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Institut pour une triarticulation sociale
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Jean-Marc Decressonnière - L ' «approche anthroposophique»
Utopie sociale ou technologie sociale?
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3.3 Réforme de l'ordre économique dominant

La réflexion de base critique sur la légitimité de la logique économique factuelle du marché a conduit à la conclusion que le noyau normatif de l'ordre économique dominant n'est pas justifiable, car il contredit fondamentalement l'idée de rationalité communicative-éthique de la transsubjectivité. Sa réforme est donc une tâche.228 Dans ce contexte, le souci de l'approche NPI d'œuvrer à un changement des conditions sociales de l'action économique peut être fondamentalement justifié.

 

L'effort émancipateur de l'approche NPI vise à la réalisation de l'ordre économique et social, que R. Steiner a développé dans ses écrits sociologiques comme une utopie concrète au sens d'une réorganisation réalisable et qu'il a tenté de réaliser à l'époque.229 Il s'agit maintenant d'examiner de manière critique l'approche de réforme sociale de R. Steiner sous l'aspect du principe directeur éthique de la compréhension transsubjective. La question de la réalisation concrète de cette approche de réforme sociale par le développement des entreprises, telle que proposée par l'approche NPI, sera ensuite examinée dans les chapitres suivants.

 

3.3.1 L'idée de triarculation de l'organisme social

Les considérations sociologiques de Steiner partent de la question de la nature de l'humain. Selon Steiner, l'humain est dans sa relation avec ses semblables marqué par des forces contraires : il se tient dans le champ de tension de pulsions sociales et antisociales.

 

226 Cf. Ulrich 1997, p. 131.

227 Le mécanisme de marché idéal-typique est carrément cynique dans sa logique, car non seulement l'action rationnelle des sujets n'est pas nécessaire, mais elle est dysfonctionnelle et donc nuisible en ce qui concerne les résultats de l'allocation. Le mécanisme de régulation autonome du marché ne peut garantir le bien commun de tous que si les acteurs, conformément au principe de l'homo economicus, orientent leurs actions économiques uniquement vers leur propre intérêt (cf. Ulrich 1997, p. 111 et suivantes).

228 Cf. Steinmann/Gerum 1978, p. 44.

229 Cf. Lievegoed 1974, p. 179 et suivantes.

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A cet égard, l'homme est à la fois un être social et un être antisocial.230 Selon Steiner, les pulsions antisociales sont une condition nécessaire au développement de la conscience de soi humaine basée sur la pensée.231 A cet égard, une caractéristique de la modernité est que le pôle antisocial de l'homme, avec sa conscience de soi croissante et son besoin de liberté, devient de plus en plus puissant.232 Dans la coexistence sociétale des personnes, cependant, les pulsions antisociales reconnues comme une condition nécessaire au développement produisent maintenant des "conditions désagréables "233 La tendance au développement antisocial des personnes, qui se manifeste par l'égoïsme, doit donc être contrebalancée par une structure sociale.235 Dans ce contexte, la demande sociale de l'époque ne consiste pas à "trouver des recettes pour combattre les pulsions antisociales",236 mais plutôt à établir des structures sociales de telle sorte que les personnes ayant des pulsions antisociales soient intégrées dans la vie sociale et soutenues dans leurs pulsions sociales.237

 

Steiner distingue donc deux aspects de la coexistence sociale humaine : celui de l'action humaine individuelle (pôle processus) et celui des institutions sociales (pôle structure).238 Ces deux aspects présentent une relation causale mutuelle : Si l'on regarde les institutions, elles sont "faites par l'homme, mais elles font aussi l'homme ; ou si l'on regarde les actions humaines, elles font les conditions extérieures, mais sont à leur tour soutenues par les conditions extérieures "239 (voir fig. 8).

Dans le contexte de cette relation récursive, la question se pose de savoir quel type d'institutions sociales doit être présent "pour que les gens puissent avoir les pensées correctes dans les relations sociales" et quoi comme pensées doivent être là "pour que ces institutions sociales correctes apparaissent aussi dans la pensée".240 En partant de cette question, Steiner développe l'ordre de société idéal-typique décrit dans ses caractéristiques de base dans ce qui suit.

