Extrait de "l'école de science de l'esprit, orientation et introduction aux Editions Anthroposophiques Romandes. Traduction : Isabelle Dupin

Section des Sciences sociales Paul Mackay

Domaine de recherche et méthode de connaissance

Investiguer les relations entre les hommes, les organiser au sein de trois domaines de la vie sociale : ce sont les champs d'activité de la Section des Sciences sociales au Goetheanum.

- La vie spirituelle             l’homme y déploie ses facultés

Sociologie, ethnologie ou anthropologie culturelle, éducation, psychologie et éthique sociales sont les sciences qui se rapportent à ce domaine. La vie spirituelle prend sa source dans l'individualité humaine et trouve sa raison d'être dans la relation entre les hommes. Tout organisme social repose sur une culture, telle la culture d'entreprise ou la culture familiale.

- La vie juridique               l’homme y agit en tant qu'individu responsable

Les sciences qui s'y consacrent sont essentiellement le droit et la politique. La vie juridique porte sur les affaires terrestres, elle règle les rapports des hommes entre eux.

- La vie économique         l’homme y exprime ses besoins

Ce domaine est couvert par les sciences économiques et concerne l'économie politique et la gestion. Ici il s'agit de se mettre au service des autres.

La méthodologie des sciences sociales est singulière parce que la vie sociale n'est pas statique, mais dynamique. Elle a des bases à la fois théoriques et pratiques. Elle traite donc autant ce qui est (connaissance), que ce qui doit être fait (action). Recherche et organisation entrent donc en corrélation pour former la réalité sociale. Étant donné que les sciences sociales portent à la fois sur la connaissance et la réalisation, elles exigent une sensibilité artistique sur le plan social. [96]

Renforcement des qualités morales et des compétences sociales

L'activité déployée au sein de L'École de Science de l’esprit concerne avant tout les fondements ésotériques des sciences sociales. Il faut ici se souvenir que les facultés de connaissance supérieure (imagination, inspiration et intuition) ne peuvent s'acquérir sans être accompagnées du développement des qualités morales et des compétences sociales. À ce propos, Rudolf Steiner s'exprimait ainsi : « La conduite morale de la vie d'un homme dépend de son jugement moral, de sa compréhension morale des autres hommes et de sa force morale. Or la vision imaginative se développe à partir du jugement moral, la sensibilité à l'inspiration de l'exercice de la compréhension morale et l'intuition, de la culture de la force morale. C'est pourquoi les imaginations communiquées stimulent chez celui qui les reçoit, le jugement moral, les inspirations la compréhension morale, les intuitions la force morale. »

Du fait même qu'elles traitent du domaine de la relation entre les hommes, le travail avec d'autres devrait prendre une place prépondérante dans la recherche et l'organisation des sciences sociales. Rudolf Steiner décrit l'intelligence cosmique comme « les règles de conduite que se donnent les hiérarchies supérieures entre elles. Ce qu'elles font, la façon dont elles se conduisent les unes vis-à-vis des autres, leurs rapports mutuels, c'est cela l'intelligence cosmique. » 98 Dans les sciences sociales, il s'agira de faire naître une « nouvelle » intelligence, une intelligence de l'universellement humain, une intelligence qui sera plus que la somme des intelligences individuelles et qui de ce fait sera en relation avec le monde spirituel.

97 Rudolf Steiner, : La Constitution de la Société anthroposophique et de l'École de Science de La       du Goetheanum 1924-25, GA 260a, Lettre aux membres du 13 avril 1924, EAR.
98 Rudolf Steiner : Considérations ésotériques sur le Karma, GA 237, conférence du 8 août 1924, EAR. [97]

Le Moi dans sa réalité sociale et karmique

Aujourd'hui, dans les sciences sociales, on investigue en quelque sorte le mystère du Moi. Nous vivons à l'époque de l'âme de conscience. Cela entraîne tout naturellement le développement d'instincts antisociaux. Ces instincts doivent être compensés par le renforcement de l'intérêt pour l'autre et la mise en place de structures sociales adéquates. Dans une conférence de 1918, Rudolf Steiner propose 99 deux exercices à cette fin :

1)      Poser de temps en temps un regard rétrospectif sur sa propre vie et se demander ce qui s'est joué entre soi-même et les autres en essayant de se regarder dans le miroir tendu par l'effet de l'action des autres sur soi. Ceci permet de faire revivre les autres en soi de façon imaginative.

