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Johannes Kiersch - L’ÉSOTÉRISME INDIVIDUALISÉ DE RUDOLF STEINER AUTREFOIS ET MAINTENANT
À propos du développement de l'Université libre pour la science de l’esprit   retour au sommaire

2. L'ésotérisme précoce

Avec son essai sur "La révélation secrète de Goethe" de 1899 7 6, Rudolf Steiner avait indiqué sous une forme encore voilée vers de futures formes de vie en commun humaine, qui deviendrons possibles en temps opportun grâce à une nouvelle expérience du supra-sensible. Une bonne année plus tard, lors de sa conférence sur le même sujet à la Bibliothèque Théosophique du Comte Brockdorff, il avait trouvé une possibilité de s'exprimer « entièrement ésotériquement ». « C'était une expérience importante pour moi », écrit-il rétrospectivement, de pouvoir parler « en des mots qui ont été marqués du monde de l’esprit, après que j'ai été forcé jusque là par les circonstances, en mon temps à Berlin, de laisser le spirituel seulement être éclairé par mes descriptions ». C'est à partir de là que lui a grandi le but qu'il poursuivit avant tout autre à partir de l'automne 1902, en tant que secrétaire général de la section allemande de la Société théosophique nouvellement fondée : « amener ‘les élèves de l'Esprit’ sur la voie du développement »18. Cela ne réussi tout d’abord pas ainsi qu’il se le représente au début. La détermination avec laquelle il invite immédiatement le petit cercle des membres à des « exercices pratiques de karma » lors de l’assemblée fondatrice19, rencontre un malaise considérable. A cause de cela, Rudolf Steiner reprend cette impulsion élémentaire seulement de nombreuses années plus tard.

 

Ce qui suit maintenant obtient son extraordinaire certitude de but et portée par un fait d’évolution d'une importance centrale dans la vie de Rudolf Steiner : sa progression vers la compréhension du christianisme tel qu'il le représente désormais. Déjà l’insertion au cahier de notes de 1924 amenée dans la discussion par Rudolf Grosse rend attentif à ce que le progrès décisif de la connaissance commence avec l'année 1903. 20

16 Le magazine de littérature. N° 34,26.8.1899. GA 30.

17 GA 28, chapitre XXX.

18 A Wilhelm Hübbe-Schleiden, 16.8.1902. Lettres, vol. 2 (1953), p. 270.

19 Conférence du 20.10.02. Voir GA 240 (1986), p. 256.

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Pendant l'été de cette année, Rudolf Steiner écrit dans l'un des premiers numéros de la revue « Lucifer »:

Le théosophe sait que la vérité est dans le christianisme. Et il sait aussi que Jésus, en qui le Christ a été incarné, n'est pas un chef des morts, mais un chef des vivants. Il comprend la grande Parole de/du Maître : Je suis avec vous tous les jours jusqu' à la fin. Au chef vivant, et non à celui des rapports historiques, se tourne tout d'abord qui, comme Annie Besant, veut expliquer le christianisme. Ce que la « parole vivante » annonce encore aujourd'hui à l'oreille qui veut écouter : cela rayonne dans les rapports évangéliques. Oui, il y est resté jusqu' à ce jour, l’annonciateur de la Parole, et il peut nous dire lui-même comment nous avons à saisir les lettres qui rapportent ses actes et ses discours. Les « heureux messages » devraient être saisit ésotériquement c'est-à-dire que la force vivante qui presse sur eux le sceau de la « sainteté » devrait d'abord être éveillée dans notre être intérieur. Et parce que la raison, la force du jugement sont les grands moyens de la culture contemporaine, ils devront être libérés des liens de la simple compréhension sensorielle, de la compréhension purement palpable de la réalité. La raison de l'humain contemporain doit s'immerger elle-même dans la mer, qui la remplit d'une vraie piété 21.

 

Comme l'a montré Günter Röschert, auquel nous devons l’indication de ce passage, ce sont des déclarations dont il n’était encore aucunement parlé dans la première édition du livre « Le christianisme comme fait mystique », paru un an auparavant.22

20 « 1903 - les mystères chrétiens s'élèvent." Cf. la présentation prudente de l'ensemble de tout le contexte dans Lindenberg 1997, p. 443 et suivantes et Lindenberg 1995. Nous suivons ici l'interprétation autobiographique de Christoph Lindenberg. Malgré cela, Hella Wiesberger interprète la note de 1903 purement en termes de biographie de travail comme une étape dans la description extérieure du mystère, qui avait depuis longtemps été vécu personnellement (Wiesberger 2001).