 

230 Cf. Steiner 1992, p. 10.

231 Cf. Steiner 1992, p. 22.

232 Cf. Steiner 1992, p. 39.

233 Steiner 1992, p. 22.

234 Cf. Steiner 1992, p. 22.

235 "À l'intérieur, les pulsions antisociales doivent œuvrer pour que l'humain atteigne le sommet de son développement ; à l'extérieur, dans la vie sociale, pour que l'humain ne perde pas l'humain dans le contexte de la vie, la structure sociale doit œuvrer" (cf. Steiner 1992, p. 39).

236 Steiner 1992, p. 40.

237 Cf. Steiner 1979, p. 43.

238 Cf. Steiner 1988, p. 54 et suivantes.

239 Steiner 1988, p. 55.

240 Steiner 1988, p. 55.

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Figure 8 : La polarité de l'homme et de l'institution


Steiner compare la société à un organisme biologique. 241 Comme l'organisme humain, l'organisme social possède également des sous-systèmes fonctionnels : La vie de l'esprit, la vie de droit et la vie de l'économie. 242

1. La vie de l'esprit comprend le domaine sociétale de la culture (science, art, religion, système d'éducation), c'est-à-dire "tout ce qui est fondé sur les dons naturels de l'être humain individuel, qui doit entrer dans l'organisme social sur la base de ces dons naturels, tant spirituels que physiques, de l'individu humain individuel "243. D'après sa fonction, la vie de l'esprit sert donc l'évolution des facultés humaines.

 

241 Cf. Steiner 1991, p. 56 et suiv.

Comme le souligne Steiner, il ne s'agit que d'une comparaison du point de vue de la classification/articulation fonctionnelle (cf. Steiner 1991, p. 56 s.) et non d'un transfert analogue de lois de science de la nature à l'organisme social (cf. Steiner 1991, p. 59 s.). À cet égard, la conception de l'organisme social de Steiner doit être distinguée de la conception sociétale du fascisme, dans laquelle la valeur de l'être humain individuel (cellule de l'organisme) est uniquement déterminée par son appartenance à l'organisme du peuple (cf. Luttermann 1990, p. 291). Comme Steiner l'exprime clairement dans la Loi fondamentale dite sociologique, la collectivité sociale n'a pas de valeur supérieure à l'individu humain : "Au début des états culturels, l'humanité s'efforce de former des associations/unions sociales ; l'intérêt de l'individu est d'abord sacrifié à l'intérêt de ces associations/unions ; le développement ultérieur conduit à la libération de l'individu de l'intérêt des associations/unions et au libre développement des besoins et des pouvoirs de l'individu" (Steiner 1989b, p. 256).

242 Cf. Steiner 1991, p. 61 et suivantes.

On trouve une articulation/un membrement analogue de la société en trois sous-systèmes fonctionnels chez Habermas, qui distingue un sous-système socioculturel, un sous-système politico-administratif et un sous-système économique (cf. Haber-mas 1977, p. 15 et suiv.).

243 Steiner 1991, p. 63.

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2. La vie de droit est le domaine politico-étatique de l'organisme social.244 "En llui, s'affirme tout ce qui doit dépendre du jugement et des sentiments de toute personne majeure.245 Sur la base de la conscience de droit des humains, les droits et les devoirs des humains sont réglementés par la législation dans ce sous-système étatique.

 

3. Enfin, la vie de l'économie se compose de la production de marchandises, de la circulation de marchandises et de la consommation de marchandises 246 . Selon sa fonction, elle est orientée vers la satisfaction des besoins humains 247 .

Steiner reconduit les dommages sociaux sur ce que les trois domaines de fonction sociale ont conflués de manière chaotique dans la forme de l'État unitaire. 248 L'organisme social peut seulement s'avérer viable "s'il était articulé en une administration indépendante de l'esprit (...), en une administration indépendante des rapports politiques, étatiques et de droit et en une administration totalement indépendante de la vie de l'économie".249 L'approche de Steiner en matière de réforme sociétale consiste donc, d'un côté, à détacher la vie de l'esprit de la tutelle de l'État et à la placer entre ses propres mains 250 et, d'autre part, à séparer complètement la vie économique de l'État afin de l'administrer selon ses propres conditions 251. L'État doit ainsi être limité aux fonctions originelles de la vie de droit, c'est-à-dire la réglementation des droits et des devoirs et l'application de lois 252. L'unité de toute l'organisation sociale ne repose donc plus sur la structure administrative sociétale de l'État unifié, mais sur la structure administrative sociale de l'État


244 Cf. Steiner 1991, p. 20.

245 Steiner 1991, p. 20.

246 Selon la définition de Steiner, une marchandise est "toute chose qui est devenue ce qu'elle est par l'activité humaine lorsqu'elle est apportée en un lieu quelconque par l'humain pour être consommée" (Steiner 1991, p. 70).

