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Johannes Kiersch - L’ÉSOTÉRISME INDIVIDUALISÉ DE RUDOLF STEINER AUTREFOIS ET MAINTENANT
À propos du développement de l'Université libre pour la science de l’esprit   retour au sommaire

5 L'évolution supplémentaire jusque vers la Seconde Guerre mondiale

Avec la mort prématurée et pleinement inattendue de Rudolf Steiner le 30 mars 1925, la situation de l'université, qui était encore en construction, changea brutalement de manière dramatique. Les membres restant du conseil de fondation de la nouvelle Société anthroposophique étaient en même temps membres du Collège de l’université et du conseil d'administration du Goetheanum Bauverein (association pour la construction).166 Les « Statuts » prévoyaient que Rudolf Steiner avait à nommer son « successeur éventuel » (§ 7). Cela ne s'était pas passé. Le conseil fondateur orphelin s'est retrouvé complètement renvoyé à son propre jugement. En particulier, il avait à clarifier comment la gestion de l'université, qui était jusqu'alors presque exclusivement liée aux décisions de Rudolf Steiner, devait être traitée en plus des structures de gestion et de décision complètement différentes de la Société anthroposophique. Si maintenant, sans les conseils habituels de Rudolf Steiner, des solutions claires et praticables à la question de direction pourraient être trouvées, dépendait avant tout de comment dans le cercle du comité respectivement dans le collège de l’université, dans le cadre d'un processus de compréhension prudent, pouvaient venir en l’état des décisions unanimes. Lors du Congrès de Noël, Rudolf Steiner avait réuni les personnalités de domaines d'activité et de destin très éloignés se trouvant maintenant devant cette tâche inattendue. Ils avaient à peine eu plus d'un an pour mieux se connaître et tester leur capacité à coopérer entre eux. Pourraient-ils déjà s'entendre sans le grand enseignant et aide et développer une compétence commune en matière de direction ?

De la « périphérie » vint tout d’abord une sympathie unanime aux cinq autres membres restant du comité de la Société anthroposophique. Partout, on espérait que les processus de développement initiés lors du Congrès de Noël en 1923/24 pourraient être poursuivit par les personnalités compétentes choisies par Rudolf Steiner.

166 Pour les différentes fonctions associées, voir EZ III, p.19 et suivantes.
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Cependant, très peu de gens ont remarqué que cela était lié à une attente initialement non réfléchie qui devait mettre toutes les parties impliquées sous une pression désastreuse en cas de crise. Au cours de sa dernière année de travail, Rudolf Steiner avait qualifié toujours de nouveau le nouveau comité d'« ésotérique ». Grâce à sa participation, l'afflux direct de conseils et d'aide du monde de l’esprit, qui a été souligné avec cette marque, a été une réalité vécue ensemble. Son autorité, justifiée par le travail de sa vie ainsi que par sa personne et la nature de son travail, a donné à ses décisions une certitude qui réconcilie et calme toutes les contradictions de la vie. Beaucoup des membres, probablement la majorité écrasante, s'attendaient maintenant à ce que le conseil d'administration nommé par Rudolf Steiner continurait d'être « ésotérique » : du monde des esprits, n'agissant pas conventionnellement comme une association, mais d'un « ésotérisme réel et véritable » tel qu'il avait été cultivé dans l'université, porté par des relations personnelles vivantes aux membres dans le monde entier, et avant tout agissant à l'unanimité dans le sens de l'union des cœurs, dont il avait été si pressement parler lors du Congrès de Noël.
C’est seulement d'un comité actif dans ce sens qu’était à attendre la force de direction dont le mouvement anthroposophique dépendait tout de suite de façon si pressante. Les doutes sur le caractère « ésotérique » du Comité pouvaient seulement trop facilement être perçus comme une menace pour son existence à cause de cela. L'image du « comité ésotérique » semblait intouchable. Mais que se passerait-il si ce conseil ne pouvait pas agir à l'unanimité sans plus tarder ? S'il avait des désaccords à assumer ? L'idée que le conseil exécutif continuerait d'être « ésotérique », ne deviendrait-elle pas une pure affirmation qui ne pourrait plus être justifiée, voire un dogme ? Tout le monde pouvait espérer que le comité serait inspiré par le monde spirituel, au moins temporairement ou dans des moments heureux. Mais était-il possible de tirer de cet espoir une revendication durable à de l'autorité ?

Lors des explications concernant cela, il y a pour l’essentiel trois principales façon de voir qui se font remarquer après le décès de Rudolf Steiner. L’une suppose que les déclarations de Rudolf Steiner continuent à s'appliquer et que les personnalités qu'il a appelées au comité forment un comité « ésotérique » même sans sa participation terrestre au sens d'une « succession spirituelle ».

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Ce point de vue est porté lié aux sentiments traditionnels, comme la transmission de l'ordination sacerdotale au sens d'une « succession apostolique », que Rudolf Steiner respectait dans un contexte religieux. Le deuxième point de vue est fondé sur la conviction que Rudolf Steiner continuait à donner l'impulsion et à diriger le cercle qu'il avait mis en place même après son passage à travers le seuil de la mort.
Le troisième demande une réorientation fondamentale compte tenu des circonstances complètement transformées. Il n'exclut pas une efficacité du grand maître à partir du monde de l’esprit, mais décline d'en tirer une revendication.

Emil Leinhas, l'un des collaborateurs les plus anciens et les plus engagés de Rudolf Steiner, a résumé le problème en termes simples lorsqu'il a été mené à la première controverse ouverte. « Je ne reconnais pas le principe », écrit-il, « que Rudolf Steiner travaille à travers le Comité de Dornach, parce qu'il est une profession de foi. (Et je ne souscrit pas au principe selon lequel le Dr Steiner a la possibilité de travailler à travers l’ensemble du Comité, pas plus que je ne souscrirait au principe selon lequel il est possible qu'il pleuve après-demain.) Si et comment et par qui Rudolf Steiner travaille, il ne peut y avoir qu'une seule chose là-dessus : un profond silence ».167 Mais peu de gens pensèrent de cette façon. Et avec cela, le problème donné avec la mort de Rudolf Steiner était écarté si le Comité - et donc aussi, en quelque sorte, la direction de l'université - pouvaient continuer à être considéré comme « ésotérique », par une pression cachée d'attente de la discussion ouverte et prudente qui était maintenant attendue.
Dans le bulletin d'information paraît une déclaration provisoire que le comité considère comme son devoir de « rester dans ses fonctions et de continuer à travailler dans l'esprit de Rudolf Steiner, qu'il sait continuellement comme un dirigeant en son milieu ».168

 167 Réponse ouverte au Dr Rittelmeyer et à tous ceux qui veulent l'entendre - Noël 1926, p.5 Archive Goeth. Pour une discussion plus approfondie sur le concept de "conseil ésotérique", voir en particulier J. v. Grone à Steffen, 10.12.1926, la soi-disant "manifestation", dans Kolisko 1961, p. 158 et suivantes, ainsi que MSt : contemplation de fantômes (25.2.1927), Goeth. archives, plus loin les votes/verdicts de S. E. Lauer et K. Ingerö sur le G. u. V., 25.4.1930, p. 54 et 64 et suivantes. Goeth Archive.
168 Nbl., 3.5.1925. Elisabeth Vreede rapporte là dessus que la déclaration dans le bulletins d'information a été exigée par Guenther Wachsmuth, mais n'a pu être réalisée qu'avec difficulté. "Steffen ne voulait pas être considéré comme président et en a toujours de nouveau été prié par nous, le Dr. Wachsmuth avait
 utilisé la belle expression : Nous considérons toujours le Dr. Steiner comme notre 1er président ce que M[adame] Dr. St[einer]tient pour une extravagance mystique et cela a ensuite été changé de sorte que nous le savons continuellement en tant que dirigeant parmi nous". (Vreede1934, p. 7)
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Sur la poursuite de l’Université sera simplement annoncé que les demandes d'admission en première année seraient à adresser « à la secrétaire, Dr I. Wegman ». On ne sait pas encore si dans le cercle du comité, respectivement du collège de l'université, ont été donné des conseils plus détaillés pour trouver des solutions conjointement responsables. Les témoignages actuels indiquent plutôt le contraire. Ainsi, le développement ultérieur, au cours de l'année qui a suivi la mort de Rudolf Steiner, a d'abord été motivé par des décisions et des actions spontanées, qui ont trop rapidement donné lieu à des contrariétés et des discordes. Les discours encore courants jusque dans les années trente, et dans certains endroits au-delà, de Comité « ésotérique » sont devenus des fictions vides après peu de temps.169 Les accusations mutuelles conduisent déjà à une crise grave au cours de l'hiver 1925/26, qui agit largement dans la compagnie des membres. De longs débats, salués avec soulagement par Albert Steffen dans la Feuille d’information comme « catharsis »170, n'apportent qu'un calme temporaire et superficiel. La chaîne fatale des « cliques », comme l'appelait Rudolf Steiner, des alliances changeantes, des malentendus et des insultes mutuelles qui ont façonné le destin du mouvement anthroposophique jusqu'à la fin du XXe siècle commence inéluctablement, poussée vers l'avant et considérablement exacerbée par les préoccupations pour l'avenir et les besoins d'autorité de groupes de membres plus ou moins petits ou grands.
Il n'est pas possible, et aussi pas nécessaire, d'entrer dans le détail de ces questions dans la présente étude. Il n'entre en considération ici que dans la mesure où le développement des formes de travail de l'Université de Science de l'Esprit, en particulier de la première classe, en est affectée.

169 Même dans la période d'après-guerre, l'idée de l'existence continue du "Comité ésotérique" était encore partiellement respectée. Emil Leinhas écrit avec une amertume perceptible : "Nous avons un Comité <ésotérique>. Il se compose heureusement encore de trois personnalités, dont le président déclare publiquement qu'il ne peut plus travailler avec l'une de ces personnalités. Le 24 juin de cette année, il y en avait quatre, en mots : quatre ans depuis que ce conseil <ésotérique> a tenu sa dernière réunion". (Extrait de mon journal intime de Dornach. Tirage manuscrit, printemps 1947. Goeth Archive.
170 Feuille d’information, 28 mars 1926, p.56.

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Cachée de manière semblable que le problème de savoir dans quelle mesure les remarques de Rudolf Steiner sur le « conseil ésotérique » étaient encore valables, une deuxième difficulté subsistait dans un premier temps : la relation tendue entre Marie Steiner et Ita Wegman. Nous avons déjà rencontré les constellations de destin dont ce problème émerge dans le chapitre précédent. Marie Steiner a été intimement associée au fondateur de l'anthroposophie en tant que collaborateur le plus proche pendant les années de reconstruction après le tournant du siècle, en tant qu'âme sœur et épouse. Avec sa question sur la nécessité « d’appeler à la vie un mouvement spirituel en Europe », elle avait engagé tout son travail pour le mouvement anthroposophique au début du siècle.171 Il avait confié l'administration de son leg à elle seule. Elle avait une position exceptionnelle dans les contextes de l'ésotérisme précoce, avait rempli d’une nouvelle vie l'art de formation de la parole et du théâtre au Goetheanum, favorisé de manière significative le développement de l'eurythmie. Elle jouissait de la plus haute considération dans tout le mouvement anthroposophique. L'étroite collaboration de Rudolf Steiner avec Ita Wegman n'a pas remis tout cela en question, mais l’a quand même poussé sous un autre jour. Elle, Marie Steiner, qui avait été la confidente la plus proche de l'initié pendant trois septaines, avait dû endurer le fait qu'un autre humain était maintenant évidemment aussi proche de lui et lui avait ouvert des opportunités qui allaient bien au-delà de ce à quoi avait été aspiré jusque-là. Elle n’a pas seulement été affectée en privé par cela, mais aussi dans sa position dans le mouvement anthroposophique, sa dignité. Comme le montre la lettre susmentionnée de Rudolf Steiner de février 1925, elle s'est sincèrement efforcée d'aborder la nouvelle situation difficile avec compréhension. Pendant plusieurs semaines après la mort de Rudolf Steiner, elle cherche encore des possibilités de coopération/collaboration productive avec sa partenaire de destin, si difficile à supporter, sans succès durable.