21 GA 34 (1987), p. 64f. L'image de la "mer" utilisée ici rappelle le concept mobile et ouvert de la vérité auquel Rudolf Steiner parvient dans son livre « Goethe's Weltanschauung » (« Façon de Goethe  de voir le monde») de 1897 : « La vérité n'est pas un système conceptuel rigide et mort qui est seulement capable d'une seule forme; elle est une mer vivante dans laquelle vit l'esprit de l’être humain et peut montrer les ondes des formes les plus diverses à sa surface ». (GA 6 (1963), P. 66)

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Rudolf Steiner gagne très vraisemblablement l’aperçu central dans le/du mystère de l'incarnation du Christ dans le corps de Jésus de Nazareth et de la certitude de la présence vivante du Ressuscité dans le même temps qu'il décide de s'engager activement dans la construction d'une école ésotérique contemporaine/conforme à l’époque. Les événements ultérieurs des années 1904 et 1905 dans lesquels naît le premier département de cette école et dans lequel les deux autres départements sont préparés, sont à comprendre à la lumière de ce fait.23

Le 23 octobre 1902, à l'occasion de l’assemblée fondatrice de la section allemande de la Société théosophique, Rudolf Steiner s'est laissé admettre à son école ésotérique (ES). Le 10 mai 1904, il sera nommé "Arch-Warden" (directeur de pays) pour l'Allemagne par Annie Besant, directrice de l'école.24 Au plus tard à ce moment, il poursuit délibérément le développement d'une école ésotérique en trois « classes », dont il est le seul responsable et a laquelle il rattache manifestement lors de la fondation de l’Université libre de science de l’esprit en 1924. 25

 

Au centre de l’attention se tient avant tout sur le travail de méditation personnelle de chaque membre particulier. Rudolf Steiner invite des personnes appropriées à devenir membres, se tient disponible pour des entretiens/conversations, donne souvent des méditations individuelles et des conseils personnels dans de nombreuses lettres. 26 Dans des premières années au moins, les membres seront invités à tenir un journal sur le déroulement et les résultats de leurs exercices de méditation. 27 A plusieurs endroits, un directeur local ("sous-réveil") est responsable/compétent pour la poursuite des choses.28

22 G. Röschen : Mysterien der Idee — Rudolf Steiners Zugang zum Christentum.(Mystères de l'idée - L'accès de Rudolf Steiner au christianisme). Dans : L. Ravagli/G. Röschert 2003, p. 420 et suivantes.

23 Voir aussi Bock 1958 ci-dessous.

24 Lindenberg 1997, p. 375, Wiesberger dans GA 264 (1984), p. 24 et suivantes.

25 Le 24 décembre 1923, lors de l'explication des "Statuts" au début du Congrès de Noël, Rudolf Steiner a dit:"S'il vous plaît, ne soyez pas effrayés par ces trois classes, mes chers amis. Les trois classes étaient à l'origine déjà présentes dans la Société anthroposophique, seulement sous une forme différente, jusqu'en 1914 "(GA 260, p. 50s.) Voir aussi Adolf Arenson sur les trois coups de marteau rituels avec lesquels la conférence de Noël a été ouverte, dans sa lettre à Albert Steffen du 24 décembre 1926, Annexe 20.

26 Voir GA 264,266/1-3, 267, 268.

27 GA 264,.5.148.

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Le 5 juin 1905, une première lettre circulaire sera envoyée aux membres sous forme d'un hektogramme décrivant l'école ésotérique comme le « cœur de la société théosophique » et caractérisé l'état d'avancement de l’édification de l'institution. Les conditions d'admission seront communiquées, ainsi qu'une méditation matinale en trois étapes, valable pour la « chemin de probation » d'une durée minimale de douze mois, à l'issue duquel l’« élévation ( ?) au premier degré »" pourra survenir, tout comme  une guide pour la rétrospective du soir. 3°.