247 Cf. Steiner 1991, p. 15.

248 Cf. Steiner 1981, p. 39.

249 Cf. Steiner 1981, p. 39.

Avec la triarticulation de l'organisme social en domaines administratics autonomes, Steiner ne cherche pas à renouveler la l'articulation platonique en états (statut d'enseignant, statut militaire et statut de nutrition) (cf. Steiner 1988, p. 57). Contrairement à la théorie de l'État de Platon, l'organisme social n'est pas articulé en fonction des humains, mais au niveau des institutions. Les humains auront des relations vivantes avec chacun des trois membres : "L'organisme social, séparé de l'humain et formant la base de sa vie, sera divisé en trois parties ; chaque humain en tant que tel sera un élément unificateur des trois membres" (cf. Steiner 1991, p. 140).

250 Cette revendication d'une vie de l'esprit, libre, c'est-à-dire émancipée de l'État, est en partie réalisée dans les écoles Waldorf fondées par Steiner.

251 Cf. Steiner 1981, p. 41.

252 Cf. Steiner 1991, p. 20.

Compte tenu du principe de démocratie, la vie de droit peut seulement être chargée de réglementer de tels contenus que toute humain majeur, quelles que soient ses capacités, est en mesure de faire sur la base de sa conscience du droit respectivement sentiment de droit. Ce critère est rempli dans la réglementation des droits et des devoirs des humains.

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unitaire,mais résultera du déploiement indépendant des trois membres autonomes. 253

Après que l'idée de la triarticulation de l'organisme social a été exposée dans ses grandes lignes, la vie économique peut maintenant être examinée plus en détail.

 

3.3.2 L'ordre économique associatif

Pour que la vie économique puisse remplir sa fonction sociale, à savoir la production et la fourniture de biens pour satisfaire les besoins, des installations appropriées doivent être mises en place. 254 Le cadre institutionnel de l'activité économique doit garantir que les besoins des personnes puissent être "librement affirmés et qu'apparaisse la volonté 255 et la possibilité de faire ce qui est nécessaire pour les satisfaire". Puisque la vie économique, selon le concept de la triarticulation de l'organisme social, doit être façonnée à partir de ses propres conditions, le concept d'économie centralisée, qui subordonne l'économie à la vie de droit, ne représente pas un cadre structurel adéquat 256. Bien que le concept de régulation idéal-typique de l'économie de marché devienne licite à l'exigence d'une abstention de l'État de la vie économique ("État gardien de nuit"), il fait néanmoins obstacle à une récupération/un assainissement de l'organisme social, car la structure de la coordination du marché est axée sur les pulsions antisociales des humains au lieu d'aider au deploiement, par une facilitation structurelle de connaissances sociale des pulsions sociales de l'humain. En faisant l'éloge du principe de l'égoïsme économique, le modèle de marché libéral force ainsi la tendance au développement antisocial des gens. 257 Steiner considère l'égoïsme comme un fait anthropologique dont il faut tenir compte, mais voit en même temps dans la vie économique un antipode à


253 Cf. Steiner 1991, p. 20.

Comme l'indique déjà le concept de membrement/articulations , la pensée de l'autogestion autonome de vie de l'esprit, vie de droit et vie del'économiee n'implique pas une séparation complète des trois systèmes fonctionnels sociétaux les uns des autres. Les membres de l'organisme social sont plutôt marqué dans leurs rapports les uns avec les autres par des relations d'influence interdépendants. Ainsi, les capacités développées dans le domaine de la vie de l'esprit s'écoulent vers l'État et la vie de l'économie (cf. Steiner 199 1, p. 11). De son côté, la vie de l'économie garantit les bases matérielles de la vie de l'esprit et de la vie de droit. Enfin, le sous-système étatique limite les deux autres sous-systèmes sociétaux en fournissant le cadre juridique (par exemple, les droits de l'homme, l'enseignement obligatoire, la protection du travail, etc.)

254 Cf. Steiner 1991, p. 67.

255 Steiner 1991, p. 67.

256 Cf. Steiner 1991, p. 67 et suiv.

257 Dans l'économie de marché, les institutions économiques n'apportent pas un contrepoids structurel au pôle antisocial de l'être humain, mais le renforcent plutôt en l'exagérant sur le plan normatif.