Ita Wegman se trouve dans une situation intérieure complètement différente. Ses conversations ésotériques avec Rudolf Steiner, qu'il ne pouvait mener qu'avec elle seule, l'ont remplie de la conscience écrasante d'une mission spirituelle intouchable. Elle peut en espérer que les autres membres du « conseil/comité ésotérique » seront capables d'établir à leur manière une relation intérieure similaire à l'enseignant de l'esprit qui travaille maintenant au-delà du seuil, comme elle -même le ressent de toute son âme comme réel.

171 Wiesberger 1988, p.116 s.
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« Rien n'a changé », dit-elle à Martin Münch à Berlin en octobre 1925 en réponse à sa question de savoir si sa « coopération à l'admission des membres de la classe » par Rudolf Steiner a un « caractère testamentaire ».172 Avec cela ne doit pas être pensé qu'elle se réfère à une nomination officielle, comme lui a été allégué par la suite. La réponse est venue de la plénitude du cœur, avec la certitude intuitive de son accord avec les intentions de Rudolf Steiner. Elle attend confiante conformément à cela que le conseil « ésotérique » puisse aussi continuer à travailler d’un esprit commun. Dans son essai dans la Feuille d’informations du 26 avril 1925, qu'elle laisse publier entièrement sous sa propre responsabilité, sans consultation avec le collège du Comité, elle est allée jusqu'à considérer le défunt comme le « premier président », une façon de voir dont l'insoutenabilité juridique  ne peut lui avoir échappée, mais avec laquelle elle affirme de tout cœur l'unité espérée au sein du conseil d'administration. Elle y écrit : « Il était clair pour nous, qu'il avait choisi comme membre du Comité, que nous n'étions pas autorisés à quitter le poste déterminé par lui ; il était clair pour nous qu'il était un devoir sacré de prendre au sérieux ce que le Maître nous avait transmis du monde spirituel afin de rester groupés autour de lui, de sorte que bien que n'étant plus physiquement parmi nous, il puisse encore travailler parmi nous et en nous. Cet état d'esprit a prévalu en nous. C'est pourquoi nous considérons toujours Rudolf Steiner comme le premier président au milieu de notre comité et tous les membres du comité dans les fonctions dans lesquelles Rudolf Steiner les a installé ».173

Dans ses contributions bientôt si controversés pour la Feuille d'informations, qu'elle intitule avec la formule « Aux membres » d'après l'exemple de Rudolf Steiner, elle représente vigoureusement les tâches urgentes du futur proche, qui peuvent être abordées courageusement à partir de cette unité. En cela, il lui est pleinement éloigné de prendre en charge pour elle la gestion de l'université. Elle insiste à juste titre sur le fait qu'elle a toujours signé « pour » la direction, au nom de tout le conseil "ésotérique" qui pour elle détient la fonction de direction. Cela correspond - du moins dans un premier temps - à sa pratique d'admission.174 Elle ne s'intéresse qu'aux actes qui sont maintenant à fournir ensemble.

172 M. Münch à Steffen, 14.2.1926. Goeth Archive.
173 Notes, 26.4.1925. Annexe 9.
174 A Marna Engels le 5 mai 1925 : "Je soumettrai votre demande d'admission en première classe au conseil d'administration et vous en saurez plus à son sujet." (archive 1W). Cela n'a rien à voir avec l'attitude fondamentale de Wegman que W. J. Stein et Kolisko ont demandé à Albert Steffen, au début de juin 1925, de la reconnaître comme seule directrice de l'université (voir annexe 12).

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Un « château de Michael » lui est le Goetheanum se trouvant en construction.175 Un « courant de Michael » veut « se vivre par l'anthroposophie dans le développement de la terre...... ». Il s'agit du sauvetage de l'intelligence humaine. « Une image puissante doit émerger, illuminée par les nouvelles impulsions de Michaël, de tout le savoir spirituel anthroposophique qui doivent être relevé de l'efficacité conforme à une secte à l'effet universel englobant tout le monde qui est toujours pendant à Michaël. Dans la société anthroposophique où l'anthroposophie est enseignée, n’ont pas la permission d’apparaitre des îles particulières, mais à cela pourrait être oublié d’accentuer le renforcement de ce savoir avec les impulsions de Michaël »176.

 Et si dans le cercle des « jeunes médecins » ne s’était pas montré de manière exemplaire où pouvait conduire la confiance que Rudolf Steiner espérait et qualifiait d'indispensable placée concrètement dans le Goetheanum ? Willem Zeylmans en Hollande, Norbert Glas à Vienne, les jeunes médecins d'Arlesheim n'auraient pas gagné une force étonnante pour leur travail externe grâce à la relation de travail ésotérique avec leur chef de section ? Ne pouvait pas être attendu des autres membres du « conseil ésotérique » ce que les jeunes médecins ont accompli avec tant de succès : travail ésotérique énergique basé sur le bien de sagesse mantrique qui leur a été confiée, confiance sans réserve les uns dans les autres et en elle en tant que « co-directeur » de la section, fondé sur une conscience claire de la communauté karmique, travail décisif dans le monde, aussi pour l'anthroposophie en tant que telle ?

 Il a dû être difficile pour Ita Wegman de comprendre pourquoi elle a rencontré de la résistance. Pourquoi n'a-t-elle pas réussi à réchauffer les membres de la Société anthroposophique et de l'Université dans son ensemble pour ses impulsions sincères ? A-t-elle dû lutter, comme si souvent aussi Rudolf Steiner, contre l'inertie des cœurs ou contre les résistances insurmontables de l'ensemble de la situation temporelle ? Ou est-ce que les difficultés qui s'accumulaient de plus en plus contre elle au cours de l'année 1925 résident aussi dans la façon de son travail ? Dix ans plus tard, Elisabeth Vreede se souvient avoir éprouvé la confiante contribution dans la Feuille d’informations du 26 avril comme extrêmement « tendancieuse ».

175 feuilles, 3.5.1925, p.70.
176 feuilles, 17.5.1925, p.79.

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 « Par ces mots, écrit-elle, aussi vrais qu'ils aimeraient être, Madame le Dr Steiner a dû se sentir exclue du conseil, voire violé directement dans sa décision de rester quand-même après l'échec de ses tentatives de restructuration du conseil. Par le fait que cet essai de M[adame] Dr. W[egman] seule, est paru sans discussion préalable au Conseil, elle s'est présentée en quelque sorte comme représentante et porte-parole aussi des autres membres du Conseil d'administration, sans qu'ils connaissent l'essai en détail ».177 Il sera rapporté différemment qu’il n’arrivait pas facilement à Wegman de percevoir comment elle a œuvré sur son environnement. Son collègue Oskar Schmiedel, engagé par elle, écrit que c'est seulement après une discussion de plusieurs heures avec Rudolf Steiner qu'il a pu être empêché d'abandonner complètement sa collaboration avec elle.178 Son biographe Emanuel Zeylmans critique chez elle « un mode d'expression peu clair, des déclarations irréfléchies et d'autres manques de formes », une tendance à des accès de colère et un style autoritaire de direction.179 Toutes ces particularités sont contrebalancées par son engagement inconditionnel envers les erreurs et les échecs de ses collaborateurs, son engagement social étendu, sa sureté sur l’avenir (« Je suis pour le progrès ! »).180 Néanmoins, une cécité presque naïve pour certaines situations sociales ne peut être négligée. Rudolf Steiner a formulé la célèbre « devise de l'éthique sociale » pour Edith Maryon : « Salutaire est seulement quand / Dans le miroir de l’âme humaine / Se forme toute la communauté ; / Et dans la communauté / Vit la force de l’âme particulière »181. Ita Wegman a travaillé dans la communauté du conseil « ésotérique » et de la Société anthroposophique avec toute la force de sa grande âme ; laisser se former l'image de la communauté dans le miroir de cette âme lui était difficile.

 Dans la Société anthroposophique, par exemple, ses lettres « Aux membres » provoquent une gêne considérable à laquelle elle ne peut remédier par des tentatives ultérieures de justification, aussi convaincantes soient-elles.182

177 Vreede 1934.
178 0. forgeron en SR III, p.434 et suivantes.
179 EZ III, P.26.
180 Voir Selg 2002.
181 GA 40 (1978), P.256.
182 nbl., 28.6. et 19.7.1925.
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Mais avant tout, de nombreux membres de la Société anthroposophique se sentent irrités par le puissant contenu de ses contemplations. Les habitants de Dornach et quelques autres participants aux conférences de septembre 1924 ont peut-être reconnu ce qu'ils avaient entendu de Rudolf Steiner sur le karma des différents courants anthroposophiques et de leurs opposants, sur les secrets de l'Arthurien et du Graal, sur les expériences communes dans le suprasensible avant leur incarnation et sur les Mystères de Michaël. Mais les transcriptions de ces conférences n'avaient auparavant été transmises qu'à un petit nombre de personnes choisies. Encore longtemps pas elles ne furent pas, comme aujourd’hui, objet de travail de branche anthroposophique.183 Pour la grande majorité des membres, le contenu annoncé par Wegman était complètement nouveau. Très peu d'entre eux avaient réalisé que Rudolf Steiner appelait ses auditeurs à la connaissance de soi, à saisir consciemment leurs impulsions karmiques communes. Pour eux, le soupçon était plus probable que Wegman poursuivait des intentions très personnelles avec une mythologie privée imaginativement gonflée, qu'elle voulait gagner des partisans pour elle-même et ainsi mettait en danger la prise de décision uniforme et urgente du conseil « ésotérique ». Au cours de l'été, alors que se répandaient des rumeurs selon lesquelles elle avait des revendications fondées sur des incarnations antérieures,184 ses efforts sincères furent discrédités, son impulsion enthousiaste empoisonnée.185 Parmi les membres, qui, en mai, avaient accueilli avec soulagement le maintien et la continuité du travail du « conseil ésotérique », des doutes agonisants se firent jour.186

183 Comme J. E. Zeylmans van Emmichoven l'a découvert, les essais de Wegman à dix endroits contiennent également des citations de paroles de méditation que Rudolf Steiner lui a confiées personnellement au cours de sa dernière année de vie (EZ II, p. 119).
184 Cf. ici EZ III, p. 77 et suivantes.
185 Avec des allusions diffuses qui apparaissent dans certains de ses articles du journal à la fin de l'automne 1925 et après les affrontements du printemps 1926, Marie Steiner a probablement contribué de façon non négligeable à aggraver la méfiance. (Voir Nbl., 11.10., 25.10., 25.10. et 8.11. 1925 et 28.3.1926, plus EZ III, p.52 et suivantes).
186 Une image atmosphérique illustrative est véhiculée par une lettre écrite par Louis Werbeck à Stein et Kolisko en juillet. Voir l'annexe 13.