2)      Tendre vers d'avantage d'objectivité envers soi-même, tâcher de se voir soi-même comme un autre. Ceci permet de se dégager du passé et accéder à une imagination de soi-même.

Ces deux exercices qui aident à développer la connaissance imaginative nous préparent à percevoir notre Moi dans sa réalité karmique et sociale.

Enfin il est important de se rappeler que nous ne vivons pas seulement à l'époque de l'âme de conscience, mais aussi à l'époque de Michaël (commencée en 1879, elle dure 350 ans). C'est l'ère de la liberté à l'époque de l'âme de conscience. Le contexte social et les relations humaines sont le champ d'action privilégié de la volonté libre. En référence à la Philosophie de la Liberté de Rudolf Steiner, on peut dire que par l'amour pour l'action, on peut transformer les choses. Cette volonté libre fonde la suite de l'évolution de l'humanité. C'est là le coeurde la question sociale et le pivot du travail de la Section.

99 Rudolf Steiner : Les Exigences sociales fondamentales de notre temps, GA 186, conférence du 12 décembre 1918, Dervy 1997.[98]

Historique de la Section

Rudolf Steiner avait l'intention de fonder cette section lors du Congrès de de 1923: Il avait voulu la confier à Guenther Wachsmuth, or celui-ci avait déjà accepté de prendre en charge la Section des Sciences et ne pouvait envisager d'y ajouter la responsabilité d'une autre section. C'est seulement en 1961 que le Comité au Goetheanum pria Kurt Franz David de prendre en charge cette section. De 1965 à 1970 elle fut dirigée par Herbert Witzenmann. Quand Manfred Schmidt Brabant fut appelé au Comité directeur en 1979, il prit en même temps la tête de la Section de Science sociale qu'il dirigea avec dynamisme jusqu'en Novembre 2000. Paul Mackay lui succéda à la tête la Section devenue à son initiative « des Sciences sociales » au pluriel.

La Section dans son rapport aux réalisations anthroposophique et à l'actualité

Rudolf Steiner a développé ses idées sociales tout au long de sa vie. Dans « le principe sociologique de base » 100, il développe l'idée que tout phénomène social doit être considéré du point de vue de l'individualisation croissante de l'homme. Dans la « Loi sociale fondamentale » 101 , il amène l'idée complémentaire que dans une société moderne, l'individu peut plus travailler pour lui-même, mais que, dans une économie de division du travail et d'interdépendance, chacun travail pour la société, c'est-à-dire pour d'autres.

Après la première guerre mondiale, Rudolf Steiner exprime ces lois à travers la tri-articulation de l'organisme social. En considérant la société comme un organisme différencié, on peut s'approcher des trois idéaux de la Révolution française : liberté dans le domaine de la vie de l'esprit, égalité dans celui de la vie juridique et fraternité dans la vie économique. Grâce à [99] l'engagement vigoureux de Rudolf Steiner, un mouvement d'éducation populaire se développa rapidement dans le sud de l'Allemagne. Empêché de poursuivre par manque de soutien et par une adversité croissante, Rudolf Steiner saisit l'opportunité d'appliquer ses idées à des réalisations concrètes à savoir l'école Waldorf, modèle d'établissement autogéré et « der kommende Tag », exemple d'un groupement économique à gestion associative. Dans un cours sur l'économie mondiale, il jeta les bases d'une nouvelle conception des sciences économiques.

Au cours des décennies suivantes cette impulsion s'est largement développée. On la voit à l'œuvre dans différents domaines d'activité inspirés de l'anthroposophie, comme l'agriculture, les établissements de soin, les écoles Steiner-Waldorf, les organismes bancaires, les cabinets d'avocats, de conseil, etc. Dans la mesure où elles affirment un lien à l'anthroposophie, ces initiatives se rattachent à la Section des Sciences sociales. D'autres impulsions liées au contexte social actuel, comme les initiatives pour la démocratie directe ou le revenu minimum de base, peuvent également être considérées dans cette perspective.

100 Rudolf Steiner : Liberté et société, article du 23.7.1898, in GA 31.
101 Rudolf Steiner : La question sociale, essai octobre 1905, 1906, GA 34.

Ouvrages de base

Rudolf Steiner : Éléments fondamentaux pour la solution du problème social, GA 23, EAR 1991.
Rudolf Steiner : Les symptômes dans l'histoire, GA 185, Triades, 1981. Rudolf Steiner : Vie sociale et Tripartition de l'organisme social, GA 328-341.

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