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l'intérêt égoïste des gens, à savoir la division du travail dans le processus économique. "La division du travail tend à signifier que plus personne ne travaille pour lui-même, mais que ce sur quoi il travaille doit être transmis aux autres. Ce dont il a besoin doit à son tour lui revenir de la société".258 Selon sa structure, le processus économique basé sur la division du travail a donc un caractère altruiste.259 Steiner a développé le concept d'un ordre économique associatif basé sur la polarité phénoménologique de l'égoïsme humain individuel et de l'altruisme structurel.

 

Le concept d'économie associative est un ordre économique dans lequel la coordination des actions économiques et la coordination des intérêts ne relèvent pas des autorités supérieures de l'État ou d'un mécanisme de marché anonyme (inconscient). Les services de coordination doivent ici être assurés par les humains impliquées dans le processus économique dans le cadre d'associations, à partir de leur intention et de leur intérêt immédiats.260 Ces associations peuvent être caractérisées comme un réseau d'institutions à structure fédérale 261 , couvrant toute la structure relationnelle du processus économique basé sur la division du travail, dans lequel les sujets économiques coordonnent leurs relations par la communication. De l'aperçu du processus économique à médiation associative, un sentiment objectif de communauté peut émerger en conjonction avec le plein développement du potentiel de productivité de la division du travail (efficacité).262

 

Par le principe d'association, la raison synthétique (communicative) des personnes remplace le mécanisme de coordination purement basé sur le marché qui prévaut aujourd'hui.263 Cependant, le marché, en tant qu'interface entre la production de biens (pôle de construction) et la consommation de biens (pôle de déconstruction), continue d'être un exemple de concertation des intérêts. Les prix du marché résultent de la tension entre les intérêts des producteurs et des consommateurs (tension de formation de la valeur).264 Contrairement au modèle de marché libéral, cependant, dans l'économie associative, la coordination des programmes de production des entreprises, fondée sur les besoins, n'est pas


258 Steiner 1979, p. 45.

259 Cf. Steiner 1979, p. 46 s.

L'altruisme structurel de la vie économique basé sur la division du travail n'est pas, comme le souligne Steiner, un idéal éthique normatif mais une catégorie empirique d'économie de peuple (cf. Steiner 1979, p. 47).

260 Cf. Steiner 1991, p. 16.

261 Cf. Steiner 1989a, p. 267.

262 Cf. Steiner 1979, p. 152 s.

Steiner décrit ce sens commun comme objectif car il résulte uniquement de la reconnaissance des nécessités du processus économique basé sur la division du travail et n'est donc en aucun cas un postulat moral, un "impératif catégorique d'altruisme" qui doit être suivi pour que l'économie devienne bonne, et qui peut être mal compris (cf. Steiner 1979, p. 153).

263 Cf. Steiner 1988, p. 58.

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principalement coordonné ex post par la tarification du marché. Au contraire, la coordination ex ante se fait aussi dans le cadre d'associations dans lesquelles les producteurs, les commerçants et les consommateurs se réunissent. Ici, les besoins des consommateurs sont déterminés, la production est établie en fonction de ces besoins et les prix sont calculés en fonction de la valeur ajoutée par le processus de production (mouvement de formation de valeur). 265 Si ces prix calculés ex ante ne sont pas confirmés par les prix des transactions sur le marché, des mesures d'adaptation des conditions de production doivent être engagées dans le cadre de la coordination associative ex post. La coordination de la chaîne de valeur du producteur au consommateur est donc réalisée par l'interaction de la coordination associative prévisionnelle et de la coordination du retour d'information. 266

 

Dans l'économie associative, les facteurs de production ne sont pas attribués/alloués par le biais de marchés de facteurs, mais dans le cadre des associations par les producteurs d'une branche (associations de branches) 267 en coordination avec les autres branches (Associations interbranches) 268. Les moyens de production (le capital physique) doivent leur valeur à la division du travail dans laquelle ils sont intégrés/ennarticulés. C'est pourquoi, selon Steiner, ils ne doivent pas faire l'objet d'une appropriation privée en tant que telle par le biais de la propriété .269 Une sociétalisation de la propriété des moyens de production au sens du socialisme n'est cependant pas non plus adéquate, car le capital en tant que base de l'initiative économique doit être accessible à la disposition individuelle. 270 Il est donc économiquement approprié que le droit de disposer des moyens de production ou du capital soit transféré par l'association aux entrepreneurs qui se légitiment par leurs capacités. 271 Lorsque ces personnes quittent la vie active, le transfert des moyens de production à un successeur compétent doit se faire associativement. 272