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Ita Wegman conclut son grand projet d'apporter le contenu des dernières conférences sur le karma de Rudolf Steiner aux membres de la Société anthroposophique et de les persuader ainsi de travailler ensemble, avec une vue intime, presque lyrique, des événements historiques entourant le Temple d'Artémis d'Ephèse, dont Rudolf Steiner avait parlé lors de ses conférences à Torquay l'année précédente.187 Beaucoup de choses semblent avoir été incorporées ici, ce qu'elle doit non seulement aux transcriptions de la conférence mais aussi à sa conversation personnelle avec le grand enseignant, peut-être aussi à ses propres impressions d'une vie antérieure. A partir de ce moment-là, elle n'apporte plus que des rapports dans les Feuilles d'information, principalement du travail de sa section. En attendant, cependant, elle s'en tient à sa fonction de secrétaire du conseil et avec cela de la direction de l'université. Elle veille à ce que les demandes d'admission, qui sont adressées toujours de nouveau à d'autres membres du conseil, passent par ses mains, s'assure que les secrétariats des sociétés nationales reçoivent les listes des membres de l’université et s'occupe de la correspondance pertinente.188

C'est avec une profonde tristesse qu'Ita Wegman a dû se rendre compte, au cours de l'année 1925, que beaucoup de membres éminents de la Société anthroposophique ne pouvaient pas se joindre à ses impulsions et que ceux qui les défendaient avec empressement n'avaient pas compris sa préoccupation centrale. Entre-temps, cependant, leurs divergences avec Marie Steiner ne pouvaient plus être comblées. Dès les premières semaines qui ont suivi la mort de Rudolf Steiner, tous les efforts de compréhension et de coopération qui ont pu être observés des deux côtés se sont essoufflés, notamment en raison des activités opposées des partisans respectifs. Comment cela s'est produit n'est pas sans signification pour le développement dans le domaine de la première classe de la Freie Hochschule. Nous en revenons donc une fois de plus à la période de transition critique du début de l'été 1925.

 Dans la distance historique donnée aujourd'hui, deux particularités des deux figures féminines importantes émergent brillamment : la confiance courageuse d'Ita Wegman dans le progrès de la cause anthroposophique ; la clarté sobre de Marie Steiner dans son jugement de la nouvelle situation qui a surgi - en plus du sentiment de tragédie écrasante.189

187 nbl, 25.10.1925.
188 Voir 1W à J. c. Grone, 20.11.1925. Archive 1W Annexe 16.
189 Sergej Prokofieff dans son matériel et ses réflexions réfléchies, donne pour « l’image originelle ésotérique du Comité de fondation » des vivantes description des sortes différenciés d’êtres des membres du comité. Dans l'esprit des explications de Rudolf Steiner à Torquay (21 août 1924, GA 243), il qualifie Marie Steiner de représentante du chemin de la Lune, Ita Wegman de représentante du chemin de Saturne à la sphère solaire de Michael (Prokoffieff 2002, p. 380 ss.).

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Comme document sympthomatique de cette lucidité peut valoir la lettre importante que Marie Steiner a écrite à Eugen Kolisko immédiatement après l’événement choquant de la mort.190 Dans cette lettre, elle nie d'abord résolument l'existence continue du Conseil, comme Rudolf Steiner l'a compris : «  J'ai clairement reconnu que notre Conseil, tel qu'il est maintenant, est orphelin dans sa phase d'enfance, n'est rien ». Elle-même voulait se retirer de ce comité et se consacrer au travail de sa section. A sa place, Maria Röschl, la responsable de la section jeunesse, devrait entrer dans le conseil. Eugen Kolisko devait devenir le premier président. Lili Kolisko est la mieux placée pour diriger l'université. De même, le même jour, Marie Steiner écrit à Albert Steffen qu'elle propose d'élire Maria Röschl au conseil d'administration et poursuit : « Avec un grand sens du bonheur, j'ai découvert un moyen de vous garder[Steffen] au conseil d'administration et en même temps de vous renvoyer. C'est quand Kolisko transfère son efficacité à Dornach et devient le premier président. Il peut parler, il peut tenir, il peut diriger ; il a maintenant montré beaucoup d'énergie et acquis de l'expérience. Il a pénétré profondément dans l'histoire de la société [anthroposophique] ; il a de la finesse et du tact. Donc il pourrait vous être un rempart, et si vous ne l'obtenez pas, nous sommes tous perdus. C'est le seul, il le fera donc. De toute façon, l'institut de recherche devait être affilié à Dornach, de sorte qu'il pourra être transféré. La précieuse force de Mme Kolisko serait aussi nécessaire d'urgence ici ». 191

 190 MSt à E. Kolisko, 4.4.1925. Dans : Kolisko 1961, p. 104f. Aussi dans : MSt 1981, p.92f. Voir l'annexe 6.
191 MSt à Steffen, 4.4. 1925. Goeth Archive. La lettre est datée par erreur du 4 mars. Libellé similaire dans Notebook No. 20, Archive after, ici en Annexe 7.

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Tout d'abord, on est tenté de saisir ces deux lettres comme une réaction spontanée, à ne pas prendre pleinement au sérieux, aux événements tragiques des jours précédents : l'arrivée retardée au lit de mort, les obsèques la veille, alors avant tout, pendant le trajet en voiture de Bâle au Goetheanum, le vilain différend autour de la place correcte pour l’urne 192 En y regardant de plus près, elles se laissent comprendre à juste titre plutôt comme un témoignage situationnel surprenant de la présence la plus élevée de l'Esprit. Dans sa lettre significative à Marie Steiner du 27 février 1925, peu de semaines avant sa mort, Rudolf Steiner affirmait une fois de plus affectueusement son profond attachement à sa compagne de vie et soulignait en même temps une qualité particulière qu'il avait appris à apprécier en elle pendant toutes ces années d'étroite collaboration : « Je peux ressentir et penser ensemble dans le jugement seulement avec toi ».193 Il écrit ces mots sur son lit de malade dans l’atelier, où Ita Wegman s'occupe de lui, peut-être même en cette/sa présence. Si nous prenons sa formulation au sérieux, nous devons quand même volontiers supposer qu'est jeté ici un coup d’œil vers une particularité de l'âme qu'il ne trouvait pas ainsi chez son amie médecin. Cette phrase de poids ne donne-t-elle pas une raison de comprendre les lettres de Marie Steiner du lendemain des funérailles comme l'expression de la plus haute compétence de jugement spirituel ? Ne pourrait-ce pas être que l’ébranlement de ce qu'elle venait de vivre la rendait réceptive à des inspirations tout à fait appropriées, même si tout d’abord elles contredisaient complètement les idées et les sentiments des acteurs impliqués ?

Eugen Kolisko n'était pas seulement un médecin éprouvé et un professeur Waldorf actif, un écrivain productif, mais - pensez à son courageux plaidoyer pour les impulsions de Rudolf Steiner lors du Congrès Ouest-Est à Vienne - l'un des représentants les plus remarquables de l'anthroposophie vis-à-vis du public. Il appartenait aux sept premiers membres du « noyau » ésotérique de la Section Médicale et entretenait une relation de confiance étroite avec Ita Wegman, mais en même temps, comme le montre la lettre qu'elle lui a adressée, Marie Steiner lui a témoigné une appréciation étonnante en raison de son âge relativement jeune. Comme presque personne d'autre, il aurait été capable de faire preuve de tact entre les deux. Lili. Kolisko avait travaillé en étroite collaboration avec Rudolf Steiner dans le domaine de science de la nature pendant de nombreuses années et avait été loué à plusieurs reprises par lui pour la détermination spirituelle de ses approches de recherche.

192 Le résumé de ces événements par Emil Leinhas (MSt1981, p. 89 et suiv.) a entre-temps été considérablement élargi et concrétisé par Heinz Matile (2003), en utilisant les notes du journal intime d'Albert Steffen. Plus d'informations dans Vreede 1934.
193 GA 262 (2002), P.450.

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Elle était la seule à qui il avait confié la tâche spéciale de lire les leçons de classe, et elle avait fait ses preuves dans cette tâche. Maria Röschl avait été appelée à la tête de la section jeunesse par Rudolf Steiner lui-même et se trouvait déjà en contact de travail avec les membres du conseil. Rétrospectivement, les propositions de Marie Steiner pour la nomination de nouveaux membres au Conseil de gestion semblent remarquablement appropriées. Cela vaut aussi pour son évaluation de la situation d'Albert Steffen, à laquelle elle voit des charges intolérables dont elle voudrait le protéger.194 Les développements des années suivantes lui ont donné raison sur ce point en particulier. Elle juge aussi ses propres possibilités avec sobriété et précision. Depuis le début du siècle, travaillant de manière désintéressée pour des tâches administratives aux dépens de son travail artistique et complètement surchargée, elle aurait pu se concentrer pleinement sur les fonctions de direction au sein de sa section et, dans une large mesure, éviter les problèmes de communication et de prise de décision inévitablement prévisibles dans la nouvelle situation. On ne peut exclure que ses propositions surprenantes, si elles avaient pu être adoptées à l'unanimité, auraient amorcé un travail de développement raisonnablement calme et constructif dans cette phase de transition critique.195

 Dans une lettre supplémentaire à Steffen, Marie Steiner souligne aussi que Kolisko n'était pas fixé unilatéralement et que sa coopération pouvait neutraliser la représentation douteuse de la continuation de Rudolf Steiner, caractérisé ci-dessus par le « conseil ésotérique ». Elle écrit qu'elle restera seulement alors au Conseil « si règne de la vérité et non des cliques avec prise par surprise, du sérieux strict et non de la comédie sentimentale.

194 "Et pour le plus beau flux spirituel, il n'y a plus que Steffen. Il doit être protégé du monde extérieur brutal" (MSt to E. Kolisko, 4,[4. 1925. Dans : MSt 1981, p.92. Voir aussi l'annexe 6).
195 Emanuel Zeylmans van Emmichoven, le biographe  d’Ita Wegmans (EZ III, p.145 f.), pense aussi dans ce sens, tout à fait dans le sens de la suggestion de Rudolf Steiner d'inclure dans les considérations historiques des développements possibles qui n'ont pas été réalisés au cours des événements (GA 181 (1967), p. 76). En ce sens, les études historiques récentes parlent de "scénarios contrefactuels" (Ferguson 1997 et 1999).

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Cela sera seulement atteint quand parmi les autres raisons que j'ai données pour cela, s’ajoute un non-partisan comme Kolisko, et quand comme premier président on n'appelle pas un esprit que chacun interprète à la façon de son esprit ».196

Eugen Kolisko, contrairement à son épouse ainsi qu'Elisabeth Vreede et Willem Zeylman 197 de nombreuses années plus tard, était initialement tout à fait disposés à accepter la proposition de Marie Steiner, mais seulement à condition qu'elle soit soutenue à l'unanimité par les autres membres du conseil.198 Ce n'est que lorsqu'il s'avère que cet accord ne peut être atteint, que l'idée, soulignée plus tard par Lili Kolisko comme le seul motif de la continuité nécessaire du « conseil ésotérique », gagne l'excès de poids.

