de la liberté de Rudolf Steiner. Cela tourne autour d'une perception objective et une pensée claire débouchant sur des actions libres et intuitives en harmonie avec l'évolution du monde. Pour moi qui me considérais comme un homme « libre », il y avait là un défi. En définitive, de prime abord, je pouvais tout faire, il me suffisait de le vouloir.

J’essayai donc d’élargir mes connaissances sur les rapports sociaux et écologiques. Je réalisai à quel point nos media conventionnels donnaient une représentation unique des relations. Par mes propres observations, que j’appuyais sur des écrits alternatifs, j’ai appris petit à petit à lire « entre les lignes » des media conventionnels. La croissance économique, les centrales nucléaires, l’armement et le contrôle des populations, voilà ce qui était sans cesse mis en avant.

En tant qu’objecteur de conscience, j’ai choisi de faire mon service civil sur les véhicules des secours. Après avoir reçu une très bonne formation des médecins urgentistes, j’ai pu appliquer avec mes collègues ce que je venais d’apprendre, et toujours dans une optique d’aide. Mais je me suis vite retrouvé confronté à une réalité que je ne connaissais que dans les grandes lignes. Violences domestiques, enfants gravement délaissés, toxicomanes, sans domicile fixe morts de froid, beuveries, rixes, accidents de la route mortels, vieillards en cours de décomposition à leur domicile, meurtre etc. J’ai remarqué que la plupart de mes collègues se protégeaient en arborant une certaine insensibilité. J’ai fait le choix contraire, celui de la sensibilité. Je me suis mis à observer de plus en plus attentivement les rapports sociaux, la constitution psychique des gens impliqués, le rayonnement des mourants et celui des morts.
Mes interrogations sociales et écologiques sur le monde m’ont fait comprendre que les discussions avec mes camarades de fêtes perdaient de leur intérêt ; c’est ainsi qu’à 22 ans j’ai pris une décision radicale : désormais, j’allais aider à sauver le monde ! Du jour au lendemain, j’ai arrêté le tabac et l’alcool. Je suis passé à une alimentation bio, j’ai arrêté le sucre blanc et la farine blanche et je suis devenu végétarien. J’ai même vendu ma voiture ; je me suis mis au vélo. A cette époque-là, je n’étais pas toujours facile à supporter pour mes semblables. Cette conversion m’a totalement libéré de la nécessité de gagner toujours plus d’argent pour ma consommation ; en même temps, elle a mis à ma disposition des moyens considérables pour m’engager pour la société. Je me suis battu, par exemple, pour les Tziganes et les Roms avec la « Société pour les peuples menacés ». C’est aussi de cette façon que j’ai pu financer dans le cadre de congés sans solde des voyages d’étude au centre de l’injustice humaine, en Asie, au Sri Lanka, en Inde, en Birmanie et en Indonésie. La question d’une profession intelligente, dans laquelle je puisse m’investir pour le bien du monde, me préoccupait terriblement.
Dans mon activité de spécialiste des télécommunications dans la transmission électronique de messages, je n’avais plus le sentiment de faire quoi que ce soit d’intelligent, d’autant que les nouveaux câbles à fibre optique allaient rendre les gens de plus en plus dépendants de leur « laisse télévisiuelle ». C’est à cette époque que les alternatifs et les Verts ont été de plus en plus souvent mis sur écoute sous prétexte de « menace terroriste ». Je me suis alors mis à noter les numéros appelés à partir des standards où je travaillais et je déposais de façon anonyme dans la boite aux lettres de la personne mise sur écoute un papier sur lequel j’avais écrit : « Attention, tu es sous écoute ! ». Je me suis attaqué en interne à la Poste et par les media aux écoutes téléphoniques et à la télévision par câble. Cela me valut de vraies discussions et une colère terrible contre moi, dont je ne pus détourner qu’en justice. C’est à cette époque que les idées terroristes ont commencé à prendre de l’importance pour moi. Je réfléchissais au moyen de paralyser téléphoniquement Brême et quelques parties de la Basse-Saxe avec quelques petites bombes incendiaires, sans blesser personne. Je me faisais les mêmes réflexions à propos du réseau électrique.