 

264 Cf. Steiner 1979, p. 70 s.

265 Cf. Steiner 1979, p. 23 et suiv.

266 Selon Kieser/Kubicek (1992, p. 100 s.), la coordination préalable est comprise comme une coordination d'anticipation, tandis que la coordination de rétroaction est une réaction aux perturbations.

267 Cf. Steiner 1989a, p. 31.

268 Cf. Steiner 1980, p. 99.

En tant qu'instance de médiation entre la production et la consommation, le marché des biens est ancré dans le processus économique d'origine et est donc adéquat. Les marchés de facteurs, en revanche, doivent être classés comme des artefacts de l'économie de marché capitaliste, puisqu'ils sont basés sur le système de propriété capitaliste.

269 Cf. Steiner 1991, p. 108 s.

En conséquence, la totalité du capital des entreprises est traitée comme du capital d'emprunt/étranger.

270 Cf. Steiner 1991, p. 98 et Steiner 1981, p. 42 et suivantes.

271 Cf. Steiner 1991, p. 94 et suivantes.

272 Cf. Steiner 1991, p. 112.

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Comme la force de travail ne se laisse détacher de son porteur, il n'y a aucun sens de l'attribuer comme une marchandise à l'allouer sur le marché du travail.273 Selon Steiner, la relation juridique entre l'entrepreneur et les collaborateurs ne peut être structurée de manière adéquate que sous la forme d'un partenariat/rapport de sociétaire. 274 Par conséquent, le rapport salarial habituel doit être remplacée par un rapport contractuel de répartition/partage, qui détermine les parts des revenus générés conjointement par tous les participants en fonction des contributions individuelles. 275 Cette structure juridique du processus de travail résout de manière structurelle le conflit entre le capital et le travail. La hiérarchie interne n'est plus déterminée par l'institution juridique de la propriété du capital, qui manque de légitimation économique, mais est basée sur les facultés individuelles. La relation entre les "gestionnaires du travail" et les "fournisseurs de main-d'œuvre" ne sera pas fondamentalement conflictuelle dans la mesure où il sera entièrement dans l'intérêt des travailleurs qui effectuent le travail que la gestion de l'entreprise soit entre les mains de personnes compétentes. Selon les considérations de Steiner, l'aliénation des travailleurs des/aux processus de production et de marché, qui repose sur la division du travail, peut être contrée par des réunions régulières et une gestion publique de l'entreprise. 276

 

En cas de surcapacité de personnel dans une entreprise (ou dans un secteur), d'autres possibilités d'emploi doivent être organisées par l'association. Une libération dans le chômage n'aura pas de sens, puisque le financement des revenus de tous les individus incombe au sous-système social de la vie économique dans son ensemble, géré de manière associative. Dans la mesure où les coûts (sociaux) d'une réduction du personnel ne peuvent être externalisés, ils seront inclus (internalisés) dès le départ dans les mesures de rationalisation, par exemple, ce qui s'avère plus efficace en termes macroéconomiques qu'une correction ultérieure des coûts externalisés par l'État-providence. Les associations ont pour but de garantir que les conséquences économiques et les conséquences secondaires de l'action économique soient prises en compte dès le départ, afin que les décisions économiques individuelles, médiatisées par un discours purement factuel entre les entreprises et les branches, puissent être orientées vers l'efficacité économique globale.

 

273 Cf. Steiner 1991, p. 78.

274 Cf. Steiner 1989a, p. 59.

275 Cf. Steiner 1991, p. 99.

Cela signifie que le travailleur ne vend pas son travail, mais le produit (partiellement) fabriqué par lui.

276 Cf. Steiner 1991, p. 97.

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3.3.3 Évaluation critique de l'approche de Steiner en matière de réforme économique

L'approche de Steiner en matière de réforme sociale ne pouvait être décrite ici que dans ses lignes directrices de base. À cet égard, l'évaluation critique ne peut être concluante. 277 Il ne peut donc s'agir à ce stade que d'une remise en cause critique du fondement normatif de l'ordre économique associatif quant à sa légitimité.