 C'était probablement l'expectative que la démission de Marie Steiner du conseil provoquerait des troubles considérables parmi la majorité des membres de la Société anthroposophique, qu'Albert Steffen et ensuite les autres membres du conseil d'administration - à l'exception de Wegman, qui, comme nous l'avons vu, a prôné la continuation de l'existence du "conseil ésotérique" pour des raisons complètement différentes – laisse rejeter effrayé la proposition de Marie Steiner. Encore le même jour, Steffen a répondu que cette suggestion ne pouvait pas être « mise en œuvre du tout ». « La volonté claire du Dr Steiner en ce qui concerne la composition du Conseil devait être respectée. « Lorsque j'ai informé les membres du conseil de votre proposition conformément à vos souhaits, elle a été décrite comme impensable avant que je ne donne ma propre opinion. Nous vous prions d'y renoncer ».199

 Ce vote massif, représenté conjointement par tous les autres membres du conseil, a finalement pour effet que Marie Steiner reste formellement au conseil, mais néanmoins, comme elle l'avait prévu, elle devient active avant tout pour sa section et pour la gestion de la succession.

196 TVA à Steffen, 5.4.1925. Goeth Archive.
197 Voir RS III, p. 362.
198 Albert Steffen note dans son journal du 5 avril 1925 : "Il [Kolisko] dit qu'il n'entrera que si le conseil d'administration le souhaite à l'unanimité" (archives de la Fondation Albert Steffen). Voir aussi MSt 1981, 5.109, au sujet de "la condition fixée par le Dr. Kolisko" et la note : "A cette époque, K[olisko] a dit qu'il assumerait la présidence si l'ensemble du conseil d'administration était d'accord". (Cahier n° 20, Nachl. Archive)
199 Steffen à MSt, 4.4.1925. Dans : MSt 1981, p.93s.

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En conséquence, elle manque toujours de nouveau dans les mois et les années suivantes lors des session du conseil pour raisons de santé et de surcharge, ce qui  entraîne des problèmes constants de communication, des malentendus et des opérations de justification correspondantes, ce qui contribue de manière significative au fait que les désaccords des premiers jours après la mort de Rudolf Steiner se poursuivent et s'accentuent.

Marie Steiner s'en tient remarquablement longtemps à sa proposition d'amener les deux Koliskos à Dornach. Par cela se donne encore une fois supplémentaire la possibilité d’une issue à la situation déjà menaçante. Le 12 avril, elle s'entretiendra avec Ita Wegman et Albert Steffen au sujet de la poursuite de la première classe. Tout d'abord, elle réitère sa proposition du 4 avril de confier les heures de classe pressement attendues à Lili Kolisko, qui a fait ses preuves à Stuttgart. Ita Wegman ne peut en aucun cas être d'accord avec cette solution, mais elle cherche une issue pratique et suggère une sorte de division du travail : Elle-même pouvait quand même lire les textes des heures et Marie Steiner pourrait prononcer les mantras. Steffen trouve cela convaincant. Ce serait, selon lui, « un beau symbole », à savoir la coopération harmonieuse sous les yeux des membres. Marie Steiner n'est pas en mesure de répondre immédiatement à cette proposition, mais elle ne la rejette pas d'emblée. Elle demande un temps de réflexion.200 Deux semaines plus tard, l'essai de Wegman discuté ci-dessus apparaît dans la Feuille d’informations, duquel, comme nous l'avons vu, Marie Steiner doit se sentir impitoyablement ignorée : ses lettres du 4 avril à Kolisko et Steffen semblent ici, vis-à-vis des membres, comme ne pas exister, ses objections à l'idée douteuse de la poursuite du travail de Rudolf Steiner en tant que premier président du conseil regardées comme dépourvues d’objet.

Marie Steiner ne revient pas sur la proposition de compromis pour reprendre les leçons de classe. Néanmoins, elle semble toujours s'en tenir à sa proposition de restructuration du conseil d'administration.

200 Dans son journal, Steffen note : "Discussion du Dr Steiner, du Dr Wegman et de moi-même à cause des heures de classe. Madame Dr Steiner suggère Mme Kolisko. Ça fait mal à Mme Wegman. C'est impossible, aussi. Les gens doivent déjà s'unir autour du conseil d'administration. Enfin, le Dr Wegman laisse les sentences Mme Dr Steiner pendant qu'elle prend elle-même la conférence. J'ajoute : ce serait un beau symbole. Mais Mme le Dr Steiner veut du temps pour y réfléchir. "Elle a peur qu'une mort-née spirituelle émerge." (12.4.1925. Archives de la Fondation Albert Steffen)
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Fin mai seulement elle abandonne finalement l'idée qu'Eugen et Lili Kolisko devraient collaborer à Dornach.201

 Le facteur décisif à cet égard est très probablement celui de la tentative insupportable dans la forme et le contenu de Walter Johannes Stein et des deux Koliskos de la convaincre que Rudolf Steiner aurait destiné la fonction de direction de la société et l'université à Ita Wegman. Comment cela en vint à cela montre particulièrement clairement que maintenant que les personnalités donnant le ton ne peuvent s'entendre, leurs partisans respectifs prennent l'initiative et sont entraînés dans une action hâtive au vu d’une situation qui leur semble plus menaçante qu'elle ne l'est réellement pour le moment.202.

Dans la Feuille d’informations, à l'article de manière si problématiquement confiant de Wegman du 26 avril, suit déjà le 17 mai 1925 sa première lettre « Aux membres ! », avec des directives jointes, qui de manière possible étaient connues de la conférence à Stuttgart. Peu de temps avant, la comtesse Johanna Keyserlingk, qui se trouvait à Dornach à l'époque, était convaincue que la position de Marie Steiner en Allemagne devait être renforcée. Elle a incité le comte Keyserlingk à Koberwitz d’envoyer un télégramme à Stuttgart avec la suggestion que Marie Steiner - qui n'en savait rien - se voit offrir la présidence d'honneur de la Société anthroposophique en Allemagne. En accord avec la comtesse, Mieta Waller-Pyle, colocataire de longue date et amie de Marie Steiner, s'est rendue à Stuttgart pour soutenir cette initiative. Le télégramme est arrivé à Stuttgart le 17 mai. Carl Unger a estimé qu'il était nécessaire de familiariser sans délai l’ensemble des directeurs de branche allemandes, avec la proposition, également par télégraphe. Jürgen von Grone, Walter Johannes Stein et Eugen Kolisko ont déclinés cela. Kolisko s’est exprimé indigné que Unger n'ait pas dit un mot sur l'importante lettre aux membres de Wegman dans la soirée de branche, alors qu'il en a lui-même parlé pendant deux heures. « Il pleut ! Il pleut » (NDT : «Es strömt! Es strömt!» « Il y a du/des courant/s ! » serait peut être plus juste), aurait il crié informe Marie Steiner d'un ton critique Probablement déjà le lundi 18 mai, Eugen et Lili Kolisko et Walter Johannes Stein se rendront à Dornach pour convaincre Marie Steiner de la justification de la prétention d'Ita Wegman à la direction.

 201 MSt à Steffen, 28.5.1925. Dans : MSt 1981, p.107.
202 Après Kolisko 1961, p. 107 et s. ; MSt 1981, p. 108 et s. ; Vreede 1934 ; J. v. Grone : Rapport sur les évènements à Stuttgart le 18 mai 1925, dans EZ III, p. 161 et suivantes ; MSt à E. Pfeiffer, 11.3. et 5.12.1948, Archive Nachl ; Phoebe Colazza à MSt, 14.5. et 9.6.1948, Archive Nachl.

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La conversation du lendemain matin dure cinq heures.203 La façon dont elle s'est déroulée en détail n'émerge pas des sources. On ne sait pas non plus si la visite spontanée avec Ita Wegman a été convenue. Ce n'est probablement pas le cas. Il n'y a pas de témoignage authentique que Wegman n’ait jamais prétendu avoir été nommé par Rudolf Steiner comme seul directeur de l'université. Elle supposait - comme nous l'avons vu - que même sans la présence physique du Maître, le « conseil ésotérique » serait d'un seul esprit avec elle ; au moins elle espérait avec confiance qu’il pourrait l’être. Elle ne s’est jamais référée non plus aux conversations intimes de Rudolf Steiner au sujet de leur karma commun. Il lui était complètement éloigné d'en tirer des revendications de pouvoir. (Plus tard, lorsque par des amis anglais lui sera suggéré de faire usage des notes qui en découlent, elle s'est clairement dissociée d'une telle approche).204 Ainsi il ne pouvait pas lui être imputé de mettre Marie Steiner sous pression de quelque façon que ce soit.

 Mais c'est exactement ce que font les trois jeunes visiteurs ce matin fatal. Nous avons la permission de supposer qu'ils ont argumenté de façon très similaire, au moins le plus fougueux d'entre eux, Walter Johannes Stein, comme celui-ci et Eugen Kolisko l'ont fait vis-à-vis d’Albert Steffen deux semaines plus tard, après la première heure de classe dornachoise de Wegman. Steffen a soigneusement retenu, séparée de son commentaire sur cela, les formulations décisives de Stein et Kolisko dans cette conversation étroitement chronométrée :

 203 D’après Colazza, qui s'en souvient plus de vingt ans plus tard, la conversation n'a eu lieu qu'en juin. Mais la lettre de Marie Steiner à Steffen le 28 mai contredit cette affirmation, dans laquelle elle renonce clairement aux Koliskos. La déclaration de L. Kolisko selon laquelle la rumeur de l'offre de la Présidence d'honneur avait été la raison du voyage à Dornach suggère également un rendez-vous immédiatement après le 17 mai. Une note de journal d'Albert Steffen du 21/22 mai indiquant que Marie Steiner avait rejeté cette offre, et une autre du 22 mai qui semble se référer directement à la conversation fatidique ("... hier (après les pourparlers avec Stein et Kolisko)...."), exclue une date postérieure au 20 mai. Le 21 mai, Marie Steiner a remis à Steffen son "Message privé", daté du 19 mai, pour publication dans la Feuille d’information (Archives de la Fondation Albert Steffen).

204 IW à W. J. Stein 9 janvier 1935, SR III, 5,112 f. Voir aussi Selg 2005 a, p. 161.
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 que Wegman avait « non la direction comme secrétaire responsable, mais comme directeur ésotérique effectif », que l'autorisation de tenir des heures de classe ne pouvait venir que d'elle, « mais pas du conseil », et qu’elle, parce qu'elle tient l'école de Michael, serait aussi « le directeur spirituel de la société » (voir annexe 12). Les mêmes formulations ou des formulations très similaires peuvent avoir déjà joué un rôle décisif dans la conversation avec Marie Steiner. Stein et Kolisko se sont sentis poussés à prendre des mesures décisives par la situation globale de plus en plus critique et surtout par l'offensive du comte Keyserlingk, que Carl Unger avait si spectaculairement tenté de soutenir. Ils n'ont pas vu qu'ils devaient finalement désavouer par leurs actions, l'espoir d'Ita Wegman d'une « harmonie des cœurs » prometteuse dans le « conseil ésotérique ».205 La tentative de Stein de légitimer ses représentations par des références aux relations karmiques entre Rudolf Steiner et Ita Wegman a plutôt été accessoire. Marie Steiner rapporte plus tard, qu’elle aurait dit : « Cela ne m'impressionne pas du tout ».