« Le chômage, comme chance ! » Tel est le titre d’une conférence d’Anton Kimpfler dont j’ai lu l’annonce dans le journal. J’étais dans ma 25e année. J’ai assisté à cette conférence et cela m’a stimulé pour continuer à avancer dans la vie. Outre la conférence, très inspirante, qui présentait concrètement les situations de crise comme des occasions de partir sur de nouveaux chemins de vie, j’ai découvert toute une série d’anthroposophes ouverts au monde. A part mon grand-père, je n’avais eu jusque là aucun contact dont j’aurais pu avoir conscience avec cette orientation de pensée initiée par Rudolf Steiner il y a une centaine d’années. Lors de rencontres ultérieures avec ce groupe, il s’est toujours agi du développement social et spirituel, et de la manière dont l’homme peut intervenir lui-même plus consciemment et plus pratiquement dans la vie. J’en ai appris davantage sur le mouvement des écoles Steiner-Waldorf, sur la gestion biodynamique, l’art, l’histoire de la culture, la médecine anthroposophique etc. L’homme qui se développe dans la « liberté » est au centre de ce mouvement. J’avais devant moi un itinéraire d’apprentissage tout tracé, dans lequel chaque réponse amène une nouvelle question.

Mes idées sur les rapports sociaux, écologiques et politiques changèrent. A partir de maintenant, il n’était plus question de lutter contre le négatif, mais de travailler à des relations qui structurent la vie. La question : « Quelle est ma tâche dans cette vie ? » devint ma ligne directrice à la place de la précédente : « Quel est le travail qui va me rapporter le plus ? » Ma joie de vivre éclatait. Ce mot d’ordre me mobilisa beaucoup plus que le précédent : « trouver du plaisir à vivre ».
Je ramassai les déchets organiques des cuisines de mes voisins pour nos paysans bio. Aucun parti politique, pas même les « Verts », ne fit droit à ma demande d’une « poubelle verte », qu’ils estimaient irréaliste. Je me mis aussi à distribuer par tracts des conseils pour économiser l’énergie et à organiser des tables rondes locales sur les thèmes les plus divers. En même temps, comme nous voulions cultiver nos légumes, nous nous mîmes, ma compagne et moi, à rechercher dans les environs une ferme à laquelle nous souhaitions donner un caractère coopératif. Mais la hausse du foncier nous dissuada de réaliser ce rêve.

A mes 27 ans, comme nous préférions nous acquitter de notre mission ailleurs, nous décidâmes de partir en Toscane. Nous fîmes le trajet à vélo. Nous avions pris rendez-vous avec des Allemands qui venaient de racheter une ferme sur place pour participer à l’installation du lieu. Il y avait à faire : réparer les terrasses, rénover l’étable et la maison, faire des céréales et des légumes. Malheureusement, nous avons vite constaté que notre ardeur au travail n’enthousiasmait pas vraiment nos collègues. Ils se faisaient une idée plus calme de la vie. Ils parlaient beaucoup d’autosuffisance, d’environnement et de renouveau social. Mais ils achetaient presque tout, et même la plus grande partie de l’alimentation, à l’extérieur. On avait des voitures, on prenait l’avion et tout cela était financé par l’aide sociale ou les allocations chômage venant d’Allemagne, tout cela allait de soi. Toutes nos visites dans les fermes voisines tenues par des Allemands nous montrèrent les mêmes situations. En venant ici, nous espérions pouvoir apprendre quelque chose de paysans bio expérimentés. Echec total, pas un n’avait fait la plus petite formation. Entre nos modestes expériences, ce que nous avions appris dans les livres et l’observation de nos voisins italiens, nous en apprîmes davantage que nous n’en trouvâmes chez ces « marginaux ». Nous n’étions pas au bon endroit pour apporter une contribution positive au monde. Il nous fallait de meilleures bases pour notre affaire.