Dès l'été 1904, se montrent les premiers signes des préparatifs pour la mise en place des deuxième et troisième sections de l'école ésotérique. Devant un petit cercle de membres Rudolf Steiner parle du mythe biblique de Caïn et Abel. Avec cela un motif issu de la tradition des ordres de francmaçonnerie sera  abordé.31 Vers la fin de l’année suivent une série de conférences supplémentaires sur de tradition franc-maçonnes.32 En pendant avec la mission de Christian Rosenkreutz, est parlé de développements d'un avenir plus lointain, dont le déroulement dépendra de dans quelle forme les humains d'aujourd'hui se rencontrent dans la liberté pour un travail spirituel commun.

 

 

Dans ce contexte, la manière dont Rudolf Steiner intègre la mission de Mani et de ses élèves est d’un poids particulier. Dans sa conférence avant le 11 novembre 1904 33, il attribue directement les traditions maçonniques au manichéisme. Il décrit comment, après un certain temps, toute vie se solidifie en une forme solide, entrave le développement d'une nouvelle vie, comment le mal peut être expliqué comme un "bien désuet" et comme une résistance nécessaire, dont un bien supérieur peut provenir de ce dépassement par la « douceur » au lieu d'une « lutte ». L'Évêque manichéen Faustus apparaît à cela comme un représentant de la liberté fondée sur une activité propre de l’âme, son disciple temporaire et plus grand adversaire, le Père de l'Église.

28 Michael Bauer à Nuremberg, Sophie Stinde à Munich, Adolf Arenson à Stuttgart. GA 264, p. 115, note 2.

29 Autant que l'on sache, les premières leçons d'ES eurent lieu les 9 et 14 juillet 1904 à Berlin. GA 266/1, p. 111 et suivantes.

30 GA 264, PP. 145-148.

31 Conférence du 10.6.1904, GA 93 (1979), p. 33 et suivantes.

32 4 et 11 novembre, 2,9,16 et 23 décembre 1904, GA 93.

33 ibid. p. 68 à 71.

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Augustin, comme représentant l'autorité traditionnelle. Il est encore plus étonnant de constater à quel point Rudolf Steiner montre résolument au petit groupe de personnes qu'il veut préparer pour les étapes plus avancées de sa formation ésotérique,34 l'avenir d’un christianisme, qui est à lui-même en fait conscient que peu de temps auparavant. Mani, ainsi dit-il, voudrait préparer « ce temps dans lequel l'humanité sera conduite par elle-même, à travers sa propre lumière d'âme dans la sixième race racine 35 et vaincra les formes extérieures, les transformera en esprit »36.

 

 

Mani veut créer un courant d'esprit qui va plus loin du Rose-Croix, un flot qui va plus loin que le courant des Rose-Croix. Ce courant de Mani aspire jusqu’à la sixième race racine, préparée depuis la fondation du christianisme. Tout de suite dans la sixième race racine, le christianisme viendra pour la première fois à l’expression dans sa forme complète. Ce n'est qu'alors qu'il sera vraiment là. La vie chrétienne intérieure en tant que telle surmonte chaque forme, elle se propage à travers le christianisme extérieur et vit dans toutes les formes des différentes confessions. Qui cherche la vie chrétienne la trouvera toujours. Elle crée des formes et brise des formes dans les différents systèmes religieux. Il ne s’agit pas de rechercher l'égalité partout dans les formes d'expression extérieures, mais de ressentir le courant intérieur de vie qui est partout sous la surface. Mais ce qui devra encore être créer, c'est une forme pour la vie de la sixième race racine. Cela doit être créé plus tôt, parce que cela doit être là pour que la vie chrétienne puisse s'y déverser. Cette forme doit être préparée par des humains qui créeront une telle organisation, une telle forme, afin que la vraie vie chrétienne de la sixième race racine puisse y prendre place.

 

34 D’après des notes de Mathilde Scholl, les pensées de cette conférence furent plus tard le contenu de l’enseignement de la troisième section. Ibidem 5.308.