205 W J. Stein a regretté son inconsidération bien plus tard. Dans l'ébauche d'une lettre à Marie Steiner, qu'il n'a pas envoyée, il laisse entrevoir que Rudolf Steiner aurait eu l'intention de convaincre Marie Steiner de la nécessité d'accepter Wegman comme sa successerice immédiatement avant sa mort. Il écrit : « Ce qui a suivi a été tragique. Je m'en souviens ainsi : le Dr Steiner avait l'intention de régler maintes choses. Mais il voulait régler ça avec vous personnellement. Nous le savions parce qu'il l'avait dit à Madame le Dr Wegman et qu'elle l'a dit à quelques amis. Mais - ainsi je me souviens de l'avoir entendu de vous -même- La voiture qui devait vous ramener de Stuttgart a été retardée. Votre arrivée a été retardée et la conversation avec vous, dont dépendait tant de choses, n'était plus possible. / Nous avons alors agi [après la mort de Steiner], en nous faisant l'avocat d'une chose qu'il s'était réservé pour lui-même. C'est je crois le point où Madame le Dr Wegman et nous manquions. Ainsi je le vois aujourd'hui. Nous voulions encore faire aboutir d’une quelque façon ce que seule la sagesse et la bonté du Dr Steiner pouvait réaliser » (Stein à MSt 30. 3. 1948. Archive Nachl. Avec une formulation différente dans MSt 1981, p. 142).
Peu avant sa mort, Marie Steiner se souvient de la conversation avec les jeunes enthousiastes et écrit à propos de Kolisko :".... quand il me pressa, sur la base de la gloire macédonienne et des nouvelles directives michaëliques à reconnaître la succession légitime et ésotériquement prouvé de Mme Wegman " (MSt an Leinhas 28. 7. 1948. Archive Nachl.).

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Pourtant, elle se sent placée sous une pression extrême par l'enthousiasme et le zèle des trois visiteurs. Avec les larmes aux yeux, elle prie Lili Kolisko d’assumer la lecture des leçons à Dornach. (Il se peut qu'il ait déjà été convenu par le conseil à ce moment que - comme nous en discuterons plus tard - Wegman devrait tenir une classe à Paris pour la première fois, et alors aussi à Dornach). Une entende ne fut pas atteinte.

 Marie Steiner écrit une « communication privée » aux membres de la Société anthroposophique, dont elle date la version finale du 19 mai, la date la plus probable de la discussion avec les visiteurs de Stuttgart.206 Elle établit/constate, saisissant sa décision du 4 avril : « Ce n'ai pas mon intention de participer maintenant immédiatement activement à la direction de la Société. Pour cela des forces plus jeunes sont là ». Elle voulait se concentrer sur le travail dans sa section et sur la supervision de la succession des écrits de Rudolf Steiner. Elle rejette l'offre d’une présidence d'honneur. (Albert Steffen qualifie cette décision dans une note de journal quotidien du 21/22 mai 207 de « victoire morale de Madame Dr Steiner ». Dans les jours qui ont suivi, probablement aussi sous l'impression d'un article supplémentaire « Aux membres ! » de Wegman dans le bulletin du 24 mai, qu'elle éprouve comme « démagogique », se consolide chez elle toujours plus fortement, la représentation qu'elle a affaire à un véritable complot, une habile conspiration du « sur-conseil » de Stuttgart, comme elle l'écrit maintenant.

La pression extrême dans laquelle Marie Steiner est tombée lors de la discussion du 19 mai aimerait avoir donner l’incitation à la demande à laquelle elle confronte finalement sa rivale dans le cercle des membres du Conseil rassemblés au complet : « Comment cela se tient il donc avec que vous devriez avoir été Alexandre le Grand - avez-vous cela du Dr Steiner ? Elisabeth Vreede, qui des années plus tard essaie de se souvenir du processus, continue d’écrire à ce sujet : « Ce sur quoi le Dr W[egman] a répondu : « Mais oui, Mme D[octeu]r ! » Ce que Vreede rapporte ensuite éclaire la dernière situation dans laquelle une compréhension aurait peut être pu encore être possible : « L'effet fut un extraordinaire. Par la situation entière qui existait, cette réponse pouvait seulement être saisie comme une à prendre pleinement au sérieux. C'est ainsi qu'elle a aussi été accueillie.

206 Elle avait déjà travaillé sur un projet dans les jours précédents. La "Communication privée" a été publiée dans le bulletin d'informations du 31 mai.
207 Archives de la Fondation Albert Steffen.

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Il y avait là de la stupéfaction, de l'étonnement, même un certain bouleversement. Aucun des membres du conseil présents (et tous étaient justement présent) n'a exprimé le moindre doute quant à l'exactitude de cette réponse par ses paroles ou son comportement ; un tel doute n'était aussi justement dans la situation, purement humainement et objectivement - pas possible. Mme Dr W[egman] a encore dit alors : « Je peux donc vous le montrer par écrit de la part du Dr. si vous le souhaitez ».

Avec cela pour tous les présents, dans la salle protégée du Conseil encore nommé par Rudolf Steiner, était établi un rapport direct, les concernant tous les uns les autres aux contenus porteurs d’avenir des conférences sur le karma de l'année précédente. Personne n'aurait pu douter de la réponse très simple de Wegman. « Aussi Madame Docter St[einer] », écrit Vreede, « a été, au premier moment où les paroles affirmatives du Dr Wegman sont tombées avec une calme certitude, stupéfaite, elle a été incertaine pendant un moment - je ne pouvais pas comprendre de quoi il s'agissait à l'époque ». Elle se serait alors « mi-plaisantant, mi-embarrassée », aidée à surmonter la situation avec une remarque dédaigneuse.208

Il pourrait être oiseux de spéculer sur ce qui se serait passé si les membres du conseil rassemblés avaient accepté l'offre de Wegman et prendre impartiaux de visu les pièces écrites qu'elle avait strictement tenues secrètes jusque là et nous sont disponibles rassemblés aujourd'hui dans le quatrième volume de l'ouvrage biographique d'Emanuel Zeylman. La référence claire de ces notes aux conférences sur le Karma de l'été 1924 aurait peut-être pu jeter une lumière salvatrice sur la situation déjà presque totalement désespérée de tous les participants. Mais cela ne s'est pas produit. Quelques jours plus tard, Marie Steiner se distancie définitivement des deux Koliskos.

Au cours des mois et des années suivantes, ce qu'elle exprime à partir de maintenant se transforme de plus en plus en représentations-clichés (stéréotypes)  déformés accompagnés d'émotions extrêmes, ce qui empêche toute perception impartiale des efforts et des développements de l'autre côté. La faculté de jugement sobre, si affectueusement caractérisé par Rudolf Steiner, qui encore peu de semaines auparavant, ressortait si impressionnant devient de plus en plus troublé.

 208 Vreede 1934, p. 9 s. D’après l'insertion dans le journal quotidien d'Albert Steffen du 3 juin 1925, l'interview a eu lieu "vers le 26 mai" (archives de la Fondation Albert Steffen). Vreede le date de "vers la fin de mai".
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A la lumière des recherches récentes sur les conflits, un stade de division a donc été atteint qui ne peut être inversé sans l'aide d'une tierce partie.209 Ce qui continue à se produire semble inéluctable à partir de là.

On aimerait être enclin à chercher la faute chez Marie Steiner et ses amis seuls pour la propagation rapide des rumeurs sur l'incarnation-Alexande de Wegman, par laquelle a définitivement été empêché une solution à la crise de mai 1925.210 Mais il y a de clairs indices pour que la pression à laquelle Marie Steiner s’est vue soumise ne parti par aucun chemin seulement d’elle et de son antipathie seulement trop compréhensible contre Wegman. Certes Walter Johannes Stein et Eugen Kolisko, qui avaient déjà reconnu au cours de l'été 1924 que Rudolf Steiner avait indiqué sur des pendants avec sa propre personne dans les conférences sur le karma, 211 et Wilhelm Rath, qui était arrivé à la même vue d'une manière des plus étrange et humainement mouvante indépendamment de cela, avait d'abord gardé le précieux secret pour soi.212 Probablement qu’un petit cercle de jeunes médecins avait alors été placés en connaissance de cela par Kolisko.213 Et comme le montre une lettre de Kurt Walther à Marie Steiner, l'ensemble du « Cercle ésotérique de la jeunesse »214 en a été informé en mai 1925 au plus tard.215

 209 Énoncé avec Friedrich Glasl, c'est l'entrée dans la "zone diabolisée" de l'escalade du conflit (Glasl 1990, p. 284).
210 Selon Emanuel Zeylmans, voir DC III, p. 80 et 5,175.
211 Kolisko à Stein, 15. 9. 1924 : "Lis-toi aussitôt que possible le fragment du Faust de Lessing. Le Dr Steiner l'a récité ici, dans le cours dramatique [GA 282, p. 122]. A l’endroit où Aristote apparaît, j'ai tout de suite compris de son ton - il a aussi dit que c'était une véritable vision de Lessing - comment sont les vrais pendants. Notamment, comme nous en avons discuté pendant l'été" (IW Archive).
212 Voir Conseil 2010, p. 42 et suiv.
213 Voir la remarque de Willem Zeylmans au sujet d'un "très petit groupe de médecins" dans DC III, p. 366.
214 Pour l'histoire de ce cercle inauguré par Rudolf Steiner dans le cadre du "Cours pédagogique de la jeunesse" d'octobre 1922, voir GA 266/3 et Haid 2001.
215 Kurt Walther à MSt, 18.5. 1925. Voir l'annexe 10.

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Les exposés de Wegman sur les mystères d'Ephèse, d'Aristote et d'Alexandre dans ses lettres « Aux membres ! »dans la Feuille d’informations du 24 mai culmine dans l’appel : « Préparez-vous, vous les plus jeunes. »216 Il est difficile de se représenter que les membres du cercle de la jeunesse, dont plusieurs étaient actifs à l'école Waldorf de Stuttgart, gardent entièrement pour eux leur enthousiasme de jeunesse pour l'idée d'une campagne spirituelle modelée sur les actes héroïques d'Alexandre le Grand sur leurs lieux de travail respectifs et n’en aient pas fait la publicité. Les conflits bien connus entre les générations à Stuttgart à cette époque ont probablement intensifié encore plus l'enthousiasme. Cela aussi appartient au contexte des événements tragiques qui ont suivi la mort de Rudolf Steiner.

 La situation intérieure dramatique dans laquelle Walter Johannes Stein et Eugen Kolisko en particulier se sont trouvés après la mort de Rudolf Steiner devient plus facile à comprendre quand on réalise comment les allusions au destin commun du couple d'amis paradigmatiques leur sont devenues transparentes en premier progressivement dans les conférences sur le Karma de 1924. Emanuel Zeylmans, qui a pu avoir un aperçu des journaux intimes de Stein, qui ne sont actuellement pas accessibles pour la recherche, écrit à ce sujet :

Les journaux intimes de Steins de 1924 et 1925 montrent qu'il a effectué les exercices de karma du 9 mai 1924 sous la direction de Rudolf Steiner. Après les conférences de Steiner sur le karma du 28 juillet et du 1er août 1924 (GA 237), il se tourna vers Ita Wegman pour savoir si les déclarations de Steiner sur Aristote et Thomas von Aquin se réfèrent sur celui-là même - ce qui lui était devenu évident lors de ses exercices. Après avoir consulté Steiner, Wegman lui a confirmé cela. Là-dessus Stein a dirigé ses recherches occultes sur la question de savoir quelle individualité Rudolf Steiner identifiait à Alexandre de Macédoine. Au cours de l'hiver 1924-1925, il a eu des discussions répétées avec Wegman à ce sujet, qui, encore une fois après consultation de Steiner, ont été réorientés par Wegman, lui - Stein - ne devrait pas concentrer ses enquêtes/examens sur l'époque d'Alexandre, mais sur le neuvième siècle après le Christ.
Les notes de Stein témoignent qu'il cherchait en cela à identifier sa propre entité. Wegman l'a aidé et l'a corrigé toujours de nouveau en cela. Après une grave maladie dans la première moitié du mois de mars 1925 et la mort profondément choquante de Rudolf Steiner le 30 mars, il s'est à nouveau entretenu avec Ita Wegman.