A mes 28 ans, nous partîmes pour l’« Emerson College », un établissement international très vivant situé dans le sud de l’Angleterre. J’étudiai l’« agriculture biodynamique, mention aide au développement » sous la direction de Mathias Goupon et du professeur Koepf. Ma compagne faisait la formation d’enseignante Steiner-Waldorf. A tous égards, j’ai pu trouver en cet endroit un fondement à mes idéaux. Nous avions des cours théoriques très intéressants et, tôt le matin et en fin d’après-midi, nous nous occupions d’une petite ferme de 2 ha avec tout ce dont a besoin une grande famille pour vivre, sauf les machines. Nous cultivions des légumes, des fruits, des fines herbes et des céréales. Des chèvres, des moutons, des porcs et des poules nous fournissaient le fumier pour les différentes variétés de compost. Nous avons construit et perfectionné nous-mêmes les plates-bandes surélevées, les étables, les fours en argile, l’approvisionnement en eau et les clôtures naturelles. En plus de tout cela, je suivais deux cours du soir par semaine : «  developement social » et « économie mondiale ».
De plus, j’ai participé pendant un an à un cours de méditation. Nous travaillions sur L’initiation ou Comment obtenir des connaissances des mondes supérieurs ?, un livre de Rudolf Steiner. Je travaillais très souvent avec John Wilkes, qui habitait au College et enseignait la sculpture et l’art des vasques vives, qui donne vie à l’eau et au paysage. Le climat social bouillonnant qui était celui du College et notre habitat communautaire nous ont donné plus d’une occasion de discuter avec des étudiants de toute nationalité et de tout âge toutes sortes de projets d’avenir.
Pour mes 30 ans, nous nous sommes engagés au sein de la toute jeune communauté rurale de Camphill Oaklands Park, au sud-ouest de l’Angleterre. Avec nos collègues, nous avons développé là un village-organisme de haute complexité avec une entreprise de formation biodynamique et diverses entreprises artisanales, des structures de commercialisation et un système de comptabilité interne pour soutenir et intensifier la vie économique. Il y avait aussi de très nombreuses actions culturelles. A côté de mon activité purement agricole, j’ai pris la responsabilité du développement du bâti ; je représentais notre village au sein du Conseil économique anglais Camphill, auquel étaient rattachés une vingtaine de communautés villageoises. Nous avons également travaillé avec Ernst Dieter Barkhoff, le très inspiré fondateur de la gls-Bank de Bochum.
Nous avons intégré dans la vie du village des adultes handicapés mentaux ; dans notre propre famille, 7 handicapés et 2 jeunes stagiaires. Puis arrivèrent à un rythme soutenu nos trois garçons, Johannes, Mathias et Christian et notre fille, Sophia.