Du point de vue du principe éthique de la trans-subjectivité, l'approche de Steiner est convaincante pour plusieurs raisons : avec le principe de la coordination associative comme alternative au mécanisme du marché, la compréhension communicative des revendications légitimes de tous ceux qui sont impliqués et affectés dans le processus de valeur ajoutée devient la base de l'action économique. En outre, les conditions asymétriques de communication résultant de la domination des propriétaires de capitaux fondée sur le droit de propriété sont structurellement corrigées, puisque la disposition des moyens de production n'est plus fondée sur le droit de propriété, mais sur l'associatif, c'est-à-dire la reconnaissance mutuelle des capacités économiques.

 

En outre, en plaçant la réalisation de la fonction du sous-système économique de la société dans la seule compétence des organes autonomes de la vie économique, c'est-à-dire les organes associatifs de communication, le dualisme de la rationalité économique (marché) et de la rationalité sociale (État) dans la vie économique est structurellement surmonté. Les sujets économiques doivent maintenant justifier les buts de leurs actions dans le cadre d'associations et justifier le choix des moyens par des arguments. 279 Ainsi, avec la conception associative du contexte d'ordre économique, une action 280 orientée sur le sens de la rationalité synthétique socio-économique est possible.

En résumé, on peut dire que la structure associative de l'économie représente une réalisation approchante de la 281 méta-institution contre-factuelle de la société de concertation. A cet égard suit la logique de construction de l'économie 277

Une évaluation complète nécessiterait en particulier une discussion détaillée des problèmes d'impact et de la faisabilité liée à la situation (cf. les exigences méthodologiques de la réforme culturelle au point 2.1.3). La question de savoir dans quelle mesure l'approche NPI montre une voie pour réaliser l'économie associative fera l'objet du 5ème chapitre de cet ouvrage.278


En couplant le droit de disposition sur les moyens de production aux capacités individuelles des personnes, les structures de pouvoir social et interne capitalistes résultant de la propriété privée des moyens de production sont neutralisées. 279


Les sujets économiques doivent donc partager les conséquences économiques globales de leurs décisions (principe de responsabilité).

 

280 Cf. les commentaires sur la rationalité socio-économique au point 3.2.3.

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L'approche de la réforme de Steiner sur le principe directeur de la transsubjectivité. Ainsi, l'idée d'un ordre économique associatif résiste au noyau normatif de l'examen critique de la légitimité.

L'ordre économique associatif peut être considéré comme une utopie concrète dans la mesure où il ne repose pas sur des prémisses irréalistes. Le concept de réforme de Steiner, comme nous le soulignerons une fois de plus en conclusion, ne présuppose pas des êtres humains plus parfaits, mais cherche plutôt à réaliser des institutions qui permettent le développement humain et une coexistence autodéterminée.


3.4 Conclusion provisoire

Le discours de justification sur les fondements normatifs du contexte de gestion sociale des entreprises a conduit à la conclusion que l'ordre économique (et sociétal) capitaliste dominant manque de base légitimante et que, par conséquent, le postulat du principe éthique de la trans-subjectivité exige une réforme des structures sociales. L'approche de réforme sociale de la triarticulation de l'organisme social s'est avérée justifiable à la lumière du principe de trans-subjectivité. L'enquête a donc abouti au résultat préliminaire selon lequel l'objectif normatif de l'approche NPI peut être classé comme légitime. Une fois cette question clarifiée, la suite des travaux peut être utilisée pour étudier comment le processus d'émancipation sociale envisagé peut être réalisé sur la base du développement des entreprises selon le concept de l'INP. Les explications ayant jusqu'ici porté sur le niveau du contexte d'action, l'accent sera mis dans le chapitre suivant sur le niveau de la stratégie d'action. Dans un chapitre de conclusion, le niveau de la stratégie d'action sera ensuite lié à celui du contexte d'action, avec la question de savoir si l'approche NPI parvient à surmonter les contraintes structurelles de l'ordre économique capitaliste et si elle est capable d'ouvrir la voie à un développement social dans le sens d'une économie associative.


281 La situation discursive idéale est une idée régulatrice transcendantale, à la lumière de laquelle la pratique communicative peut être évaluée de façon normative et critique (cf. Ulrich 1997, p. 100). En tant que telle, elle ne peut jamais être empiriquement amenée, mais seulement approximativement réalisée (cf. Ulrich 1993, p. 367).

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