 216 Feuille d’informations, 24 mai 1925, p. 83.
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Le 20 avril 1925, après une conversation avec elle, s’ouvre à lui la connaissance du karma d'Ita Wegman.217

Stein nota là-dessus dans son journal quotidien :

20.IV.1925 Conversation merveilleuse avec Mme Dr Wegman. Le plus jeune Dominicain p. 18 21 VIII 1924 [maintenant GA 240, p. 129, voir aussi la conférence de Steiner du 1. 7. 1924, GA 237, p. 28] est Alexander, le plus vieux Thomas. Alexandre a dû surmonter un combat avec des démons avant qu’il arrive en descendant d'Alanus à Thomas. [...] Donc Wegman est Alexander. Le Dr[Steiner] envoie maintenant le reste de son être aux anthroposophes afin qu'il s'incarnerait. Nous sommes tous seulement incarnés à moitié. Je lui ai promis la fidélité avec une poignée de main quand j'ai reconnu qui elle était.218

Il se laisse penser quelle impression écrasante dans la situation déprimante/oppressante trois semaines après la mort de Rudolf Steiner, la nouvelle découverte a déclenchée chez Stein et son ami Kolisko. « Wegmann es donc Alexandre ! » L'enthousiasme avec lequel ils répondent tous les deux aux lettres qu'Ita Wegman a écrites « Aux membres ! » quatre semaines plus tard, leur prise en charge de l'impulsion ardente de la volonté qui ressort de ces lettres, est seulement trop compréhensible. Tous deux oubliaient que les projets d'aujourd'hui ne peuvent se justifier en s'appuyant sur les actes d'une vie antérieure. Rudolf Steiner le soulignait déjà en 1912 - ce qui n'était pas conscient aux deux - avec des paroles d'avertissement : « Un principe important dans le développement occulte est de ne s'attacher aucune valeur autre que celle qui provient des prestations dans le monde physique au sein de l'incarnation actuelle ».219

 En regardant en arrière sur tous ces événements, il est frappant à quel point se comporte, prudente et réservée face au conflit en cours entre les deux grandes dames, la troisième figure significative de ces jours dramatiques : Albert Steffen. Steiner a admiré et apprécié l’engagement désintéressée pour la rédaction de l'hebdomadaire, mais avant tout sa spiritualité particulière et son génie de poète.

 217 EZ III, 5 175 s.
218 Transcription du journal quotidien de Steins, qui selon Thomas Meyer (Bâle) provient probablement de Lili Kolisko. Archives de Perseus Verlag, Bâle.
219 Conférence du 4 avril 1912 à Helsingfors, GA 136, p. 41.

101

Il a encore eu de longues conversations avec lui au lit de malade, finalement sur le mystère de l'inspiration des esprits pionniers de l'âge de l'âme de conscience par Christian Rosecroix.220 Quand Steffen est maintenant défié à de nouvelles tâches après le départ du grand maître, il adhère strictement à son principe de ne pas s'immiscer dans la liberté de qui que ce soit. D'autre part, il est frappant qu'il oppose à la prétention de Wegman à la direction, affirmée par Stein et Kolisko, une résistance persistante, quoique silencieuse. La raison en était une conversation avec Wegman immédiatement après la mort de Steiner, à laquelle Steffen attachait un grand poids. Il est difficile d'interpréter ses notes de journal quotidien de façon exhaustive. Wegman et aussi Steffen lui-même ont été chargés au plus extérieur par les événements de la maladie et la catastrophe de la mort qui s'est finalement produite malgré tous les espoirs. Ce qui est dit dans une telle situation, alors que le défunt est encore allongé exposé dans la pièce voisine, ne peut prétendre à une validité objective sans plus. Indéniables est dans le rendu de Steffen l’effort deWegman pour rendre proche aux compagnons et collègues du « conseil ésotérique », ce que le grand enseignant lui a confié depuis les conversations à Pentnaenmawr au cours de l'année écoulée sont indubitables, quels espoirs il a placé en elle et quels chemins d’exercices exigeants il a essayé de parcourir avec elle, tout cela donc que nous avons devant nous aujourd'hui en détail grâce à la recherche d'Emanuel Zeylmans, mais qui doit paraître particulièrement étrange à l'interlocuteur et ne peut pas le convaincre. Justement aussi clair est aussitôt qu'il s'agit d'un aveu d'échec. Elle serai » "responsable/coupable" parce qu'elle « aurait été incapable à la promotion/l’ascension ».221

La scène de cette « confession » a quelque chose de sinistre en soi. L'incident étrange et mystérieux est comme une ombre sur le comportement de Steffen envers Wegman jusqu'à sa mort. Il attend constamment à ce qu'elle admette de manière autocritique qu'elle ne peut pas être considérée comme un successeur possible de l'initié parce qu'elle n'aurait pas atteint « un certain stade/niveau ».

 220 Voir le regard rétrospectif de Steffen dans Das Goetheanum, 12 avril 1925, p. 114.
221 Notes de journal quotidien du 3 avril 1925, archives de la Fondation Albert Steffen. Voir l'annexe 5.

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Encore lors de la réunion des secrétaires généraux et du Conseil en novembre 1930, où Steffen se voit dans la nécessité d’un mot ouvert sur l’état des faits,222 ce reproche tut des années durant joue un rôle. Albert Steffen pouvait seulement laisser valoir Ita Wegman comme « secrétaire » du conseil.

  En décembre 1925, après de longues hésitations, Albert Steffen, suivant les nécessités du droit suisse des associations, prend la fonction de premier président de la Société anthroposophique (NDT : nottons en passant que, littéralement, le mot « Vorsitzende » se traduirait « celui qui siège devant »). Ce faisant, il déclare expressément qu'il n'aurait pas pris en même temps la direction de l’université libre de science de l’esprit, « car elle consiste justement dans les sections. Là chacun doit être responsable pour lui-même ».223 Malgré tout, la question de la direction de l’Université se pose nouvellement.

En janvier 1926, Wegman tente encore une fois de parvenir à un consensus en proposant que Marie Steiner puisse faire revivre l'ésotérisme des premières années aux côtés de l’« Ecole de Michael », pour laquelle elle se considère toujours comme avant avoir été nommée/instituée par Rudolf Steiner. « Il se produirait immédiatement un grand calme si elle rassemblait de nouveau autour d'elle tous ceux qui étaient là à ce moment-là, et encore ceux qu'elle voudrait avoir avec elle. L'ensemble de la société serait immédiatement à nouveau solidement liée si ce qui a fleuri jadis d'ésotérisme et ce qui [sera] voulu avec l'école de Michael peuvent coexister pacifiquement, en se soutenant et en se stimulant mutuellement ».224 Mais déjà au début du mois de février, elle reconnaît sans réserves Albert Steffen comme directeur de l'Université. « J'aimerais », dit-elle lors de la réunion turbulente des membres de la classe le 7 février 1926 à Dornach, où elle se voit confrontée à des reproches massifs, « avec cela exprimer clairement que je reconnait pleinement et entièrement Monsieur Steffen dans sa fonction de 1er Président de la Société dans tous ses droits et responsabilités, et que je tiens pour évidant qu'il dirigera désormais l'école Michael et pore aussi toute la responsabilité pour cela. »225

 222 Protocole p. 235 et suiv. Goeth Archive.
223 Pré-assemblée du G. u. V. le 29.12.1925, cité d’après L. Werbeck : Sur la crise de la Société anthroposophique. Tirage manuscrit, Hambourg 1927, p.4.
224 IW à Steffen, 22 janvier 1926. Goeth Archive.
225 Réunion des membres du groupe du 7.2.1926, p.4 Archive Goeth. Aussi : Journal de Steffen, 7.2.1926. Steffen a noté le 13 février : "Le Dr. Wegman a démissionné de la direction de l'école Michael et a donc aussi le droit de disposer des conférence de la classe. (Archives de la Fondation Albert Steffen)

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En conséquence, elle transfère à partir de la - tout d’abord – les demandes d’admission à Steffen.226 A partir d'avril, les cartes bleues de l'université seront signées conjointement par Albert Steffen, Marie Steiner et Ita Wegman, « les membres du Conseil tiennant des heures de classe ».227

 Dans le cours dramatique de ces événements, devient saisissable maintenant lors d’un exament plus exact, comment la nouvelle forme des leçons de classe s’en développe. Ita Wegman, visiblement ennuyée qu'elle n'ait pas été impliquée dans la détermination du programme du premier congrès de Pâques au Goetheanum après la mort de Rudolf Steiner, critique chez Albert Steffen, qu'aucune leçon de classe n'est prévue, autrement que l'année auparavant. « Les membres », écrit-elle, « s'attendaient à cela ; on aurait bien pu lire une conférence d’heure de classe du docteur ».228

Déjà ici se montre comme est devenu évident que des leçons de classe seraient à tenir sous forme de la lecture à haute voix. Dans des notes préparatoires aux heures de classe que Wegman a tenues à l'extérieur de Dornach au cours de l'été 1925, se trouve alors la constatation encore plus claire : « Cela pourra seulement être lu à haute voix, mes chers amis, parce que par là, les paroles de Michael vous seront reproduites inchangées, tout comme le Dr Steiner les a prononcées ».229 Wegman ne donne ici aucune autre justification argumentative supplémentaire. Ce qu'elle écrit correspond au sentiment général qui s’est installé entre temps dans le souvenir plein de piété à la splendeur de 1924, et peut-être aussi de l'expérience/du vécu de l’impressionnante activité de lecture de Lili Kolisko. Que là dedans pourrait reposer un problème ne sera pas vu, bien que Wegman écrit finalement : « Pour la première fois, une loi a été enfreinte avec cela : à savoir que de l'ésotérique a été directement inscrit/prescrit. Il n'a jamais été coutume, pas même dans les temps anciens, que la sagesse ésotérique soit transmise par l'alphabet/écriture de lettres. C'était toujours par tradition orale que l'ésotérique a été annoncé ».

226 Voir, par exemple, Walter Aerni ( ?) à Steffen, 22.2.1926. Goeth Archive.
227 Minutes Board, 14.4.1926. Goeth Archive.
228 IW à Steffen, 11.4.1925, dans DC III, p.57.
229 EZ III, P.63.