Nous avons réalisé pour notre village deux beaux parcs de phyto-épuration qui fonctionnaient bien et du fait de l’intérêt que montrèrent les média pour ces réalisations je reçus de plus en plus de demandes de conseil. Ce qui me conduisit à fonder, à mes 33 ans, mon premier bureau de conseil et d’études (Camphill Water). Projets relatifs à l’eau, aménagements paysagers et conseils en construction écologique, l’embauche de nouveaux collaborateurs s’imposa rapidement. S’ajoutèrent bientôt, de l’intérieur comme de l’étranger, des demandes de séminaires sur des thèmes écologiques, financiers et sociaux. Des organisations socio-écologiques comme Findhorn, le centre gallois d’énergies alternatives et le Conseil national de permaculture me demandèrent conseil. A chaque fois que je donnais un conseil ou que j’organisais quelque chose, j’augmentais mes connaissances. Ma collaboration a été très intéressante aussi avec le prince Charles. J’ai installé dans sa résidence privée de High Growe un parc pour l’épuration de l’eau et je lui ai donné des conseils pour son exploitation agricole bio de 400 ha. Cela m’a ouvert les portes à des personnalités de tout autres couches sociales. Quelques temps après, j’ai noué des contacts plus étroits avec une personnalité qui faisait partie des grades les plus élevés des « francs-maçons ». Nous échangions très souvent sur nos visions du monde respectives à propos de l’économie, de la politique, de la spiritualité et du développement humain. J’ai été surpris de voir comment il pouvait séparer les politiciens du monde entier en différents courants. Il m’a expliqué que les événements qui se sont déroulés en Pologne et en urss ainsi que la chute du Mur en Allemagne plus tard n’étaient autres que des actions préparées de longue date par des hommes politiques qui faisaient partie des francs-maçons.
A partir de mes 35 ans, s’ajoutèrent des contrats de conseil, de recherche et d’étude de plus en plus importants : pour la multinationale pharmaceutique « Smith-Klein-Beecham » et pour « Bass-Bier » (la plus grande brasserie anglaise) ; quant à« Blue-Circel-Zement », il s’agissait d’un contrat de recherche pour réduire par des mesures écologiques les énormes dégâts environnementaux dont il était responsable.

Ben Green de la multinationale de l’eau britannique « Severn Trent » avait accompagné mes activités pendant des années en tant que spécialiste, mais c’est en ami qu’il m’introduisit dans un cercle anglais de recherche sur l’eau qui élaborait des recommandations pour l’Union européenne.

Par l’entremise de Peter Lawrens, qui travaillait comme responsable du sud de l’Europe et du Moyen-Orient chez « Watson Hauksley », l’une des plus grandes firmes mondiales d’étude sur l’eau, j’ai obtenu de développer un projet financé par l’ue pour les eaux usées dans deux régions de Grèce, qui devinrent les sites de référence pour l’Europe du Sud.

J’ai aidé la ville de Leipzig à développer de nouveaux projets socio-écologiques qui allaient renouer les liens entre la ville et la campagne.
Je n’arrêtais pas de m’interroger sur mes voyages en avion et leurs conséquences sur l’environnement. Mais comme mes idées et mes techniques environnementales permettaient d’économiser beaucoup d’énergie et que en même temps j’aidais à porter un autre regard sur nos vies de consommateurs occidentaux, j’acceptai ce délicat compromis.
Je me suis retrouvé enterré au milieu de toutes ces activités — voyages en avion, politique, discussions techniques entre ingénieurs, hiérarchie — par ma vie dans notre village-organisme de Camphill. Je vivais avec ma famille élargie (14 personnes) dans une maison dotée d’une installation solaire et d’un jardin, j’apportais mon aide à notre ferme biodynamique, j’accompagnais les travaux, je jouais avec mes enfants, je participais aux conférences du village, je prenais des cours de danse avec ma femme, il m’est même arrivé de prendre un rôle dans une pièce de théâtre et je travaillais les écrits anthroposophiques seul ou avec des collègues.