35 C'est-à-dire après la fin des sept époques de culture post-atlantéennes, dans le langage de l'Apocalypse de Jean : après la "grande guerre de tous contre tous". Cf. la conférence du 25.6.1908 à Nuremberg, GA 104, avec la référence à "celle de Philadelphie avec le principe du progrès, de la liberté intérieure, de l'amour fraternel, un petit groupe, se composant de toutes les souches et nations" (p. 161).

36 GA 93, P. 75.

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Et cette forme extérieure de société doit provenir de l’intention de Mani, du petit tas que Mani prépare. Ce doit être la forme extérieure de l'organisation, la commune/la paroisse dans laquelle l'étincelle chrétienne pourra d'abord prendre correctement place.37

Rudolf Steiner guide silencieusement un tout d’abord petit groupe de collaborateurs avec des objectifs ambitieux et une activité ésotérique d'approfondissement et aiguise leur conscience pour la forme de leur collaboration. En même temps, il renforce son activité vers l’extérieur. Jusque là il était principalement actif à Berlin, à partir de 1905, il se rendit  de manière répétée dans beaucoup d’autres villes. 38 Dans une conférence tenue en conclusion de l'assemblée générale de la section allemande de la Société théosophique en octobre 1905, il place un fort accent sur 39, la vulgarisation/popularisation du savoir jusqu’à présent occulte et des activités culturelles générales. C'est de ce point de vue que Rudolf Steiner accentue en même temps le contraste entre la vie spirituelle intérieure et l'organisation extérieure, qui n’on pas la permission d’être mélangée entre elles. La contradiction entre « mouvement » et « société », qui a été si souvent évoquée plus tard, semble se dessiner ici comme problème pour la première fois.40 Les premiers pas vers une édification supplémentaire de l'école sont déjà franchis le lendemain et immédiatement après le jour de l'An. 41

Le 24 novembre 1905, Rudolf Steiner et Marie von Sivers entrent dans l'Ordre Memphis Misraim.42 Le 3 janvier 1906, le contrat est signé, qui donne à Rudolf Steiner le droit de diriger un cercle de travail symbolique-cultuel dans le cadre de cet ordre sous sa propre responsabilité. 43

37 ibid. p. 76.

38 Lindenberg 1988, p. 226.

39 GA 93, p. 199 et s.

40 Pour plus d'informations sur ce problème, voir Wiesberger 1997, p. 319 et suivantes.

41 conférences du 23.10.1905 et 2.1.1906, GA 93, p. 215 et suivantes. Ce n'est probablement pas un hasard si, dans la lecture intermédiaire du 26.10. pour la première fois, la loi sociale principale est formulée, qui apparaît alors également dans Lucifer-Gnosis au début de 1906.

42 GA 265 (1987), P. 50.

43 Ebenda, p. 58 et 82 et suivantes. Sur les problèmes et problèmes liés à ce processus en détail par H. Wiesberger dans GA 265.

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A partir de ce moment, des cours sous une forme rituel-culturelle auront lieu dans plusieurs endroits en Allemagne et dans d'autres pays européens, jusqu' à ce que le déclenchement de la guerre en 1914 ne permette plus la poursuite de cette méthode de travail44.

 

Il convient de noter comme un détail remarquable que Rudolf Steiner a changé les rituels introduits par lui en 1913, lorsque le secret nécessaire n'était plus garanti après sa séparation de la Société Théosophique. 45

 

44 Pour plus de détails, voir GA 265 et Gädeke 1990, p. 132 et suiv. Selon Wiesberger (GA 265, p. 58), un total de 600 membres ont été admis au " Service Memphis Misraim " jusqu' à sa dissolution en 1914. Historiquement, Rudolf Steiner a continué l'"Ecole ésotérique de Théosophie" de la Société Théosophique avec la création du premier département de son école ésotérique, avec le "culte de connaissance" du deuxième département avec le courant de franc-maçonnerie de haut degré représenté par John Yarker. Le troisième département, qui, selon Emil Leinhas et Günther Schubert, ne comptait que douze personnes, ne semble pas avoir de modèle historique. (Wiesberger 1997, p. 22s.) Pour les raisons de l'arrêt temporaire du travail ésotérique pendant la Seconde Guerre mondiale, voir la conférence du 22.8.1915, GA 253, p. 159 s.

45 Wiesberger dans GA 265, 5.136.

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