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Elle ne fait aucune mention du fait que Rudolf Steiner a strictement refusé jusqu'à la fin de transmettre les transcriptions des leçons de classe pour la lecture ou même pour la lecture à haute voix, ou qu'il a lui-même ordonné à plusieurs reprises pendant les leçons que les notes devraient être brûlées au plus tard après huit jours.230 Ce n'est que dans sa lettre de justification à Albert Steffen du 16 mars 1926 que se trouve l’indication que Rudolf Steiner aurait décliné des demandes de différents côtés pour être autorisé à lire les textes à haute voix, comme Mme Kolisko.231

 La pensée qu'une heure d’enseignement de l’Université dans le sens de l'ésotérisme vivant des années précoces et aussi des heures de classe elles-mêmes, qui prennent donc chaque fois des formes complètement nouvelles dans les leçons de répétition et les leçons en dehors de Dornach, pourrait être créée de l'intuition d'esprit actuelle, recule complètement derrière la possibilité de s'appuyer sur une tradition sacrée sous la forme des textes reçus. Ce n'est que des années plus tard qu'Ita Wegman envisagera des pensées divergentes et conduisant plus loin. Pour l'instant, il reste seulement la possibilité d’exécuter la lecture des textes à haute voix avec la plus intime participation intérieure. « C'est pourquoi nous devons aborder ces heures de classe avec beaucoup de chaleur, beaucoup d'enthousiasme, pour rendre de nouveau aussi vivant ce qui se tient maintenant écrit là comme cela l’a été quand cela coula par la bouche du grand Maître et nous a été donné. Et ainsi j’aimerai en appeler à votre chaleur de cœur, à votre plein enthousiasme, à participer et à vivre dans cette heure d’une façon et dans une mentalité correcte ».232

 Une divergencetrès similaire se montre chez Marie Steiner entre la pratique éprouvée seule possible de la lecture et les intentions originelles de Rudolf Steiner. Probablement au printemps 1926, alors qu'elle prépare une adresse pour les membres de la classe, elle écrit dans son cahier de notes : « .... il s'est défendu très énergiquement contre ce que ces transcriptions soient données à lire à quiconque, et serait-ce même aux plus éminents porteurs du travail à l'étranger, s'ils venaient à Dornach pour une courte période et voulaient les lire dans notre maison : <elles n'existent pas du tout…>, ainsi s'exprimait-il entièrement décidé. Si je réalise ce que ces mots signifient pour moi, j'arrive au résultat suivant : Cela ne reposait pas dans l’orientation/la direction de sa volonté que ces conférences soient lues à haute voix ». 233

230 GA 270/3, P.45, 63, 83, 103, 122, 122, 127.
231 EZ III, P.66.
232 ibid. p. 63.
233 Pour une transcription des mots d'introduction avant le début de la lecture des leçons en classe dans le livre de notes n° 20, voir l'annexe B. Lors du rendu dans les éditions de 1977 et 1992, le mot "non" manque dans la dernière phrase. La raison de cette omission est évidente : la lecture était devenue une évidence entre-temps. Le "non" de Marie Steiner devait donc être un oubli qu'il fallait corriger tacitement.

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Un regard dans les considérations encore inédites qui se rattache à cette constatation montre comment Marie Steiner s'efforce d’amener en accord le rejet abrupt de Rudolf Steiner avec ses souvenirs à tout ce qu'il lui a dit sur la manière appropriée de traiter les mantras des leçons de classe (voir Annexe 8). Néanmoins, elle aussi considère la lecture comme le seule chemin tout d’abord praticable.

C’est dans ce contexte qu’est à voir la décision d'Ita Wegman de lire elle-même pour la première fois une leçon de classe de Steiner Rudolf aux membres de l'université, le 25 mai 1925 à Paris, à l’occasion de l'Assemblée générale de la société de pays de là-bas. Selon Elisabeth Vreede, elle a informé ses collègues du collège immédiatement avant son départ qu'elle avait l'intention «  de tenir là, pour la première fois, une leçon de classe, à la manière d’un exercice, dans un cercle petit et lui étant de mentalité sympathique ».234 En tout cas, elle ne s'est pas heurtée à la résistance de ces collègues, y compris Marie Steiner, lorsqu'elle a décidé de lire aussi à Dornach après son retour. Albert Steffen, qui - comme il s'avère plus tard - a de fortes réserves contre cela, l'introduit le 4 juin 1925 avec des mots neutres et amicaux aux membres réunis dans la menuiserie, accentuée non comme directrice de l'université, mais comme « secrétaire » (si c’est de l'université ou du Conseil, reste en cela peu clair aux auditeurs).235

 234 "Malheureusement, d'abord", ajoute Vreede, "alors que Mme Dr Steiner avait déjà quitté l’atelier." Mais elle, Vreede, pensait qu'elle en avait entendu parler par Steffen ou Wachsmuth, "sinon elle n'aurait pas gardé le silence à ce sujet plus tard, et probablement pas non plus approuvé la première leçon de Dornach[tenue par Wegman], à laquelle elle a participé dans une attitude de protestation" (Vreede 1934, 5. 15). D’après une note dans le journal d'Albert Steffen, Marie Steiner a été persuadée de participer par  la conversation intime, rendue plus haut, avec le cercle du Comité, qui a eu lieu le 26 mai. (Voir ci-dessus p.98, note 208.) D'un échange de lettres avec Alice Sauerwein (A. Sauerwein à E. Vreede, 8.5.1925,IW à A. Sauerwein, 14.5.1925, Archive IW. Aussi dans EZ III, p. 165 et suiv.), il semble que Marie Steiner ait au moins envisagé de voyager à Paris avec Wegman, et que la lecture de l'heure de classe n'était pas au centre de la réunion, mais plutôt en périphérie d'une conférence d'Elisabeth Vreede.
235 Goeth Archive. Voir Annexe 11 Steffen exprime plus clairement ses réserves. plus d'un an plus tard,dans une lettre à Friedrich Rittelmeyer : "J'avais besoin lors des explications concernées devant les membres de la classe réunis explicitement de ce mot de secrétaire et cela a été enregistré sténographiquement. Plus tard aussi, j'ai toujours été de la même opinion. Je n'ai jamais considéré Mme Dr Wegman en tant que directrice de l'école Michael, mais toujours le conseil comme tel. » (Steffen à Rittelmeyer, 7.12.1926. Archive Goeth.) La situation humaine dans laquelle s'est déroulée la première réunion de classe de Dornach d'Ita Wegman est également illustrée par le fait que Walter Johannes Stein et Eugen Kolisko sont venus immédiatement après à Steffen, ont critiqué son action, et exigé qu'il demande dans le cercle du conseil si Wegman « était autonome en tant que directrice de la classe », cela signifie, ajoute Steffen, « si l'école de Michael devait être séparée de la direction de la société, c'est-à-dire du conseil ésotérique ». (Steffen lors de la réunion des membres de la classe du 7 février 1926. Archive Goeth.) Les archives du journal de Steffen montrent que Kolisko et Stein lui ont fait des demandes massives concernant le plein pouvoir de direction de Wegman, ce qui aurait exclu le conseil d'administration de toute responsabilité conjointe. Steffen ne pouvait pas aller là-dessus. Aussi une discussion sur ce sujet entre tous les membres du Conseil au complet le 20 août n'a pas non plus apporté suffisamment de clarté sur la question de la direction. ‘Voir Annexe 12) Marie Steiner écrit à Steffen deux jours après la conversation de Steffen avec Kolisko et Stein : « [A]ujourd’hui, j'ai quand même l'espoir que l’offensive des deux messieurs n'aura pas d'autres conséquences pour vous – car ils pourront se dire quand même eux-mêmes qu’à Mme Wegman rienn'a été placer dans le chemin, et qu'elle a donc partout la possibilité de dire ce qu'elle veut et de gagner la position qu'elle veut. Mais que si elle voulait nous forcer à obéir à leurs ordres (des deux messieurs), tout irait de travers. ... Il m’est encore venu que pendant le concert de la jeunesse, Mme W[egman] était très anodinement naturelle, mais pendant le diaporama, elle était agitée et pleurait. Elle a probablement parlé à ces messieurs entre les deux ». (MSt à Steffen, 6.6.6.1925, Archive Goeth).

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Avec cela la pratique de la lecture à haute voix est aussi établie au centre de l'université. D'une conversation entre Emil Leinhas et Walter Johannes Stein, qui a peut-être déjà eu lieu en mai 1925, nous apprenons que le Conseil avait décidé que « chaque membre du Conseil, à l'exception du Dr. Wachsmuth  qui est trop jeune, devrait être justifié de tenir des heures de classe à l’intérieur de sa section ».236 Marie Steiner tient sa première heure de classe pour la fête du premier anniversaire de la mort de Rudolf Steiner, le 30 mars 1926, sous prise en compte d’éléments rituels du vieil ésotérisme.237Albert Steffen commence probablement au début du mois d'avril 1926.

236 W. J. Stein à 1W, non daté. Archive IW.
237 Voir GA 265, p. 485 et suivantes. Cette tentative d'établir un lien avec l'ésotérisme précoce de Rudolf Steiner ne s'est apparemment pas poursuivie. Une participante qui dans les années 1907/1908 a suivi les cours de l'école ésotérique
et avait été témoin des trois degrés, s’exprima là dessusavec une grande stupeur. (M. Langen-Strachwitz à Steffen, 5 avril 1926. Archive Goeth.) Albert Steffen a également une vision critique de l'expérience. Dans son journal quotidien (archives de la Fondation Albert Steffen), il note : « Le 30 mars, il y a une cérémonie funèbre. La menuiserie est revêtue de noir. Trois autels installés à l'est. Sur l'un les outils du Dr. Steiner (compas, règle, marteau, dont il avait vraiment besoin dans la vie.) Un récipient avec du feu. Chacun une grande bougie. Musique funèbre / Madame le Dr Steiner lit les mantras, frappant avec le marteau entre les deux. Sons. Bientôt la mesure, bientôt le nombre des strophes. / Elle exerce le droit du maître. Le Dr Wachsmuth allume les bougies » (fin mars). « Quand Mme Dr Steiner a arangé la célébration, je ne savais pas qu'elle aurait besoin de cérémonies de différents degrés. Je ne suis pas familier avec ce genre de choses. C'est en fait une aberration quand on les utilise/applique sans m'en informer au préalable.... Maintenant, elle y a mélangé des choses qui devraient être strictement évitées afin de ne pas amener des âmes en conflit avec elles-mêmes » (pendant ou après le congrès de Pâques, du 2 au 5 avril 1926. Les paragraphes sont marqués avec /).
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Il a obtenu les textes des heures de classe le 8 mai par Marie Steiner 238 et est maintenant - après une courte hésitation - prêt à lire la première heure dans le cadre du Congrès de Pâques : « J'ai lu le texte, sans les signes ». 239 Dans une lettre à Steffen, Wegman fait référence au fait qu'il avait été convenu au printemps 1927 que Steffen devrait lire pour tous les membres de la classe présents lors des Congrès au Goetheanum, Wegman et Marie Steiner seulement dans leurs cercles respectifs. Steffen, cependant, avait déjà de nouveau annulé cette séparation de secteurs le 4 avril.240

Au début de février 1926 Steffen justifiait encore son hésitation par le fait qu'il n'était pas suffisamment informé sur l'ésotérisme du cercle des jeunes de Stuttgart,241 du cercle interne de la Section Médicale et du corps enseignant de l'Ecole Waldorf de Stuttgart. « Je peux seulement assumer l'école moi-même quand j'embrasse tout du regard. Les cercles secrets dont je ne sais rien de ce qui se passe. Je ne les (re)connait pas, ainsi  je ne peux pas agir librement ».Valait  quand même la déclaration de Rudolf Steiner que « progressivement tout l'ésotérisme avait à s’élever dans l'école de Michael ».242

  238 Journal de Steffen, note du 10.3.1926. Archives de la Fondation Albert Steffen.
239 Journal Steffen, fin mars. Archives de la Fondation Albert Steffen.
240 IW à Steffen, 4 avril 1927. Goeth Archive.
241 Voir Haid 2001, p. 88 et suiv.
242 Voir Leçon de classe du 18 avril 1924, GA 270/1, p. 149 et suiv.