Tous les samedis, nous organisions à la maison une soirée Bible qui commençait par un quart d’heure de silence ; puis, nous mangions ensemble. Pour finir, on travaillait un passage de la Bible dont on avait donné lecture toute la semaine avant le petit déjeuner.
Sur le plan économique, tous les bénéfices, internes ou externes, de nos nombreuses activités allaient grossir la caisse du village. Avec ces bénéfices, on finançait des projets d’avenir et chacun pouvait prendre de l’argent du compte commun pour ses besoins individuels, en fonction des accords que nous avions passés tous ensemble. De sorte que nous travaillions non pas pour notre propre revenu, mais pour les buts communs de la communauté et, plus largement, de la société. Je trouvais ce système très social et j’appréciais sa capacité à renforcer le sens commun. A trois couples, nous avons encore passé des années à travailler sur la question de la « tri-articulation de l’organisme social », à propos de quoi Rudolf Steiner expliquait comment une vie culturelle et spirituelle doit se comporter et se développer vis-à-vis de la « liberté », un Etat vis-à-vis de l’« égalité » et la vie économique, vis-à-vis de la « fraternité » pour qu’il en résulte entre les gens des rapports sains. C’était là notre point de départ pour élaborer les questions sur la manière dont des villages ou des villes organismes allaient devoir se développer. Par la suite, les trois couples fondèrent également des communautés dans différents endroits.
Pour mes 37 ans, je partis avec ma famille pour la Thuringe (en Allemagne de l’Est) créer une nouvelle « communauté rurale Camphill ». Avec quatre collègues plus âgés, nous reprîmes une ancienne association abandonnée, qui possédait huit vieilles maisons à rénover et nous prîmes en location une grande ferme domaniale toute délabrée dans le village de Hauteroda. Nous voulions assister le village et ses environs dans la résolution de ses problèmes écologiques, économiques et culturels. Ce fut sans aucun doute le défi le plus difficile de toute ma vie. Avec ses 33 % de chômeurs, la Thuringe était la première région allemande pour son taux de chômage. Par le biais d’un programme d’accompagnement à la recherche d’emplois de l’agence pour l’emploi, nous pûmes immédiatement embaucher 35 personnes pour l’organisation de notre association. Mais force a été de constater que, du fait de leur passé communiste, la plupart de nos collègues n’avaient pas la notion du travail responsable et indépendant ancrée en eux. Le climat au travail était lourd de critiques et l’attitude était à la revendication à l’égard de « ceux de l’Ouest ». Nous avons essayé de contourner cette tendance en multipliant les stages de formation et les offres culturelles ou en répartissant quelques centres de responsabilités dans l’entretien des paysages, le jardinage et la construction. Petit à petit, nous intégrâmes aussi dans la communauté en tant que « collègues » des jeunes et des adultes handicapés mentaux ou avec des retards intellectuels. Nous développâmes une agriculture biodynamique, d’abord avec peu de terres et deux vaches seulement, que j’ai traites à la main les trois premières années en alternance avec un collègue, à la plus grande joie des enfants. Deux ans et demi plus tard, nous décidions de renoncer aux mesures d’accompagnement à l’emploi : la persistance de l’attitude revendicative de la plupart de ces collègues mettait en péril nos capacités de progression. Nous proposâmes cependant une embauche ferme à ceux d’entre eux qui avaient compris nos objectifs et les mettaient en application de façon réfléchie. Enfin, avec ceux-là et quelques autres, notre aventure commençait à trouver son rythme. Malgré les résistances de la grande entreprise agricole locale (l’ancienne coopérative agricole de production), nous pûmes acheter la ferme domaniale et prendre en bail 70 ha en plus. Après avoir fait des transformations sur la ferme, nous pûmes, avec l’aide de collaborateurs mais aussi en partie avec notre propre groupe de construction, restaurer l’exploitation et y adjoindre un secteur maraîchage, une boulangerie bio, une boutique à la ferme, une menuiserie, une cantine, un café culturel, une auberge et des bureaux. Il me fallait quand même continuer à convaincre mes collègues de la nécessité que, dans ce processus, tous les ateliers se développent ensemble. Dans cet endroit isolé, aucun de ces secteurs d’activité n’aurait pu exister s’il n’avait pas eu alentour d’autres secteurs d’activité qui fonctionnaient eux aussi. Pour qu’un village-organisme se tienne économiquement, il lui faut des piliers. Pour financer ces travaux qui se chiffraient par millions, je me suis battu en interne pour une conception économique associative, pour laquelle je développais aussi un système de paiement interne s’appuyant sur le bon de livraison. Chaque secteur de travail devait pouvoir se frotter aux défis économiques de façon que les loyers puissent être dégagés pour les remboursements. Les bénéfices passaient dans les aménagements immobiliers à venir et dans la vie culturelle. J’ai essayé de récupérer des dons et des prêts privés de l’extérieur et j’ai organisé des crédits auprès d’une banque éthique. Notre conseil d’administration, dont faisaient partie un conseiller fiscal et trois membres fondateurs qui travaillaient dans la même branche, accompagnait tout cela avec compétence. Notre « village-organisme » prenait de plus en plus forme. Je représentais notre communauté en tant que membre du Conseil économique Camphill Europe centrale, qui comptait 15 communautés rurales, et au sein duquel je faisais régulièrement des rapports économiques.
Aussi souvent que possible, je réservais mes soirées à ma famille élargie. J’aimais particulièrement raconter ou lire une histoire à mes enfants avant qu’ils n’aillent se coucher. Le week-end, nous aimions parcourir les forêts proches ou bien nous allions voir quelque village fortifié chargé d’histoire. Pour les adultes, il y avait une soirée Bible tous les samedis. C’était vraiment le moment réconfortant de la semaine.
Avec quelques-uns de mes collaborateurs, nous avons organisé une caisse commune. Ainsi, je ne travaillais plus pour mon propre revenu, mais pour celui des autres. Et les autres travaillaient pour subvenir à mes besoins. Chaque famille avait son propre logement, mais les voitures, et bien d’autres choses encore, étaient utilisées en commun. Tout cela nous procurait une grande liberté économique.