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Ita Wegman forme « un état dans l'état, tout comme l'ésotérisme de l'école Waldorf et l'ésotérisme de l'école Waldorf, de la Société libre ».243 Aussi lors de la réunion des membres de la classe le même jour, il s'exprime en ce sens : « Je peux seulement prendre la direction de l'école de Michael quand j’embrasse reès exactement du regard tout ce qui est en ésotérique dans la société ».244 Et avec une audace étonnante, Albert Steffen, qui est habituellement si sensible et prudent - du moins pour lui-même - envisage une conclusion radicale à un stade de développement si précoce : « A partir de maintenant, il n’y absolument plus de permission d’aucun ésotérisme. Tout est devenu publique ».245 Une autre note de 1928 montre que de telles pensées dans l'œuvre d'Albert Steffen ne proviennent pas d'une humeur temporaire, peut-être pessimiste, mais plutôt qu'il y réfléchit longtemps et les associe à des espoirs particuliers pour l'avenir :

« La section que le Dr. Steiner demandait pour lui-même, la science de l’esprit comme telle, la recherche, l'ésotérisme, est orpheline / Le contenu (les conférences de Cl[asse]) est par ces entrefaits (Boos,246 la protraction/déportation des versets vers la Russie, où ils ont été confisqués par les Soviétiques,247 les antipathies, les revendications de pouvoir, etc.) plus du même effet. Ils devraient être publiés. Cela éliminerait/mettrait de côté la fausse autorité.

243 Journal Steffen, 7.2.1926. Archives de la Fondation Albert Steffen.
244 7.2.2.1926. Goeth Archive.
245 Journal, 7.2.1926. Archives de la Fondation Albert Steffen. Peut-être que la conversation de Steffen avec Marie Steiner au sujet de la publication des textes de classe, que celle-ci mentionne dans une lettre ultérieure, a eu lieu au même moment (voir GA 270/1, page XII).
246 Roman Boos a dérangé une heure de classe tenue par Ita Wegman à Dornach le 1er janvier 1928.
247 Selon Walter Johannes Stein, en 1927, "lorsque Wassilejewna a été arrêté en Russie, les sentences de la classe ont été confisqués". Les archives d'Olga von Sivers et "les deux bibliothèques et de nombreuses conférences isolées" avaient également été confisquées (Stein à 1W, 22.9.1927. Archive 1W). Selon Sergei Prokofieff, la dame en question est Elisaveta Ivanovna Vasilyeva, née Dmitrieva (1887-1928), co-fondatrice et directrice de la branche à Saint-Pétersbourg (1913), nommée "garant" par Rudolf Steiner, c'est-à-dire autorisé à accepter des personnes dans la Société anthroposophique (S. Prokofieff à J. Kiersch, 29.4.2005). Les remarques de Marie Steiner sur l'échec de J. van Leer et Ita Wegman dans ce contexte peuvent se référer à ce processus (MSt 1981, p.350).

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Et ça pourrait faire pousser l'ésotérisme sur la base vraie, des cœurs pénétrés du christ éclairant et réchauffant. /Il germerait vers en haut peut-être alors de nouveau un nouveau contenu de la section générale qui pourrait y être représenté. Ces conférences devraient alors être accessibles à tous les membres. Et il pourrait y avoir des membres individuels avancés qui parlent dans cette section. / Je vais moi-même commencer avec une telle conférence. / Alors, la classe recevra de nouveau du contenu. / Le contenu de cette conférence doit être : Sur l’ambiance du cœur qu'il faut gagner avant de vouloir faire de la recherche. ... (J'ai alors l'intention de parler de la différence entre le sacrifice d'Abraham et celui de Melchizédek dans la première heure ésotérique que je tiendrai.) »248.

 Dès 1925, Ita Wegman lisait elle-même des heures de classe à Stuttgart,249 à Cologne,249 à Hambourg, Prague et Vienne,251 à partir du 28 juin 1925, régulièrement, avant tout en Angleterre, en communication permanente avec Harry Collison et George Kaufmann, les personnes de confiance là-bas, 252 en même temps aussi en Hollande. Comme motif central dans les explications introductives de son activité de lecture semble être l'affirmation qu'il s'agit maintenant avant tout de « garder » le bien de sagesse reçu et de « répéter » la formulation de Rudolf Steiner. Comme elle l'écrit dans la Feuille d’informations du 14 juin 1925 : « Il était clair pour nous[le conseil] qu'il était nécessaire pour l'instant de garder l'ésotérisme qui a été donné et d'amener les forces qui se trouvent dans cet ésotérisme à l’œuvre de manière vivante parmi les membres par la répétition ».253 Pour les premières heures à Prague et à Londres, elle note : « Il nous était conscient que par cette continuation de l'ésotérisme ne pouvait pas être donner quelque chose de nouveau dans l'ésotérisme. La suite devait être comprise dans le sens que la sagesse donnée serait gardée de la bonne manière ; que la répétition des leçons de classe déjà données se passe de la façon correcte. ...

 248 Journal, 28 janvier 1928. archives de la Fondation Albert Steffen. Les paragraphes sont marqués avec /.
249 IW à J. van Leer, 9 6 1925, archives IW.
250 Feuilles, 12 juillet 1925.
251 EZ III, p.62 et suivantes.
252 Un état dans les archives londoniennes de la Société anthroposophique de Grande-Bretagne nomme 35 heures jusqu'au 22 novembre 1931.
253 Feuilles. 14.6.1925, p.96.

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A partir de cette situation, me revient avec l'accord des autres membres du Comité de Dornach, le devoir de m'assurer que ce que le Dr Steiner a transmis aux membres de la première classe de l'Université pour la science de l’esprit soit gardé et répété ».254 Dans une première lettre de justification à Albert Steffen en août 1925, la raison impérieuse de son attitude plutôt rétrograde et conservatrice devient évidente : « Depuis que le Docteur a dit et répété toujours de nouveau que l'école de Michael a été instituée par le monde spirituel et n'était pas une institution humaine, je me sentais engagé par le monde spirituel et n'avais aucune justification pour permettre que des changements se produisent après la mort du Docteur. La question pour moi était seulement ceci : puis-je, en tant que deuxième directeur, après que le premier, le directeur principal, ne pouvait plus diriger directement, protéger l'école en tant que telle et continuer la direction dans le sens que la sagesse de l'école de Michael, qui a été donnée par le Dr Steiner dans les heures de classe (dans l'école de science de l'esprit), soit répétée ? »255 Seulement plusieurs années plus tard Ita Wegman remettra en question cette position.

 Il est difficile de dire si l'instruction de Rudolf Steiner à Helene Finckh, la sténographe, de transmettre les transcriptions des textes de classe à Wegman,256 voulait garder ouverte pour un avenir plus lointain la possibilité qu'à côté de Lili Kolisko aussi le « second directeur » nommé par lui pourrait transmettre le contenu des leçons ésotériques par le chemin de la lecture, ou aussi des personnes supplémentaires.257

Pour quelques années, l'enseignement du contenu de la classe par la lecture s'est établi dans plusieurs pays européens ; en Angleterre et en Hollande principalement par Ita Wegman, en Scandinavie principalement par Marie Steiner, en Allemagne par les deux.

 254 EZ III, p. 63 et suiv.
255 IW à Steffen, 21.8.1925, EZ III, p.59.
256 GA 270/1, p.197 et suivantes.
257 Par souci d'exhaustivité, Wegman n'a pas initialement reçu tous les textes, car certains d'entre eux avaient déjà été transmis à Marie Steiner, qui voyageait. "Après, le Dr Steiner m'a donné les heures de classe manquantes." (IW à Steffen, 16.3.1926, EZ III, p.67.) En décembre 1925, Wegman demanda à Lili Kolisko de lui envoyer les textes de la 10e et 11e heure, qu'elle n'avait pas encore pu recevoir de Marie Steiner (IW à L. Kolisko, 19.12.1925, Archive IW).

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Un événement particulier dans l'histoire du travail de l’université est le Congrès d'été à Riiig, Hedemark (Norvège) en 1934 est à relever, où Marie Steiner a lu toutes les dix-neuf heures de classe.258 Sur l'insistance de divers membres, en particulier Helga Geelmuyden en Norvège, des discussions ont eu lieu au début des années 1930 sur la question de savoir si les textes devraient être lus à haute voix à un plus grand groupe de personnes. Marie Steiner a plaidé pour l'inclusion d'au moins quatre des collaborateurs éprouvés qui avaient été mandatés par Rudolf Steiner lui-même pour la transmission des mantras : Adolf Arenson, Harry Collison, Helga Geelmuyden et Anna Gunnarsson Wager. Ita Wegman, d'autre part, a décidé de réduire le cercle et de limiter le privilège de la lecture – il s’agit maintenant de cela - aux membres du conseil de Dornach.259 Mais Marie Steiner avait déjà transmis des conférences de classe particulières à Anna Gunnarsson en Suède en 1926 pour la traduction préparatoire et alors, en 1929 aussi pour la lecture à haute voix, dont Helga Geelmuyden en Norvège avait probablement eu connaissance, et un groupe plus important de membres de la classe de Stuttgart avait demandé la permission pour Adolf Arenson.260 L'objectif de Wegman de limiter le privilège de lecture au cercle des membres du conseil ne pouvait pas être maintenu.261 Marie Steiner a transmis les textes à des responsables de classe particuliers,262 plus tard aussi Ita Wegman.

258 Helga Geelmuyden à MSt, 18. 2. 2. 1934, au sujet de son plan, de « rassembler » autant que possible d'"étudiants de l'école ésotérique.....". dans un endroit rural pendant trois semaines pour travailler toutes les heures de classe." Archive Nachl.
259 En ce qui concerne les malentendus et les divergences résultant de cette occasion, voir ci-dessous p. 157 et suivantes, note 405, ainsi que le rapport d'Albert Steffen sur la réunion du Conseil d'administration du 19 février 1930 avec le procès-verbal joint et la correspondance afférente, en particulier avec Lili Kolisko et Ludwig Polzer (Goeth. Archive).
260 Voir le chapitre 6 ci-dessous.
261 Pour cela MSt à Steffen, 17.3.1930. Archive Nachl.
262 Rudolf Steiner n'a pas utilisé le terme "lecteur de classe", qui est ordinairement utilisé pour ces personnes de confiance aujourd'hui. On ne parlait pas non plus à l'époque des "lecteurs", titre officiel qui ne s'est établi qu'au cours des années 1980. Les deux expressions se réfèrent à l'activité de la lecture, qui n'a été préconisée comme institution par Rudolf Steiner que dans un cas exceptionnel et décrit aujourd'hui - contrairement aux premières années de l'après-guerre - seulement une des nombreuses fonctions de direction de classe dans le cadre de la Freie Hochschule. Le mot "Lektor" a aussi une connotation problématique en raison de son utilisation religieuse. Dans le domaine de l’église catholique romaine, il décrit un certain degré d'"ordines minores", auxquelles des fonctions propres ont été attribuées à des époques antérieures, mais qui ne sont maintenant comprises que comme une étape de passage vers les "ordines supérieures", les "ordines maiores vel sacri". La prière ou le lecteur au service catholique est aussi appelé "lecteur". Cependant, il n'y a pas de degrés hiérarchiquement ordonnés et pas de lectures édifiantes sur le plan religieux à l'École de Science de l'esprit. Il semble discutable, par exemple, de décrire des médiateurs/transmetteurs des mantrams de la Freie Hochschule ou à des responsables de la première classe, des "lecteurs" de la première classe. Ita Wegman utilise le mot "humains de confiance" dans les registres pour les heures de cours qu'elle a tenues en Angleterre à partir de 1925 et écrit : "Ici, en Angleterre, M. Collison est le premier homme de confiance". Helga Geelmuyden a écrit à Marie Steiner en 1926 au sujet des "médiateurs/intermédiaires" de "l'enseignement de classe", et encore en 1930 au sujet des "médiateurs/intermédiaires de groupe".

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