Parallèlement aux activités pratiques pour l’organisation du « village », j’avais créé avec quelques employés, comme en Angleterre, un bureau d’étude et de conseil pour les questions d’environnement, de logement et pour les questions sociales. Nous pouvions ainsi élaborer les projets de construction pour notre village. En matière de tâches externes, il y a eu par exemple la collaboration avec la ville de Leipzig pour ses projets à l’est de la ville, l’élaboration d’un projet écologique pour repeupler Wustrow, l’île du futur (avec Joachim Eble et Rainer Kroll) et le projet de développement écologique de Rome Ostie (là encore, avec Joachim Eble et Rainer Kroll). J’ai eu des discussions avec le gouvernement de transition palestinien et les hauts représentants de l’ue sur des projets écologiques autour de l’eau en Cisjordanie et leur financement. C’est finalement une commande à Weimar-Taubach, à 50 km de là où nous étions, qui a retenu notre attention. Nous avons conçu pour une académie de médecine et de sciences socio-culturelles l’aménagement de son grand terrain de 6 ha et coordonné les études pour construire les bâtiments d’une académie qui comptait accueillir 400 étudiants, une clinique de 60 lits, 70 appartements pour personnes âgées et un lotissement pour les collaborateurs. Pour l’ensemble, nous avons obtenu les agréments politiques et administratifs à force d’un travail méticuleux de longue haleine. Le projet était tellement important que j’ai décidé de ne pas en prendre d’autres.
Ma 44e année a été une année de crise. Notre projet de village commençait à prendre forme concrètement et à emporter l’adhésion dans la région. C’est alors qu’arriva l’offensive. La soif de pouvoir d’un nouveau collègue a provoqué de telles tensions qu’elle m’a amené à quitter la communauté. Je suis donc parti avec ma famille, mon bureau de conseil et quelques collaborateurs à Weimar, où nous devions préparer la mise en chantier de l’académie dont il a été question plus haut. C’est alors qu’arriva le deuxième coup : les banques refusaient les crédits au conseil d’administration. La situation économique de l’Allemagne de l’Est ne leur semblait plus assez stable. L’académie n’était donc plus en mesure de me verser les honoraires que j’avais accumulés et je fus contraint de licencier mes collaborateurs. Cette période difficile a mis au jour également de profondes fissures dans notre couple et je quittai la famille. Au fil du temps, j’ai fini par reconnaître que c’était mon manque d’assiduité au travail spirituel que je payais de ces trois échecs sur un an. J’étais trop préoccupé par l’idée de maîtriser le monde extérieur. Voilà comment des puissances négatives avaient pu me faire plier.

Pour la première fois de ma vie, j’avais des dettes. Mais mes enfants allaient continuer à aller à l’école Steiner-Waldorf, à prendre des cours de musique et à manger sainement. (Ces dépenses pour les enfants, notamment celles pour l’école Steiner-Waldorf, sont bien celles qui, de ma vie entière, ont le plus engagé l’avenir.) A cela s’ajoutaient les frais de route pour aller voir les enfants et d’autres choses encore. Je me retrouvais dans la situation de millions de familles séparées. Et je n’avais pas de nouveaux contrats en vue. Je suis parti dans le nord de l’Allemagne, en Suisse et au Ghana pour des contrats relativement modestes. Enfin, j’en obtins un bon chez Weleda à Schwäbisch Gmünd. Il fallait que j’étudie un projet d’installation hydraulique pour la climatisation des nouveaux bâtiments administratifs et de ceux qui les jouxtaient et un projet de végétalisation des toitures. A quoi s’ajoutèrent par la suite un projet de construction et la direction des travaux pour un centre d’hébergement écologico-socio-thérapeutique pour personnes âgées non dépendantes à Wernstein, en Bavière.
Pour mes 46 ans, je pris un emploi de chef d’atelier dans une institution accueillant des handicapés à La Branche près de Lausanne. Mon salaire, quelques activités de conseil et de séminaire me permettaient enfin de m’acquitter de mes dettes. Mes enfants venaient souvent me voir et ils m’aidaient assez fréquemment, pour se faire une pièce. Le travail avec les handicapés et le développement économique de l’atelier m’intéressaient tellement que je suis resté, même si ce n’était plus qu’à temps partiel. A côté, je me suis mis à développer mes activités de conseil et d’étude sur les questions de développement écologique, économique et social. Dans ce but, je suis allé en Egypte (Sekem), en Israël (kibboutz), en Bulgarie et en Grèce. Il devenait crucial pour moi de me plonger régulièrement dans l’anthroposophie pour renforcer mes activités extérieures.

A 51 ans, j’ai fait la connaissance de ma femme, Isabelle, une ancienne enseignante du réseau Steiner-Waldorf et nos idéaux et nos compétences se complétaient à merveille. Nous avons commencé par rénover écologiquement la maison de ses parents. La maison produit aujourd’hui plus d’énergie qu’elle n’en consomme. Nous avons fondé le centre de formation « aktiv ZUKUNFT sichern », avec lequel nous organisons régulièrement à la maison des cercles de lecture, des conférences et des séminaires sur des thèmes écologiques, sociaux, économiques et culturels. Nous aidons les paysans qui veulent convertir leur ferme, nous organisons des fêtes des fermes et des rencontres de consommateurs.

J’ai quitté La Branche parce qu’elle tendait à s’institutionnaliser, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur et qu’on n’y retrouvait plus grand chose de l’impulsion anthroposophique des débuts. Même la ferme en biodynamie se soumet à des structures néfastes à la vie. Dans les associations environnementales ou sociales, dans les partis politiques, les églises ou d’autres institutions anthroposophiques, je constate les forces de décomposition d’une institutionnalisation en progrès.

Je souffre à l’idée que le christianisme ou l’anthroposophie sont dénigrés parce qu’ils ne sont plus à trouver dans leurs institutions temporelles.

Dieu merci, il y a aussi des personnalités fortes et inspirantes qui savent prendre de la distance malgré toutes les forces de destruction et qui apportent du nouveau. J’ai toujours réussi à rencontrer des gens de cette trempe et à travailler avec eux. J’ai même réussi à vivre quelques « miracles », ainsi. En l’occurrence, ceux qui m’inspirent le plus, ce sont les gens pour qui le Christ n’est pas qu’un homme particulier (Jésus) ou bien un prophète, mais un véritable être divin, qui s’est associé au développement de la terre et de l’humanité. Par la méditation, j’ai réussi moi aussi à me rapprocher de cette sphère religieuse, à affiner ma capacité de jugement sur ces gens, et à me rendre moins dépendant des « opinions » parfois trop vite faites des autres. Ce qui m’aide surtout pour juger des diverses tendances religieuses dans notre société, ce sont les résultats pratiques qu’elles atteignent dans leur milieu. La première question qui me vient, à ce moment-là, c’est celle-ci : « Est-ce qu’il y a là une évolution pour l’homme et la nature ? »

Quelles que soient nos « opinions » sur les dessous politiques, sociaux, économiques et écologiques de la société, on n’est pas forcément dans une position très confortable quant à l’objectivité. En général, on restitue comme étant sa propre opinion ce qui est diffusé par les média, y compris les media alternatifs. C’est pourquoi j’essaie toujours d’examiner les faits par moi-même et d’arriver à une image plus objective en passant par l’analyse des phénomènes au-delà de ce qui est donné. En étudiant l’anthroposophie de Rudolf Steiner, je découvre souvent un angle de vue supplémentaire, qui m’aide à trouver la bonne piste.

Outre mes activités de conseil et d’étude, je m’occupe avec ma firme « Nature & Technologie SA » de rénover des maisons ou d’installer des systèmes solaires qui seront installés par des collaborateurs engagés. Avec un Kosovar, je suis en train d’installer une filiale au Kosovo. Là-bas aussi, nous voulons réduire la dépendance au pétrole et à l’électricité. Les profits que nous ferons, nous les utiliserons là-bas pour organiser des séminaires sur des « villages-organismes autonomes ».

Ma femme, Isabelle, et moi, nous avons fondé un fonds « Terre et Culture » au sein de la fondation d’intérêt général Edith Maryon à Bâle. Nous voulons rassembler de nouveau la Terre et la Culture, les présupposés de base pour une évolution humaine et économique, pour que la génération montante puisse développer de nouvelles perspectives de vie. Dans ce but, nous recherchons nous aussi une ferme au milieu de laquelle puisse s’établir une communauté tournée vers le futur qui prendrait la forme d’un village-organisme.

Avec un ami, je suis en train d’élaborer une formation sur les communautés tournées vers l’avenir destinée à des gens de toute origine, qui voudraient participer au développement de communautés. Ce qui est prévu, c’est une formation modulaire qui prendrait en compte aussi bien des choses qui ont fait leurs preuves que des approches plus nouvelles d’un développement communautaire écologique, économique, social, juridique et propice à la santé ou encore le développement personnel. A cet effet, des contacts se nouent actuellement avec des communautés durables et des collaborations se préparent avec des lieux de formation en Suisse ou à l’étranger. (Les personnes intéressées sont priées de prendre contact avec l’auteur.)

 

Règlement du fonds « Terre de Culture »

Art. 1
Au sein de la fondation Edith Maryon a été créé un fonds « Terre et Culture », sur la base d’un contrat de donation entre Uwe Burka, Isabelle Goumaz Burka et la fondation Edith Maryon le 18 décembre 2014.

Art. 2
Le fonds d’utilité publique « Terre et Culture » a pour but d’encourager et de soutenir le développement de relations entre l’homme et la nature conscientes de leurs responsabilités, notamment dans le domaine de l’agriculture. Il assure à la population la formation de la conscience et de la responsabilité pour un développement sain de la culture et de l’agriculture.

Dans ce but, le fond promeut des pratiques culturales durables, des techniques pour préserver et améliorer la fertilité naturelle du sol et garantir un développement sain des plantes et des animaux, en accord avec l’environnement local.

Pour atteindre ces buts, le fonds peut apporter son aide en :